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Classiques Garnier

Résumés

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : La Douceur dans la pensée moderne. Esthétique et philosophie d’une notion
  • Pages : 399 à 404
  • Collection : Rencontres, n° 280
  • Série : Lectures de la Renaissance latine, n° 9
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406065548
  • ISBN : 978-2-406-06554-8
  • ISSN : 2261-1851
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06554-8.p.0399
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 17/03/2017
  • Langue : Français
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Résumés

Pierre Laurens, « La violence de la douceur chez Pétrarque »

Envoûté par la uerborum quædam dulcedo et la sonoritas, Pétrarque joue avec force de la fonction intensément apaisante de la musique et du chant et de son efficacité éthique. Quelle exprime la violence du désespoir ou montre les visions enchanteresses, cest par loreille que la poésie de Pétrarque veut accéder à lâme, comme le fait entendre le parcours musical orchestré par lauteur de larticle, du Canzoniere à lAfrica, guidé par les impressions de lecteur quexprime le poète dans ses Lettres.

Virginie Leroux, « Fortune dun précepte horatien dans les poétiques néo-latines. Non satis est pulchra esse poemata ; dulcia sunto (Art poétique, 99). »

Conjuguée à lutile dans les vers 343-344 de lÉpître aux Pisons, la douceur est dissociée de la beauté au vers 99. Cette distinction féconde suscite dans les commentaires humanistes une réflexion sur la nature de la séduction esthétique, sur les qualités du style et sur la place de lornementation dans le discours pathétique. Identifiée au plaisir procuré par la pitié, la douceur acquiert, par ailleurs, une valeur morale et équivaut à la joie de se conformer à la nature et à la volonté divine.

Jean-Frédéric Chevalier, « Douceur et ironie tragique dans les tragédies latines de lhumanisme »

Dans le contexte des tragédies de Sénèque, la douceur ne peut être que paradoxale. Par effet dironie tragique, la douceur exacerbe la violence. Les premiers poètes tragiques des Trecento et Quattrocento empruntent à Sénèque une certaine représentation de la douceur : on joue la douceur pour tromper sa victime et mieux assouvir sa soif de vengeance. Lillusion de la douceur est ainsi constitutive de lunivers de la tragédie. La douceur nest quun masque que la tragédie dévoile.

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Hélène Casanova-Robin, « Dulcidia et leuamen : le prisme de la douceur dans lœuvre poétique de G. Pontano. Entre idéal poétique et visée éthique »

La prééminence de la douceur dans lœuvre poétique de Pontano révèle, outre lélaboration dune esthétique originale qui sexprime dans linuentio et dans lelocutio, lillustration dune réflexion éthique que lhumaniste théorise ailleurs, dans ses traités concernant lart de vivre. La Campanie bénéficie ainsi dune représentation idéale, orientée par une démarche étiologique qui ancre le territoire dans un substrat originel prédisposant à lépanouissement de lhumanitas sous toutes ses formes.

Michael Edwards, « Shakespeare et la douceur »

Dans Shakespeare, le mot sweetness (qui signifie plus que douceur) participe à la création de toute une vision du monde. Signe dune première saisie du réel dans le bonheur de vivre, il se trouve ensuite inextricablement mêlé à lamer dans le malheur de vivre, avant de nommer ce qui transforme le malheur : la douceur du ciel, et la douceur de lart, où même la sweet violence de la tragédie est située dans une dynamique et une forme qui dépassent la violence.

Daniel Dauvois, « Le conflit des douceurs au Traité de la comédie de Pierre Nicole »

Dans sa réflexion condamnant le théâtre, Nicole met en évidence le rapport de la douceur avec le plaisir, et lambivalence de cette conjonction. Ainsi les faux plaisirs du mondain naissant de lexacerbation des passions et des vices sopposent-ils aux plaisirs substantiels du chrétien se nourrissant de la parole de Dieu, la fausse douceur du spectacle théâtral et de son art de lextériorité à la vraie douceur tout intérieure des vertus chrétiennes, patience recueillie, silence et humilité.

Laurence Boulègue, « Douceur, otium et vie contemplative dans le premier livre des Disputationes camaldulenses de Cristoforo Landino »

Landino, dans les Disputationes camaldulenses, ouvre une nouvelle page du débat sur les genres de vie en revenant sur la définition de la vie contemplative et en réfutant laccusation dindifférence dont le sapiens otiosus était lobjet. Il élabore alors une nouvelle figure du sage, dont la douceur, centrale dans 401la conception de son ascèse, ne saurait rompre le lien dhumanitas avec les autres hommes et permet larticulation de la suave apathéia lucrétienne et de lutilitas cicéronienne.

Alicia Oïffer-Bomsel, « “Revêtir lhumanité, dépouiller la sauvagerie…” : vers lidéal dhumanitas. La sage alliance entre la parole et la vie dans lœuvre de Juan Luis Vives »

Dans certaines œuvres de Jean-Louis Vivès, la douceur est au cœur de lhumanitas, un concept qui implique, selon lauteur, le développement des qualités éthiques dont la tempérance. En même temps, dans la réflexion philosophique vivésienne, structurée en fonction de la recherche dune finalité (telos), à savoir le Souverain Bien, lhumanitas est indissociable de la triade « amour de soi, humilité et connaissance de soi », que Spinoza reprendra à son tour, dans sa théorie des passions.

Édith Karagiannis-Mazeaud, « La douceur dans lœuvre de Jacques Peletier du Mans »

Peletier place la douceur au cœur de sa conception du monde, de ses théories et pratiques décriture. Il y voit un idéal de comportement associé à la clarté, au contrôle de soi, et le plus puissant moyen daction civil, politique et poétique. Elle permet délever son sujet vers la connaissance et lharmonie. Cest une qualité essentielle de la langue française, mais attention aux excès : la douceur exige de la vigueur, indique un état décadent et montre les paradoxes auxquels le réel confronte lidéal.

Éric Méchoulan, « “Garroter doucement”. Droit contre sociabilité chez Montaigne et Saint-Évremond »

En analysant les cas de Montaigne et de Saint-Évremond, on voit comment, de part et dautre, cest sous le sceau de la douceur que la vie – tantôt sécurisée mais contrainte dans des rapports de droit, tantôt sociable mais intéressée dans des rapports de soin – est placée. Cest avouer la dimension éminemment politique de la douceur dans son lien avec laffect damitié.

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Pierre Magnard, « Le sens de la terre »

Cet article réfléchit au sens de la terre que la modernité a perdu, en substituant à lalliance avec la terre mère de tous les vivants un contrat dordre marchand, au respect réciproque, à la création artistique du paysage, à la tendresse à légard des arbres et des bêtes le prométhéisme agressif de la surexploitation du sol et du sous-sol. À cette violence faite à la terre soppose la sagesse de Montaigne, figure idéale du « ménager » usant de douceur et de délicatesse dans le contact des êtres et des choses.

Hélène Michon, « La suavité salésienne »

La théologie mystique mise en place par François de Sales déplace laccent de la fracture entre lhomme et Dieu vers linclination de lhomme vers Dieu. Elle développe en outre une conception de la vie spirituelle qui prend le plaisir comme source et point daboutissement. Enfin, elle évite tout conflit entre les facultés pour préserver lunité intérieure. Sans doute est-ce dans ce continuum instauré entre la mystique et la vie dévote, que se trouve la véritable cause de la célèbre suavité salésienne.

Jérôme Lagouanère, « Terrorem potius quam religionem. Douceur, grâce et conversion : sur une citation augustinienne chez Pascal »

La référence à la Lettre 93 dAugustin dans le Fragment 161 des Pensées de Pascal ne doit pas oblitérer linfluence augustinienne sur léthique de la douceur constitutive de lapologétique pascalienne. Après avoir situé lun et lautre texte dans leur contexte historique, il sagira donc ici dévaluer linfluence de la pensée et de la théologie augustiniennes dans la genèse de la notion pascalienne de douceur, comprise dans sa double dimension de relation à autrui et de relation à Dieu.

Maurizio Malaguti, « Victrix mitissima veritas. Daprès une suggestion de J. R. R. Tolkien »

LEsse ipsum est en soi la pure transparence : Il est la « Parole », il est le « Nom propre » de son éternelle actualité. Moïse a entendu la Parole : « Je suis », mais voilé par lange resplendissant. Cest le voile seulement qui nous permettrait de venir devant Dieu parce que notre faible existence ne pourrait 403pas résister à la lumière infiniment intense de lÊtre-Bien. La vérité se révèle à nous en tant quaurore : cest la miséricorde qui nous conduit doucement à la splendeur du midi.

Florence Malhomme, « Léloquence du centaure. Douceur et musique dans lart équestre à lâge humaniste et classique »

À la force sauvage du cheval, la théorie équestre répond par la douceur : celle de la persuasion rhétorique opérée par le langage du corps ; celle de lart qui soumet la violence guerrière à la grâce du geste et adopte les concepts musicaux dharmonie et de justesse ; celle de la rationalité qui fait entendre la cause du geste équestre plutôt que den manifester la puissance ; enfin celle de la sagesse qui à apprend lhomme, plus encore quà dresser lanimal, à se gouverner soi-même.

Émilie Séris, « Douceur et utilité du nu à la Renaissance »

Dans les traités dart de la Renaissance, dAlberti à Paolo Lomazzo, la théorie du nu est le lieu privilégié de lapprofondissement de la notion de douceur. Définie tantôt comme une harmonie des proportions ou des couleurs, tantôt comme une convenance du mouvement ou de lexpression, la douceur est un aménagement de la beauté en vue de lutilité. Catégorie rhétorique adaptée aux arts plastiques, la douceur est aussi, à la Renaissance, une légitimation morale du nu dans lart, voire son alibi.

Lauro Magnani, « Montrer la douceur. Formes et gestes dun sentiment dans la peinture religieuse entre xvie et xviie siècle »

Les caractères de la manière moderne de peindre sexpriment par des adjectifs proches du terme de douceur. À partir de Léonard de Vinci, les tendances au naturel sexpriment par des sensualités douces, puis le terme de douceur sapplique à lexpression des affects comme chez Le Baroche. La recherche de lempathie entre lobservateur et la scène représentée sincarne dans la tentative dexprimer par les caractères de la douceur la vision imaginaire des mystiques et leur évanouissement dans lextase.

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Catherine Fricheau, « Ut pictura poesis ? La notion de douceur dans la critique dart au xviie siècle. Les exemples de Perrault, Rapin et Félibien »

Quil y ait plus de douceur dans les conduites humaines est un progrès, emblématique, selon Charles Perrault, de la modernité. À travers la notion de goût, le Parallèle des Anciens et des Modernes tente den faire une valeur esthétique, repérable dans lélaboration de formes tempérées. Mais qui dit douceur dit aussi édulcoration et la promotion de la catégorie antagoniste du sublime par Rapin et Boileau critique la voie étroite, sevrée démotion, où lart français sest engagé au tournant du xviie siècle.