Note d’édition
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : La Circé
- Pages : 55 à 59
- Collection : Textes de la Renaissance, n° 198
- Série : Perspectives européennes, n° 1
- Thème CLIL : 3439 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moderne (<1799)
- EAN : 9782812438714
- ISBN : 978-2-8124-3871-4
- ISSN : 2105-2360
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3871-4.p.0055
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 18/09/2015
- Langue : Français
Note d’édition
Texte italien
Du vivant de son auteur, La Circé a connu à Florence trois éditions, en 1549, 1550 et 1562, toutes trois chez l’imprimeur Lorenzo Torrentino1. Le texte italien que nous reproduisons suit la leçon de la deuxième. Nous l’avons choisie comme temporellement plus proche du texte d’origine, et parce qu’une première impression a longtemps fait office d’épreuves, l’auteur, généralement, la rectifiant en vue de l’édition suivante. Elle est présentée comme « nouvellement augmentée et corrigée » : en réalité les ajouts par rapport à 1549 sont assez minces et les corrections minimes. Quant à celle de 1562, à part quelques variantes purement orthographiques, elle ne présente que deux menus ajouts qui n’ont aucune incidence sur la portée du texte. Ces légères différences seront signalées en note.
Les différentes éditions publiées au cours du xxe siècle nous ont apporté une aide précieuse, ne serait-ce que pour le déchiffrage du texte, les originaux présentant, comme la plupart des textes de cette époque, une ponctuation à la fois lacunaire et exubérante qui, comme le signale humoristiquement Ireneo Sanesi dans l’introduction à son propre travail2, est « incorrecte et absurde », et « sert davantage à obscurcir et à embrouiller le sens qu’à l’éclairer ». De même la présence ou l’absence d’accents sur nombre de voyelles finales ou isolées, les apocopes et élisions (marquées ou non par une apostrophe), ou encore les espaces présentes ou absentes entre les mots ou à l’intérieur des mots étaient autant d’écueils à l’immédiate intelligibilité des discours.
L’interprétation que nous proposons suit donc celle des chercheurs italiens des précédentes décennies, lesquels, sans pour autant toujours
le déclarer explicitement, ont plutôt reproduit le texte de 1562. Nous les suivons pleinement pour l’intelligence de la structure des phrases – et donc pour le sens des idées exprimées – et pour l’introduction systématique d’alinéas, mais nous avons souvent moins modernisé le texte, afin de respecter au mieux l’authenticité du discours (sans pour autant que la lecture d’un non spécialiste en soit entravée).
Afin d’être utile au plus grand nombre de lecteurs, nous avons introduit les modifications orthographiques d’usage telles que la distinction entre le « u » et le « v », le « i » et le « j », la suppression des « h » résiduels du latin (huomo, habbiamo, anchora…), le passage de la conjonction de coordination « et » ou « & » à « e », la transformation du suffixe « tione » ou « ttione » en « zione » (perfettione) et, plus généralement, du groupe « tie/tia » en « zie/zia » (spetie, stoltitia). Nous avons rationalisé l’usage des accents et des apostrophes, sans jamais néanmoins rétablir les syllabes tronquées. Nous avons parfois introduit des espaces (laquale, conciosia che), nous en avons parfois supprimé quand la graphie oscillait de manière aléatoire (la onde, al manco). Nous n’avons jamais éliminé une élision au profit de la forme complète des vocables, même lorsque ces élisions ne sont plus d’usage aujourd’hui (gl’altri, gl’uomini, e’, ch’e’), car leur nombre important dans le texte reproduit efficacement l’oralité des dialogues.
En ce qui concerne l’usage des majuscules, nous nous sommes efforcée de conserver la patine de l’époque, non pas en suivant à la lettre la graphie de l’édition choisie (toutes les trois présentent des variantes non dictées par la logique), mais en tentant de rendre au mieux la mise en relief des termes où la majuscule s’avère pertinente : les noms d’animaux (il Lupo, la Mosca), de plantes (l’Ulivo, l’Alsina), quelques termes géographiques (il Sole, il Mare, l’Isola), les vocables que l’usage ou le contexte entendent magnifier (il Cielo, il Principe, la Filosofia, l’Intelletto), l’adjectif Greco, les noms des vertus, et bien entendu les termes évoquant Dieu (il primo Motore, la prima Cagione, mais aussi – parfois – la Natura), les deux seules occurrences où le nom de Dieu apparaisse (de manière anachronique) étant imprimés dans le texte d’origine en petites majuscules.
Le respect d’une époque où les règles de la langue ne sont pas encore fixées a pour résultat que le lecteur français ne devra pas s’étonner de trouver le même terme sous des orthographes différentes (femmina/femina, opinione/openione/oppenione, già mai/giamai, di poi/dipoi/dippoi…) et des morphologies variables (trovavano/trovavono, vadino, voi fussi, etc.).
Nous ne nous sommes permis d’intervenir que les très rares fois où la présence d’une coquille était évidente, et après comparaison avec les éditions antérieure et postérieure du texte.
Traduction
Rendre à la fois accessible et agréable à lire aujourd’hui, au xxie siècle, un texte philosophique du xvie siècle italien sans pour autant trop s’en éloigner et le trahir n’est pas une entreprise aisée. C’est pourquoi, refusant à la fois d’être « sourciste » (faire une traduction de type universitaire qui respecte au maximum le texte d’origine) ou « cibliste » (réécrire le texte selon le langage et le style des lecteurs à qui elle est destinée), nous nous sommes efforcée de choisir une solution médiane, afin que lire La Circé de Gelli ne soit pas un pensum, mais que ne soient pas effacées non plus les traces de son époque, de son contenu et de son auteur.
La structure des phrases d’abord. On comprend que la noblesse du sujet – philosophique – imposait une syntaxe également noble. Ainsi Gelli cherche-t-il à s’exprimer en périodes dérivées des classiques latins, parfois très longues – surchargées de gérondifs à valeur circonstancielle, garnies d’une ponctuation anarchique – qui enserrent des idées dont l’expression aujourd’hui impose une articulation en plusieurs phrases, sous peine d’être difficilement lisibles. D’autre part, l’auteur a choisi la forme dialogique et a cherché à transmettre autant que possible à ses lecteurs une impression d’oralité : d’où de fréquentes anacoluthes, mais surtout un ton sympathique et souvent humoristique qu’il était important de reproduire. Il est évident que Gelli a cherché à rendre aussi agréable que possible sa grande « leçon de philosophie », et que si les lecteurs contemporains ont aussitôt aimé ce texte – comme le prouvent ses rééditions et ses rapides traductions en français, espagnol, anglais, allemand – il était important que les lecteurs du xxie siècle puissent eux aussi en goûter la saveur. D’où, souvent, la nécessité de couper les phrases, de transformer des gérondifs en propositions subordonnées, d’éliminer des conjonctions de coordination.
Le lexique ensuite. Le souci, très didactique, de faire passer le message a eu pour effet nombre de redondances : tendance à répéter les mêmes
termes ou les mêmes verbes dans une phrase ou d’une phrase à l’autre, quantité impressionnante de superlatifs, fréquente juxtaposition ou coordination de deux substantifs, de deux adjectifs ou de deux verbes de signification identique. Ajoutons à cela l’usage, à côté de termes empruntés au langage philosophique d’Aristote, d’un vocabulaire très élémentaire comme le démontre, dans le texte italien, la fréquence des verbes « donner » et « faire », et surtout celle du substantif « chose ». Précisons toutefois que ce type de vocabulaire et son emploi « passent » très bien dans le texte source. Mais leur conservation en français rendait le texte d’arrivée maladroit et indigeste. D’où l’élimination des redondances les moins nécessaires et quelques variations lexicales quand les répétitions devenaient trop gênantes.
Rendre le texte agréable à lire sans pour autant le trahir a imposé de modifier assez souvent les temps des verbes – transformation du passé simple (peu propre à l’oralité du discours) en passé composé, de la plupart des subjonctifs imparfaits en subjonctifs présents – et de préférer la voie active (plus adaptée au français oral d’aujourd’hui) à la voie passive, très en usage dans l’italien d’autrefois. Mais nous ne l’avons pas fait de manière systématique, afin de ne pas dénaturer complètement le texte.
Nous avons voulu conserver une patine d’époque tant au niveau de la langue courante, parfois un peu précieuse, que des termes scientifiques employés, sans pour autant singer le parler du xvie siècle. C’est pourquoi nous avons repris des expressions ou des termes fréquents tels que « assurément », « de grâce », « complexion », « incommodités », « état ». Et comme Gelli puise sa science chez les philosophes – essentiellement Aristote – nous avons souvent conservé les termes employés par le maître grec et ses disciples, tels que « opérations », « opérer », « raisonnable », « entendement », « intellect », « droite raison », « conservation », « sensible propre » et « sensible commun »… et bien sûr le mot « chose », si présent chez le philosophe, même si nous en avons diminué la fréquence. Certains termes ont posé de réels problèmes, car il n’était pas pensable de conserver la même traduction pour chacune des occurrences : c’est le cas par exemple de « animo » qui jusqu’au Dialogue 5 inclus a été traduit par « esprit », alors qu’à partir du sixième dialogue, c’est souvent le terme « âme » qui convient le mieux ; ou encore le « discorso della ragione », voire tout simplement le « discorso », qui ne désigne pas seulement le fait de parler mais surtout la capacité de raisonner et de comprendre. Quant
aux majuscules, toujours pour des raisons de patine, nous avons repris celles du texte italien, avec pour seule exception que nous avons rétabli la minuscule aux adjectifs quand ils comportaient une majuscule dans l’original.
Mais le texte italien fait toujours face à sa traduction et permet aux lecteurs familiers ou non de cette langue d’apprécier le style de Gelli. Ensuite quelques extraits de la première traduction française qui en fut élaborée, celle de Denis Sauvage, publiée dès 1550, leur permettront de s’identifier un moment à des lecteurs français tels que Montaigne ou Du Bellay.
Notes de références
Il n’était pas possible de mentionner en note de bas de page toutes les sources dont le texte est dérivé. On se rapportera pour cela à l’introduction, et plus particulièrement aux pages 19-22 et 30-39.