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Classiques Garnier

[Introduction à la deuxième partie]

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La perméabilité des époques, propre à une temporalité de la trace, va de pair avec une mise en question de la notion même de présence. Le temps présent, sans cesse contaminé de survivances et de résurgences du passé, est un temps brisé : il peut être figuré par lécart, même infime. Linterstice est la condition même de toute dialectique : la tension entre deux pôles suppose lintervalle qui les sépare. Dans le cadre dune phénoménologie inspirée par le paradigme de la trace, cet intervalle est à la fois lieu dun vide et lieu de rencontre des temps. Le présent se loge dans cette béance qui est condition même dun être de la présence-absence, dans lalternance entre apparition et disparition.

Les récits de Tabucchi, Handke et Péju proposent des figurations spatiales dun présent intervallaire : ces lieux du vide permettent dobserver lavènement, son apparition dialectique qui peut se confondre avec une forme dépiphanie sans cesse recommencée. Or la révélation dune phénoménologie spectrale – lapparaissant est toujours fantomatique – ne peut se dissocier dun retour de spectres à visage humain. La perception du monde va de pair, pour lobservateur, avec la conscience de sa propre humanité : toute apparition se double donc dun regard spectral qui dicte une éthique, celle dun présent habité par la fidélité au passé.