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Classiques Garnier

Avertissement

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AVERTISSEMENT

Ce livre sur lœuvre poétique de Dominique Fourcade rassemble des études écrites sur près de vingt ans. On espère que la somme qui en résulte nen paraîtra pas trop disparate. Une même problématique en tout cas a guidé notre lecture des textes de ce poète majeur : cest dans le réel de son écriture quil aura obstinément tenté dapprocher quelque chose du réel du monde, et de soi. En tout état de cause, le bénéfice de la lenteur avec laquelle ce travail a été conduit est quil a pu embrasser, au bout du compte, la presque totalité de son objet, la plupart des livres de lauteur ayant donné lieu à un chapitre. On peut même mentionner ici le tout dernier livre de lécrivain, deuil, élégie écrite après la mort accidentelle, le 2 janvier 2018, de son ami et éditeur Paul Otchakovsky-Laurens1. Seules les plaquettes (éditées, pour la plupart dentre elles, par Michel Chandeigne) qui nont pas été incorporées ensuite à un livre – comme lont été, par exemple, Après tant de mois en isse (1993) dans IL (1994) ou Tout arrive (2000) dans Est-ce que jpeux placer un mot ? (2001), nauront pas été prises en compte, ou seulement de façon très marginale. Le texte de MW, largement consacré à des photos de Mathilde Monnier dansant nue, est commenté dans le chapitre « Dominique Fourcade et la danse ». Du triptyque de 2005, éponges modèle 2003, en laisse et sans lasso et sans flash, le troisième volet ne fait pas lobjet dun chapitre particulier : cest quil est fréquemment envisagé dans celui consacré au premier.

Notre essai ne concerne que la poésie de Dominique Fourcade. Ce dernier a été, notamment pendant la longue interruption de son écriture poétique, entre Nous du service des cygnes (1970) et Le Ciel pas dangle (1983), et est resté jusquà aujourdhui, un éminent spécialiste 12de lart moderne et contemporain et singulièrement un expert reconnu de lœuvre dHenri Matisse. On trouvera, dans la Chronologie, une liste tout à fait significative à cet égard des expositions de peinture et de sculpture auxquelles il a collaboré depuis 1966. Il ne fait aucun doute que ce pan essentiel de son travail fera tôt ou tard lobjet de publications densemble et de recherches spécifiques. Une thèse a déjà été soutenue, en 2013, « Les Écrits sur lart de Dominique Fourcade : la naissance dune poétique », dont les références figurent dans la Bibliographie.

La Chronologie quon trouvera à la fin de cet ouvrage sen tient à trois sortes de données, quelle entrelace : la publication des principaux livres de lauteur ; les entretiens quil a accordés au fil des ans ; les expositions, donc, quil a réalisées ou auxquelles il a collaboré. Dominique Fourcade est resté extrêmement discret sur sa vie privée. Conformément à son vœu, cette Chronologie nen fait aucunement état.

Enfin, quon ne sétonne pas de voir cités à plusieurs reprises des livres de Jean Giono à propos de ceux de Dominique Fourcade. Ce rapprochement nengage que nous. Lauteur du Chant du monde et de Un roi sans divertissement est certainement très étranger à celui de Rose-déclic, et sil faut mentionner un romancier moderne qui lui soit proche – très proche, en vérité –, cest évidemment le nom de Proust qui vient demblée, et pas du tout celui de Giono. Il y a pourtant plus dun point commun entre ces deux très grandes œuvres. Quoi quil en soit, si nous avons cru pouvoir éclairer tel ou tel aspect de la poésie fourcadienne en nous référant à des textes de Jean Giono, cest que nous avons lu et travaillé passionnément lœuvre de ce dernier. Et quelle manifeste, elle déjà, ce désir irréductible et angoissé du réel que nous avons retrouvé, mutatis mutandis, dans celle de Dominique Fourcade, en même temps que leffort désespéré pour en recréer un équivalent dans lécriture.

1 Dominique Fourcade, deuil, Paris, P.O.L, 2018, 61 p. On pourra lire létude que nous avons consacrée à ce livre dans les actes, à paraître, du colloque international « Dominique Fourcade, Lyriques déclics », qui sest tenu les 31 mai et 1er juin 2018 à Paris, dans la Maison de la Recherche de Sorbonne université. Cette étude sintitule « Poésie du réel : deuil, écrire la mort ».