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Classiques Garnier

Principes d'édition

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : L’Œuvre de Balzac en préfaces des romans de jeunesse au théâtre
  • Pages : 9 à 17
  • Collection : Études romantiques et dix-neuviémistes, n° 47
  • Série : Balzac, n° 2
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782812431364
  • ISBN : 978-2-8124-3136-4
  • ISSN : 2258-4943
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3136-4.p.0009
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 23/10/2014
  • Langue : Français
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PRINCIPES DÉDITION

Pour former le texte que nous proposons à lattention dun public lettré, savant, ou simplement curieux de lœuvre de Balzac, nous avons réuni sans y rien ajouter les préfaces des volumes des éditions Rencontre (Œuvres complètes de Balzac), mettant en lumière, de ce fait-même, la continuité de la composition élaborée par le tout jeune chercheur quétait alors Roland Chollet.

Notre intervention a été volontairement des plus limitées. Une seule ingérence majeure : situer en début douvrage les textes concernant les œuvres du jeune Balzac. Nous donnons donc à lire un ensemble dont la première partie est relative aux romans de jeunesse (reprenant les préfaces des tomes XXIX à XXXVII), la deuxième aux ouvrages constituant La Comédie humaine (tomes I à XXIV). Les troisième et quatrième parties sont consacrées aux Contes drolatiques (tomes XXV-XXVI) et au Théâtre (tomes XXVI-XXVIII) de Balzac qui sont traités séparément1.

La question de lannotation était délicate. Fallait-il conserver les références (nécessairement toutes antérieures à 1970) ou en proposer une adaptation modernisée ? Après beaucoup dhésitations, nous avons décidé de conserver les notes telles quelles se présentaient dans lédition des Œuvres complètes de Balzac du club Rencontre. Nous avons craint de les rendre illisibles en les remaniant. Il nous a semblé, de surcroît, que la puissance dactualisation du texte de Roland Chollet était mise en valeur par cette cohabitation avec des références parfois vieillies.

On se contentera donc dindiquer ici même les éditions de référence ayant actuellement cours et auquel notre lecteur peut se reporter :

pour La Comédie humaine, édition dirigée par Pierre-Georges Castex, Gallimard, collection « Bibliothèque de la Pléiade », 12 volumes, 1976-1981.

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pour les romans de jeunesse : Premiers romans. Édition établie par André Lorant, Robert Laffont, collection « Bouquins », 2 volumes, 1999 (LHéritière de Birague, Jean Louis, Clotilde de Lusignan, Le Centenaire pour le tome I, La Dernière Fée, Le Vicaire des Ardennes, Annette et le Criminel, Wann-Chlore pour le tome II).

pour les œuvres diverses et les Contes drolatiques : Œuvres diverses, sous la direction de Pierre-Georges Castex, Gallimard, collection « Bibliothèque de la Pléiade », 2 volumes parus, 1990 et 1996. Préparé par Roland Chollet, René Guise et Nicole Mozet, le tome I contient Les Cent Contes drolatiques et les Premiers essais. 1818-1823. Préparé par Roland Chollet, Christiane et René Guise, le tome II contient les Œuvres diverses (1824-1834). [Un tome III contenant les Œuvres diverses (1836-1848) est à paraître].

pour le théâtre de Balzac : Théâtre, dans Œuvres complètes illustrées, édition établie et annotée par René Guise, Les Bibliophiles de lOriginale, 1969, tomes XXI, XXII et XXIII ; Essais dramatiques dans Œuvres diverses, tome I, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », édition – déjà citée au paragraphe précédent – publiée sous la direction de Pierre-Georges Castex avec la collaboration de Roland Chollet, René Guise et Nicole Mozet, 1990.

En ce qui concerne la correspondance, nous avons remplacé les références – antérieures à 1836 – à la Correspondance de Balzac (textes réunis, classés et annotés par Roger Pierrot, Garnier, 5 volumes, 1960-1969) par des renvois à lédition de la correspondance de Balzac parue chez Gallimard, dans la collection « Bibliothèque de la Pléiade », 2 volumes parus : tome I (1809-1835) 2006 ; tome II (1836-1841) 2011, et due aux soins de Roger Pierrot et Hervé Yon. Nous indiquons les renvois à cette nouvelle édition entre crochets.

En ce qui concerne les lettres que Balzac adresse à Ève Hanska, les références – qui se limitaient, la plupart du temps, à lindication de la date – sont nécessairement demeurées les mêmes. La mention « Mme Hanska » a, cependant, remplacé celle d« Étrangère ».

Lorsque Roland Chollet, dans une « Préface » du club Rencontre, fait allusion à une autre « Préface » de cette même édition, nous avons modifié lindication de « Préface » en lui substituant un renvoi au « texte » ou aux « lignes » destinées à tel ou tel ouvrage au sein de cette édition.

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première partie

AVANT LA COMÉDIE HUMAINE

Les romans de jeunesse

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Balzac ni Paris ne se sont faits en un jour. Lactivité souterraine qui prélude aux Chouans, premier chef-dœuvre avoué et signé, intrigue depuis longtemps les chercheurs, et son intérêt navait pas échappé, dès le siècle passé, au vicomte de Lovenjoul, qui fut le prophète des études balzaciennes, avant den être le patron. En 1924, L.-J. Arrigon consacrait tout un livre aux Débuts littéraires dHonoré de Balzac. Ces quelques jalons posés le long de dix années obscures, Albert Prioult reprenait lexploration de la même période, mais dun point de vue moins strictement biographique2. Peut-être na-t-on pas rendu assez justice à ce critique courageux, qui saventura à ses risques et périls dans le marécage de linédit de jeunesse, de lanonyme, du pseudonyme, de la littérature à tant la ligne, domaine interdit, dont on savisa bientôt quil recelait maint secret de La Comédie humaine. Dans Balzac romancier, qui constitue encore le pivot de toute enquête sur la création balzacienne, Maurice Bardèche sut mettre en lumière les étapes de lapprentissage du romancier, restituant leur signification, partant leur dignité, à des productions exécutées en quelques mots par Sainte-Beuve dans un article célèbre.

Grâce à la publication de la Correspondance et des Années balzaciennes, aux mises au point de plus en plus exactes de Guyon, Tolley, Barbéris et de quelques autres, lénigme des débuts balzaciens séclaire peu à peu. Preuve en soit le brillant essai de synthèse de Pierre Barbéris3, auquel nous sommes largement redevables. Balzac avant Balzac, certes… Mais il faut entendre désormais quil ny eut jamais quun seul Balzac, dont il sagit de retrouver lunité, la continuité et la permanence.

Autant dire que le premier Balzac, du moins le Balzac imprimé, imprimé de son vivant, ne peut plus être le privilège des spécialistes. Il est donc naturel douvrir cette chasse longtemps gardée à nos lecteurs. Une question se pose demblée, celle des limites de lœuvre de jeunesse. Sans revenir sur lhistorique dun débat provisoirement clos par Barbéris, rappelons quon est convenu dattribuer huit romans à Balzac,

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lequel nen revendiqua jamais dautres. Les deux premiers, LHéritière de Birague et Jean Louis, parus en 1822 et signés Viellerglé et Lord Rhoone, sont, mais dans une faible mesure, le fruit dune collaboration avec Lepoitevin Saint-Alme. Honoré de Balzac, alias Horace de Saint-Aubin, écrivit seul les six autres : Clotilde de Lusignan, Le Vicaire des Ardennes, Le Centenaire, La Dernière Fée, Annette et le Criminel et Wann-Chlore. Que Saint-Aubin ait trempé dans dautres entreprises de « littérature marchande », cela ne fait aucun doute. Le dénouement de LAnonyme ou ni Père ni mère de Viellerglé (1823) est si fort de sa façon, quon est tenté den retrouver une variante dans celui dAdieu. Plusieurs chapitres du Tartare (1822) et de Michel et Christine (1823), de Viellerglé toujours, ont pour épigraphes de mystérieuses citations de… Lord Rhoone ; encore que ces romans ne soient pas dune couleur très balzacienne, il serait téméraire, on le voit, dexclure à priori que Balzac y ait mis la plume. À la suite du Tartare, était imprimé Le Pacte, une nouvelle qui présente pour le moins de surprenantes analogies dinspiration (Maturin) avec Le Centenaire de Saint-Aubin ou même Melmoth réconcilié. En 1824, Le Nègre4 refait surface dans Le Mulâtre dAurore Cloteaux, prête-nom de Lepoitevin. À en croire Lacroix, Balzac aurait rédigé le premier volume du Corrupteur (1827), de linépuisable Saint-Alme. Enfin, dans Une blonde, publiée par Raisson en 1833, de nombreux critiques ont reconnu Balzac et Balzac seul. Quant à sa collaboration à Charles Pointel ou mon Cousin de la main gauche (1821), de Viellerglé encore, les présomptions sont à notre avis plus faibles.

Force nous est donc de renoncer à tant de littérature pseudo ou crypto-balzacienne. De tous ces ouvrages, le plus balzacien est sans conteste Une blonde ; il nous aurait posé un cas de conscience sil nétait demeuré si longtemps entre les mains du douteux Raisson ; un habile faussaire a pu tisser un peu de Balzac sur les canevas de Saint-Aubin, et les affinités de ce roman avec les premières œuvres de la maturité paraissent souvent suspectes. Et puis, Une blonde nest jamais mentionnée dans la Correspondance ; pas trace dune réaction de Balzac lors de la publication ; aucun vestige de manuscrit, mais une protestation indignée de la veuve de lécrivain dans une lettre à Dutacq. Aux huit romans traditionnels, nous avons tenu à ajouter en revanche létude de

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LExcommunié. Si Balzac le fit terminer par Grammont en 1836, des notes manuscrites prouvent quil en avait médité le plan dès 1824, et un témoignage écrit de Grammont confirme quil en avait bel et bien rédigé la première partie.

À ces romans ne se réduit pas toute la production du jeune Balzac. De nombreux inédits ont vu le jour grâce aux recherches érudites ; les plus importants sont antérieurs à la première œuvre imprimée. Dès le collège, à Vendôme, le démon de la littérature aurait tourmenté lauteur de Louis Lambert ; le Traité de la volonté auquel il est fait allusion dans cette œuvre et dans La Peau de chagrin connut peut-être un commencement dexécution. Dès 1818 au moins, le futur écrivain se plongea dans des lectures doù procèdent les Notes philosophiques5, lébauche des grands thèmes de sa pensée. Nous avons raconté la naissance laborieuse de Cromwell6, rue Lesdiguières, en 1819. Mais tandis quHonoré ratait sa tragédie, il découvrait la littérature moderne. Pierre Castex a dégagé dans son analyse de Falthurne7 linfluence déterminante dIvanhoé, traduit en 1820 par Defauconpret. Balzac voulut-il rattraper le temps gâché à la traîne des classiques ? Il appela Byron à la rescousse, et Mme de Staël, et Chateaubriand. Mieux, il mêla des traits de polémique libérale à un scénario bâti comme un sommaire de lArioste…

Pourtant ce monumental échec est riche de promesses. Tout dabord, comme la montré P. Castex, lécrivain sest efforcé de faire entrer son incohérent tableau dans un cadre historique assez strict. Cest, ici encore, la leçon de Walter Scott. Outre cet antidote aux intempérances de limagination, il emprunte à lÉcossais lidée du commentaire humoristique qui lui permettra dengager, de note en digression, une conversation désinvolte avec son lecteur. Car lœuvre est censée être la traduction dun manuscrit italien dû à la plume du grand Savonati ; hélas ! le traducteur nest que M. Matricante, instituteur primaire, et les gloses de ce Scaliger de la Brie révèlent un Balzac conscient de limperfection de son œuvre. Nest-il pas le premier à en sourire ? Cette distance à légard de lui-même, il la prend du même coup à légard de ses maîtres. Dans linnocuité de ce jeu où la vie nest pas intéressée, tout en les imitant,

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il commence à sen libérer en même temps quil perce à jour les secrets de leur technique.

De quand date Falthurne ? La chronologie de ces balbutiements reste assez vague en dépit des constants progrès de la critique. Les deux premiers chapitres au moins pourraient avoir été écrits rue Lesdiguières, vers juillet 1820 ; la suite, que certains jugent dun autre cru, quelques mois plus tard, après le retour de lenfant prodigue à Villeparisis. Dans lintervalle (fin 1820 ?) aurait eu lieu la rencontre avec Lepoitevin de LÉgreville, de qui lauteur de Falthurne aurait appris à trousser à la va-vite et sans vergogne un roman pour cabinets de lecture. Disons quà partir du chapitre iv (le iii nexiste pas) le comique, jusque-là contenu dans les notes ironiques du prétendu traducteur, fait irruption dans le récit lui-même sous les traits du pétulant « ex-moine » Bongarus. Dans lignorance à peu près totale où lon est des débuts de Lepoitevin, ne nous risquons pas à spéculer davantage.

Il est une œuvre secrètement caressée par Balzac, et sur laquelle le nouvel arrivé na exercé aucune influence ; doit-on dater Sténie ou les Erreurs philosophiques de 1819 (Prioult), 1820 (Bardèche), 1821 (Guyon), 1822 (Mme dAlsö)8 ? Un séjour en Touraine, en septembre 1821, a-t-il fourni le décor du roman, et ravivé chez Balzac le souvenir de son enfance ? Barbéris croit à la vertu de ce retour aux sources ; en labsence du document décisif, rien ninterdirait dadopter son hypothèse, nétait que Sténie est une œuvre pensée, grave, à coup sûr de longue haleine, qui fait appel à des lectures et à des méditations dont les Notes philosophiques portent déjà la marque. Dans la hâte désordonnée des derniers mois de 1821 où sachève LHéritière, il ne semble pas y avoir place pour ce long roman confidentiel où un adolescent disert et sentimental sest épanché.

Ici, pas trace de parodie. Le genre épistolaire se prête aux morceaux déloquence ; des dissertations scolaires, dans lesquelles sunissent une philosophie voltairienne et un mysticisme éclectique, mettent lamour en coupe réglée. Rousseau, Richardson et le Goethe de Werther inspirent cette élégie raisonneuse, parfois dune agréable mélancolie, où des passions livresques agitent deux amants compliqués, un mari importun et un ami fidèle. Ces personnages faux évoluent dans un paysage vrai, celui de la Touraine, si chère à Honoré. Lintonation unie et poétique, la naïveté des

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convictions, la chaleur de limagination qui supplée tant bien que mal la connaissance du cœur, la réussite parfois habile du pastiche donnent quelque charme à cette ébauche romanesque. Le lecteur de La Comédie humaine pressent même au passage plus dune page des Mémoires de deux jeunes mariées, de Louis Lambert ou de Séraphîta. Mais en 1820 ou 1821, Sténie semble une œuvre sans lendemain ; sa forme archaïque, son sujet artificiel dressent entre le jeune écrivain et le monde quil ne connaît pas encore une infranchissable muraille. « Imiter La Nouvelle Héloïse en 1820, écrit Maurice Bardèche, est aussi paradoxal que décrire une tragédie. » Ça lest même beaucoup plus, et léditeur à qui fut proposé le manuscrit naura pas motivé autrement son refus.

Le calibrage exact du texte à la fin du premier volume9 révèle en clair, en effet, que Balzac eut lintention de publier Sténie. Ah ! sil avait pu sauver les œuvres proches de son cœur avant de se ruer dans la carrière de la littérature alimentaire ! Sténie refusée le convainquit une fois pour toutes quil fallait dabord rompre avec ses rêves. Il en prit bravement son parti.

1 Le tome XXVI contient le théâtre inédit ainsi que le début des Contes drolatiques.

2 Dans Balzac avant La Comédie humaine, Courville, 1936.

3 Aux Sources de Balzac, Les Bibliophiles de lOriginale, 1965.

4 Voir nos lignes consacrées à cet ouvrage dramatique (Théâtre, dans notre troisième partie).

5 Elles ont été partiellement publiées par Maurice Bardèche dans son édition des Œuvres de Balzac (t. XXV), Club de lHonnête Homme, 1962.

6 Voir nos lignes consacrées à Cromwell (Théâtre, dans notre troisième partie).

7 Édition critique, chez Corti, 1950.

8 Maurice Bardèche fait le point de la question dans la Préface de Sténie au tome XXV de son édition. Sténie a été éditée pour la première fois par Albert Prioult, Courville, 1936.

9 P. 95 de lédition Prioult.