Au lecteur
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : L’Œil cinématographique de Proust
- Pages : 9 à 26
- Collection : Bibliothèque proustienne, n° 15
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782812449321
- ISBN : 978-2-8124-4932-1
- ISSN : 2258-9058
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-4932-1.p.0009
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 14/04/2016
- Langue : Français
AU LECTEUR
L’ambition de ce livre n’est pas de poser objectivement les rapports qu’entretient À la recherche du temps perdu avec le cinéma(tographe), pour la simple et bonne raison que ceux-ci sont à peu près inexistants, du strict point de vue de l’objectivité. N’ayant jamais mis les pieds dans un lieu qui projette ce type bien particulier d’images en mouvement, Proust n’est pas un écrivain intéressé par ce que l’on nomme aujourd’hui « cinéma ». On ne trouve que peu souvent son nom dans les anthologies faisant état des écrivains du début du siècle dernier qui ont commenté le spectacle des vues animées. Si par hasard il y est, on cite généralement les passages du Temps retrouvé, où est assez sévèrement critiqué le « défilé cinématographique des choses1 ». Que la critique de Proust à l’endroit du
cinéma(tographe) soit une critique essentiellement négative n’est pas en soi gênant et ne contredit pas nécessairement le besoin de faire le point sur cette question. Il faut seulement adopter une vision plus artiste du problème, ou du moins accepter que le cinéma n’est pas limité à un seul mode d’existence stable : « cinéma » est en fait un pot-pourri d’idées, de concepts et de pratiques qui est voué au changement, et c’est précisément ce changement qui est digne d’intérêt. La relativisation de l’idée de « cinéma » permettra d’explorer les différentes séries d’images et les séries techniques qui parcourent le roman de Proust et ses adaptations écraniques, afin de voir si elles sont en mesure de recouper l’une ou l’autre des fonctions que l’on a pu attribuer au cinéma au cours de son histoire. Le présent ouvrage est donc en quelque sorte le procès-verbal des définitions du cinéma qu’a pu offrir une lecture singulière de Proust. Il est aussi celui des différentes lectures que le cinéma permet de faire de la Recherche.
La question qui revient de page en page dans cet ouvrage, qui d’abord fut une thèse, n’est pas très difficile, car une idée directrice est souvent simple : que perd-on et que gagne-t-on à faire de Proust un « cinéaste » ?
On perd au moins la chose suivante : la primauté de l’historico-mondial, la possibilité de parler objectivement et scientifiquement de son sujet. Mais peut-être ces pertes sont-elles nécessaires, car elles permettent une nouvelle forme de légèreté. Du point de vue de l’objectivité, il n’est pas impossible que « L’Œil cinématographique de Proust » soit un mauvais sujet.
À l’inverse, voici les gains : faire de Proust un « cinéaste » permet de s’interroger sur l’acte subjectif et individuel de la lecture, tout en octroyant au « cinéma » un nouveau droit d’existence, celui d’être autre chose qu’un objet. Les nouveaux historiens du cinéma ont raison de défendre avec force l’idée que le « cinéma » est une entité plurimodale qui a la capacité de revêtir un grand nombre de formes : le cinéma-en-tant-que-média, le cinéma-en-tant-qu’industrie, le cinéma-en-tant-que-pratique-artistique, le cinéma-en-tant-que-catégorie-d’images-en-mouvement, etc. La liste n’est pas infinie, mais elle est longue. Pour ma part, qui dans le présent
ouvrage ne prétend pas revêtir le vêtement de l’historien, faire de Proust un « cinéaste » est le résultat d’un effet de séduction qui a eu lieu il y a déjà quelques années, celui qui consiste à considérer le cinéma en tant que vecteur pour la pensée. Je suis conscient de demander un double effort au lecteur, mais je sais que tout bon lecteur est aussi bon joueur : il faut donc accepter, le temps de cette lecture, que nous ne sachions plus très bien ce qu’est le « cinéma » ou un « cinéaste », et que nous ne soyons également plus certains de ce que peut vouloir dire et raconter ce roman qui a pour titre À la recherche du temps perdu.
L’état actuel des lettres et des documents historiques en possession des chercheurs ne peut pas nous amener à affirmer hors de tout doute que Proust a pu assister à la projection de ce que l’on appelle aujourd’hui un « film », et qui à son époque portait d’autres noms, par exemple celui de « vue ». À un moment tardif de sa correspondance, moment dont je retarde volontairement l’explication tout à la fin de l’ouvrage, l’écrivain dit regretter n’être « jamais entré dans un cinéma ». Cet aveu surprenant de l’auteur du Temps retrouvé pointe vers la polysémie du substantif « cinéma », qui peut tout à la fois désigner un art, un dispositif fédérateur ou un ensemble de techniques orientées vers la projection publique d’images mouvantes. Proust nous rappelle que, par métonymie, « cinéma » désigne aussi le lieu dans lequel ces images mouvantes sont projetées. Or, la difficulté pour l’historien est que, à l’époque de Proust pas moins qu’aujourd’hui, le cinéma n’est pas cantonné aux seules salles de cinéma…
Ill. 1 – Série de plaques de verre de type Lapierre avec cadre en bois
illustrant la légende de Geneviève de Brabant, plaques nos 3 et 4.
(Collection de la Cinémathèque française)
Dans Le Grand Art de la lumière et de l’ombre de Laurent Mannoni2, on apprend que la famille Proust possédait un lampascope, un appareil familial monté sur une lampe domestique, aussi utilisé dans L’Ève future (sur ce roman des objets techniques, voir notre deuxième « Intermission »). Le chercheur nous indique que tout porte à croire que cette série de six plaques doubles représentant la légende de Geneviève de Brabant, modèle le plus luxueux de la collection du fabricant Lapierre, aurait également été tenue par le jeune Proust. L’intérêt de ces plaques doubles étant justement d’être par nature elliptique (on remarque par exemple ici un saut important entre ce que nous montrent les deux images), à cela il faut aussi ajouter l’ellipse temporelle qui sépare l’enfance de l’âge adulte, on pourrait gloser longtemps sur le traitement romanesque qu’y fait subir l’écrivain afin de retransposer ces images dans la continuité d’un récit. Mais – vaut mieux le dire tout de suite – l’hypothétique ekphrasis proustienne des plaques Lapierre dans la séquence de lanterne magique qui ouvre Du côté de chez Swann ne m’a pas directement intéressé, dans la mesure où l’on constate rapidement, ici comme ailleurs, l’inexactitude du discours technique de l’écrivain. Cette inexactitude de Proust renferme à la fois un trésor et un piège pour le chercheur, qui a la tentation de rectifier les fautes techniques de Proust, au nom de l’historico-mondial. Par exemple, Proust évoque le « pas saccadé » du cheval de Golo. Or, on ne voit un cheval que sur l’une des plaques (celle reproduite ici) de la série identifiée par Mannoni, et ce cheval n’est pas au galop, mais bien arrêté, le cavalier à ses côtés. L’oubli des détails des plaques Lapierre a-t-il poussé Proust à mettre en mouvement le cheval de Golo, ou alors l’écriture répond-elle à d’autres ordres que ceux de l’exactitude3 ? On dit bien que Gide aurait refusé de publier Du côté de chez Swann à la NRF entre autres parce que Proust a commis la faute de placer des vertèbres dans le front de la grand-mère du héros-narrateur. Faut-il alors diminuer la puissance imaginatrice et visuelle de l’écriture, même si celle-ci ne concorde pas exactement avec la réalité ? D’autant plus que l’on connaît ce que Proust pense de la « littérature de notation »…
Si le visionnement d’un film dans une salle de cinéma est aujourd’hui une réalité minoritaire, elle l’était aussi du vivant de l’écrivain, mais pour d’autres raisons. Depuis l’arrivée de la télévision dans les foyers, le nombre de films vus en salle diminue d’année en année. Avec Internet, la multiplication radicale des supports et des écrans, la télévision par fibre optique, les systèmes de « cinéma maison », et j’en passe, la salle
de cinéma s’est vu maintes fois « reterritorialisée », ce qui chaque fois bouleverse la nature de l’art cinématographique. C’est un bouleversement en quelque sorte « inverse » qui avait lieu à l’époque de Proust, moment de l’institutionnalisation du cinéma, à la fois comme art, comme dispositif et comme activité spectatorielle. Aujourd’hui, le cinéma a perdu son esprit fédérateur, tentant de jouer sur tous les fronts simultanément.
Bien que ces questions ne soient pas abordées directement dans le livre, le simple fait de les évoquer nous montre les obstacles de l’enquête historique, à commencer par celui-ci : Proust a beau dire qu’il n’est jamais « entré dans un cinéma », cela n’empêche en rien qu’il aurait pu voir régulièrement plusieurs films, ailleurs. Il ne faut en effet jamais oublier que s’il est habituel pour l’historien de dire que le cinéma est né le 28 décembre 1895 au Salon Indien du Grand Café de l’hôtel Scribe 14 boulevard des Capucines à Paris, c’est dans la mesure où a arbitrairement été élue à titre de valeur édifiante la notion de « première projection publique payante d’images animées ». Le cinéma serait donc né cette journée-là, parce qu’une trentaine d’individus ont été les premiers à débourser quelques pièces pour assister au défilement des images constitutives de dix « vues » de Louis Lumière. Comme tout lecteur d’aujourd’hui, je suis en droit d’être sceptique devant l’élection de la valeur « première projection publique payante d’images animées » à titre de vecteur de vérité historique4. Je suis en droit d’être sceptique, entre autres car on sait également que trois années auparavant, en 1892, Charles-Émile Reynaud inaugura son « Théâtre optique » de pantomimes lumineuses au Cabinet fantastique du Musée Grévin. Il y a donc eu, trois ans avant les frères Lumière, une autre projection publique payante d’images animées. Cette relativisation de la naissance du cinéma peut sembler infiniment multipliable pour le chercheur, et sans doute l’est-elle. Elle lui fera remonter la pente de l’histoire jusqu’aux lanternes magiques, aux ombres chinoises, et pourquoi pas jusqu’aux grottes préhistoriques (ce travail fascinant a d’ailleurs été fait par Mannoni). La pré-histoire du cinéma offre un paradoxe à l’historien lucide face à sa propre tâche.
Mais, avec cette petite démonstration, je voulais seulement souligner que, dans le cas des Lumière comme dans celui de Reynaud, le cinéma n’est pas projeté « en salle ». Donc, seulement en visitant les cafés ou d’autres lieux de spectacle, Proust aurait pu – dès 1892 – assister sans le savoir à une des nombreuses – et toujours actuelles – naissances du « cinéma », qui encore aujourd’hui à l’ère du numérique est capable de renaître de ses cendres. Et même s’il ne l’avait pas fait avant de s’enfermer dans sa chambre de liège – son « sous-marin » disait Cocteau –, il aurait pu se le faire raconter. Alité, uniquement préoccupé par l’œuvre à faire, Proust avait ses « espions », ses yeux et ses oreilles dans Paris. Les biographies regorgent de ces anecdotes : Proust donne cinq minutes à son invité pour lui résumer la plus récente pièce de théâtre, ou la dernière soirée mondaine d’importance à laquelle il a depuis longtemps renoncé. Dans ce cas, comment ne pas imaginer – même pour le pur plaisir de la fiction – que sont nombreux les « petits oiseaux » qui sont venus murmurer à l’écrivain les merveilles ou les scandales de la machine de vision cinématographique ? La question est rhétorique, d’autant plus que notre ouvrage, sans pour autant les renier et tout en reconnaissant leur légitimité, progressera par d’autres voies que l’histoire, en sollicitant d’autres voix que celles des acteurs contemporains de Proust, de « l’épistémè 1900 » et de la naissance du cinéma.
Ill. 2 et 3 – Le Temps retrouvé (Raoul Ruiz, 1999).
L’adaptation du Temps retrouvé par Ruiz est-elle redevable aux travaux des historiens ou au travail de la fiction ? Le cinéaste semble avoir utilisé le bon modèle de lampascope, ainsi que des plaques de verre qui respectent l’esprit de la série Geneviève de Brabant. Mais que nous disent aussi ces photogrammes ? Ils sont issus de l’une des dernières scènes du film – qui tout en respectant le programme du livre original arrive à créer sa propre temporalité et sa propre chronologie –, qui correspond, avec variantes, à la réminiscence de la lecture de François le champi par la mère du héros. On y voit le jeune héros qui dialogue avec d’autres incarnations de lui-même : le romancier barbu que nous avons vu sur son lit de mort au début du film, et qui se veut l’image de Proust luttant contre la maladie pour terminer la Recherche ; puis le héros d’âge « moyen », sosie d’un Marcel Proust toujours actif qui vit son œuvre avant de l’écrire. Or, la lanterne ou le lampascope – il faut respecter le choix de Proust : ces deux termes sont pour lui équivalents, comme le seront la plupart des dispositifs techniques dans son œuvre –, en ce que l’objet est placé entre les protagonistes, sert de médiation entre les différents âges de la vie. La lanterne n’est donc pas traitée par Ruiz de manière scientifique, mais elle se trouve plutôt utilisée comme vecteur d’imagination et comme producteur de « faux raccords » temporels. Cette manière est parfaitement en adéquation avec le traitement que fait Proust des objets de la technique. Adapter, jouer le jeu de la fiction, c’est aussi prendre le texte de Proust pour ce qu’il est – c’est-à-dire par bien des côtés inexact et approximatif –, et surtout ne pas tenter de trop le corriger. La présente enquête ne se veut donc pas investigation sur la genèse de l’écriture, mais plutôt exploration des possibilités de lecture et de leur impact sur l’imagination.
J’ai donc été séduit par une idée paradoxale et anhistorique : celle de penser conjointement Proust et le cinéma, quitte à tout mélanger en faisant de Proust un « cinéaste », et à utiliser des concepts de cinéma pour parler de À la recherche du temps perdu. Cette idée est communiquée directement à de nombreuses reprises dans l’ouvrage, à l’aide de l’expression « Proust “cinéaste” », qui revient comme un symptôme, mais qui structure tel un modèle. Cette même idée, je tente aussi de la réfléchir indirectement au sein de trois problématiques générales : celle des adaptations, celle des images et celle du temps. Ces trois problématiques – en plus de dialoguer avec des enjeux intrinsèques à l’œuvre de Proust – correspondent globalement à certaines pratiques : d’abord l’analyse filmique et une théorie des fictions pour les adaptations, ensuite une forme de sémiotique et une théorie de la lecture pour les images littéraires, finalement une philosophie du cinéma pour la problématique du temps.
La lecture cinématographique de Proust effectuée ici ne ressemble donc pas à une édition critique qui viserait à historiciser le vocabulaire technique de l’écrivain ; elle se veut plutôt une lecture qui actualise, et par conséquent qui fabule. Tout en reconnaissant l’intérêt évident de la démarche (et même sa nécessité), le présent ouvrage ne veut pas ajouter des notes de bas de page aux mentions de « lanterne magique », de « kinétoscope », de « praxinoscope » ou même de « cinématographe ». Peut-être par moment semble-t-il le faire, mais c’est toujours dans un autre but, pour une autre méthode qui, sans les encourager, peut tout de même supporter un certain nombre d’approximations techniques et historiques, d’ailleurs encouragées par Proust lui-même5. Si Proust est une fiction, sa lanterne et son cinéma le sont tout autant.
L’utilisation des photogrammes et de leurs légendes relève de cette méthode. Au même titre que la réécriture cinématographique des passages cités de la Recherche – que le lecteur est prié de ne pas sauter ! –, ils constituent un des fils rouges de l’ouvrage. Proust est borné de fiction et de cinéma.
Ill. 4 – Cheval au galop (Eadweard Muybridge, 1878).
Ill. 5 – Cheval au trot (Étienne-Jules Marey, 1886).
Je termine mon histoire de chevaux. Il semble en effet que cet animal hautement symbolique possède un destin particulier dans la Recherche. On sait que c’est suite à une chute à cheval que mourra Albertine. On a aussi vu que Proust ajoute le mouvement au cheval de Golo, alors que les plaques de verre dont s’inspire l’écriture nous montrent hors
de tout doute qu’il est en position fixe. Le temps de l’histoire a su faire mentir le temps de la création. Mais Proust n’est pas au bout de ses peines. Lors de notre « Prologue », nous verrons que, dans les pages de la fable d’ouverture qui précède l’épisode fondateur de la lanterne magique, Proust, décrivant l’état de demi-sommeil de son héros, utilise la curieuse expression de « kaléidoscope de l’obscurité », avant d’évoquer le kinétoscope et sa capacité à décortiquer les moments de la course d’un cheval. Nous verrons également un « repentir » de Proust, dans la mesure où le manuscrit de ce texte nous indique que l’auteur avait d’abord écrit « cinématographe », avant de le biffer et de le remplacer par « kinétoscope ». Je n’en ferai pas grand cas par la suite, mais il faut hic et nunc mentionner qu’encore une fois Proust fait erreur. Ce repentir – du « » au « kinétoscope » – montre en effet que l’écrivain était à la recherche d’un appareil antérieur à l’invention des Lumière. Or, cette invention antérieure, ce n’est pas non plus le kinétoscope, mais plutôt la chronophotographie de Muybridge et Marey. La référence va donc soit au cheval au galop du premier, soit au cheval au trot du second. Il est aussi à noter que la station physiologique de Marey était située au Parc des Princes du Bois de Boulogne, à peu près au même endroit donc où Odette sera « cinématographiée » par le héros-narrateur (voir aussi notre « Prologue »). Cela dit, la méthode adoptée ici accorde à Proust tous les droits : celui de se tromper sur les inventions propres à la modernité visuelle de son époque, comme celui d’écrire contre le cinématographe, en le transformant en rature6.
Toujours au point de vue de la composition, ces blocs parfois erratiques nommés « Intermissions » constituent un autre de ces fils rouges. Sans qu’il y ait une différence de nature entre elles et les « Plans-séquence », les « Intermissions » participent à un autre régime d’énonciation, dans le but de mettre en perspective le problème général de l’ouvrage, celui des rapports entre littérature et cinéma.
À ma connaissance, un des premiers textes importants sur le problème des rapports entre Proust et le cinéma date de 1946, grâce à un article de Jacques Bourgeois, « Le Cinéma à la recherche du temps perdu7 ». Ce serait sans doute la première fois où a été produite une réflexion poussée et attentive sur les rapports entre Proust et l’art cinématographique. Cette réflexion est d’autant plus surprenante que l’on peut à bon droit la juger inattendue, puisque l’institution du cinéma ne s’était pas encore emparée de l’œuvre proustienne, contrairement à celle d’autres grands auteurs des xixe et xxe siècles.
Comme on le verra plus loin, l’absence d’adaptations cinématographiques de À la recherche du temps perdu ne gêne en rien Bourgeois. Il utilisera plutôt cette absence comme élément moteur de sa réflexion : si la Recherche n’a donné corps à aucun film, ce n’est pas par manque d’attributs cinématographiques dans le roman – qui en contiendrait une immensité virtuelle –, mais au contraire parce que l’art cinématographique n’aurait pas encore atteint sa maturité proustienne. L’article de Bourgeois est fascinant dans la mesure où il tente de remplir le vide de l’absence des adaptations cinématographiques de Proust en 1946. Pour y arriver, l’auteur choisit simultanément deux options. La première consiste à faire de Proust un « cinéaste », en suggérant que la « forme roman » n’est pas le mode d’existence privilégié de sa créativité, et que celle-ci aurait été plus à son aise si elle avait pu exploiter les moyens propres à l’art cinématographique. De là pourraient s’analyser plusieurs techniques « cinématographiques » dans la Recherche. La seconde option de Bourgeois consiste à faire de Citizen Kane un exemple de ce que pourrait être un cinéma « proustien », c’est-à-dire un cinéma que Proust « cinéaste » aurait pu lui-même réaliser. L’exemple n’est évidemment pas banal, surtout pour un lecteur d’aujourd’hui. Dans le milieu des études cinématographiques, il est en effet coutume de dire que Citizen Kane, réalisé en 1941, ouvre ou incarne une « modernité » cinématographique que viendront cristalliser les films du néoréalisme et de la Nouvelle Vague. Le présent ouvrage est fortement redevable à ces deux options lancées par Bourgeois, qu’il tente de prolonger et de « raccorder » avec l’imaginaire d’un lecteur cinéphile du xxie siècle.
Un autre texte qui a profité aux intuitions paradoxales et fécondes de Bourgeois est « Marcel Proust et la vision cinématographique », de Jacques Nantet8. Très court, ce texte reprend l’idée qu’il y aurait dans la Recherche un potentiel cinématographique. Mais là où Nantet reste moins hardi que Bourgeois – qui fait classe à part dans cette bibliographie – est qu’il ne va pas jusqu’à renverser la logique en proposant de faire de l’écrivain un « cinéaste » plus audacieux et plus inventif que les réalisateurs de l’époque. À la défense de Nantet, il faut mentionner que le cinéma de 1958 – qui a su intégrer les nouveautés du néoréalisme, qui a vu arriver des cinéastes encore plus « modernes » que sont par exemple Antonioni, Fellini, Bergman, et qui débouche tout droit sur la Nouvelle Vague – n’est plus celui de 1946. Mais ce qu’il faut retenir,
c’est qu’à l’instar de l’art cinématographique à la fin des années 1950, le sujet « Proust et le cinéma » est en ébullition.
Le deuxième moment important de cette grande découpe est justement contemporain de l’article « Marcel Proust et la vision cinématographique ». Il s’agit de deux colloques, qui ont été tenus au milieu des années 1960 à Illiers, avant d’être en partie publiés dans les numéros 14 et 15 du Bulletin de la Société des Amis de Marcel Proust et des amis de Combray. Le premier colloque avait pour titre « Proust et le cinéma », et le second « L’Œuvre de Proust devant le cinéma ». Il est intéressant de constater que, à partir des années 1960, les discussions s’intensifient quant à l’éventualité d’une transposition cinématographique de l’œuvre de Proust. Ce sera aussi en 1962 que l’actrice, réalisatrice et productrice Nicole Stéphane obtient les droits du roman de Proust afin d’en transposer le récit à l’écran. Or, l’histoire nous apprend qu’une telle entreprise n’est pas chose aisée. Pendant plus de vingt années, soit jusqu’à la réalisation de Un Amour de Swann par Volker Schlöndorff, se multiplieront les projets, les scénarios, et surtout les contraintes. Est-il pensable d’adapter entièrement le roman de Proust ? Faut-il faire un seul film ou d’emblée prévoir un grand ensemble ? Les réalisateurs potentiels – de René Clément à Peter Brook, en passant par François Truffaut, Luchino Visconti et Joseph Losey – joueront aussi à la chaise musicale. Toutes ces difficultés ont vite donné mauvaise presse à la seule éventualité d’une adaptation cinématographique de Proust, la qualifiant d’ores et déjà d’œuvre impossible, qui aujourd’hui est pourtant riche de deux solides scénarios et de cinq films réalisés, sans compter les innombrables autres films qui d’une manière ou d’une autre s’inspirent ouvertement de la lettre ou de l’esprit de la Recherche.
Ces échecs comme ces réussites ont ainsi lancé toute une littérature critique sur le sujet « Proust et le cinéma », à commencer par tous les articles de la presse généraliste comme des revues spécialisées sur le cinéma, portant sur l’une ou l’autre des adaptations du roman. Par le maillage de ces différents discours, plusieurs couches de savoir sont en train de se former, au même titre que chaque nouvelle adaptation cinématographique de la Recherche fait montre d’une sensibilité à l’égard des tentatives précédentes, ne serait-ce que dans le but de s’en démarquer. Un exemple de cette sérialité de la pensée et de la création serait la propension avec laquelle les critiques de cinéma, les spécialistes, l’auteur de cet ouvrage et les cinéastes eux-mêmes voient dans Vertigo d’Alfred
Hitchcock un film « proustien ». Chantal Akerman, à l’occasion de la sortie de La Captive – film « inspiré » de La Prisonnière –, affirme à plusieurs reprises que Vertigo en est une influence au moins aussi importante que le roman de Proust, ce qui a pour effet de cristalliser le rapprochement. Les propositions d’Akerman sur l’éventualité d’un rapport de sympathie entre Vertigo et la Recherche trouvent leur source dans Immemory, une œuvre multimédia du cinéaste hétérogène Chris Marker, lancée en CD-ROM en 1997. Dans cette réflexion très proustienne sur les images et sur la mémoire, le cinéaste-programmeur a lancé sous la forme d’une devinette la double image d’un Proust « hitchcockien » et d’un Hitchcock « proustien ». Depuis cette énigme de Marker, tout de suite reprise par Akerman puis par la critique, le sujet « Proust et le cinéma » est riche d’un nouveau couplage, dont on ne peut pas ne pas tenir compte. Grâce à l’imagination débordante des acteurs concernés, ce que l’on est maintenant en droit d’appeler la « cinématographie proustienne » gagne en étendue9.
Ill. 6, 7 et 8 – Immemory (Chris Marker, 1997).
Pour le cinéphile-historien qu’est Chris Marker – dont le pseudonyme indique d’ailleurs qu’il cherche à surligner, comme avec un crayon marqueur, certains traits moins connus de l’histoire officielle –, la madeleine qu’a connue et aimée le jeune Proust à Illiers fait place à un dispositif plus abstrait qui relève de la mémoire et de la création, avant de reprendre corps, celui « si grassement sensuel » de Kim Novak.
Se sont alors multipliés, avec les années, les articles « de circonstance », les textes « connexes », ainsi que certaines tentatives originales
et pour la plupart intéressantes d’établir tous les rapports possibles entre l’œuvre de Proust et la pensée du cinéma. Le présent ouvrage, pas plus qu’il n’a choisi de reposer sur la vérité historique, n’a pas pour objet de proposer un bilan critique de ce qui a été écrit sur le sujet général « Proust et le cinéma ». Sa tentation systématique réside ailleurs : dans l’épuisement performatif des analogies d’un type de pensée au confluent de la littérature de Proust et du cinéma, effectué sans a priori. En ne mettant jamais de côté cette idée de performance, j’ai tenté de pratiquer une forme d’écriture davantage essayistique, visant une adéquation – quoique indirecte – entre l’ouvrage et sa problématique, par exemple en empruntant un parcours baroque qui s’accorde le droit de digresser. Heureusement, cette idée se trouve aussi dans l’œuvre de Proust : pour espérer vivre l’épiphanie du « temps à l’état pur », c’est-à-dire de la réminiscence qui dévoile la vocation littéraire, il faut d’abord errer et il faut perdre son temps. Ces choix méthodologiques seront développés à divers moments de l’ouvrage.
On peut ainsi constituer une « bibliothèque idéale » sur Proust et le cinéma, à travers cette nébuleuse critique qui gagne avec les années une extension considérable. Après Bourgeois, Nantet et les colloques d’Illiers, en 1996, Yves Baudelle publie un article significatif, ayant pour titre « Proust et le cinéma10 », alors que se préparent les films de Ruiz et d’Akerman. En 1999, Jean Pavans, traducteur d’Henry James et d’Edith Wharton, mais aussi, et surtout, du scénario d’Harold Pinter (cette traduction sera publiée en 2003), signe un court article au titre accrocheur, « Proust au cinéma : mission impossible11 ? ». En 2000, Luc Fraisse publie « Proust au royaume de l’image : De Vermeer au cinéma12 », une étude, que l’on devine inspirée de l’adaptation du Temps retrouvé par Ruiz, mais qui ne se réduit pas aux seules considérations sur les adaptations cinématographiques de Proust. Cette même année, a également eu lieu une table ronde intitulée « L’adaptation de la Recherche13 », avec comme participants, Stéphane Heuet, Danièle Gasiglia-Laster, Marie Miguet-Ollagnier, Sylviane Liandrat-Guiges, Devrim Boy. On notera la participation du bédéiste Stéphane Heuet, qui depuis 1998 adapte « à temps perdu » le roman de Proust.
Six volumes sont parus entre 1998 et 2013, et tout porte à croire que l’expérience n’est pas terminée. Heuet n’étant pas cinéaste, son adaptation de la Recherche au format de la bande dessinée lui demande néanmoins de trouver des équivalences graphiques capables de rivaliser en inventivité avec les trouvailles des réalisateurs. Dans le même ordre d’idées, on peut noter le travail d’Eldo Videl-Perdriel (1947-2004), qui a composé une série de portraits – cadrant principalement les yeux14 – inspirés de l’univers de Proust et de son roman. Ces portraits ont été récemment exposés à Rennes. Comme pour celui de Heuet, le travail de Videl-Perdriel aurait pu se retrouver dans le « Plan-séquence » consacré aux adaptations cinématographiques de la Recherche, dans la mesure où sera même étudiée une recréation radiophonique de l’œuvre, afin de problématiser le concept d’adaptation. Cette problématisation aurait pu se faire à partir des bandes dessinées de Heuet ou des portraits de Videl-Perdriel, mais j’ai préféré montrer comment il était possible d’adapter la Recherche autrement que par le visuel. Il faut aussi ajouter que le travail d’Heuet a déjà fait l’objet d’une étude15, et que la remédiation radiophonique de Pamela Hansford Johnson m’a semblé plus significative que celle opérée par Videl-Perdriel.
En 2002, on trouve au moins deux nouveaux articles d’intérêt, provenant d’ailleurs du même ouvrage : « Proust au cinéma16 » de Denise Brahimi et « Le Cinéma selon Proust ou le temps retrouvé au cinéma17 » de Jean-Louis Libois. Les adaptations de Ruiz et d’Akerman ont ainsi grandement contribué à une littérature critique qui se fait de plus en plus abondante et régulière. En 2003, sous la plume de Peter Kravanja, paraît Proust à l’écran18, le premier ouvrage général sur les adaptations de la Recherche. En 2003 toujours, année faste, Rebecca Graves publie « Proust and the cinema19 », un court texte qui étudie les difficultés qu’il y a à enseigner les
adaptations de la Recherche, puisque l’œuvre de Proust a cette réputation d’être inadaptable. Autre texte de 2003, publié sous la direction de Jean Cléder et de Jean-Pierre Montier, Proust et les images. Peinture, photographie, cinéma, vidéo20, actes d’un colloque tenu en 2001. Un an plus tard paraît la monographie de Martine Beugnet et Marion Schmid, Proust at the movies21, ouvrage dont les chapitres recoupent les adaptations cinématographiques de la Recherche. En 2006, Luc Lagarde publie un texte trop court, mais tout de même intéressant, « Proust et le cinéma : L’appareil morne et magique22 ». En 2008, Audrey Vermetten signe l’article intitulé « De la lanterne magique au cinématographe : les images animées dans À la recherche du temps perdu23 ». Mentionnons finalement pour qui saurait lire l’italien l’existence de deux monographies, Al cinema con Proust24 d’Anna Masecchia, publiée en 2008, puis Alla ricerca del cinema proustiano. Film, sceneggiature, linguaggi, autori25, de Gianni Olla, publiée en 2010. À cette bibliothèque pourrait s’ajouter une quasi-infinité de passages provenant aussi bien d’ouvrages sur l’œuvre de Proust ou d’ouvrages sur le cinéma. Plusieurs seront d’ailleurs mentionnés et utilisés dans ce livre.
L’œil cinématographique de Proust est redevable à tous ces travaux. Il en existe sans doute quelques autres. Lorsqu’on a choisi de questionner l’œuvre de Proust, et même si l’on opte pour un sujet que l’on croit minoritaire, il est difficile de faire une recension exhaustive des textes s’y étant de près ou de loin intéressés. Le « cinéma » de Proust est donc un enjeu pluriel, déjà investi par une communauté de chercheurs, et l’on espère que d’autres suivront. Proust n’a que peu écrit directement sur le cinéma, mais on sent que sa Recherche en est indirectement peuplée. Et même si l’art cinématographique n’a donné jour qu’à sept adaptations du roman, et ce en comptant les deux scénarios non tournés, il est clair que la présence de Proust au cinéma ne se limite pas à ces quelques œuvres, aussi brillantes soient certaines d’entre elles.
Le cinéma chez Proust, le cinéma de Proust, Proust au cinéma, Proust et le cinéma, l’œil cinématographique de Proust : toutes ces
voies – parfois incompatibles, parfois paradoxales – sont légitimes, et toutes seront expérimentées ici, car l’entité « Proust “cinéaste” » a besoin d’une multiplicité d’existences pour atteindre son plein potentiel.
À toi lecteur maintenant de faire ton cinéma.
Pour leurs yeux aussi vivants qu’affûtés, mes plus sincères remerciements vont à Claude Lafleur, Joanne Carrier, Sophie Benoit, Maxime Scheinfeigel, Guillaume Pinson, Jean-Pierre Sirois-Trahan, Luc Fraisse, Jean Cléder, Sylvano Santini, Thierry Belleguic, Michaël Di Vita, Guillaume Lavoie et Christian Milat.
1 Cette question du défilement monotone des images semble d’ailleurs être une constante dans le discours critique de l’époque envers le dispositif cinématographique. On la trouve bien sûr chez Bergson, dans les pages de L’Évolution créatrice où l’on parle du cinématographe et du « défilé du régiment » (Henri Bergson, Œuvres, textes annotés par André Robinet, introduction par Henri Gouhier, Paris, Presses Universitaires de France, 2001 [1959], p. 752-753), mais aussi chez Paul Bourget, dans un court texte éponyme de 1921 sur Tolstoï, publié en première page de L’Écho de Paris en 1921. Voici l’extrait : « Si l’art d’écrire consistait uniquement dans l’évocation, Tolstoï n’aurait pas de rivaux. Il suffit de le comparer à d’autres maîtres, un Balzac, un Molière, un Shakespeare, pour reconnaître qu’il lui manque une autre qualité, sans laquelle il n’est pas de chef-d’œuvre accompli. Cette qualité, la rhétorique classique la nommait d’un terme bien modeste : la composition. Le Ménage de garçon, Tartufe, Hamlet – je cite au hasard – sont composés. Ils représentent des types d’art très différents. Un caractère leur est commun : ils ont un milieu, un commencement, une fin, un point de vue. Rappelez-vous, par contraste, Guerre et Paix et Anna Karénine, ces récits qui pourraient continuer indéfiniment, où les incidents se succèdent comme les images dans un cinématographe, sans progression, sans perspective, sans plan général, ces tableaux déroulés sous une même lumière qui en détache le moindre relief, et tous égaux en importance ». On remarquera finalement que Proust, dans un essai de date incertaine, s’oppose explicitement à cette conception de Bourget en faisant de Tolstoï le romancier des lois (titre que Proust aimerait également pouvoir se donner) : « son œuvre n’est pas d’observation mais de construction intellectuelle. Chaque trait, dit d’observation, est simplement le revêtement, la preuve, l’exemple d’une loi dégagée par le romancier, loi rationnelle ou irrationnelle. Et l’impression de puissance et de vie vient précisément de ce que ce n’est pas observé, mais que chaque geste, chaque parole, chaque action n’étant que la signification d’une loi, on se sent se mouvoir au sein d’une multitude de lois. Seulement comme la vérité de ces lois est connue par Tolstoï par l’autorité intérieure qu’elles ont eue sur sa pensée, il y en a qui restent inexplicables pour nous » (Marcel Proust, « Tolstoï », dans Essais et Articles, Contre Sainte-Beuve, édition établie par Pierre Clarac avec la collaboration d’Yves Sandre, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1971, p. 658).
2 Laurent Mannoni, Le Grand Art de la lumière et de l’ombre. Archéologie du cinéma, préface de David Robinson, Paris, Nathan, coll. « Librairie du premier siècle du cinéma », 1995, 512 p.
3 Sur le lampascope et l’usage essentiellement fictionnel qu’en fait Proust, voir aussi ce qu’en dit François Bon dans Proust est une fiction, Paris, Seuil, coll. « Fiction & Cie », 2013, 329 p.
4 Pour l’exposé le plus convaincant sur toutes ces questions et sur leur impact sur l’ontologie cinématographique, voir André Gaudreault et Philippe Marion, La Fin du cinéma ? Un Média en crise à l’ère du numérique, Paris, Armand Colin, coll. « Cinéma/Arts visuels », 2013, 275 p. Voir aussi André Gaudreault et Tom Gunning, « Le Cinéma des premiers temps : un défi à l’histoire du cinéma ? » dans Jacques Aumont, André Gaudreault et Michel Marie (dirs), L’Histoire du cinéma. Nouvelles approches, Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « Langues et langages », 1989, p. 49-63.
5 Une des lectures historiques parmi les plus pertinentes et les plus complètes sur Proust, le cinématographe et les autres inventions techniques qui lui sont analogues se trouve chez Sara Danius, The Senses of Modernism. Technology, Perception and Æsthetics, Cornell, Cornell University Press, 2002, 264 p. Un chapitre complet porte sur Proust (« The Education of the Senses : Remembrance of Things past and the Modernist Rhetoric of Motion », p. 91-146). Ce texte est d’ailleurs entouré d’un long chapitre sur La Montagne magique et d’un autre sur Ulysse. Danius a aussi publié deux ans auparavant un essai sur Proust, malheureusement seulement disponible en suédois, qui a pour titre Prousts Motor (Stockholm, Bonnier, coll. « Bonnier Essä », 2000, 138 p.). Sur le théâtrophone, le pianola et le cinématographe, il faut aussi souligner le chapitre « Proust et les inventions modernes », dans l’ouvrage de Luc Fraisse, Proust au miroir de sa correspondance, Paris, SEDES, coll. « Les Livres et les Hommes », 1996, p. 291-301. Pour d’autres mises en rapport historiques entre Proust et les débuts du cinéma, publiées à une époque où il n’y en avait pas beaucoup, voir le premier livre du même auteur, Le Processus de la création chez Marcel Proust. Le Fragment expérimental, Paris, José Corti, 1988, p. 30-32, 127, 195-200, 296-297.
6 Je remercie Jean-Pierre Sirois-Trahan de m’avoir indiqué cette erreur de Proust et d’avoir éclairé ma propre lanterne sur les spécificités de l’art chronophotographique.
7 La Revue de cinéma, nouvelle série, no 3, 1946, p. 18-37.
8 Revue des lettres modernes, nos 36-38, 1958, p. 179-184.
9 Comme exemples probants de cette étendue, le lecteur pourra consulter ces quatre articles récents et audacieux : Alessia Ricciardi, « Cinema Regained. Godard Between Proust and Benjamin », Modernism/Modernity, vol. 8, no 4, novembre 2001, p. 643-661 ; Ronald Bogue, « Search, Swim and See : Deleuze’s Apprenticeship in Signs and Pedagogy of Images », Educational Philosophy and Theory, vol. 36, no 3, 2004, p. 327-342 ; Miriam Heywood, « True Images : Metaphor, Metonymy and Montage in Marcel Proust’s À la recherche du temps perdu and Jean-Luc Godard’s Histoire(s) du cinéma », Paragraph, vol. 33, no 1, 2010, p. 37-51 ; Hervé Picherit, « Une madeleine peut en cacher une autre : un dialogue mythique sur le Temps entre Marcel Proust, Alfred Hitchcock et Chris Marker », French Studies, vol. 66, no 2, 2012, p. 193-207.
10 Roman 20-50, « Roman et cinéma » (dir. Paul Renard), numéro spécial, 1996, p. 45-70.
11 Synopsis. La Revue du scénario, no 3, 1999, p. 85-88.
12 Le Nouveau Recueil, no 53, 2000, p. 105-115.
13 Théâtre du Vieux-Colombier, Paris, 21 octobre 2000.
14 Sur le même sujet, voir André Benhaïm, Panim, Visages de Proust, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, coll. « Lettres et arts », 2006, 322 p.
15 Marie-Hélène Gobin, Proust en B.D. ? Que dirait Baudelaire ? Étude sémiotique, littérature et esthétique, Paris, Connaissances et savoirs, 2006, 186 p.
16 Dans Suzanne Guellouz et Gabrielle Chamarat-Malandin (dirs), Modèles, dialogues et inventions. Mélanges offerts à Anne Chevalier, Caen, Presses Universitaires de Caen, 2002, p. 189-196.
17 Dans Suzanne Guellouz et Gabrielle Chamarat-Malandin (dirs), Modèles, dialogues et inventions. Mélanges offerts à Anne Chevalier, op. cit., p. 197-206.
18 Bruxelles, La Lettre Volée, coll. « Palimpsestes », 2003, 177 p.
19 Dans Elyane Dezon-Jones et Inge Crosman Wimmers (dirs), Proust’s Fiction and Criticism, New York, The Modern Language Association of America, coll. « Approaches to Teaching », 2003, p. 108-112.
20 Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. « Æsthetica », 2003, 247 p.
21 Hampshire, Ashgate, coll. « Studies in European Cultural Transition », 2004, 261 p.
22 Bulletin Marcel Proust, no 56, 2006, p. 75-79.
23 Mélanges de la Maison Saint-Exupéry, no 4, 2008, p. 121-140.
24 Venise, Marsilio, 2008, 190 p.
25 Rome, Bulzoni, coll. « Cinema/Studio », 2010, 267 p.