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Classiques Garnier

[Introduction de la deuxième partie]

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : L’Occupation des oisifs. Précis de littérature et textes critiques
  • Pages : 131 à 132
  • Collection : Classiques Jaunes, n° 654
  • Série : Essais, n° 6
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406058670
  • ISBN : 978-2-406-05867-0
  • ISSN : 2417-6400
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-05867-0.p.0131
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 29/05/2018
  • Langue : Français
131 On se plaint couramment, aujourd'hui, d'un déclin de la critique. II est vrai que les journaux ne parlent plus des livrer comme ils en parlaient il n'y a pas si longtemps encore. La disparition du «feuilleton »proposé en bas de page par un Emile Henriot ou un Pierre-Henri Simon, que tout lecteur intéressé par la chose littéraire attendait chaque semaine avec impatience, a été un signe parmi d'autres que l'écrit perdait peu à peu de son prestige culturel et que son audience allait se rétrécùsant. Puisqu'il intéresse moins, on ne se croit plus obligé d'en parler. Mais d'abord on connaît des exceptions courageuses; et si la critique est plus rare, les critiques ne sont pas plus bêtes ou plus paresseux qu'autrefoù. Ensuite et surtout, les auteurs, légitimement soucieux de voir leurs oeuvres bien «accompagnées », ne se rendent souvent pas compte des conditions dans lesquelles s'exerce couramment cette activité.
On oublie qu'il y a, en fait et depuù toujours, deux sortes de critique : la brève et la longue. La critique longue se soucie peu de l'actualité :elle consacre plus qu'elle ne découvre. Réservée aux revues «littéraires » ou à des ouvrages plus ou moins confidentiels, elle a le temps pour elle. Au cours du dernier demi-siècle, elle a connu une floraison exceptionnelle, de Poulet à Barthes, en passant par Richard ou Starobinski; maù elle n'est pas faite pour accompagner la publica- tion. Elle n'intéresse donc pas vraiment les auteurs, ou plutôt elle ne les intéresse qu'après-coup, quand ils ont déjà atteint le seuil minimum de notoriété. Ce que réclame l'auteur à la sortie de son livre, c'est l'article de journal qui signalera le roman à l'attention du public, en fera naturellement l'éloge et si possible en donnera une interprétation ingénieuse.
Maurice Blanchot qualifiait naguère d'«honnête courtier» celui qui s'efforce ainsi, avec plus ou moins de bonheur, d'accommoder la littérature aux exigences du journalisme'. L'exercice est risqué :l'accélération qui caractérise la vie moderne, l'abondance des publications, la rapidité avec laquelle les nouveau- tés se démodent, ne permettent pas d'attendre le commentaire circonstancié du professionnel qui aura réfléchi plusieurs mois avant de tremper sa plume dans l'encrier : le courtier doit rendre sa copie dans la semaine. Et cette copie sera
1 Le texte de Blanchot répondait à la question Où en ert la littérature aujaurd'bui, posée pat
l'excellente revue Argumenir dans son numéro de janvier 1959. La collection complète d'Argumentr a été réimprimée en 19$3 pat les éditions Ptivat.
132 forcément brève, trois ou quatre feuillets au maximum, avec une bonne K accroche pour retenir l'attention blasée du lecteur et, quelque part, une phrase susceptible d'être utilùée pour la publicité.
Pour avoir beaucoup pratiqué ce sport pendant les années 50 et 60, dans un grand magazine ou ailleurs, je connaù les limiter de ce qu'on appelle les «noter de livrer. Elles sont importantes pour les auteurs, maù décevantes aussi le plus souvent :dans la meilleure hypothèse, elles ne font guère mieux que repérer un livre perdu dans la masse des nouveautés, quand il faudrait donner vraiment envie de le lire. Je n'ai donc jamaù eu d'illusion sur leur portée, même si, au passage, je pouvaù les rattacher à ma réflexion constante sur la littérature. C'est le cas des quelques textes que je reprends ici. II m a semblé qu'ils pouvaient servir de compléments utiles aux pages théoriques précédentesl.
1 Tous les textes qu'on va lite ont été publiés dans L'Exprerr, Ler Lettrer nauveller, Erprit, Ler
Letirer nauveller bebdamadairer, La Quinzaine littéraire, Ler Tempr maderner, Le Matin, Ler Cabierr du refuge. Ils sont repris ici dans lent ordre chronologique.