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Classiques Garnier

Résumés

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : L’Imperfection littéraire et artistique en Europe. Antiquité-xxie siècle
  • Pages : 749 à 761
  • Collection : Rencontres, n° 526
  • Série : Rhétorique, stylistique, sémiotique, n° 9
  • Thème CLIL : 3154 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Linguistique, Sciences du langage -- Stylistique et analyse du discours, esthétique
  • EAN : 9782406121374
  • ISBN : 978-2-406-12137-4
  • ISSN : 2261-1851
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12137-4.p.0749
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 17/11/2021
  • Langue : Français
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Résumés

Xavier Bonnier et Sylvie Laigneau-Fontaine, « Avant-propos »

Aussi ancienne que multiforme, la valorisation paradoxale de limperfection na cessé, dans les lettres et les beaux-arts, de contrebalancer la recherche effrénée du beau ou du bien absolu. Les quarante-quatre études réunies dans ce volume à la suite dun colloque en deux parties proposent autant de réflexions sur les enjeux, les argumentaires et les variations historiques de ce débat sur limperfection, de lAntiquité grecque à lextrême contemporain.

Mélanie Lucciano, « Socrate philosophe imparfait ? Lexemple du Banquet de Xénophon »

Dans le Banquet de Xénophon, le corps de Socrate est prétexte à une analyse esthétique et éthique qui redéfinit les notions dimperfection et de beauté. Les corps dansants et le concours de beauté entre le philosophe et Critobule mettent en avant le critère de lutile, de ladaptabilité. Cependant, léchec de Socrate souligne combien le visage du philosophe redouble son enseignement en distinguant entre les mauvais disciples et ceux qui ne se laissent ni séduire, ni corrompre.

Diego Scalco, « Sublime imperfection. La plastique du discours et léloquence de la sculpture »

Les difficultés liées à une réflexion sur le sublime viennent de ce quil est identifié avec linattendu, comme dans le traité du pseudo-Longin sur la question de la technique correspondante, qui expose la composition au risque dimperfection, car elle implique de déroger aux règles pratiques comme aux critères de jugement établis. Le kairos du sublime consiste toujours en une situation critique où les fondements du discours et de lart en tant que techniques se trouvent soudain remis en cause.

750

Laure Chappuis Sandoz, « Pingue ingenium, crassa Minerua. Le gras de lesprit ou limperfection au service de la liberté »

La stigmatisation de la bêtise au travers de métaphores du gras ou de lépais touche plusieurs figures ambivalentes de la littérature latine : le fermier Ofellus dHorace ; le dieu Priape ; le roi Midas. Or leur épaisseur desprit, leur grossièreté ou leur manque de discernement peuvent être interprétés comme des qualités artistiques. Limperfection peut se manifester comme une arme pour revendiquer sa liberté esthétique tout en questionnant la hiérarchie des genres.

Thomas Guard, « Lhomo ciceronianus est-il perfectible ? Ou limperfection dans le Brutus de Cicéron »

Cicéron observe la pauvreté de léloquence des origines dans le Brutus, et conclut à linachèvement dune nature humaine à laquelle seule une évolution bénéfique offre la perspective de se rapprocher dune perfection oratoire présentée comme un objectif idéal, donc inaccessible. Conscient de sa propre imperfection, il se présente comme une étape dans lhistoire sans cesse renouvelée et enrichie de la discipline, que Brutus dépassera à son tour, comme représentant de la jeune génération.

Isabelle Dumont-Dayot, « Dion de Pruse, orateur de limperfection »

Dion Chrysostome est un personnage protéiforme, conférencier mondain, rhéteur. Ses textes sont tantôt des discours, tantôt des conférences, tantôt de petits traités de morale. Étudier limperfection dans lœuvre de Dion de Pruse permet une riche relecture de ses discours : limperfection est à la fois un thème de discussion politique, philosophique et morale pour lorateur, mais aussi une stratégie décriture, la recherche dun style et dune posture.

Mélissa Leuzy, « LAlexandre de lAnabase. De la perfection épique à limperfection stoïcienne »

On explore ici la relation de la perfection et de limperfection dAlexandre dans lAnabase dArrien. Lauteur adopte la posture du poète épique, qui tient le personnage pour un héros accompli, et celle du philosophe, qui relève ses travers moraux. Mais pour lhistorien stoïcien, cest la recherche de perfection épique qui pousse le personnage à limperfection morale. Le conquérant 751reconnaît toutefois ses fautes et progresse ainsi vers la sagesse, de sorte quil devient parfait dans un nouveau sens.

Johannes Breuer, « Limperfection comme objet dargumentation chez Arnobe de Sicca »

On examine ici le rôle de limperfection comme objet dargumentation chez Arnobe. Il répond à laccusation païenne selon laquelle les écrits bibliques seraient stylistiquement imparfaits ; il critique les imperfections des philosophes païens ; il rejette certaines pratiques cultuelles dans le passage sur le bœuf sacrifié. Arnobe utilise le thème de limperfection de manière variée, mais toujours avec virtuosité pour ses objectifs apologétiques.

Pierre Descotes, « Les jugements littéraires dans les Révisions dAugustin dHippone »

Les Révisions dAugustin offrent un bon exemple dune tentative, par un auteur, de corriger a posteriori les imperfections de ses œuvres. Elles permettent de poser une question décisive sur le plan de la théorie littéraire – celle de la capacité de lauteur à déceler des imperfections dans sa propre œuvre, et de sa légitimité à les corriger afin dorienter ses lecteurs. Finalement, il nest pas si certain quun auteur constitue forcément une autorité incontestable sur son propre travail.

Benjamin Goldlust et Nicolas Cavuoto-Denis, « Les visages de limperfection dans la poétique de la latinité tardive. Approche théorique et cas pratique (Symmaque, Correspondance, 1, 1-3 et 31-32) »

Alors que les œuvres latines tardives cherchent le plus souvent à atteindre une forme particulièrement aboutie qui soit perçue comme parfaite, à la faveur de nombreux artifices de composition, il arrive pourtant que certaines pièces revendiquent explicitement leur imperfection – ne fût-ce que par fausse modestie topique ou par coquetterie esthétique. Cest ce que cette communication prend en compte dans cette étude théorique, suivie dun cas pratique, extrait de la Correspondance de Symmaque.

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Jean-Marie Fritz, « LÉnéide ou le chef-dœuvre imparfait. Le treizième livre »

Lépilogue de lÉnéide est très abrupt et les biographies anciennes de Virgile affirment que la mort laurait empêché de lui donner une forme définitive. Les médiévaux inventeront plusieurs solutions pour pallier cette fin surprenante, soit en développant les amours de Lavinie et dÉnée jusquà leur mariage solennel (solution vernaculaire de lÉneas), soit en élaborant en latin un XIIIe livre qui insiste sur lapothéose du héros appelé à figurer parmi les astres (lhumaniste italien Maffeo Vegio).

Jean Maurice, « Le Tristan de Béroul. Imperfection/Perfection aléatoires »

Le Tristan de Béroul commence et sachève au beau milieu dune scène : son imperfection est aléatoire. Mais, de nos jours, il se présente comme un texte, dailleurs souvent enclos dans un objet livre fermé sur lui-même. Si on accepte dinterroger la signification accidentelle de ce récit mutilé, on observe que les scènes qui le composent se répondent en miroir. Ainsi peut apparaître, malgré larbitraire de la transmission manuscrite, une possible et paradoxale perfection.

Agata Sobczyk, « Imperfection langagière et perfection spirituelle. Enjeu pour la littérature médiévale »

Dans la littérature médiévale, le langage imparfait est bienvenu dans la bouche des personnages qui incarnent la sainte simplicité. Pourtant, selon la tradition cratylienne, lassociation du langage maladroit au personnage positif paraît trop paradoxale. Mais certains auteurs, rares, ont pris ce risque. Les Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci et La Vie des Pères montrent que limperfection du langage est un motif riche en potentiel spirituel et poétique.

John Nassichuk, « Limperfection de lhomme chez trois poètes latins de lépoque de Charles VIII »

Les poètes dexpression latine du règne de Charles VIII ont suscité jusquà présent peu de commentaires. Limperfection relative de lêtre humain, comparée à la perfection divine, constitue un thème fréquemment revisité par les hommes de lettres dans les deux siècles qui séparent la parution du traité dInnocent III de laube du règne de Louis XII. On sintéresse ici à Robert Gaguin, Simon Nanquier et Pierre de Bur, à laube du seizième siècle en France.

753

Déborah Boijoux, « O Barba ! (“Eh, vieille barbe !”). Les remèdes à la vieillesse dUrceo Codro »

La relecture des œuvres, poétiques et en prose, dAntonio Urceo Codro laisse affleurer la figure dun humaniste habité par limperfection : celle des textes (manuscrits et imprimés), qui met à lépreuve lesprit critique du philologue, celle du poète rivalisant, dans sa Silve 2, 5 (De sua aegrotatione), avec la Silua in scabiem de Politien, et celle des hommes, qui nourrit le doute du poète-professeur, tout en répétant lurgence du labor et du studium.

Virginie Leroux, « Le poète épique peut-il sommeiller ? Limperfection dans les poétiques néo-latines »

Larticle analyse la façon dont les poéticiens de la Renaissance évaluent limperfection poétique en fonction des préceptes de lart, de schèmes historiographiques, de représentations du poète, de modèles théologiques et de jugements de goût. Il précise ainsi la valeur heuristique de limperfection vénuste pour rendre compte du rôle de lémotion et de la nature de la séduction esthétique.

Nathalie Catellani, « Alas / perdidit et, claudo stans pede, abire nequit. De lesthétique épigrammatique dans lErotopægnion de Girolamo Angeriano »

LErotopægnion du poète Girolamo Angeriano connaît au xvie siècle un succès retentissant. Néanmoins, le théoricien J.-C. Scaliger consacre deux pages de ses Poetices septem libri au style épigrammatique de lItalien pour en souligner les imperfections, sattachant à démontrer quil ne respecte pas le canon de lépigramme à pointe. Larticle analyse la spécificité de lépigramme à pointe chez Angeriano, qui relève non dune esthétique de tension et de clarté, mais dune esthétique de lherméneutique.

Sandra Provini, « La Muse imparfaite de Michel dAmboise »

La poésie de Michel dAmboise (c. 1505-1547) a longtemps suscité des jugements négatifs, dans la continuité des critiques que Du Bellay avait adressées à la « génération Marot », mais le poète lui-même en formule le constat dans le paratexte de ses recueils. Si certaines des imperfections dont souffre sa Muse relèvent de défauts techniques par rapport à une norme poétique en 754cours délaboration, dautres sont au contraire le signe du choix résolu des genres « médiocres » qui sopère dans les années 1530.

Claire Sicard, « Savoir compter, savoir classer. De quelques problèmes de structure dans des poèmes et des livres de poésie au cœur du xvie siècle »

Un phénomène est fréquemment observable dans les livres de poésie des années 1530-1540 : le décalage manifeste entre un principe générique (annoncé ou déductible de la façon dont un manuscrit modèle est utilisé) et le contenu effectif observable dans la section. Cela peut apparaître au lecteur contemporain comme des imperfections mais ce phénomène nous amène à interroger la façon dont les copistes, imprimeurs et éventuellement auteurs envisagent les genres poétiques comme la composition du recueil.

David Amherdt, « Les Carmina de Michel de LHospital. De limperfection littéraire à la perfection morale ? »

Le message de perfection morale des Carmina est porté par léthos du poète imparfait qui marche lui-même sur la voie quil indique aux autres, et par une rhétorique parfaite en ce quelle est en harmonie avec la situation personnelle de lécrivain et avec les circonstances. La perfection rhétorique consiste ainsi non dans ladéquation avec les critères esthétiques du « grand style », mais dans la capacité de transmettre efficacement le message. Cest ce que fait lhumble sermo de LHospital.

Inès Ben Zayed, « La digression ou la forme (im)parfaite dans le récit bref du xvie siècle »

Dans quelques recueils de nouvelles du xvie siècle, la digression occupe une place déterminée. En examinant la spécificité des passages digressifs dans le genre narratif bref de la Renaissance, on tente dexpliquer les desseins de ces conteurs qui ont privilégié cette figure ambivalente, oscillant entre pertinence et écart, entre perfection et imperfection, à la recherche de nouvelles voies, assurant ladhésion du lecteur et suscitant en lui diverses émotions.

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Adriana Bontea, « Imperfection du savoir et savoir de limperfection »

Le terme d« imperfection » acquiert chez Montaigne deux significations dont la fortune épistémologique a été retentissante. Dun côté, il permet de penser la relation entre corps et âme et ses conséquences sur les savoirs et traditions philosophiques. Elle fut au cœur des travaux de Merleau-Ponty. De lautre, il suggère la présence dun sensible qui permet de dissocier entre des rationalités sans commune mesure. Et cest la leçon quen tirera Lévi-Strauss.

Bernard Sève, « Imperfection de lhomme et perfection de la poésie. Sur un paradoxe de la poétique de Montaigne »

Comment lhomme imparfait peut-il composer parfaite poésie ? Montaigne prend « parfait » relativement, non absolument. La « divine poésie » comme la poésie « naturelle et naïve » sont au-dessus des règles. Lexcellence poétique est sentie, non démontrée. Les Essais, inachevables, sont imparfaits. Mais y a-t-il imperfection là où lidée dun achèvement na pas de sens ? Cest la distinction entre perfection et imperfection que lessai comme genre et les Essais comme livre viennent contester.

Gérard Milhe Poutingon, « Variété et imperfection au xvie siècle »

Les lettrés de la Renaissance établissent des analogies entre leur langage et la condition humaine. Lune des clés de ces analogies se trouve dans les énoncés seconds, en particulier la digression, clé de lesthétique de la variété. Or limperfection, notion qui peut être entendue quantitativement et qualitativement, est fréquemment utilisée à cette époque pour décrire à la fois la varietas et la corruption humaine. Limperfection apparaît ainsi comme une catégorie discursive, mais aussi morale.

Stephanie Bung, « Imperfections au xviie siècle. Le cas des “Chroniques du Samedy” »

Si le classicisme glorifie la perfection dans la doctrine classique, le modèle galant, lui, peut être considéré comme une pratique de limperfection. On étudie ici un cas, le « Samedy » de Madeleine de Scudéry. Lécriture pratiquée par elle et ses amis renvoie à lidéal de naturel et de négligence prôné dans les salons de lépoque. Mais le manuscrit dit les « Chroniques du Samedy » 756fait émerger diverses imperfections qui renseignent sur limportance relative de la perfection au xviie siècle

Sabine Gruffat, « Ambivalence de limperfection chez les moralistes classiques. Des manquements du monde aux vertus du “laisser à penser” ».

Cherchant à préserver une perfection esthétique en dépit des imperfections morales quils ont pour mission de recenser, les moralistes classiques sefforcent dinventer de nouvelles stratégies littéraires leur permettant de dire au mieux les défauts de leurs contemporains. Limperfection de lécriture tient alors du non finito et constitue même une incitation à se défier dune morale de lêtre en lui opposant un « penser plus », une pensée toujours dynamique.

Riccardo Campi, « Pour une histoire de limperfection. Montesquieu et la “manière gothique” »

Aux yeux de Montesquieu, la perfection et limperfection artistiques désignent moins des degrés dadéquation à un modèle idéal que les effets dun procès historique et culturel dont on peut suivre lévolution (ou linvolution). Cest pour cela quun texte mineur comme De la manière gothique peut jeter une lumière différente sur lidée dimperfection et être interprété comme lébauche de cette esthétique nouvelle dont Montesquieu na pas eu le loisir de tirer toutes les conséquences. 

Robert Fajen, « Pour une poétique de léphémère. Le comte de Caylus, la Société du Bout-du-Banc et la division du champ littéraire au milieu du xviiie siècle »

Dans les années 1740, le champ littéraire français voit saffronter deux partis. Des auteurs comme Voltaire prônent lidée dune littérature « classique », parfaite et intemporelle ; dautres écrivains, qualifiés jusquaujourdhui de second ordre, sopposent à cette conception. Les membres de la Société du Bout-du-Banc, un cercle intellectuel qui gravite autour du personnage protéiforme du comte de Caylus, développent une poétique provocante faisant étalage dun art provisoire, passager et défectueux.

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François Rosset, « “Ni goût, ni justesse”. Romans médiévaux au siècle des Lumières »

Lorsque, au siècle de la raison, se manifestent les premières vagues dintérêt pour la littérature de chevalerie, une question fondamentale se pose : comment faire pour donner à lire au public des romans qui ne manquent pas dintérêt, mais qui sont décidément trop bizarres, trop imparfaits pour plaire aux contemporains de lEncyclopédie ? Au cœur de cette question, il y a surtout celle des particularités reconnues à la fiction et lon voit alors comment se noue le lien qui rattache imperfection et fiction. 

Bruno Trentini, « Lexpérience de limperfection, sublime et dépassement »

Sans norme prédéfinissant ce quest une œuvre dart parfaite, parler dœuvre imparfaite ne fait pas sens. En revanche, parler doccurrences imparfaites dune œuvre fait sens (comme une fausse note dans une interprétation musicale). Or, repérer une imperfection cest aussi repérer quelle naurait pas dû être, et donc se représenter mentalement un cas parfait. Lexpérience esthétique de limperfection implique donc une démarche dabstraction qui se traduit par un dépassement proche du sublime.

Marie-Christine Desmaret-Bastien, « Le concept de lœuvre bizarre dans Les Grotesques de Théophile Gautier. La rhétorique du texte et de limage sous le signe de lexcès »

Le musée de Gautier se dessine dans Les Grotesques à travers un parcours esthétique permettant de cerner la sensibilité grotesque et dappréhender limaginaire de lexcès, de la marginalité, de lanormalité, de lexcentricité, revendiqué par le critique dart, et sexprimant à travers le baroque et le romantisme, invitant à une contemplation littéraire et picturale, des motifs symboliques, des figures mythiques et des visages de lœuvre, sous le signe dune rhétorique du texte et de limage.

Sylvain Ledda, « Notes sur limperfection littéraire à lépoque romantique »

Sinterroger sur limperfection littéraire à lâge romantique, cest se demander si la relativité du goût et la force des normes peuvent encore servir de repères pour les créateurs de la génération de Hugo. Il sagit donc de réfléchir à la 758pertinence des notions de « perfection » et d« imperfection », et détudier en quoi ces concepts antagoniques entrent dans le débat qui se noue autour du génie, des genres et de la valeur des modèles.

Jacques Poirier, « “Mal vu mal dit”. Lart décrire sans style »

Tandis que, dans la mythologie nationale et scolaire, la littérature du siècle de Louis XIV a longtemps été considérée comme un sommet absolu, et quà linverse les auteurs du xixe siècle ont souvent vécu la création comme un échec obligé au regard de leurs rêves, de nombreux écrivains modernes ont perçu lidéal de perfection comme un pur artifice, se réconciliant ainsi avec ce moment de vérité quest limperfection, et donc avec la finitude.

Yvan Leclerc, « “Les fautes appartiennent aux maîtres”. Flaubert et léloge de limperfection »

Parangon de la perfection formelle, Flaubert se juge pourtant sans complaisance : il souligne régulièrement lécart entre la conception et la réalisation, poussant la surenchère jusquà se montrer plus critique que la critique, parce que seul un créateur lui semble apte à percevoir les défauts. Les imperfections quil reconnaît ne tiennent pas à un accident dexécution qui pourrait se corriger ; elles sont consubstantielles à la poétique qui sinvente à chaque livre.

Geneviève De Viveiros, « Entre le cristal et la fange. Limperfection de la langue naturaliste »

Lun des lieux communs de la critique des œuvres de Zola concerne son style « fangeux » et en particulier, ce que ses détracteurs viennent à baptiser « la langue naturaliste ». Notre article cherche à analyser les discours sur limperfection de la langue des Rougon-Macquart comme discours disqualifiant non seulement la littérature naturaliste mais aussi les réformes sur lorthographe qui voient alors le jour.

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Ian Grivel, « Limperfection du double ou les représentations littéraires de la Psyché peinte et sculptée »

Le double, par son aspect gémellaire, invite à la comparaison. Il en va notamment ainsi dune œuvre dart qui, placée à proximité de son double, peut finalement se voir encensée ou critiquée. La mimésis met alors souvent en lumière limpossibilité datteindre une quelconque perfection. Cela est dautant plus vrai pour Psyché, déesse symbole de lâme, dont les copies artistiques dans de nombreuses œuvres littéraires du xixe siècle, surtout anglophones, ne font que souligner son imperfection.

Robert Kahn, « Le Terrier, la construction de limperfection »

Classé par Kafka parmi les textes que Max Brod devait brûler après sa mort à cause de leur imperfection, Le Terrier, géniale (quasi) dernière œuvre, est également imparfait de par son inachèvement, qui appelle plusieurs interprétations : biographique certes, mais surtout allégorique, linachèvement du récit et lopacité sémantique du bruit qui angoisse le narrateur devenant paradoxalement une forme suprême daccomplissement et de réussite pour signifier lincomplétude et la déréliction humaines.

Guillaume Bridet, « André Gide et Wladimir Jan Pavel Malacki entre obsolescence classique et imperfection prolétarienne »

La conjoncture singulière de la seconde moitié des années 1930 voit entrer en dialogue Gide et Malacki, deux écrivains que tout éloigne lun de lautre mais que rapproche un moment de crise politique et sociale. Convient-il de privilégier la perfection classique ou la modernité prolétarienne, le souci de la forme ou lexpression de la vie ? Le dialogue entre les deux écrivains projette un éclairage singulier à la fois sur ce contexte littéraire et sur certains mécanismes de la création littéraire.

Fadi Khodr, « Perfection et imperfection dans la poésie de Salah Stétié »

Dans les recueils de Salah Stétié, la figure de la fillette et celle de la femme coexistent avec des occurrences de celle de la poupée. Salah Stétié semble faire de la fillette un objet-poupée, symbole de la langue du concept. La destruction 760de cette langue trop parfaite simpose alors pour la réhabilitation de ses mots réifiés et leur transmutation en parole exprimant loutre-sens.

Caroline Andriot-Saillant, « La traduction chez Dominique Fourcade, comme imparfait corps-à-corps »

Limperfection du traducteur est une expérience originelle. Dominique Fourcade léprouve lorsquil traduit James Schuyler, pour lanthologie Vingt Poètes américains (Gallimard, 1980). La tâche du traducteur est de reformer, dans sa propre langue, la plénitude quil perçoit dans The Crystal Lithium, à partir dun écart nécessaire, qui ferait advenir un nouveau corps de langue, lieu de la rencontre. Cette étude porte sur les procédures linguistiques de ce réagencement et leurs enjeux poétiques.

Sébastien Bost, « Barbara, “cœur tout blanc et griffes aux genoux” »

Barbara déplorait son manque dinspiration, sa difficulté à écrire et sa méconnaissance de la musique. Si la qualité de ses chansons est aujourdhui saluée, cest parce quelle a su faire de limperfection une méthode de création. Ses faiblesses supposées lobligent en effet à inventer ses propres processus pour élaborer un répertoire libre, singulier. Ses défaillances, érigée en paradigmes esthétiques, stimulent son acte créateur et lui confèrent toute sa richesse.

Henri Garric, « Boulet. Limperfection dans une œuvre de bande dessinée contemporaine »

Boulet est connu dans son milieu comme un virtuose du dessin. Pourtant, il se plait à exposer des « dossiers de la honte », qui mettent en avant ses imperfections. Ce faisant, il renoue avec une longue tradition qui voit dans la bande dessinée un « art mineur », en position de modestie revendiquée. Cette tradition, notamment ancrée dans les écrits théoriques de Rodolphe Töpffer, associe conscience de limperfection et des forces que porte cette imperfection, réponse à la perfection de lœil divin.

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Marc Arino, « Dialectique de limperfection négative et positive dans le cycle La Diaspora des Desrosiers (2007-2015) de Michel Tremblay »

Cet article met en évidence larticulation qui existe entre les deux cycles romanesques principaux de Michel Tremblay, Les Chroniques du Plateau-Mont-Royal (1978-1997) et La Diaspora des Desrosiers (2007-2015), puis la manière dont divers thèmes, figures et motifs font retour dans La Diaspora, ce qui entraîne longueurs, passages ratés car inutiles ou redondants, voire auto-citations ou emprunts aux Chroniques à peine réécrits, mais aussi des variations positives.

Sylvie Vignes, « Michel Lambert, LAdaptation. Obsession de lunique et précieuses imperfections en abyme »

Comme semblait lannoncer déjà son premier titre – De très légères fêlures – lœuvre de Michel Lambert est riche en personnages affectés dun boitillement ou dun vacillement. Dans LAdaptation, roman publié en 2018, à travers le personnage dun narrateur réalisateur en quête dun ciel parfait, une tension se dessine entre obsession de lunique et irrésistible tendresse pour ces imperfections qui reflétent la vie et lhumanité dans ce quelles ont de plus puissamment authentique.

Sara Bédard-Goulet, « Les lectrices imparfaites de Jean Echenoz »

Lexpérience de la lecture démontre linadéquation de la figure dun lecteur modèle et conteste la pertinence dun critère de perfection technique pour définir lœuvre littéraire. En prenant Les Grandes blondes (1995) et Envoyée spéciale (2017) de lauteur contemporain français Jean Echenoz comme objets détude, cet article vise à analyser les figures de lectrices décrites dans ces romans, pour comprendre ce quelles révèlent des imperfections de la rencontre avec les textes.