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Classiques Garnier

Introduction à la troisième partie

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : L’Impératif de la voix, de Paul Éluard à Jacques Ancet
  • Pages : 151 à 151
  • Collection : Études de littérature des xxe et xxie siècles, n° 80
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406079958
  • ISBN : 978-2-406-07995-8
  • ISSN : 2260-7498
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07995-8.p.0151
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 22/04/2019
  • Langue : Français
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On ne saurait assigner les œuvres littéraires à des genres : du poème à lessai, du conte à la fable, du soliloque au chœur, ce sont toujours des proses en action, des rythmes en résonance, des gestes continués. Ce présent des œuvres tient à ce quelles répondent dexpériences toujours en cours : elles nexpriment ni des antériorités ni des intériorités autrement quen les réénonçant au présent dune relation ; elles ne métaphorisent ou nallégorisent voire ne fictionnalisent des situations ou des sentiments quen les historicisant au présent dun dire. Le test de ce présent des œuvres quon peut aussi considérer comme un don de langage, cest celui de la vie dans ses moindres gestes. Si certains discours de la maîtrise et de la domination vocales empêchent lécoute, y compris des plus grands silences, cest bien parce quils refusent ce que les œuvres réussissent : faire entendre les sans-voix et faire entendre ce qui est sans voix dans les voix qui semblent se faire entendre. Aussi, la définition et la valeur des œuvres littéraires sont-elles prises dans une réciprocité et une intensité conjointes : plus elles redonnent voix, y compris silencieuses, plus elles œuvrent et montrent ainsi ce que nous ne savons pas toujours voir comme des gestes1 où la vie continue. De Walter Benjamin (1892-1940) à Bernard Vargaftig (1934-2012) et David Diop (né en 1966), en passant par Henri Meschonnic (1932-2009) et Kateb Yacine (1929-1989), il y aurait comme un prophétisme de lécriture qui nest en rien un discours surplombant sur lépoque, ses événements ou son avenir, mais linvention forte de gestes de vivants quand les assignations font tout pour empêcher les voix de vivre.

1 Sur la notion de geste, je me permets de renvoyer au chapitre 4 (« Les gestes du poème-relation ») de Langage et relation Poétique de lamour, Paris, LHarmattan, 2005, p. 143-176. On peut également consulter les actes du colloque « Les gestes du poèmes » (Rouen, 2015), en ligne à cette adresse : http://ceredi.labos.univ-rouen.fr/public/?les-gestes-du-poeme.html. Et on ne manquera pas de référer au livre de Dominique Rabaté, Gestes lyriques, déjà cité.