Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : L’Identité du diplomate (Moyen Âge-xixe siècle). Métier ou noble loisir ?
- Pages : 475 à 483
- Collection : Rencontres, n° 471
- Série : Histoire, n° 8
- Thème CLIL : 3382 -- HISTOIRE -- Histoire générale et thématique -- Europe
- EAN : 9782406104667
- ISBN : 978-2-406-10466-7
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10466-7.p.0475
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 16/11/2020
- Langue : Français
Résumés
Lucien Bély, « Préface »
Pendant longtemps le « diplomate » n’a pas existé puisque le mot même n’apparaît vraiment qu’au temps de la Révolution française. Au cours du xviiie siècle pourtant, le « corps diplomatique » semble déjà faire son apparition. Ce livre est né du désir intellectuel de comprendre le lien entre d’un côté des personnalités assumant une mission d’ordre politique et de l’autre les sociétés et les cultures dont ils étaient issus, sur lesquelles ils s’appuyaient et dont ils étaient partie prenante.
Indravati Félicité, « Introduction »
Comment définir les fonctions et la place des diplomates dans les administrations et les sociétés européennes du Moyen Âge à l’époque contemporaine ? Le mot « identité » recouvre au moins trois acceptions qui offrent, chacune, une possibilité de redessiner le portrait du diplomate tout en tenant compte de l’historicité de son action. L’ouvrage contribue à cette définition en puisant dans la sociologie, l’histoire matérielle et l’étude de parcours individuels de diplomates.
Camille Desenclos, « Diplomate, huguenot ou humaniste ? Le modèle de l’agent français auprès des princes protestants de l’Empire (1589-1620) »
Depuis l’accession au trône d’Henri IV, les relations diplomatiques avec la partie protestante du Saint-Empire prennent un nouvel essor. Le besoin de connaissances particulières combiné aux enjeux complexes de l’axe rhénan, oblige à une adaptation, voire à une spécialisation, du personnel diplomatique auprès des princes protestants. Cet article interroge l’existence d’une identité spécifique à l’agent diplomatique français auprès des princes protestants de l’Empire.
476Sven Externbrink, « “Le ministre ou le plénipotentiaire est un caméléon” (La Bruyère). Les multiples rôles des “ambassadeurs” à la cour de Louis XIV »
Wicquefort et La Bruyère dressent chacun à leur manière le portrait de « l’ambassadeur » ou du « ministre public » en tant que « courtisan ». Les qualités requises pour être un habile homme de cour comprennent l’habilité, l’éloquence, la souplesse et l’art de l’« honnête dissimulation ». L’article présente quelques-uns de ces « diplomates » à la cour de Louis XIV. Leur propre perception était-elle identique aux portraits de Wicquefort et de La Bruyère ?
Anna Lingnau, « Experience Instead of Professionalism. The Brandenburg Legate Friedrich Rudolph of Canitz (1654-1699) Reflected in his Library »
Friedrich Rudolph von Canitz, passé à la postérité en tant que poète, a fait une carrière diplomatique dans le Saint-Empire au service des électeurs Frédéric-Guillaume et Frédéric III de Brandebourg. Cette contribution explore la bibliothèque de Canitz afin d’étayer la thèse selon laquelle on ne peut encore, au xviie siècle, parler d’une professionnalisation de la diplomatie. Canitz appartient bien davantage au type du Politicus, doté d’une culture juridique et générale.
Sylvain Lloret, « Du négoce en diplomatie. Édouard Boyetet à la croisée des mondes marchands et diplomatiques (1772-1784) »
Au xviiie siècle, un agent général de la Marine et du Commerce de France à Madrid était nommé aux côtés de l’ambassadeur français en Espagne. La création de ce poste met en évidence les interactions de plus en plus étroites entre deux sphères traditionnellement étanches l’une à l’autre : le monde du négoce et le monde de la diplomatie. Il s’agira ici de décrire l’agent au travail et de comprendre en quoi l’éthos marchand rejaillissait dans ses pratiques diplomatiques.
Fabrice Brandli, « Les négociateurs français à Genève (1679-1798). Identités sociales composites et pluralité des parcours »
« Chétive faveur », selon le résident Pierre-Michel Hennin, la résidence de France à Genève est un poste subalterne, à la mesure de la place secondaire qu’occupe la république dans l’ordre européen. En renonçant « à des distinctions 477trop nettes et à des critères de classification trop rigides », il s’agira de retracer la polyvalence des parcours des négociateurs français à Genève, entre Lumières et Révolution, au gré des réseaux, des protections et des sociabilités multiples.
Marion Aballéa, « Des chemins divergents ? Diplomates français et allemands de la fin du xixe siècle à la Première Guerre mondiale »
Bien qu’ils revendiquent leur appartenance commune à une société internationale aux codes et aux valeurs partagés, les diplomates français et allemands apparaissent, dans le dernier quart du xixe siècle, de plus en plus différents les uns des autres. Cet article se penche sur ce que dit cet éloignement progressif de deux corps diplomatiques jouant un rôle central dans les équilibres européens de cette fin de siècle, sur les mutations contemporaines de l’institution et du métier diplomatiques.
Virginie Martin, « Du noble ambassadeur au fonctionnaire public. L’invention du “diplomate” sous la Révolution française »
Il est communément admis que les deux néologismes diplomatie et diplomate seraient apparus sous la Révolution, les deux termes s’imposant ensuite dans un sens dépréciatif. L’article interroge les enjeux de ces glissements sémantiques, afin de montrer qu’au tournant des xviiie et xixe siècles, la progressive émergence du diplomate comme « expert » découle de son statut inédit de « fonctionnaire » et va de pair avec la reconnaissance de la diplomatie comme une science mais aussi comme une profession.
Ina Ulrike Paul, « Charles-Frédéric, comte Reinhard (1761 – 1837) – diplomate et homme de lettres »
À l’exemple de la biographie de Charles-Frédéric de Reinhard, l’article interroge les qualités requises (origine, études, connaissances) en période révolutionnaire, pour être membre du corps diplomatique français. Les conditions dans lesquelles la carrière de Reinhard s’est construite sont ensuite examinées. Enfin, les éléments clés qui constituent le parcours et la professionnalisation du métier de ce diplomate sont présentés.
478Yves Bruley, « Le caractère du diplomate idéal au xixe siècle. Constantes et évolutions »
Au lendemain de la Révolution française, la diplomatie tente de redessiner le portrait moral de l’ambassadeur idéal. Ainsi, dans l’introduction de son Histoire de la diplomatie française parue en 1809, Gaétan de Flassan énumère les qualités qui constituent à ses yeux « un beau caractère ». L’article analyse la manière dont ce « beau caractère » du diplomate idéal a évolué entre le début et la fin du xixe siècle, époque où la sociabilité diplomatique passe au second plan.
Núria Sallés Vilaseca, « “Il nome moscovita è arrivato infino a noi”. The relationship between the diplomats of Philip V of Spain and those of Tsar Peter I (1717-1719) »
Cet article analyse les mécanismes qui influencèrent la relation naissante entre deux puissances européennes au début du xviiie siècle : la Russie et l’Espagne. À la fin de la guerre de Succession d’Espagne, un canal diplomatique fut établi entre le tsar Pierre le Grand et Philippe V d’Espagne. L’article se penche sur la construction d’un lien fondé sur la respectabilité et de crédibilité par quatre ministres chargés de négocier au nom de ces deux puissances.
Géraud Poumarède, « Entre information et journalisme. Les insertions pour la Gazette de France du Baron de La Houze, Ministre plénipotentiaire de la France à Parme (1766-1770) »
En 1761, le secrétariat d’État des Affaires étrangères prend le contrôle de la Gazette et cherche à mobiliser les ministres du roi dans les cours étrangères afin d’alimenter ses colonnes de nouvelles fraîches. Cette mutation s’inscrit aussi dans un effort de longue durée pour contrôler l’information, notamment internationale. Les bulletins du Baron de La Houze, agent du roi à l’étranger devenu « nouvelliste », éclairent d’une façon originale la fabrique de l’information internationale.
Laurence Badel, « L’interprète en diplomatie. Expériences françaises au Siam dans la seconde partie du xixe siècle »
L’ouverture qu’imposèrent les Occidentaux à la Chine et au Japon à partir des années 1840 créa un besoin de traducteurs et d’interprètes. Une double 479formation linguistique existait alors : celle, sur le terrain, des interprètes appelés à travailler pour les légations françaises et celle des élites asiatiques et, en France, le vivier de l’École spéciale des langues orientales vivantes. L’article étudie la carrière des interprètes-adjoints, attachés à un poste consulaire ou diplomatique.
Matthieu Gellard, « L’ambassadeur entre audiences et dépêches. Statuts et usages de l’écrit et de l’oral dans les pratiques de négociation au xvie siècle »
Le travail de l’ambassadeur repose largement sur une tension et un va-et-vient permanents entre écrit et oral. La question de l’écrit soulève celle de l’oral, comme en miroir : que dit-on uniquement à l’oral et qu’est-ce qui au contraire passe à l’écrit (lors de l’instruction d’un ambassadeur, lors d’une audience, lors d’une entrevue entre souverains), quel témoignage écrit peut-on mobiliser pour reconstituer les échanges oraux entre les acteurs de la négociation et quels biais cela entraine-t-il ?
Guido Braun, « La correspondance diplomatique et la production de savoirs. Une analyse des rapports des ambassadeurs français dans le Saint-Empire à la fin de la guerre de Trente Ans »
La quête d’informations était l’une des tâches les plus importantes des diplomates du xviie siècle, à côté des négociations et de la représentation du souverain. Les rapports des nonces apostoliques et des ambassadeurs français dans le Saint-Empire à l’époque de la guerre de Trente Ans montrent que la rédaction des rapports et des instructions relève d’un « art épistolaire » spécifique et de conventions particulières qui varient d’une cour à l’autre.
Jean-Charles Speeckaert, « Diplomatie impériale contre diplomatie française. Bruxelles au carrefour des cultures et des pratiques, seconde moitié du xviiie siècle »
Cette contribution se propose de montrer comment Bruxelles a pu être le lieu de rencontre et d’interaction de cultures et pratiques diplomatiques différentes à une période charnière : la seconde moitié du xviiie siècle. Dans la mesure où la diplomatie autrichienne du xviiie siècle est parfois considérée comme un modèle, incarné par le chancelier Kaunitz, l’article confronte le profil de certains diplomates à celui des ministres de France envoyés à Bruxelles, le plus souvent des militaires.
480Élisabeth Malamut, « Quand se côtoyaient humanistes et hommes de métier »
Au concile de Ferrare-Florence, une ambassade byzantine tout à fait exceptionnelle de 700 personnes fut conduite par l’empereur Jean VIII Paléologue en vue de réaliser l’Union des Églises. Officiers ecclésiastiques et humanistes se côtoient, se connaissent, mais on peut se demander quelles étaient leurs tâches respectives, s’ils étaient issus des mêmes milieux, en quoi les uns et les autres ont œuvré pour la réussite du concile et en quoi, finalement, ils imprimèrent leur marque audit concile.
Guillemette Crouzet, « Une figure d’espion-diplomate ou les aventures de Reginald Teague-Jones au service de l’Empire britannique »
Né en 1889 et mort en 1988, Reginald Teague Jones fut un témoin particulier du dernier siècle impérial de la Grande-Bretagne. Il servit l’Empire britannique aux Indes et en Perse alors que Londres gouvernait plus d’un quart de la population mondiale avant d’être témoin, durant la guerre froide, de la décolonisation de l’Empire. À travers ce personnage, cet article met en valeur à la fois les continuités mais aussi les changements qui affectèrent la fonction d’agent impérial au xxe siècle.
Jean Sénié, « Les nonciatures de Prospero SantaCroce. Le savoir-faire diplomatique au service d’un parcours curial »
Au début des temps modernes, le besoin d’une représentation diplomatique permanente se fait sentir pour les papes. Au xvie siècle observe-t-on une « professionnalisation » des nonces et la constitution d’un savoir-faire original, indispensable à leur rôle d’« agent de diffusion de la réforme catholique » ? À cet égard, le cas de Prospero SantaCroce, qui développe des compétences pour mener à bien ses missions et édifie un véritable éthos de l’ambassadeur, s’avère particulièrement intéressant.
481Charlotte Backerra, « “[…] the Emp.r’s Envoy is as good as other Princes Amb.rs.” Diplomates impériaux et britanniques auprès des cours de Londres et de Vienne au début du xviiie siècle »
La comparaison de la Cour de Londres et de la Cour de Vienne ainsi que de leurs pratiques diplomatiques respectives fait apparaître une professionnalisation du service diplomatique antérieure en Grande-Bretagne. Le présent article sera consacré à deux diplomates impériaux et deux diplomates britanniques qui représentèrent leurs monarques respectifs à Londres et à Vienne. Les critères de recrutement du personnel diplomatique, leur rôle de représentants et la suite de leur carrière sont présentés.
Alexandre Stroev et Dzianis Kandakou, « “Tout vient du Nord” ? Les diplomates russes et danois et la sociabilité parisienne sous l’œil de la police (1740-1747) »
Au xviiie siècle, la Russie et le Danemark jouent des rôles différents sur la scène politique de l’époque. La puissance militaire russe dépasse de loin les moyens du royaume scandinave, et au début du siècle, la Russie apparaît comme un pays neuf. Cette différence culturelle se fait sentir à travers les habitudes et les pratiques sociales de leurs représentants diplomatiques en France, comme en témoigne le cas d’Antioche Cantemir et de Johann Hartwig Ernst von Bernstorff.
Tracy Adams et Christine Adams, « The French Royal Mistress as Diplomat »
Il est désormais admis que les femmes nobles participaient, sous l’Ancien Régime, à l’ensemble de diverses pratiques culturelles qui faisaient la diplomatie. Communément associées à la capacité naturelle de faire la paix et de soutenir les intérêts familiaux, les femmes furent considérées comme des médiatrices et même des négociatrices par excellence. Cet article présente quelques interrogations soulevées par l’intense activité diplomatique de certaines maîtresses des rois de France.
482Niels F. May, « Négocier entre diplomates, nobles, spécialistes ou ministres ? Pour une prosopographie des négociateurs lors des rencontres internationales aux xviie et xviiie siècles »
Afin de définir une éventuelle professionnalisation de la diplomatie au cours de la deuxième moitié du xviie et du xviiie siècle, cet article étudie le personnel employé lors des congrès de cette époque. Une étude comparative des différents congrès, des représentants employés et de leurs parcours avant d’être envoyés en tant que négociateurs permettra de dégager des parallèles et des différences dans les carrières « diplomatiques ».
Sébastien Schick, « Principal ministre et diplomate ? Les principaux ministres allemands et leur activité diplomatique au xviiie siècle »
Cet article interroge le rôle diplomatique qu’ont joué, au xviiie siècle, des acteurs que l’historiographie considère habituellement, non pas à partir de la catégorie du « diplomate », mais à partir de celle du « principal ministre » ou du « favori ». À partir de plusieurs États territoriaux du Saint-Empire, il montre que la différenciation entre « diplomate de métier », et la catégorie plus large du « ministre » ou du « conseiller du prince », semble difficile à tenir dans le cas impérial.
Éric Schnakenbourg, « “Le cul de sac du Nord”. Séjour et carrière des diplomates français employés en Europe du Nord au tournant des xviie et xviiie siècles »
Les grands traits de la politique française en Europe du Nord sont désormais bien connus, mais c’est moins le cas des diplomates eux-mêmes. Cet article propose d’y remédier en partie en étudiant les particularités des conditions de travail des diplomates en Europe du Nord, ainsi que la signification et l’importance du séjour septentrional dans l’ensemble d’une carrière de diplomate au tournant des xviie et xviiie siècles. Ces diplomates deviennent-ils des experts pour leur gouvernement ?
Michael Auwers, « “Faut-il rester en diplomatie ?” Les facteurs d’attraction de la diplomatie à la fin du dix-neuvième siècle »
Cet article interroge la situation matérielle des diplomates et la composition sociologique du corps diplomatique belge pour ensuite explorer les diverses étapes du métier de diplomate, de l’entrée dans la carrière jusqu’au couronnement 483de celle-ci comme ministre plénipotentiaire dans les postes les plus convoités. Cela permettra d’analyser les conditions des promotions diplomatiques et, plus largement, d’identifier un esprit propre à l’identité diplomatique à la fin du long xixe siècle.
Indravati Félicité, « Pour dépasser le paradigme de la professionnalisation. Réflexions sur la situation financière des diplomates au xviiie siècle »
Le but de cet article est de contribuer à la réflexion générale sur la professionnalisation de la diplomatie au xviiie siècle. À travers la réalité socio-économique du « métier » ainsi que les conditions de vie et de travail des diplomates, il revient sur la question de la situation financière du diplomate et sur la position qu’il occupe dans la société, en se demandant notamment si le xviiie siècle voit l’émergence d’un métier rétribué et fondé sur un statut.
Stefano Andretta, « Conclusions »
L’identité peut devenir un miroir qui ne reflète pas toujours ce qu’on attendait – une relative homogénéité – mais renvoie plutôt l’image de la diversité. Le contexte joue un rôle primordial et favorise la contamination des savoirs. Le prolongement de la réflexion vers des périodes plus tardives et plus contemporaines permet une comparaison fertile, d’une période à l’autre, entre les modes de sociabilité et éclaire l’évolution de l’image et de la nature intime du corps diplomatique.