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Classiques Garnier

Préface

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Préface

Lenjeu du présent travail est détayer la pertinence du passage dun paradigme ontologique à un paradigme effectif-processuel.

Le paradigme ontologique, posant une antériorité des déterminations sur le possible, entraîne, de par son orientation même, un oubli de lélément de possible, à lœuvre à chaque fois en contexte.

Or, après le moment incarné par Nietzsche et Marx, les logiques efficaces (les théories opérantes) sont instrumentalisées par des conditions (identités et intérêts) dont elles tiennent leur nécessité.

Lontologie, entérinant cette nécessité, dont elle ne discute pas la racine volitive, ne peut quéchouer à remettre en cause, ou du moins à mettre à distance, à chaque fois, les conditions effectives.

En revanche, le paradigme effectif-processuel, libérant une écoute, une considération de lélément de possible accessible, à chaque fois, en contexte, rend pensable une assomption des logiques efficaces, perçues dans leur dépendance par rapport à des conditions dont la nécessité nest dès lors plus reçue comme un fait.

Cette problématique va, dans ce qui suit, se spécifier en trois moments.

Le passage du paradigme ontologique à un paradigme effectif-processuel a des implications décisives aussi bien en logique (à propos notamment de la question des mondes possibles) quen morale (avec le concept de méditations morales) et en philosophie politique (avec le problème du statut des droits de lhomme).

À chaque fois sera remise en cause lantériorité des déterminations sur le possible, cest-à-dire la présupposition que toute la possibilité dune détermination vient uniquement de déterminations antérieures, quune détermination est purement et simplement posée par une série finie de déterminations arrêtées dans leur structuration.

Quelles possibilités ouvre pour la pensée la référence en plus à lélément de possible qui traverse la situation et qui doit être pris en compte de plein droit dans ce qui a fait la possibilité dune détermination donnée ?

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Lampleur de la réforme théorique proposée ne se laisse pas appréhender tant que lon na pas suivi ses implications dans ces trois domaines, avec le poids historique et conceptuel qui est le leur.

Lenjeu est aussi, ce faisant, de retrouver un sens de la philosophie qui ne soit plus un simple jeu formel avec des concepts, mais trouve son centre de gravité dans la pratique de méditations morales. Autrement dit, lordre des idées doit trouver à sinscrire dans un ordre de la sensibilité.

Il sagit bien de dégager des pistes de réflexion, de tester la viabilité et la fécondité du schème effectif-processuel.

Lon trouvera des références à des débats classiques et actuels, montrant comment ils pourraient être réactivés et réinvestis depuis la position nouvelle.

La réflexion prendra, au détriment parfois de la légèreté peut-être, la forme dune rumination, présentera un aspect pour ainsi dire bovin, un animal dont Nietzsche avait bien relevé la vertu spécifiquement philosophique.

Les paragraphes (notamment dans les deux premières parties), ne se lient pas selon une déduction logique, ni selon une concaténation formelle rigide, mais doivent être lus plutôt comme des variations convergentes autour dun thème.

Ils déploient une réflexion qui revient sans cesse sur ses présupposés et ses options rationnelles, les approfondissant et les mettant en résonance avec différents champs problématiques, enrichissant peu à peu les harmoniques, qui viennent appuyer en retour ces options, en montrant la fécondité théorique et pratique.

Lenjeu se laisse apercevoir de façon privilégiée dans la remise en cause dune vision statique de la distinction théorie/pratique comme opposition de domaines juxtaposés.

Le lecteur est invité à considérer que le pratique se joue dans une connaissance adéquate du statut de vérité du théorique, rien de plus.

Théorique et pratique devraient être connus comme essentiellement solidaires, leur coappartenance désignant le statut exact de cette connaissance.

La pensée doit, ici comme ailleurs, prendre la mesure de limmense responsabilité qui incombe à celui qui simplement vit et respire, qui parle, qui écrit, faisant bien et mal, jusquà ce quil se demande, horrifié, « quai-je fait ? », « quel est ce poids qui moppresse ? », « pourquoi une telle question ma-t-elle choisi ? ».

Je ne pourrai déposer celle-ci quelle ne soit allée au bout delle-même, que nous neussions traversé, de part en part, les apparences sans rive dun rêve inachevé.