Résumés des contributions
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: L’Herméneutique fictionnalisée. Quand l’interprétation s’invite dans la fiction
- Pages: 373 to 380
- Collection: Encounters, n° 99
- Series: General and comparative literature, n° 9
- CLIL theme: 4028 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes de littérature comparée
- EAN: 9782812432293
- ISBN: 978-2-8124-3229-3
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-8124-3229-3.p.0373
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 02-20-2015
- Language: French
Résumés des contributions
Pierre Darnis, « Lecture publique – Lecture solitaire. Deux paramètres déterminants dans les comportements herméneutiques du lecteur moderne (le cas du récit cervantin) »
L’interprétation de l’imprimé « moderne » est conditionnée par deux pratiques concurrentes : la lecture solitaire et la lecture publique. Dans le premier cas, les lecteurs ne sont pas à l’abri d’une lecture délirante et, dans le second, ils s’engagent nécessairement dans un débat (disputa). On verra ainsi que, pour Cervantès, la formule de la nouvelle exemplaire (novela ejemplar) permet de répondre aux risques interprétatifs que ces deux modalités supposent.
Two rival practices influence the interpretation of the “modern” printed book : solitary reading and public reading. In the first case, readers can easily fall into delirious interpretations ; in the second, they inevitably enter into a debate (disputa). This paper argues that Cervantes designed the “exemplary story” (novela ejemplar) as a way to counter the interpretative risks implied by those two modes of reading.
Christine Noille, « Portrait du conteur en interprète. La leçon de Perrault »
L’analyse rhétorique postule de façon tout à fait fondamentale la discursivité, l’argumentativité des énoncés qu’elle prend en charge : geste herméneutique incommensurable d’une intention d’argumentation. Mais peut-être est-ce au fond sans prise directe sur l’art de composer les textes, de les mettre en forme, de les formaliser : ce sera là notre hypothèse, que nous essaierons d’approfondir avec le cas Perrault.
The rhetorical analysis rests on the fundamental presupposition that sentences can be analyzed in terms of discursivity and argumentativity. Such a claim depends on the following hermeneutical assumption : there is an incommensurable intention to argue. This paper suggests that this assumption may not be directly related to the art of composing and formalizing a text. Perrault’s tale will be studied here as a case example supporting this claim.
Céline Bohnert, « Quand l’interprétation ouvre la voie de la fiction. L’Endymion de Gombauld (1624) et La Vérité des Fables de Desmarets de Saint-Sorlin (1648) »
Dans l’Endymion de Gombauld et La Vérité des Fables de Desmarets de Saint-Sorlin, l’erreur de jugement d’un ignorant est une source d’invention fictive. Nous étudions les dispositifs narratifs en jeu et leur portée théorique, qui questionne la nature de la fiction moderne opposée aux fables anciennes.
In Gombauld’s Endymion and Desmarets de Saint-Sorlin’s La Vérité des Fables, interpretative mistakes generate fiction. This paper deals with the narrative devices used in these two novels and their theoretical significance, which questions the nature of modern fiction as opposed to ancient fictitious “fables”.
Anne Teulade, « L’opacité du spectacle saint. Fictions d’une réception problématique »
Dans le théâtre hagiographique du xviie siècle, la mise en scène de la sainteté s’accompagne d’une réflexion sur la mimèsis théâtrale, qui permet de répondre aux controverses théologiques et théoriques sur les pouvoirs de l’illusion et de livrer une interprétation possible du spectacle saint.
In seventeenth century hagiographical drama, the staging of sanctity conveys a reflection on theatrical mimesis, which answers religious and theoretical controversies dealing with the power of illusion, and provides the spectator with a possible interpretation of the holy spectacle.
Véronique Lochert, « La scène de la critique. Fictions de réception et d’interprétation au théâtre (1660-1740) »
La deuxième moitié du xviie siècle voit apparaître en France et en Angleterre des pièces consacrées aux modalités de la réception de l’œuvre dramatique. Accompagnant la montée en puissance du public et la naissance de la critique, elles proposent une réflexion sur les conditions de l’interprétation au théâtre.
During the second half of the seventeenth century, many plays about the reception of dramatic texts were written in France and England. As they consider the conditions of interpretation in drama, they testify for the growing authority of the audience and the birth of criticism.
Clotilde Thouret, « Titus Andronicus, ou l’interprétation mutilée »
L’herméneutique à l’œuvre dans Titus Andronicus est étonnamment restreinte : la pièce présente plutôt l’application à la lettre des récits ou la littéralisation des expressions figurées. Ce refus du figuré s’interprète comme une réaffirmation du lien entre les mots et les choses, et possède des enjeux juridiques, historiques et poétiques.
Titus Andronicus’ hermeneutics is surprisingly limited ; ancient narratives are duplicated and literary figures recover their literal meaning through Titus’ actions. This negation of the figurative can be read as an attempt to renew the bond between words and reality, which has judicial, historical and poetical issues.
Christian Michel, « Réflexivité, herméneutique de la fiction et paradoxe dans le Tiers Livre (F. Rabelais) et Der Prozess (F. Kafka) »
Chez Rabelais et Kafka, la réflexion sur l’interprétation dans la fiction rejoint celle de l’interprétation de la fiction. L’espace de la fiction ne se laisse donc pas distinguer de la représentation, problématisée, du sens en jeu dans l’œuvre même, qui s’avère être paradoxal (Tiers Livre) ou aporétique (Der Prozess).
In Rabelais’ and Kafka’s works, the representation of interpretation within the fiction meets the question of the interpretation of the fictional narrative itself. Indeed, the fictional space cannot be distinguished from the problematic representation of the meaning at stake within the narration itself, which turns out to be either paradoxical (Tiers Livre) or aporetical (Der Prozess).
Karen Haddad, « Une énigme, quelques interprétations. Les discours juridiques dans Les Frères Karamazov »
Le procès de Dmitri, dans Les Frères Karamazov, voit le procureur et l’avocat développer des reconstitutions totalement conjecturales et concurrentes des faits, chacun traitant celle de l’autre de « roman ». Le lecteur peut jauger leurs erreurs en fonction des éléments de la diégèse, mais il se voit à son tour confronté aux limitations de l’interprétation lorsqu’il s’avère que les informations partielles dont il dispose, fournies par un narrateur non fiable, laissent planer le doute sur les événements.
During Dmitri’s trial (The Karamazov Brothers), the prosecutor and the defense attorney develop opposite and conjectural accounts of the murder, each one being discredited as a romance by the other. The reader can compare their accounts with the main narrative, and be judge of their respective failings. Yet, as the truth of the events is left in the dark by an unreliable narrator, who let only partial information filter, he is confronted too with the limits of interpretation.
Aurore Peyroles, « De l’impératif politique de l’interprétation. Exercices pratiques de l’engagement littéraire dans U.S.A. de Dos Passos et Les Communistes d’Aragon »
Quoi de plus antinomique que l’interprétation, propice à l’interrogation et à la distanciation, et l’engagement littéraire, qui recherche l’adhésion du lecteur ? Le roman engagé les rend pourtant indissociables, exigeant de son lecteur-enquêteur un effort interprétatif qui l’engage, à son tour, irrémédiablement.
Interpretation, which implies interrogation and distanciation from the text, may appear as antithetical to literary commitment, which seeks the reader’s adhesion. However, committed novelists make them inseparable, precisely because they demand from their readers-researchers an interpretative effort which inevitably engages them.
Julie Wolkenstein, « Critiques policières. L’interprétation du tableau au service de l’enquête criminelle chez Robertson Davies et Orhan Pamuk »
Un homme remarquable de Robertson Davies et Mon nom est rouge d’Orhan Pamuk sont deux fictions qui empruntent au genre policier et dont la résolution passe par l’interprétation de tableaux. Cette étude montre que l’activité interprétative y sollicite des lectures divergentes et produit une déstabilisation du sens des images et des textes.
What’s Bred in the Bone by Robertson Davies and My Name is Red by Orhan Pamuk are both novels built as thrillers, in which the solution is revealed through the interpretation of paintings. This paper argues that interpretation requires different levels of reading, and unsettles the meaning of images and texts.
Andréas Pfersmann, « Interprétations et constructions analytiques dans Vagadu de Pierre Jean Jouve »
Fin connaisseur de l’œuvre freudienne, Pierre Jean Jouve imagine dans Vagadu (1931) la psychanalyse de l’actrice Catherine Crachat. On se propose d’étudier les interprétations et les constructions qui jalonnent le récit et le rôle des quatre herméneutes qui les prennent en charge, en insistant sur la fonction poétique de la Petite X, ce double fantasmé de Catherine-enfant qui accompagne sa cure.
As a fine connoisseur of the freudian theory, Pierre Jean Jouve imagined in Vagadu (1931) the psychoanalytical cure of the actress Catherine Crachat. This paper focuses on the interpretations and on the constructions that pave the narrative way, as well as on the role of the four exegetes who built them, insisting on the poetic function of La Petite X, who escorts Catherine’s cure and who appears to be her as a child’s fantasy double.
René Alladaye, « “Shaped by the teller, reshaped by the listener, concealed from both by the dead man of the tale”. The Real Life of Sebastian Knight, variations fictionnelles sur l’art de la biographie »
Dans La vraie vie de Sebastian Knight, son premier roman composé en anglais, Vladimir Nabokov n’a de cesse de confronter son lecteur à la question de l’interprétation en le plaçant face à un texte qui prend progressivement les allures d’une énigme narrative. Cet article tente de débrouiller l’écheveau d’un roman faussement simple.
The Real Life of Sebastian Knight, Vladimir Nabokov’s first novel in English, is an interpretative conundrum which invites (and maybe forces) its reader to solve a series of narrative problems. This paper tries to explore these problems in order to demonstrate the eerie complexity of a seemingly straightforward fiction.
Yves Ansel, « Milan Kundera. Tu ne voleras pas la lettre… »
Hanté par le spectre des trahisons liées au sort des écrits après leur publication, Milan Kundera entend rester « maître chez lui », contrôler sa création de A (la conception) à Z (la réception). Dans ses romans comme dans ses essais, il multiplie les commentaires auctoriaux visant à donner la bonne lecture, voire à imposer le bon sens de son œuvre.
Haunted by the threat of possible treasons following the publication of his works, Milan Kundera wants to remain the “master in his own home“, and to keep control over his creation, from its genesis to its reception. In his novels as well as in his essays, he doesn’t spare authorial comments so as to indicate what is the right reading, sometimes even imposing one single meaning on his work.
Zoé Schweitzer, « Actes de violences et paroles d’interprétations. Lars Norén, Sang ; Mark Ravenhill, Shopping and Fucking ; Werner Schwab, Excédent de poids, insignifiant : amorphe ; Botho Strauss, Viol »
Plusieurs pièces contemporaines mettent en scène des forfaits à peine supportables. Lorsque les personnages tentent de les interpréter, c’est la possibilité même de leur donner un sens qui est interrogée, voire contestée. Utilisant des mythes et des scènes connus pour éprouver les limites du représentable, cette violence nourrit une critique de la modernité.
A number of recent plays show almost unbearable crime scenes. While the characters try to give an interpretation, the possibility to interpret is itself questioned, even contested. Using well-known myths and scenes to test the limits of representation, this violence justifies a critique of modernity.
Lucie Campos, « La saturation et l’effroi. Fiction et interprétation dans les œuvres de W.G. Sebald et I. Kertész »
Dans les textes d’Imre Kertész et de W.G. Sebald, motifs de déchiffrement fictionnalisé et scénarios d’interprétation problématique posent, à la limite entre ce qui est fictif et ce qui ne l’est pas, la question du rapport de l’époque à son expérience historique.
In Imre Kertész’ and W.G. Sebald’s works, fictionalized deciphering and problematic interpretative scenarios, playing on the border between fiction and non-fiction, question the relationship between our time and its historical experience.
Alison Boulanger, « Comment construire l’histoire. L’interprétation comme lien chez Imre Kertész, W. G. Sebald et Jean-Paul Goux »
Dans les romans de Kertész, Sebald et Goux, l’interprétation, mise en scène et remise en cause, génère un sens qui n’est qu’une construction (et une
consolation) de l’esprit. Mais bien qu’elle apparaisse comme une fiction, les auteurs en réaffirment la valeur éthique en tant que questionnement, refus du non-sens.
Kertész’s, Sebald’s and Goux’s novels stage the process of interpretation and question the legitimacy of generating a meaning that exists only in the mind, for its comfort. But while they condemn it as a fiction, the authors reassert the ethical values of questioning, of refusing meaninglessness, that define interpretation.
Anne-Isabelle François, « “Dieu, des hiéroglyphes !…” L’interprétation : un mauvais trip ? »
L’article interroge la valeur et légitimité de l’interprétation dans Vente à la criée du lot 49 et Las Vegas Parano, récits postmodernes de la perte, sapant, peut-être irrémédiablement, sa pertinence tout en en exprimant la nostalgie. Les drogues permettent ici une dénudation de mécanismes problématiques, une reductio ad absurdum de l’herméneutique, (mauvais) trip parmi d’autres.
The paper compares The Crying of Lot 49 and Fear and Loathing in Las Vegas as postmodern narratives of loss, thus challenging, perhaps radically, the value, legitimacy and relevance of interpretation, whilst expressing its nostalgia. The drugs act as revealing process, reductio ad absurdum of the hermeneutical principle, just another (bad) trip.
Vincent Message, « Des interprètes en danger de mort »
Marqués par un pluralisme herméneutique, les romans de Pynchon et Danielewski fonctionnent tantôt comme des récits à baleine blanche, où on tente d’épuiser les significations d’un grand signe, et tantôt comme des récits à brouillard, décrivant un monde saturé de signes qui ne retiennent pas l’attention.
Notable for their hermeneutical pluralism, Pynchon’s and Danielewski’s novels operate alternatively as white-whale-narratives, which try to track down the meanings of an absolute sign, and as fog-narratives, depicting a world filled with signs too feeble to hold our attention.
René Audet, « Œuvres diffractées contemporaines et méandres de l’interprétation. Du récit comme errance cognitive »
Cet article cherche à saisir diverses incarnations de la lecture mise en récit et à identifier des figures révélatrices de l’interprétation vacillante chez Nicolas Dickner, Éric Chevillard et Enrique Vila-Matas, dont les œuvres se caractérisent par une diffraction textuelle et narrative.
This article aims at capturing various incarnations of reading in fictional narratives and at identifying exemplary characters prone to flickering interpretation in Nicolas Dickner’s, Eric Chevillard’s and Enrique Vila-Matas’ works, which are characterized by a textual and narrative diffraction.