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Classiques Garnier

Introduction à la troisième partie

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Introduction
à la troisième partie

En exil, Marie de Médicis nest pas une reine isolée. Autour delle, naissent des échanges entre des hommes et des femmes. Par ces canaux ainsi constitués, circulent, avec plus au moins dintensité, des nouvelles aux formes variées. Mais il ne faut pas considérer celles-ci comme des données immuables véhiculées entre les hommes par différents moyens quil sagirait seules détudier. La notion dinformer est bien entendue comme la « mise en forme des éléments de connaissance au service dune action1 ». La nouvelle ne préexiste donc pas à un échange proprement dit, mais naît et se modifie par les contacts tissés entre les hommes et leur manière de communiquer. Le rôle politique de la reine mère nous est révélé dans le contenu des courriers qui circulent, mais aussi dans leur nature et leur ordonnancement matériel. Lorsque la nouvelle circule, elle subit des altérations de différents ordres, par la présentation quen fait son émetteur, par les canaux de diffusion, par la perception de ses récepteurs. Ses métamorphoses suscitent des impacts variés. Ce sont autant dindices pour situer la reine mère en exil sur la scène politique internationale et dans limaginaire des peuples.

Par les nouvelles qui circulent, comment le statut de la reine mère est-il défini, compris, perçu ? Quels sont ce ou ces publics réceptifs à ces informations ? Lensemble des vecteurs de linformation et des nouvelles de cette époque doivent être retenus pour une telle analyse, en les resituant à chaque fois par rapport aux circonstances qui les font naître et circuler : lémetteur à lorigine de la nouvelle, le support de la nouvelle, son espace de diffusion, son ou ses destinataires2. Limprimé nest pas le 322vecteur exclusif des nouvelles et des idées. Le manuscrit a aussi une place fondamentale qui cœxiste avec lui3. Sont ainsi concernés les nouvelles orales, les imprimés, les pamphlets, les placards, les gazettes, les documents manuscrits, les courriers privés, les dépêches politiques, officielles ou secrètes, en tenant compte du fait que nous restons tributaires de sources souvent partiales et partielles4. Lobjet même, sous lequelle la nouvelle est mise en forme, doit être considéré dans sa matérialité propre à créer un sens et non pas seulement en tant que simple vecteur mieux à même de circuler dans tel ou tel milieu5. Des événements majeurs de lexil de Marie de Médicis peuvent être analysés en comparant ces différents outils de communication pour mieux comprendre la circulation des informations, leur imbrication et leur réception. À travers ce prisme, des pistes de lecture peuvent être données pour définir le statut politique de la reine mère, qui garde des contours très flous.

1 A. Furetière, op. cit.

2 Johann Petitjean étudie les avvisi en Italie en partant du constat que le fait dinformer ne peut être pensé quen situation et analyse ainsi « les milieux, les messages, les médiations, les intentions et les médiums pour comprendre ce quaviser pouvait signifier dans lItalie des xvie et xviie siècles ». Voir J. Petitjean, op. cit., p. 149.

3 Recopier de façon manuscrite les publications est parfois moins coûteux que limpression elle-même ; cest une pratique importante dans la diffusion des œuvres. Voir F. Moureau, Les Nouvelles à la main dans le système dinformation de lAncien régime,p. 117-134, La Plume et le plomb : espaces de limprimé et du manuscrit au siècle des Lumières, Paris, 2006, p. 6-16 et F. Moureau, dir., De Bonne main. La communication manuscrite au xviiie siècle, Paris, 1993.

4 Plusieurs ouvrages collectifs étudiant la notion dinformation à lépoque moderne ont signalé limportance de tenir compte des multiples supports et canaux dinformation. Voir E. F. Guarini et M. Rosa, LInformazione politica in Italia (secoli xvi-xviii), Pisa, 2001, Association des historiens modernistes des universités, LInformation à lépoque moderne, op. cit., H. Hermant, Guerres de plumes, op. cit., J. Petitjean, op. cit. et P.-Y. Beaurepaire et H. Hermant, dir., Entrer en communication de lâge classique aux Lumières, op. cit.

5 R. Chartier, Lectures et lecteurs dans la France dAncien régime, Paris, 1987, p. 12.