[Introduction de la troisième partie]
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : L’Étoffe des hérauts. L'office d'armes dans l'Europe des Habsbourg à la Renaissance
- Pages : 433 à 434
- Collection : Bibliothèque d’histoire de la Renaissance, n° 16
- Thème CLIL : 3387 -- HISTOIRE -- Renaissance
- EAN : 9782406101215
- ISBN : 978-2-406-10121-5
- ISSN : 2264-4296
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10121-5.p.0433
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 13/05/2020
- Langue : Français
Ou temps que [Julius César conquista toute la terre d’Europe et d’Occident et Pompée conquesta toute la terre d’Orient, Assie et une partie d’Africq], firent faire les offices royaulx pour gouverner et avoir congnoissance de tout ce qui appartient au mestier d’armes et pour décider des droictz, et jugementz qui en doibvent dépendre. Et premièrement fut ordonné par lesdits princes l’office de connestable, secondement l’office des amiraulx, tiercement l’office des mareschaulx, quartement furent faictz les cappitaines, quintement, pour estre aulx jugementz d’armes les héraulx, et chacun d’eulx servans en son degré1.
Encore copié au milieu du xvie siècle à Calais, le traité des cinq offices royaux établissait sans équivoque la nature de l’office d’armes : il était une dignité d’origine royale, intimement liée à la chevalerie et destinée au gouvernement des nobles. En cela, il représentait bien cette interface entre le monarque et sa noblesse, identifiée par G. Melville et C. Boudreau2. La vocation de l’office d’armes avait beau être de servir toute la noblesse, nombre de hérauts travaillaient directement ou indirectement pour le prince.
Comme les nobles, le prince que décrivaient les hérauts dans leurs traités était avant tout un roi-chevalier. La notion était double et les discours produits par les hérauts sur le sujet montraient bien le caractère composite d’un tel souverain. Il était à la fois et prince et chevalier. L’aspect un peu contradictoire de cette juxtaposition était en partie levé par une image qui revient régulièrement à l’esprit, quand on étudie les missions des officiers d’armes : celle du primus inter pares. Et de fait, l’imagerie à laquelle les hérauts furent associés sous les règnes de Charles Quint et Philippe II partait de l’idée que ces princes étaient la chevalerie faite hommes.
Mais ici encore, le caractère composite de la littérature des officiers d’armes leur faisait dire une chose et son contraire. À côté de ce prince chevalier, cédant volontiers à la camaraderie des armes et acceptant qu’un de ses sujets pût le vaincre en lices, il y avait aussi, de la part 434des hérauts, un discours sur la majesté et la souveraineté du monarque. C’est là qu’ils se révélaient comme les détenteurs d’un des cinq offices royaux. Ils étaient associés à une véritable mise en scène de la spécificité du pouvoir royal : un pouvoir souverain, supérieur et sacré. Leur participation réelle ou espérée à la collation des honneurs établissait également le prince en seul dispensateur, arbitre et contrôleur des dignités et de leurs marques.
Enfin, les hérauts du xvie siècle n’avaient pas complétement perdu une de leurs fonctions essentielles de la période médiévale : la diplomatie. Les traités établissaient en effet les hérauts comme les « légats généraux et messagers espéciaux » des princes et des nobles. Cette théorie correspondait encore largement à une réalité : les officiers d’armes étaient des acteurs à part entière de la guerre et de la paix. Ce domaine d’activité, enfin, révélait à lui seul toutes les contradictions de l’office, à la fois au service des nobles et du prince, de la chevalerie et de la souveraineté.