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Classiques Garnier

[Introduction de la quatrième partie]

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : L’Éthique néo-aristotélicienne
  • Pages : 287 à 288
  • Collection : Philosophies contemporaines, n° 22
  • Thème CLIL : 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
  • EAN : 9782406123781
  • ISBN : 978-2-406-12378-1
  • ISSN : 2427-8092
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12378-1.p.0287
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 15/12/2021
  • Langue : Français
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Anscombe a ouvert la voie à une critique radicale de « la philosophie morale moderne ». Elle a élaboré une psychologie de lintention susceptible déclairer la rationalité pratique. Elle a enfin défini les contours de ce que pourrait être un naturalisme éthique néo-aristotélicien. En revanche, elle na jamais proposé une analyse de la notion de vertu. De même, elle ne dit quasiment rien du « bonheur » alors que l« eudémonisme » est aujourdhui considéré comme un des marqueurs – avec le « naturalisme » que nous venons dévoquer – dune éthique de la vertu proprement « néo-aristotélicienne1 ».

Ceux qui voudront poursuivre lœuvre entreprise par Anscombe seront confrontés à plusieurs difficultés. Concernant les vertus, la première sera, là encore, celle de savoir dans quelle mesure on peut leur accorder une valeur indépendamment dun cadre théologique. Peut-on concevoir quil soit « avantageux » dêtre vertueux pour les êtres humains sans supposer une foi en la Providence ? En cherchant à enraciner les vertus dans une réalité qui ne doive rien au surnaturel, le penseur contemporain sera aussitôt confronté à un autre problème. Toutes les sociétés humaines ne reconnaissent pas les mêmes vertus quand elles sen préoccupent. Si lexamen sérieux des vertus conduit à une remise en cause du naturalisme posé en principe, ne remet-il pas également en question luniversalité des valeurs et des normes morales ? Enfin, les vertus sont des traits de caractère des agents moraux. Juger de la valeur morale des actions en se fondant sur lanalyse des dispositions psychologiques des agents, nest-ce pas courir le risque de revenir à une forme de subjectivisme moral contre lequel le néo-aristotélisme sétait en grande partie constitué ? Léthique néo-aristotélicienne peut-elle être en ce sens une « éthique des vertus » ?

Le problème que soulève la notion de « bonheur » semble être plus grave encore. On peut en effet se demander si ce que les Grecs appelaient « eudaimonia » a quelque chose à voir avec ce que nous appelons « bonheur » ou « happiness » tant lécart semble être grand entre lusage que les Anciens faisaient de leur notion et lusage que les modernes 288font des leurs. En cherchant à se réapproprier le concept ancien, le néo-aristotélisme risquerait de renforcer le caractère résolument archaïque de son éthique. En adoptant le concept moderne, il risquerait de faire perdre à son éthique les bénéfices de son fondement naturaliste.

1 Cf. Hacker-Wright (J.), Hähnel (M.) and Micah Lott (M.), « Introduction » in Hähnel (M.) (éd.), Aristotelian Naturalism, op. cit.