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Classiques Garnier

Notice biographique

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : L’Esprit républicain. Droits naturels et vertu civique chez Algernon Sidney
  • Pages : 553 à 556
  • Collection : PolitiqueS, n° 1
  • Thème CLIL : 3289 -- SCIENCES POLITIQUES -- Histoire des idées politiques -- Philosophie politique controverses contemporaines
  • EAN : 9782812440304
  • ISBN : 978-2-8124-4030-4
  • ISSN : 2260-9903
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-4030-4.p.0553
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 23/01/2012
  • Langue : Français
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Notice biographique

Né à Londres en 1623, Algernon Sidney est issu, par sa mère, de l’illustre famille Percy, fondée par Guillaume de Perci, proche de Guillaume le Conquérant, et par son père, de la famille Sidney, d’origine française, établie en Angleterre depuis le xiie siècle sous Henri II et rendue célèbre par son oncle Sir Philip Sidney (1554-1586), soldat et poète auteur d’Arcadia. Le père d’Algernon, Robert Sidney, deuxième comte de Leicester, est diplomate et homme politique, comme le frère aîné d’Algernon, Philip Sidney, qui sera le troisième comte de Leicester, et homme politique cromwellien.

Algernon accompagne son père en mission diplomatique au Danemark en 1632, puis en France en 1636, où il parfait son éducation à Paris et à Saumur, dans l’Académie huguenotte fondée en 1602 par Philippe Du Plessis Mornay, ami de Sir Philip Sidney et auteur présumé des Vindiciae contra tyrannos (1579), traité révolutionnaire monarchomaque le plus complet des nombreux textes qui paraissent dans les années 1570.

De retour en Angleterre en 1641, Algernon Sidney embrasse la cause parlementaire pendant la guerre civile, et exerce jusqu’en 1649 plusieurs fonctions militaires et politiques, en particulier grâce à l’appui décisif du frère de sa mère, Algernon Percy, dixième comte de Northumberland, homme politique extrêmement puissant et influent.

Le 30 janvier 1649, le roi Charles Ier est exécuté ; le 17 mars suivant, le Parlement Croupion abolit la fonction monarchique, au motif que le « pouvoir du roi » a pour l’essentiel « asservi » les sujets du royaume d’Angleterre ; deux jours plus tard, le Parlement abolit la Chambre des Lords, la déclarant « inutile et dangereuse ». Deux mois plus tard, le Parlement proclame que l’Angleterre est désormais une « Commonwealth and free state ».

Tout en partageant pleinement le griefs des parlementaires sur la culpabilité de Charles Ier, Sidney refuse, en 1649, de participer au procès

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et de siéger parmi ceux qui prononceront le jugement. Il met non seulement en cause la légitimité de la cour qui prétend le faire, mais avance en outre que le roi ne saurait être jugé par une aucune cour – il affirmera exactement le contraire dans ses écrits politiques et dans les échanges qu’il aura par la suite.

Bien qu’en désaccord avec Cromwell, il est élu au Conseil d’État en 1652, où il s’occupe essentiellement des affaires étrangères avec plusieurs pays d’Europe, ainsi que de la première guerre anglo-hollandaise (1652-4), où il travaille autant qu’il peut à assurer la sûreté mutuelle des deux républiques contre les menaces que représentent les maisons Stuart et Orange.

Mais son opposition aux méthodes de Cromwell, en particulier la dissolution forcée par ce dernier du Parlement Croupion en avril 1653 que Sidney juge comme un acte d’usurpation tyrannique, l’amène à se retirer dans le château familial de Penshurst, où il se consacre essentiellement à la lecture.

Lorsqu’Olivier Cromwell meurt en 1658, Sidney est favorable à la restauration du Parlement Croupion. Il reprend ses fonctions politiques en 1659, et fréquente des milieux républicains. Chargé d’une mission diplomatique dans la guerre opposant la Suède et le Danemark, il restera en fait sur le continent jusqu’en 1677. En effet, s’il félicite son père, bien vu à la cour de Charles II récemment restauré (mai 1660), d’avoir retrouvé son siège à la chambre des Lords, Sidney choisit de ne pas rentrer en Angleterre. Et il fut bien inspiré, car en dépit de la Déclaration d’Amnistie que signe Charles II dans l’été 1660, censée protéger les anciens républicains, non seulement les amis républicains de Sidney sont gênés, emprisonnés, et parfois exécutés, mais le roi cherche à plusieurs reprises à assassiner Sidney alors qu’il voyage en Europe.

Il séjourne de 1660 à 1663 en Italie, fréquente les prélats de la cour papale, et étudie. Il se dirige ensuite vers les Pays-Bas, et ressent le désir croissant de se rendre davantage utile à la cause de la liberté – la « vieille cause » dont il dira dans son Scaffold Paper, le document qu’il remet aux shérifs sur l’échafaud, qu’il s’est engagé pour elle « dès sa jeunesse ». Dans le contexte de la seconde guerre anglo-hollandaise (1665-7), Sidney se rapproche des milieux républicains qui accueillent les exilés anglais ; c’est à cette époque, au contact du Quaker Benjamin Furly, qui hébergera en 1683 Locke fuyant l’Angleterre au moment de

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l’arrestation de Sidney, que ce dernier rédige ses Court Maxims en 1665-1666, découvertes récemment par B. Worden.

En 1666, il est en France, et y restera plus de dix ans. Il fréquente des familles nobles du sud-ouest qui s’étaient distinguées durant la Fronde (1648-53), et fait quelques voyages à Paris.

Il revient en Angleterre en 1677 pour voir son père mourir. Jusqu’à son arrestation en 1683, il consacre une partie de son temps à des soucis d’héritage qui l’opposent à son frère, l’autre à intriguer politiquement. Il s’engage à plusieurs reprises dans des campagnes électorales pour obtenir un siège au parlement ; par ses différents contacts avec des diplomates étrangers, il cherche à éviter l’alliance des Stuart avec la maison d’Orange, et travaille activement à acculer la couronne à une dépendante financière et politique. Des témoignages concordants en font un personnage central dans la radicalisation croissante du parlement contre le pouvoir, et attestent qu’il fut à la tête d’un complot visant à assassiner le roi.

Il est arrêté pour son implication dans le Rye House Plot, complot avorté visant à assassiner le roi Charles II et son héritier le Duc d’York. Il est emprisonné fin juin 1683, pendant cinq mois, le temps que la justice rassemble péniblement les « preuves » susceptibles d’appuyer l’accusation de haute trahison. Sidney se défend patiemment mais en vain pour obtenir du temps et organiser sa défense ; il dénoncera sans succès les nombreuses irrégularités du procès. À ce sujet, l’une des irrégularités qui contribua le plus à sa figure de martyr fut que l’accusation utilisa comme « témoin » pour établir sa culpabilité des passages de documents saisis chez lui lors de son arrestation – documents parmi lesquels se trouvaient les Discourses concerning governement, publiés par John Toland en 1698. La procédure de l’accusation pour haute trahison exigeant en effet deux témoins de « l’acte manifeste », le Juge Jeffreys, Président de la Haute Cour d’Angleterre déclara à la stupeur générale que « scribere est agere » : des écrits justifiant largement le tyrannicide, dont il était pourtant impossible de montrer que Sidney voulût les publier, étaient considérés comme preuve d’un « acte manifeste » de tentative d’assassinat du Roi.

Le 26 novembre, après avoir entendu la lecture de la terrible sentence qui revenait aux accusés reconnus coupables de crime de haute trahison – « que vous soyez traîné sur une claie jusqu’au lieu de l’exécution, où

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vous serez pendu par le cou ; puis, que vous soyez dépendu vif, et que vos parties secrètes soient coupées et brûlées sous vos yeux ; que l’on sépare votre tête de votre corps, que l’on divise ce dernier en quartiers, et que le roi en dispose selon son bon plaisir1 » – Sidney supplie Dieu à voix haute de ne pas voir dans le peuple anglais les responsables du sang qui sera versé lorsqu’il mourra. Jeffreys, le Président de la Cour, d’un caractère notoirement inhumain, commente ainsi cette prière : « Je prie Dieu qu’il vous donne une disposition qui vous rende apte à entrer dans l’autre monde, car je vois que vous n’êtes pas fait pour celui-ci ». Ce à quoi Sidney rétorque : « (En lui tendant la main) Monsieur, tâtez mon pouls et voyez si je suis troublé ; je loue Dieu de ce que je n’ai jamais été d’une meilleure humeur que maintenant2 ».

Le 7 décembre 1683, Sidney sera finalement décapité, le roi considérant que la noblesse de Sidney rendait préférable une exécution plus discrète.

1 The Arraignment, tryal & condemnation of Algernon Sidney (1683), Londres 1684, p. 67.

2 Ibid.