Résumés

Marina Mestre Zaragozá, « Introduction »

Ce volume réunit les travaux de plusieurs des historiens qui, depuis quelques années déjà, ont profondément renouvelé notre compréhension du règne de Charles II d’Espagne. Ils montrent dans ces pages combien la Monarchie hispanique de la fin du xviie siècle, loin de sombrer dans la décadence, a mis en œuvre un certain nombre de stratégies d’adaptation qui lui ont permis tout autant de prendre pleinement part à la modernité naissante que de survivre à la dynastie qui l’avait façonnée.

Jean-Pierre Dedieu, « El canto del cisne del Imperio y el canto del cisne de la grandeza. O cómo se gobernaba el Imperio »

Depuis ses origines au xvie siècle jusqu’au règne de Charles II, la Monarchie hispanique fut administrée conjointement par le roi et par une noblesse impériale, la Grandeza d’Espagne. Celle-ci exerçait un quasi-monopole sur les vice-royaumes, c’est-à-dire, les grands ensembles territoriaux qui articulaient l’empire. Vers la fin du xviie siècle, le système donnait des preuves d’épuisement, en raison notamment de l’extinction biologique de ces familles. Philippe V y mit fin brutalement.

Antonio Álvarez-Ossorio Alvariño, « El espacio de la privanza. Fernando de Valenzuela y los Reales Sitios »

L’ascension de Fernando de Valenzuela fut rendue possible pendant la régence de Mariana de Austria par le contrôle que celui-ci exerça sur les déplacements de la cour. Valenzuela utilisa systématiquement sa fonction de gouverneur intérimaire de El Pardo, Valsaín et la Zarzuela pour assurer son ascension politique. Pendant les séjours royaux à Aranjuez et El Escorial, Valenzuela peaufina sa situation de favori en tournant à son profit les usages festifs qui s’imposèrent à la cour entre 1674 et 1676.

Héloïse Hermant, « Loi du sang et essentialisation du lien social. Le retour des Grands sur la scène politique dans la monarchie de Charles II »

L’article montre comment, au moment de la régence, la grandeza a su préserver un certain contrôle de la grâce par une entreprise guerrière d’essentialisation du lien social. Juan José de Austria devint le point d’articulation d’écrits qui réalisèrent des opérations de naturalisation des identités et du lien social, pensées comme des ressources politiques. Travailler sur des normes en conflit permet ainsi d’éprouver en acte l’articulation du corps social et les ajustements possibles.

Manuel Herrero Sánchez, « Los Países Bajos en la estructura imperial hispánica durante el reinado de Carlos II »

Cet article propose une vision globale de la situation des Pays-Bas au sein de la structure impériale hispanique sous le règne de Charles II. Malgré l’état de guerre permanent et les successives pertes territoriales face à la France et malgré quelques épisodes de violence comme la révolte de Bruxelles de 1699, le respect des privilèges et le haut degré d’autonomie garantirent la stabilité sociale dans l’un des territoires les plus dynamiques et les plus urbanisés de la monarchie.

Luis Ribot, « La España de Carlos II en la política europea »

Ce travail analyse la réalité et la portée de la décadence de l’Espagne pendant le règne de Charles II. Pour ce faire, on analyse l’état dans lequel se trouvent les divers éléments sur lesquels s’était basée l’hégémonie hispanique. Dans un deuxième moment, on étudie les caractéristiques de la politique internationale, pour expliquer comment, malgré les visées territoriales d’autres princes, Charles II parvient à conserver, à peu d’exceptions près, l’héritage reçu de ses aînés.

Harald Ernst Braun, « El pensamiento político español del siglo xvii. ¿Declive y decadencia, o sabio reconocimiento de la complejidad de la vida política? »

Dans la mouvance du renouveau historiographique en cours, cet article explore les traditions et les développements intellectuels qui sont au fondement de la résilience dont la Monarchie hispanique a fait preuve devant 289une situation accablante, ainsi que le langage politique dans lequel elle s’est exprimée. On y montre combien la pensée politique espagnole du xviie siècle montre un niveau de réflexion et de maturité qui va de pair avec la complexité de la situation politique.

Carmen Sanz Ayán, « La imagen de la nueva nobleza titulada en el reinado de Carlos II a través de las dedicatorias »

Cet article analyse le mécénat littéraire exercé au temps de Charles II par les nouveaux nobles. Il s’agit d’évaluer si les dédicaces constituent un procédé généralement employé par les auteurs et les éditeurs pour chercher à transmettre une image idéale de ces lignages récemment anoblis et de déterminer si pour ces familles la subvention économique était envisagée comme un réel investissement social. Les cas analysés montrent la diversité des rapports des nouveaux nobles avec l’ouvrage imprimé.

Michel Bertrand, « Un regard français sur l’Espagne de la fin du règne de Charles II. Cadix vu par le Père Labat »

Le récit de voyage du Père Labat sur l’Espagne renvoie aux représentations qui circulaient en France sur le voisin méridional, exprimées souvent en termes d’antagonisme, de mépris parfois, voire de rejet. Si l’historiographie a longtemps maintenu une interprétation soulignant la prépondérance de représentations contrastées et archétypales, la discussion proposée par Jean Frédéric Schaub est une incitation à reprendre l’analyse en introduisant nuances et complexité.

Jesús Pérez Magallón, « ¿Mirada optimista o pesimista? Una reflexión meta-historiográfica »

Ce travail revisite le lieu commun de la décadence pour analyser la façon dont s’est construite l’image dégradée du roi Charles II. On s’interesse particulièrement aux circonstances du contexte idéologique et politique et à l’intervention de certains intellectuels dans cette construction. Enfin, on envisage certains des apports récents, depuis le très novateur La España de Carlos II,de Henry Kamen (1980) jusqu’aux travaux plus récents, dont ceux de Manuel Herrero Sánchez.