Conclusion

Il serait difficile de ne tirer qu’une seule conclusion d’un tel ensemble de contributions explorant des aspects aussi divers du développement de la presse à partir de la fin du xviiie siècle et tout au long du siècle suivant. La multitude d’actrices et acteurs, de pratiques, de circulations, de supports et de formes médiatiques qui parcourt cet ouvrage a permis de dévoiler un envers du décor de la presse pour le moins éclectique. Les approches ont laissé une place aux dimensions culturelles et politiques, plus approfondies dans l’historiographie de la presse, mais également à des aspects novateurs plus sociaux et matériels. Il a fallu également composer, dans les contributions, avec le constat d’un certain vide historiographique pour ce qui concerne l’étude de toutes les formes d’entreprises périodiques dans les espaces méditerranéens.

En cela le présent ouvrage se voulait aussi une occasion d’ouvrir des perspectives de recherche, encore à approfondir, et d’explorer des espaces encore méconnus de la « civilisation du journal » – et plus largement des imprimés périodiques. Un fil rouge essentiel, qui a permis de rejeter l’idée d’un espace médiatique proprement méditerranéen, fermé sur lui-même, a été de saisir les liens unissant la Méditerranée à une Europe plus septentrionale dans le développement d’une vie médiatique, en s’appuyant aussi sur des espaces plus familiers des historiens et historiennes de la presse. Le terrain d’étude n’aurait pu être uniquement méditerranéen.

Un ensemble d’axes analytiques traversent l’ouvrage, et les contributions en explorent généralement un, privilégié, ce qui a permis de dégager quatre parties, certes distinctes, mais avec d’incontestables liens entre elles. La première a eu trait aux pratiques et circulations journalistiques, en entrant dans la question des réseaux de diffusion des journaux, ainsi que, grâce à des documents propres à des actrices ou acteurs, produits par des entreprises journalistiques ou des 224administrations, de pénétrer dans les coulisses des journaux. Ensuite, dans la continuité, s’est posée la double question de la gestion des entreprises de presse et de l’édition des périodiques, en lien avec l’administration des sociétés typographiques et les enjeux du marché éditorial. L’occasion a été donnée de varier les espaces, entre rives sud et nord de la Méditerranée, ainsi que les périodes, entre la première et la seconde moitié du xixe siècle.

Une troisième partie a envisagé la perspective de l’exercice d’un journalisme dans la condition d’exilé ou de colon, qui sont bien différents entre elles, mais qui présument une activité sur territoire qui se présente comme un ailleurs pour celles et ceux qui l’exercent.

Enfin, la dernière partie accordait plus de place à la question de la diversité des formes de médiatisation, et à la manière dont elle permet d’influencer les représentations, l’information – aussi à la faveur du développement des techniques de communication – et de favoriser des procédés de mise en célébrité. Dans ce cadre problématique, si le rédactionnel a une place importante, les ressources iconographiques également, images et écrits se combinant d’ailleurs bien dans la presse illustrée.

À travers le parcours, collectif, présenté ici, qui se voulait explorer l’histoire d’une multitude d’acteurs et actrices, de pratiques, d’entreprises et de formes médiatiques modernes, durant un long xixe siècle, il s’agissait de pénétrer dans les coulisses rédactionnelles et éditoriales de nombreuses œuvres périodiques. Enfin, et pour conclure, le colloque qui s’est tenu en 2023 comme les présents actes qui en sont issus, si malgré la grande diversité des approches une certaine cohérence d’ensemble a pu être atteinte, il est important d’insister sur le fait qu’il s’agissait bien plus d’un commencement que d’un aboutissement. La manifestion, comme le présent ouvrage, n’est que le début d’un processus collectif de recherche, une occasion d’explorer des pistes récemment ouvertes par l’historiographie, et d’en ouvrir de nouvelles – ce qui explique aussi la grande importance accordée aux jeunes chercheuses et chercheurs dans l’ensemble des contributions. Loin d’être un point d’arrivée, donc, cette publication initie un cycle d’étude, qui se prolongera dans les années à venir pour explorer d’autres approches sur l’envers du décor de la rédaction, de la gestion, de l’édition des périodiques. Si les axes analytiques seront évidemment 225diversifiés, le but sera toujours de s’inscrire dans une même volonté d’explorer les coulisses de la presse dans ce long xixe siècle au cours duquel elle s’est imposée comme un fait social, culturel, politique et matériel incontournable.

Julien Contes, Gian Luca Fruci
et Jean-Paul Pellegrinetti