Aller au contenu

Classiques Garnier

Liminaire

7

LIMINAIRE

Ce travail est le fruit d’une collaboration universitaire de plusieurs années ; après des échanges à dominante pédagogique, nous avons pris conscience, lors d’entretiens de plus en plus fréquents, de la grande ignorance dans laquelle la France tient la Lituanie, faute d’une véritable histoire commune. Pourtant, ça et là, quelques passeurs (Mickiewicz, Milosz, Mérimée, Gary) semblaient rappeler que de fragiles passerelles avaient été jetées, aux xixe et xxe siècle, entre ces deux pays. Au fil de notre étude, nous avons pensé nécessaire de fixer l’état des relations culturelles et plus spécifiquement littéraires entre nos deux pays. Le minutieux travail que nous avons mené au cours des dernières années sur cette problématique nous a permis de prendre conscience de l’existence d’un terrain d’étude encore riche de documents inexploités.

Notre essai se veut à la fois analytique et synthétique, il tente de donner une image relativement exhaustive de la question. Ce faisant, une difficulté particulière provient des hésitations concernant les définitions identitaires. Ces hésitations sont manifestes aussi bien dans les phénomènes culturels en Lituanie, que dans la réception de la Lituanie en France. Notre étude cherche à saisir la Lituanie dans un siècle charnière, qui voit l’effacement progressif de l’entité politique constituée par le grand-duché de Lituanie et l’affirmation des modèles nationaux ethnoculturels. Nous sommes bien conscientes de la distance qui sépare l’identité lituanienne dominante du début du xixe siècle, à fondements ethnopolitiques, de celle de la fin du siècle, arc-boutée sur la défense de la langue et des traditions ethniques lituaniennes : notre propos insiste à plusieurs reprises sur ce basculement identitaire. Point n’est question de recourir aux raccourcis trompeurs ou de plaquer anachroniquement des catégories modernes sur ces temps anciens. D’où nos efforts pour rendre compte avec nuance de la complexité de la relation à la polonité, qui est présente de manière déterminante tout au long du siècle avec des appréciations très contradictoires, en évitant l’écueil des lectures par trop exclusives.

8

Si la structure d’ensemble et nos échanges continuels de points de vue assurent une cohérence (nous l’espérons du moins) à cette étude, il va de soi que la différence de méthodologie et l’écart numérique entre le corpus français et le corpus lituanien, nous ont amenées, une fois le plan conçu dans ses moindres détails et dans sa symétrie d’ensemble, à rédiger séparément les deux grandes parties, avant de procéder à de multiples relectures et réajustements, avec l’aide bienveillante et compétente de notre collègue et traducteur Loïc Boizou.

À l’heure où nous achevons ce livre, il semble que les relations franco-lituaniennes et l’interrogation sur leur histoire commencent à intéresser les chercheurs. En témoignent par exemple les ouvrages de Thierry Laurent, notamment son intéressante étude sur un de ces « passeurs », Jean Mauclère. Des manifestations scientifiques se mettent en place. Ainsi, Irena Buckley a organisé, en 2010 et 2011, à Kaunas, deux importants colloques sur ces questions, et nous avons eu, en outre, le plaisir de parler de la francophonie des Lituaniens au xixe siècle dans un autre colloque récent, à Paris. Les années à venir nous ouvrent plusieurs champs de recherche, dans le domaine des relations entre éditeurs français et lituaniens, mais aussi de l’étude de manuscrits français conservés dans les archives publiques et privées lituaniennes. Nous espérons que cet ouvrage communiquera un peu de notre enthousiasme à nos lecteurs, lituaniens et français, français et lituaniens, et contribuera à resserrer les liens entre ces deux peuples.

Au terme de cet ouvrage, nous tenons à remercier l’Ambassade de France en Lituanie, et tout particulièrement Pascal Hanse, conseiller de coopération et d’action culturelle, pour son intérêt jamais démenti ; l’université Vytautas Magnus ainsi que le directeur de l’UMR 6563 de l’Université de Bretagne Occidentale, Jean-Marc Hovasse, pour leur soutien dans nos recherches ; les professeurs Viktorija Skrupskelytė et Jean de Palacio pour leurs judicieux conseils.

Et un grand merci à Loïc Boizou, qui ne s’est pas contenté de ses lourdes tâches de traducteur (toute la première partie de cet ouvrage) et d’informaticien : il fut un précieux conseiller et un véritable collaborateur pendant ces années de recherche.

Irena Buckley,
Marie-France David-de Palacio