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Classiques Garnier

Résumés

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : L’Art entre deuil et résistance. Mélancolies engagées
  • Pages : 375 à 381
  • Collection : Rencontres, n° 569
  • Série : Littérature générale et comparée, n° 38
  • Thème CLIL : 4028 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes de littérature comparée
  • EAN : 9782406144731
  • ISBN : 978-2-406-14473-1
  • ISSN : 2261-1851
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14473-1.p.0375
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 12/04/2023
  • Langue : Français
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Résumés

Judith Bordes, « Mélancolie et ennui chez Walter Benjamin. Des ambiances dépoque à rebours de la modernité »

Dans lœuvre de Walter Benjamin, la mélancolie et lennui sont associés à une époque particulière, respectivement le baroque et le xixe siècle. La définition de ce en quoi consistent de tels états est pensée à nouveaux frais. Du fait de leur extension collective, ils ne peuvent être réduits à de simples tendances idiosyncrasiques. Mélancolie et ennui ne seraient donc pas seulement des affects, mais des ambiances dépoque. Benjamin rejoint ici, à son corps défendant, la conception heideggerienne de la Stimmung.

Antonino Sorci, « Mélancolie et militantisme »

Cette étude explore le rapport entre mélancolie et histoire en sappuyant sur une lecture croisée de la Seconde Considération inactuelle de Nietzsche et de Mélancolie de gauche dEnzo Traverso. Après la mise en évidence du rôle de la mélancolie à lintérieur de lœuvre nietzschéenne, on examine comment Traverso applique les trois approches critiques de lhistorien décrites par Nietzsche. On aborde enfin la mélancolie sociale actuelle sous langle de lanalyse de la « mélancolie jaune ».

Jean-Christophe Valtat, « Debord, Pasolini. Politiques de la mélancolie »

La comparaison entre Debord et Pasolini simpose du fait de leurs pratiques théoriques et artistiques, de leur implication dans les mouvements politiques des années 60 et 70 et de leur fréquentation des classes marginales, mais aussi en raison même du regard critique voire dégoûté quils portent sur un présent systématiquement comparé à un passé perdu. Larticle tente de résumer cette approche mélancolique de la politique et de lexistence en comparant le rapport des deux auteurs à des passés idéalisés.

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Yves Clavaron, « Mélancolies postcoloniales »

Paul Gilroy se montre doublement intéressé par les essais de Freud (Deuil et Mélancolie, Malaise dans la civilisation) : dabord, par leur historicité, ensuite par les liens quils établissent entre le racisme et les échecs de la civilisation. Dans Postcolonial Melancholia, Paul Gilroy observe les symptômes du corps social britannique. Larticle analyse, à partir dun corpus de romans contemporains, leffet en miroir de la mélancolie postcoloniale, un trauma multiforme et indépassable.

Alexandre Roquain, « Mélancolie et temps dans quelques comedias de Lope de Vega »

Le présent article se propose de réfléchir au lien entre le temps et la mélancolie dans le théâtre de Lope de Vega. À partir de quelques comedias, issues de différentes catégories dramatiques, nous nous demanderons si la mélancolie peut avoir une fonction temporelle dans la structure de la pièce, aussi bien dans la chronologie dramatique que dans le temps évoqué. Seront également abordées les distorsions temporelles induites par la mélancolie et le cas particulier du « mort-vivant ».

Isabelle de Vendeuvre, « Mélancolie et satire. Lutilisation du mythe de Faust dans The Bostonians, de Henry James »

Lintertexte faustien de The Bostonians, roman de Henry James, fait apparaître différents usages et valeurs de la mélancolie sur le plan esthétique et politique. À la fois stérile ou stérilisante et féconde, la mélancolie est le mal et le remède ; elle peut être réactionnaire ou progressiste. Se pose alors la question de la distinction entre différents types de mélancolie et de leur articulation au regard de la transition américaine post-guerre de Sécession.

Lionel Piettre, « Les morts parallèles de Guillaume Du Bellay et Étienne de La Boétie »

Dans le Tiers et le Quart Livre, Rabelais revient trois fois sur la mort de son protecteur Guillaume Du Bellay, mort héroïque associée au désastre historique, ce qui préfigure la façon dont Montaigne devait méditer les derniers instants de La Boétie, et « lhumeur mélancolique » fondant lethos de lessayiste. En 377rapprochant ces deux figures de limpossible renaissance dun héroïsme à lantique, cet article propose déclairer le rapport au temps mélancolique qui découle de cette impossibilité.

Annabelle Bolot, « Mélancolie et décadence. Saint-Simon ou le deuil de lhistoire »

Saint-Simon a vécu, au tournant des xviie et xviiie siècles, la fin dun monde, celui de laristocratie dont il pressent le déclin et déplore avec nostalgie la perte. Le ressassement obsessionnel lamène à vivre comme en exil dans un présent déceptif et à contempler le « rien de tout », néant dun monde sans espoir. Les Mémoires suffiront-ils à combler le vide né du renoncement – puisque « tout bien à faire est impossible » – face à la crise historique majeure dont hérite le xviiie siècle ?

Stéphanie Genand, « Penser la mélancolie des Modernes. Lœuvre anthropologique de Germaine de Staël »

La mélancolie, dans lœuvre de Germaine de Staël, constitue une énergie ambivalente. Elle est à la fois la conséquence dune séquence historique déceptive et la distance à partir de laquelle « considérer » les événements : les analyser philosophiquement, cest-à-dire sans passion, mais avec une profondeur anthropologique décuplée par une résonance sensible qui a affecté lauteure, comme toute la génération des « Modernes ». Dexpérience douloureuse, la mélancolie devient alors savoir en partage.

Anne Teulade, « Variations endeuillées sur la perte de lépopée. José Saramago, Manuel Vázquez Montalbán »

Le Pianiste et LAnnée de la mort de Ricardo Reis dévoilent des personnages mélancoliques dans le contexte de lEspagne franquiste et du Portugal salazariste. Si les deux formes de mélancolie mobilisent la forme épique pour figurer le passé perdu, les enjeux idéologiques qui se dégagent des deux consciences mélancoliques font contraste, lune paraissant réactionnaire, lautre encore porteuse dutopie.

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Isabelle Durand, « Mélancolie et désenchantement révolutionnaire à lorée du xxe siècle. Ernst Glaeser et Victor Serge »

Larticle interroge le lien entre mélancolie et contexte révolutionnaire, celui de la Révolution russe dans le roman Ville conquise (1931) de Victor Serge, et de ses prolongements allemands en novembre 1918 au sein du roman dErnst Glaeser, Frieden (La Paix, 1929). Cest peut-être dans lintrication extrême et apparemment contradictoire entre engagement révolutionnaire et conscience aiguë de son impasse que se situe la spécificité de cette mélancolie et de cette époque.

Nathalie Avignon, « Des “bâtisseurs de ruines” et un kolkhoze spectral. Le communisme triste dAndreï Platonov et Antoine Volodine »

Des premiers utopismes paysans balayés par le pouvoir dans Tchevengour à la Seconde Union soviétique seffondrant sous les radiations nucléaires imaginée dans Terminus radieux, la mélancolie traverse les étendues vides de lespace russe peuplées de gueux, de rêveurs et de spectres. Larticle met côte à côte ces deux romans distants dun siècle pour tenter de déterminer ce qui, de labîme ouvert par lutopie communiste, a œuvré et subsiste encore aujourdhui dans nos catégories existentielles.

Dimitri Tokarev, « Écrire la mélancolie à lépoque stalinienne. Mikhaïl Zochtchenko et son récit expérimental Avant le lever du soleil (1943) »

Le récit de Zochtchenko se présente comme un voyage extraordinaire dans les couches les plus secrètes de la mémoire. Lauteur cherche à explorer les causes de sa mélancolie. Bien que connaisseur de Freud, Zochtchenko met en avant la théorie des réflexes conditionnels de Pavlov. Faut-il voir dans limportance que Zochtchenko accorde à cette figure centrale du panthéon scientifique stalinien une stratégie destinée à divertir lattention de la censure des aspects pour le moins suspects du livre ?

Karine Winkelvoss, « Natures mortes, fantômes et fossiles. Pétrification mélancolique et levée danesthésie chez W. G. Sebald »

La mélancolie communément attribuée à W. G. Sebald suscite des interprétations contradictoires : dun côté, elle apparaît comme lélément naturel de cette œuvre de mémoire des catastrophes de lhistoire ; de lautre, sa tonalité 379uniformément endeuillée peut sembler noyer la singularité des événements historiques évoqués dans une forme dindifférence, de posture finalement dépolitisante. Le concept warburgien de formule de pathos permet de penser la réversibilité dune telle pétrification mélancolique.

Anna Krykun, « Les petits-fils de Nietzsche ou la Mélancolie face à la fin de lhistoire »

Mettant en évidence une forte influence de la pensée de Nietzsche sur la jeunesse littéraire française qui, grâce à la traduction, achevée en 1909, reçoit laccès aux œuvres complètes du philosophe allemand, larticle explore lappropriation créative de son œuvre, où la déploration de la médiocrité de lépoque crépusculaire saccompagne dune revalorisation de la conscience mélancolique, considérée comme étant une pierre angulaire de la sensibilité artistique et de lesprit critique.

Bénédicte Élie, « La mélancolie, une force de renouveau poétique dans Ahasvérus dEdgar Quinet »

Cet article parcourt les lieux de la mélancolie dans lAhasvérus dEdgar Quinet, qui oscille entre rêverie sur le passé et inquiétude de lavenir. Cette paradoxale mélancolie semble mêler ennui et soif de vivre remotive toute une tradition philosophique faisant de la mélancolie un symptôme de mort, mais aussi lenvers dun excès vital. En outre chez Quinet, le sentiment de deuil qui est au cœur de la mélancolie se fait origine dun renouveau poétique par la remotivation du genre de la consolation.

Aurélie Moioli, « Le temps en suspens. Foscolo et Nerval »

Larticle compare les récits de Foscolo et de Nerval qui, au sortir des révolutions et des guerres du début du xixe siècle, prennent acte du nouveau régime dhistoricité en déployant une mélancolie ambivalente. Témoignant depuis les limbes de lhistoire, les narrateurs se transforment en spectres qui sont les figures dune expérience temporelle disjointe. Ce temps des fantômes ouvre la possibilité dune histoire dissemblable et porte des germes de création au cœur des débris du temps.

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Ludivine Moulière, « La Poésie à lépreuve du nihilisme dans lœuvre de Philippe Jaccottet »

Dans lœuvre de Philippe Jaccottet, les poètes apparaissent comme des « survivants » perdus parmi la foule des nihilistes. La modernité, antipoétique, se caractérise par « la prolifération des colloques, débats et commentaires de tout genre », lexacerbation de la fonction critique et lévidement progressif du monde et du moi – la définition de la mélancolie donnée par Freud. Pour autant, lanachronisme de la poésie serait de résistance à légard du nihilisme de la modernité.

Evelyne Gagnon, « Mélancolie des spectres et petites fins du monde dans la poésie québécoise. Comment (sur)vivre au présent (Louise Dupré, Carole David) »

Plusieurs auteurs québécois contemporains proposent des imaginaires mélancoliques en mode mineur, qui font dialoguer des apocalypses intimes avec la vulnérabilité de lépoque. Figures-phares de la poésie québécoise, Louise Dupré et Carole David proposent des subjectivités lyriques hantées par lépoque actuelle, habitées mélancoliquement par les spectres de lextrême contemporain. Cette mélancolie critique et ludique déjoue le silence mortifère.

Emmanuel Plasseraud, « Le cinéma comme septième art et la mélancolie post-romantique »

Les écrits des théoriciens et/ou cinéastes ayant défendu, en France, lidée du cinéma comme « septième art » durant les années 1910-1920, témoignent de leur volonté daffirmer lartisticité du cinéma. De léchec de cette greffe de lidéal romantique de lart sur le cinéma provient une mélancolie diffuse dans la théorie du cinéma, et dans quelques films comme Hitler, un film dAllemagne (1977) de Hans-Jürgen Syberberg ou les Histoire(s) du cinéma (1988-1998) de Jean-Luc Godard.

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Kathleen Maxymuk, « Histoire(s) du cinéma comme image de la mélancolie. Montage, projection et mémoire »

Dans ses Histoire(s) du cinéma, Jean-Luc Godard convoque plusieurs modalités de la mélancolie esthétique : la beauté mortelle de la femme comme allégorie moderne, linachèvement du travail artistique et la sensibilité accrue du sujet créateur. En cela, il suit notamment lœuvre de Marcel Proust dont limage dAlbertine trace la forme première de la mélancolie dans Histoire(s), à savoir celle dun montage fugitif dune beauté qui ne peut que séteindre mais séternise en se projetant.