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Classiques Garnier

Avant-propos

  • Publication type: Book chapter
  • Book: L’Art de vivre longuement sous le nom de Médée
  • Pages: 11 to 13
  • Collection: Seventeenth-Century Library, n° 42
  • CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN: 9782406112075
  • ISBN: 978-2-406-11207-5
  • ISSN: 2258-0158
  • DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-11207-5.p.0011
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 06-09-2021
  • Language: French
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Avant-propos

En 1630 paraissait à Lyon un opuscule intitulé LArt de vivre longuement, sous le nom de Médée1. Le privilège en était accordé à un bourgeois de la ville, du nom de Louis Teste-Fort, apparenté peut-être à la famille des imprimeurs lyonnais actifs dans la deuxième moitié du xvie siècle et sur lequel nous ne savons pratiquement rien. Teste-Fort aurait reçu cet ouvrage, pour limprimer, dun certain Pierre Jacquelot (ou Jaquelot)2. Cette œuvre dut susciter quelque intérêt auprès des lecteurs contemporains, puisque déjà Savary, lauteur du privilège de 1630, réclama à Teste-Fort le dépôt de deux exemplaires « en nostre Biblioteque : car tel est nostre plaisir3 ».

En outre, peu de temps après, un autre éditeur, versé dans les arcanes du marché du livre et lié à la ville de Paris, Jean Jost4, entrevit les juteux profits que lœuvre lui rapporterait. Dans le milieu des libraires parisiens, Jost occupe une place particulière. Dès la fin des années 1620 12il se spécialisa dans la publication des ouvrages médicaux. En particulier, il donna, en 1629, une édition des deux parties de Toutes les œuvres charitables de Philibert Guybert (1579-1633), docteur régent à la faculté de médecine à Paris ; puis, en 1632, il publia à nouveau cet ouvrage augmenté du Traité de la conservation de santé de Guy Patin. Surtout, en 1633 il fit paraître lédition de référence de lensemble des traités de Guibert5. Ces entreprises éditoriales montrent que les régimes de santé furent au centre des priorités de Jost.

Dans ce contexte, nous ne sommes pas surprise de constater que Jost trouva dans le régime de Jacquelot un objet correspondant à son goût de libraire. En effet, deux ans après la princeps, en 1632, vit le jour la seconde édition de la Médée. Comme le document royal accordait à limprimeur le droit de « cedder et transporter le privilège6 » à un tiers, Jost sentendit probablement avec Teste-Fort au sujet de cette édition car celle-ci fut encore imprimée à Lyon, mais mise en vente chez le libraire parisien7. Chose significative, le nom du lyonnais disparaît de la page de titre en 16328. Ce tirage fut écoulé sans doute assez vite car dès 1633, une autre impression de la Médée lui succéda, comportant les mêmes informations que la précédente, date exceptée. Mais ce nest pas tout, le privilège octroyé à Teste-Fort expira en 1636. Jost était désormais libre de disposer du texte en question et ne manqua pas de le faire : en 1639 parut une nouvelle édition de la Médée, à Paris et sous son nom. Or, il faut encore souligner que lexploitation du livre de Pierre Jacquelot apporta à Jost un bénéfice net. Les quatre éditions de la Médée publiées dans les années 1630 sont en fait différents tirages dun même texte, composé dans latelier de Teste-Fort et repris tel quel par Jost9. Sans investir un 13seul sou dans la préparation typographique du texte, il pouvait donc sans peine faire le compte des sommes recoltées. Jacquelot ne produisit peut-être pas un best-seller mais, devant « promptement attirer sur lui lattention du public10 », sa Médée remporta, en lespace de dix ans, un succès commercial manifeste. Et cette brève popularité constitue une raison suffisante pour procurer au lecteur moderne – historien de la médecine, historien des mentalités ou simplement amateur de curiosités surannées – une édition critique de ce traité, miroir du goût des années 1630 pour les soins du corps et de lâme.

1 P. Jacquelot, LArt de vivre longuement, sous le nom de Médée, laquelle enseigne les facultez des choses qui sont continuellement en nostre usage, et doù naissent les maladies. Ensemble la methode de se comporter en icelles, et le moyen de pourvoir à leurs offences. Dediée à Monsieur de lOrme Conseiller du Roy, et premier Medecin de Monsieur, Lyon, Louis Teste-Fort, 1630, 241 pages. Cest lédition princeps, répertoriée dans A Catalogue of Seventeenth Century Printed Books in the National Library of Medicine, compiled by P. Krivatsy, National Library of Medicine, Bethesda, Maryland U.S., 1989, p. 632. Plus loin dans le texte nous renvoyons toujours à cette édition et nous utiliserons labréviation Méd. suivie des chiffres romains qui indiquent le numéro du livre, et des chiffres arabes qui correspondent consécutivement aux numéros des chapitres et des pages.

2 Voir le privilège du Roy (Méd., fo * 8 vo) : « Salut. Nostre bien-aymé Louys Teste-Fort Bourgeois de Lyon, nous a faict remonstrer que Pierre Jaquelot Medecin luy a mis ez mains un livre par luy composé soubs le titre de lArt de vivre longuement, ou Medée rajeunissante, pour le faire imprimer : ce quil ne peut sans avoir sur ce nos Lettres ».

3 Ibid.

4 « Jean Jost fut receu Imprimeur et Libraire le vingt sept Janvier 1628. Il épousa Claude Fourner, dont il neut point denfans, il fit imprimer Instruction Chretienne du Cardinal de Richelieu, in octavo en 1637, Bellarminus in Psalmos, in quarto [] et plusieurs autres livres, qui lont fait passer pour un des plus habiles Libraires de son temps », Histoire de limprimerie et de la librairie, Paris, chez Jean de la Caille, 1689, p. 265.

5 Ph. Albou, « Histoire des Œuvres charitables de Philibert Guybert », Histoire des sciences médicales. Organe officiel de la Société Française dHistoire de la médecine, t. 32, no 1, 1998, p. 11-25. Pour la bibliographie de Guybert, voir A Catalogue of Seventeenth Century Printed Books in the National Library of Medicine, op. cit., p. 506-509.

6 Méd., fo * 8 vo.

7 À la page de titre de la seconde édition nous lisons : « À Lyon, et se vendent à Paris, chez Jean Jost, rue Sainct Jacques, au S. Esprit ».

8 Catalogue des livres imprimés de la bibliothèque publique de la ville de Mons, Bruxelles, imprimerie de L.-F. Moureaux, 1852, t. 1, p. 264, position 3490.

9 Après avoir collationné les quatre éditions, nous avons constaté quelles ne diffèrent entre elles sur aucun point : le format (in 16o), les paratextes (dates, dédicataire, permissions et pièces en vers), la mise en pages, la pagination ainsi que le texte de louvrage y sont partout exactement les mêmes. Ceci explique pourquoi notre édition critique de la Médée ne contient pas le relevé de variantes. – Daprès certaines sources il existerait dautres éditions de la Médée : une datée de 1682 (L. Reutter de Rosemont, Histoire de la pharmacie à travers les âges, t. 2 Du xviie à nos jours, Paris, J. Peyronnet et Cie éditeurs, 1932, p. 136-137), mais nous pensons quil sagit là dune erreur de lecture, 1632 ayant été confondu avec 1682 ; une autre publiée à Lyon en 1830 (Catalogue des tableaux, objets de curiosité et livres du cabinet de Mr Revel-Meunier, médecin-oculiste à Lyon, Lyon, Imprimerie de Charvin, 1833, p. 20, position 234), mais nous navons pas eu laccès à cette édition qui, au reste, ne représente guère dintérêt scientifique pour notre édition critique de la Médée.

10 H. Fauré, Antoine de Laval et les écrivains bourbonnais de son temps, Moulins, Martial Place, 1870, p. 272.