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Classiques Garnier

[Introduction à la première partie]

  • Prix départemental de la recherche historique 2022 des Archives départementales des Alpes-Maritimes
  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : L’Armée américaine sur la Côte d’Azur. Repos et démonstration de puissance (1917-1967)
  • Pages : 39 à 40
  • Collection : Les Méditerranées, n° 20
  • Thème CLIL : 3378 -- HISTOIRE -- Histoire générale et thématique
  • EAN : 9782406160625
  • ISBN : 978-2-406-16062-5
  • ISSN : 2264-4571
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-16062-5.p.0039
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 24/01/2024
  • Langue : Français
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Examiner les manifestations récréatives de la présence militaire américaine sur le territoire azuréen suppose au préalable un effort de contextualisation pour mieux en évaluer les enjeux et les logiques. La démarche comparative ne peut faire léconomie dune remise à plat chronologique. Or, létude successive des trois périodes considérées nous invite, à priori, à insister davantage sur les différences que sur les permanences. Les deux sorties de guerre sont loccasion pour larmée des États-Unis de chercher et dorganiser des zones de repos adaptées aux besoins de leurs hommes épuisés, physiquement comme moralement, par les combats. Les enjeux du repos rejoignent ceux de la relance touristique que les autorités locales tentent de promouvoir auprès des états-majors avec laide des professionnels du tourisme. Cependant, du côté français, loptimisme et lespoir, dominants en 1918, laissent place, en 1944, à une méfiance à légard de la présence militaire comme du projet récréatif qui laccompagne. Une décennie plus tard, les tensions semblent en partie sapaiser. Le passage régulier de la marine états-unienne dans les ports de la Riviera et la fixation du navire amiral à Villefranche-sur-Mer reçoivent la bénédiction des municipalités sans pour autant constituer pour ces dernières un enjeu économique majeur. Les marins en permission se mêlent aux touristes dans un contexte de massification commencé dans les années 50. Dans une certaine mesure, ils ne font quaccompagner un mouvement de démocratisation du tourisme que les GIs ont, dix ans plutôt, contribué à accélérer. Si les différences semblent ainsi lemporter, une analyse plus poussée nous permet de comprendre à quel point la Côte dAzur fournit, au travers des structures récréatives de larmée américaine, un cadre favorable aux diverses manifestations de la puissance des États-Unis. La première sortie de guerre, en 1918, constitue pour lA.E.F. une occasion daffirmer la nouvelle puissance américaine sur les plans économique et idéologique. Côté français, lorganisation du double centre de permission et de convalescence de la Riviera mobilise les espoirs de reprise dun secteur touristique en berne depuis 1914. Côté américain, cette mise en place doit être loccasion, à léchelle régionale, daffirmer les valeurs, y compris au sens le plus moral du terme, des États-Unis, dans un esprit profondément universaliste. 40En 1944 et 1945, cet esprit universaliste cède la place à un esprit de conquête. Sur la Côte dAzur comme ailleurs en France, cette deuxième sortie de guerre est marquée par les combats de la libération, les affres de lépuration, les pénuries, les défauts de ravitaillement, et larrêt total de toute activité touristique. Sur ce plan, lappel à laide lancé à larmée américaine par les Azuréens rejoint la volonté de cette dernière dorganiser le plus grand centre récréatif dEurope pour ses GIs. Mais ce dernier projet revêt une dimension également très politique. LUSRRA devient un instrument daffirmation de la puissance états-unienne, dans un contexte de concurrence de souveraineté et de montée de linfluence communiste en France. Enfin, entre le début des années 50 et 1967, lenjeu de puissance domine désormais sur tous les autres. La présence navale, dans sa dimension récréative, obéit à une logique assimilable à celle des autres implantations militaires américaines de lOTAN en France, terrestres et aériennes. La guerre froide pousse les états-majors à développer un discours atlantiste. LUS Navy devient le vecteur autant que linstrument dune diplomatie culturelle centrée sur la promotion de lamitié franco-américaine. Côté français, on se plie officiellement à cette logique, sans pour autant lencourager, hormis à Villefranche-sur-Mer. Les enjeux purement touristiques, sans les occulter, passent désormais au second plan.