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Classiques Garnier

Homélie Andillac, 16 juillet 2023

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : L'Amitié guérinienne Revue annuelle des Amis des Guérin
    2023, n° 202
    . varia
  • Auteur : Ferret (Jean-Claude)
  • Pages : 13 à 16
  • Revue : L'Amitié guérinienne
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406159995
  • ISBN : 978-2-406-15999-5
  • ISSN : 2554-8980
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-15999-5.p.0013
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 06/12/2023
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
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HOMÉLIE

Andillac, 16 juillet 2023

15e dimanche du temps ordinaire
(Is 55, 10-11 ; Ps 64 (65), 10abcd, 10e-11, 12-13, 14 ;
Rm 8, 18-23 ; Mt 13, 1-23)

Il nous est donné cette année dentendre, deux dimanches successifs, Jésus expliquer une parabole, aujourdhui, la parabole du semeur, dimanche prochain, celle du bon grain et de livraie. Inutile donc de répéter ce qui a été si bien enseigné sinon pour en souligner lun ou lautre aspect : « Veillez dès lors à ce que la parole que vous avez reçue résonne au fond de votre cœur et y demeure » dit le bénédictin saint Grégoire le Grand (540-604, pape de 590 jusquà sa mort) en commentant ce texte. On peut penser que la parole reçue lest dabord lors de sa proclamation à la messe, comme ce matin. La lecture, la méditation, létude, la réflexion, sont encore une autre étape de ce travail de la parole, ce qui amène jusquà la lectio divina.

Peut-on dire qualors saccomplit loracle du prophète Isaïe ? « Ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission. » Sans doute en un certain sens. Nous retrouvons ici lenseignement de lÉglise, dans la constitution dogmatique Dei Verbum (18 novembre 1965) du Concile Vatican II : « LÉglise a toujours vénéré les divines Écritures, [] pour [les] offrir aux fidèles. Toujours elle eut et elle a pour règle suprême de sa foi les Écritures, conjointement avec la sainte Tradition, puisque, inspirées par Dieu et consignées une fois pour toutes par écrit, elles communiquent immuablement la Parole de Dieu lui-même et font résonner dans les paroles des prophètes et des Apôtres la voix de lEsprit Saint. Il faut donc que toute la prédication ecclésiastique, comme la religion chrétienne elle-même, soit nourrie et guidée par la Sainte Écriture. Dans les Saints Livres, en effet, le Père qui est aux cieux vient avec tendresse au-devant de ses fils et entre en conversation avec eux ; or, la force et la puissance que recèle la Parole 14de Dieu sont si grandes quelles constituent, pour lÉglise, son point dappui et sa vigueur et, pour les enfants de lÉglise, la solidité de leur foi, la nourriture de leur âme, la source pure et permanente de leur vie spirituelle… » (no 21).

Dans un de ses textes pontificaux les plus importants, lexhortation apostolique Verbum Domini (30 septembre 2010), Benoît XVI apporte encore quelques précisions en évoquant la sacramentalité de la Parole de Dieu : « Il est utile de rappeler que le Pape Jean-Paul II avait fait référence à “la perspective sacramentelle de la Révélation et, en particulier, au signe eucharistique dans lequel lunité indivisible entre la réalité et sa signification permet de saisir la profondeur du Mystère”. De là, nous comprenons que le Mystère de lIncarnation est vraiment à lorigine de la sacramentalité de la Parole de Dieu : “le Verbe sest fait chair” (Jn 1, 14), la réalité du mystère révélé nous est offerte dans la “chair” du Fils. La Parole de Dieu se rend perceptible à la foi par le “signe” des paroles et des gestes humains. La foi, donc, reconnaît le Verbe de Dieu, en accueillant les gestes et les paroles par lesquels il se présente lui-même à nous. » (no 56).

Ce détour théologique voulait nous aider à mieux saisir la place de lÉcriture Sainte, de la Parole de Dieu au cœur de la vie de lÉglise, pour bien comprendre que, pour nous chrétiens, si la Parole de Dieu est consignée dans un livre, dignement mise en valeur, cest sa proclamation et son travail en nous qui garde la plus grande importance. Cest, je crois, le sens de linitiative du pape François lequel veut mettre en valeur la Parole de Dieu le troisième dimanche du temps ordinaire (qui coïncide heureusement avec la semaine de prière pour lunité des chrétiens du 18 au 25 janvier).

Comme en écho, la constitution sur la liturgie Sacrosanctum Concilium (4 décembre 1963) précise ceci : « Dans la célébration de la liturgie, la Sainte Écriture a une importance extrême. Cest delle que sont tirés les textes quon lit et que lhomélie explique, ainsi que les psaumes que lon chante ; cest sous son inspiration et sous son impulsion que les prières, les oraisons et les hymnes liturgiques ont jailli, et cest delle que les actions et les symboles reçoivent leur signification. Aussi, pour procurer la restauration, le progrès et ladaptation de la liturgie, il faut promouvoir ce goût savoureux et vivant de la Sainte Écriture dont témoigne la vénérable tradition des rites aussi bien orientaux quoccidentaux. » (no 24).

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En somme, comment sommes-nous en tant que chrétiens, des hommes, des femmes de la Parole de Dieu ? Nous retrouvons ce travail de la Parole, nous pouvons être différents terrains selon la période de notre vie. Si nous pensons à Maurice et Eugénie, nous voyons bien quils nont pas la même attitude, lune accueille, sinquiète, veut transmettre, lautre cherche, doute ; ils semblent avoir été loyaux à leur façon, suivant leur tempérament, mais aussi leur contexte social, géographique, et leur propre expérience liée à leur personnalité. À eux deux, ils montrent les facettes de lexistence croyante.

Saint Paul, au cœur de sa lettre aux Romains, décrit la condition du croyant : « Nous aussi, en nous-mêmes, nous gémissons ; nous avons commencé à recevoir lEsprit Saint, mais nous attendons notre adoption et la rédemption de notre corps. » Comment ne pas penser, en cette année anniversaire à la réflexion de Blaise Pascal (1623-1662) ou à celle de Gabriel Marcel (1889-1973) ? Ces deux philosophes ont un point commun majeur : ce sont des convertis, et leur réflexion en est dautant plus exigeante. Relisons « le mystère de Jésus » dans les Pensées de Pascal ou Du refus à linvocation (publié en 1940) de Gabriel Marcel : « Le problème est quelque chose quon rencontre, qui barre la route. Il est tout entier devant moi, Au contraire le mystère est quelque chose où je me trouve engagé, dont lessence est par conséquent de nêtre pas tout entier devant moi. » (p. 94)

Le mystère pourrait être illustré par la belle louange à la nature du psaume 64, je pense que ses images sont explicites et montrent la grandeur et la bonté du Créateur, ce qui a pu toucher à divers titres Eugénie et Maurice.

Il faut conclure :

« Mais vous, heureux vos yeux puisquils voient, et vos oreilles puisquelles entendent ! Amen, je vous le dis : beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne lont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne lont pas entendu. » Jésus dit cela à ses disciples qui nont pas forcément compris la parabole, il leur promet louverture des yeux des oreilles et du cœur et donc de lintelligence des Écritures, en précisant quil est en train daccomplir ce que beaucoup ont espéré. Cest aussi ce que dit saint Paul aux Romains, que nous avons entendu tout à lheure. Cest encore notre condition sur cette terre, avec la grâce, pourvu que nous sachions y être disponibles.

« Seigneur, Dieu de vie, tu as envoyé ton Fils pour semer en nous ta parole. Ôte de notre cœur les pierres qui le rendent stérile, fais de 16nous une bonne terre assez profonde pour que croisse le germe que tu as déposé, et quil rende cent pour un » nous dit la belle oraison de la Liturgie Monastique des Heures.

AMEN

Abbé Jean-Claude Ferret