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Classiques Garnier

Homily Andillac, 17 July 2022

  • Publication type: Journal article
  • Journal: L'Amitié guérinienne Revue annuelle des Amis des Guérin
    2022, n° 201
    . varia
  • Author: Ferret (Jean-Claude)
  • Pages: 13 to 15
  • Journal: Friends of Guérin
  • CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN: 9782406143598
  • ISBN: 978-2-406-14359-8
  • ISSN: 2554-8980
  • DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-14359-8.p.0013
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 12-07-2022
  • Periodicity: Annual
  • Language: French
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HOMÉLIE

Andillac, 17 juillet 2022

16e dimanche du temps ordinaire
(Genèse 18, 1-10 a ; psaume 14, 2-3a, 3bc-4ab, 4d-5 ; Colossiens 1, 24-28 ; Luc 10, 38-42)

Nous entendons le célèbre récit évangélique de la rencontre de Jésus avec Marthe et Marie. Il nous montre Marthe, maîtresse de maison, pleine de bonnes intentions, mais qui en fait va trop sempresser et donner limpression de vouloir se montrer, se mettre en valeur, et faire reproche à sa sœur dans linterpellation quelle adresse à Jésus : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur mait laissé faire seule le service ? Dis-lui donc de maider. » Dans son dépit, elle en vient à donner des ordres à Jésus ! Celui-ci ne se laisse pas impressionner, il répond : « Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu tagites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. » Le problème nest pas tant que Marthe veuille sacquitter au mieux des tâches matérielles, même si elle sombre dans lactivisme, mais de choisir la bonne part, comme sa sœur. Jésus, finalement, rappelle, à la suite du Sage, qu« il y a un temps pour tout ». Marthe est tellement fière de recevoir Jésus, elle a entendu son enseignement et, dans son enthousiasme, elle oublie lessentiel à ce moment-là : lécoute. Cest une autre forme de lhospitalité que pratique Marie, moins visible et gratifiante, mais tout aussi importante. Loraison de la Liturgie Monastique des Heures de ce dimanche est très explicite et montre limportance de chaque part : « La seule chose qui soit vraiment nécessaire, cest découter ta Parole, ton Verbe, Seigneur Dieu. Aide-nous à ne pas nous inquiéter pour ce qui est vain, à garder la paix dans les occupations qui nous absorbent et à trouver du temps pour nous tenir, émerveillés, aux pieds de Jésus-Christ. »

Il est question dhospitalité aussi dans la première lecture. Abraham reconnaît le Seigneur dans ses trois visiteurs (peut-être pensons-nous déjà à la Trinité et avons-nous inconsciemment en tête la belle icône 14dAndreï Roublev ?). Jacques Leclercq, chapelain de Notre-Dame de Paris à la fin du siècle dernier, notait magnifiquement ceci le 23 juillet 1989 : « La Foi … Elle savance en tâtonnant, petite flamme fragile mais obstinée, au creux de la conscience et elle retrouve les mêmes mots que lamour blessé quand il est rongé par le doute et le chagrin, pour vivre encore… Voilà Abraham. … Face à labsurde, mais devant le visage de Dieu, il ne savait plus que cétait impossible. Alors il la fait. » Abraham est celui que lon qualifie de « père des croyants. » Je me demande si Maurice et Eugénie nont pas fait chacun cette expérience, lui du côté du doute, elle du côté du chagrin.

Cette hospitalité se retrouve encore dune certaine manière dans le psaume 14 qui énonce les qualités de lhomme juste, qui suit la Loi du Seigneur, ses préceptes, et vit de la Parole de Dieu. Nous pouvons relever une vérité élémentaire, mais très importante : la morale chrétienne vient de la Révélation, se fonde sur lÉcriture, cest donc lÉcriture et la Révélation qui sont premières ; la morale chrétienne, science de lagir, découle de lÉvangile. Nous pouvons nous interroger sur notre manière dagir et, en restant dans le domaine de lhospitalité, nous demander comment nous sommes reçus par le Seigneur, dans cette église pour la célébration de lEucharistie, comme membres constitutifs de lÉglise – assemblée de croyants invités par le Seigneur – et comment nous recevons cette réalité, ce mystère, comment du coup nous nous donnons à Dieu et à nos frères au cours de cette célébration, comment nous hébergeons aussi la Parole de Dieu, qui nous fait vivre autant que le pain eucharistique. Cette Parole qui nourrit notre conscience, notre volonté, et le pain de la route nous donnent force pour choisir, décider et agir en ce monde comme témoins du Christ. Eugénie la bien compris quand elle parle de la communion dans son Journal.

La belle page de la lettre aux Colossiens nous montre un saint Paul soucieux pour la communauté à laquelle il sadresse : « Maintenant je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous ; ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je laccomplis pour son corps qui est lÉglise. » Voilà un exemple à admirer et pas forcément à imiter ! Mais, au fond, Eugénie na-t-elle pas expérimenté cela après la mort de Maurice et jusquà la fin de ses jours, à divers degrés ? La suite nous instruit davantage et peut être pratiquée par tout baptisé, et Eugénie, par son témoignage de foi, par sa piété, par sa charité (au meilleur sens de ce mot, hélas aujourdhui ridiculisé), a 15vécu cette parole : « Le mystère qui était caché depuis toujours à toutes les générations, mais qui maintenant a été manifesté à ceux quil a sanctifiés. Car Dieu a bien voulu leur faire connaître en quoi consiste la gloire sans prix de ce mystère parmi toutes les nations : le Christ est parmi vous, lui, lespérance de la gloire ! Ce Christ, nous lannonçons : nous avertissons tout homme, nous instruisons chacun en toute sagesse, afin de lamener à sa perfection dans le Christ. » Réalisons-nous la grandeur de cette parole ? Sommes-nous conscients de la présence de Jésus parmi nous ? Le Concile Vatican II, dans la constitution sur la liturgie, au numéro 7, précise les modalités de la présence du Christ : « Le Christ est toujours là auprès de son Église, surtout dans les actions liturgiques. Il est là présent dans le sacrifice de la messe, et dans la personne du ministre, “le même offrant maintenant par le ministère des prêtres, qui soffrit alors lui-même sur la croix” et, au plus haut degré, sous les espèces eucharistiques. Il est présent, par sa puissance, dans les sacrements au point que lorsque quelquun baptise, cest le Christ lui-même qui baptise. Il est là présent dans sa parole, car cest lui qui parle tandis quon lit dans lÉglise les Saintes Écritures. Enfin il est là présent lorsque lÉglise prie et chante les psaumes, lui qui a promis : “Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au milieu deux.” (Mt 18, 20). » Aujourdhui, ici et maintenant, il est présent. Puissions-nous comme Jacob, nous émerveiller toujours : « En vérité, le Seigneur est en ce lieu ! Et moi, je ne le savais pas. » (Genèse 28, 16) Entrons davantage dans ce mystère, pour en vivre !

Amen

Jean-Claude Ferret