Résumés

Anne Durand, « Mort ou réforme de la philosophie. Qu’est-ce qu’un philosophe naturaliste ? L’exemple de Feuerbach »

Il s’agit de replacer Ludwig Feuerbach au sein de la querelle du matérialisme et d’étudier les points de rencontres entre la philosophie matérialiste et les sciences de la nature dans leur opposition à la théologie et au dogmatisme. Le but n’est pas de valider le dépassement d’une discipline par une autre mais au contraire de souligner leur enrichissement mutuel pour traiter de questions communes telles que les rapports du corps et de l’esprit.

Kurt Bayertz, « Dépasser la philosophie par la science. Le matérialisme naturaliste en Allemagne au xixe siècle »

Certains scientifiques ont promu, dans l’Allemagne du xixe siècle, un type de matérialisme réputé de peu d’intérêt philosophique – affichant d’ailleurs de vouloir en finir avec la philosophie. L’article revient sur ce jugement en dégageant le contexte d’émergence de ce courant, le problème qui fut le sien, pour souligner sa spécificité et son influence très durable. Il propose quelques remarques critiques touchant aussi bien les acteurs du xixe siècle que leurs héritiers actuels.

Ronan de Calan, « Qu’appelle-t-on libre pensée ? Ludwig Büchner et le Freidenkerbund »

Le matérialisme de Jacob Moleschott, Carl Vogt, Ludwig Büchner ne se réduit pas à secondariser la philosophie par rapport aux sciences de la nature : il contribue plus largement au débat religieux et politique dans le monde germanique et européen. L’analyse de Vier freidenkerische Fragen, que Büchner rédige pour le Congrès international des libres penseurs de 1886 (inédit en français), permettra de replacer dans ce cadre les positions (anti-) religieuses, philosophiques et sociales du célèbre matérialiste.

Charlotte Morel, « Métaphysique et science chez Lotze. Enjeux d’une position médiane dans la querelle du matérialisme »

L’œuvre épistémologique d’Hermann Lotze représente au milieu du xixe siècle une autorité qui lui vaut d’être pris pour arbitre de la querelle du matérialisme. Défenseur du mécanisme dans les sciences, spiritualiste en métaphysique, il voit son propos annexé (et déformé) par les deux partis. L’article montre que si cette querelle fut, selon ses mots, une « torture inutile » pour l’époque, elle signale surtout le besoin patent de penser de façon critique l’articulation de la science et de la métaphysique.

Gerald Hartung, « Friedrich Albert Lange et l’histoire critique du matérialisme »

L’Histoire du matérialisme reste un ouvrage historiographique de premier plan. Outre l’exposé historique des matérialismes depuis l’Antiquité, Friedrich A. Lange y livre une analyse critique de la « signification » du matérialisme de son temps. En centrant sa critique sur les questions de l’existence de l’âme (sa réponse est négative) et celle de la téléologie (pas de fins dans la nature, mais bien dans l’histoire), il produit une synthèse originale des thèses darwiniennes et de la philosophie kantienne.

Jean Seidengart, « Entre matérialisme et idéalisme. Une nouvelle alliance est-elle possible dans la philosophie de Friedrich A. Lange ? »

Friedrich A. Lange promeut une forme d’idéalisme critique rénové à la lumière de la psychophysiologie de son époque. S’il se montre très critique à l’égard d’un matérialisme dogmatique, simple métaphysique de la matière, il accueille favorablement l’hypothèse matérialiste à titre de méthodologie pour les sciences. L’article analyse comment Lange concilie alors le « point de vue de l’idéal » indispensable en morale et en politique avec l’hypothèse matérialiste rénovée qui s’impose dans le domaine scientifique.

Jean-François Goubet, « D’une querelle à l’autre. Moritz Lazarus et la question du matérialisme »

Pour Moritz Lazarus, le matérialisme fut une question de vision du monde plus que de système. C’est d’abord en psychologue qu’il a entrepris de montrer 299comment naît l’optique matérialiste, comment elle peut être supplantée. C’est ensuite en acteur important de la scène politique et confessionnelle berlinoise qu’il a rappelé que les juifs ne pouvaient être taxés en masse de matérialisme. Certains arguments, forgés durant la querelle du matérialisme, furent ainsi réinvestis dans celle de l’antisémitisme.