Aller au contenu

Classiques Garnier

[Introduction à la quatrième partie]

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : L’Affaire clémentine. Une fraude pieuse à l’ère des Lumières
  • Pages : 345 à 348
  • Collection : L'Europe des Lumières, n° 32
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782812428524
  • ISBN : 978-2-8124-2852-4
  • ISSN : 2258-1464
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-8124-2852-4.p.0345
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 07/07/2014
  • Langue : Français
345

Quatrième PARTIE

La contagion fictionnelle
en apologétique

« la fiction sympathise avec la vérité1 »

346 347

Aller à la rencontre du lecteur, combler ses attentes en les anticipant, bref le gagner par ses faiblesses sera lambition de tout un courant de lapologétique moderne.

Nicolas Brucker, Littérature et apologétique2

Les Lettres intéressantes du pape Clément XIV, étudiées sous les aspects de leur création, continuation et réception, sappréhendent comme un livre qui fait date dans une histoire des mentalités. Leur succès atteste que le contenu répondait aux croyances et habitudes desprit de la communauté des lecteurs ; létude de cas permet alors de reconstruire et dinformer un moment donné dans la longue histoire de la littérature et des idées (celle du sentiment et de lécrit religieux en particulier) et dinterroger les relations quentretiennent les veines apologétique et fictionnelle, deux modalités décriture a priori antinomiques. Faut-il sen tenir à lexclusion de lune par lautre, et évoquer un rejet mutuel ? Doit-on au contraire parler dinterpénétration, voire suggérer une interaction et chercher alors à en mesurer les modalités ? Conviendrait-il enfin de parler de commutation, en vertu dune avancée formidable de la fiction, bond en avant ou triomphe, qui semble emporter dans son sillage les colonnes du sacré et signer lavènement dun discours profane qui sy diffuse et sy substitue ? Étape remarquable dans une histoire des lettres divines et humaines3, et illustration parmi dautres de ces 348dilemmes de la fiction qui firent le jeu des lettres au xviiie siècle, les Lettres intéressantes mettent en évidence cette lente mutation et le rôle majeur quy joue la forme épistolaire.

1 L.-A. Caraccioli, Préface de La Négresse couronnée ou Les mœurs des peuples mis en action, Paris, Cailleau, 1787,cité par Martine Jacques, « L.-A. Caraccioli et son œuvre : la mesure dune avancée de la pensée chrétienne vers les Lumières », Dix-huitième siècle, no 34, 2002, p. 297.

2 Nicolas Brucker, Littérature et apologétique : le cas de labbé Philippe-Louis Gérard (1731-1813), Thèse de doctorat, Littérature française, Paris IV, 2000, p. 81. Cest nous qui soulignons.

3 La « paraclesis » précédant la traduction de lÉvangile par Érasme permet dexpliciter lexpression « lettres divines » : « Je suis en effet tout à fait opposé à lavis de ceux qui ne veulent pas que les lettres divines soient traduites en langue vulgaire pour être lues par les profanes, comme si lenseignement du Christ était si voilé que seule une poignée de théologiens pouvait le comprendre » (Érasme, Les Préfaces au Novum Testamentum[1516], Yves Delègue (éd. et trad.), Genève, Labor et fides, « Histoire et société », 1990). Par extension, on classe encore sous cette appellation les écrits des pères de lÉglise, ceux dautorité papale, les ouvrages dhistoire sainte.