Résumés des contributions

Frédérique Ildefonse, « Introduction. Les fous en bateau »

L’introduction rend compte de l’article « Les fous et le mal de mer » du docteur Barbier, psychiatre du xixe siècle, et d’un texte des Lois de Platon. Elle met ainsi en évidence les rapports d’harmonie ou de dysharmonie entre les désordres intérieurs et l’animation extérieure.

Catherine Darbo-Peschanski, « Formes des actes fous dans l’épopée homérique »

Chez Homère, les actes fous relèvent d’une position particulière de l’agent au sein de la structure courante de l’acte. Si l’acte courant est réparti entre deux acteurs ou guidé par un personnage qui fait sortir le futur agent de l’hésitation, alors la solitude de l’agent caractérise son acte comme fou.

Renée Piettre-Koch, « Ce que peut la folie, l’aphrosunê (ἀφροσύνη) entre Aphrodite et la Mère des dieux. Euripide, Hippolyte 141-169 »

À partir d’un passage d’Hippolyte d’Euripide, l’article examine deux mots grecs contraires ἀφροσύνη, « folie », et σωφροσύνη, « sagesse » ou « chasteté », ainsi que la manière dont Aphrodite et Artémis, toutes deux évoquées dans le mal d’amour de Phèdre, rendent difficile le diagnostic de l’auteur du mal.

Charlotte Murgier, « La folie au principe ? Descriptions et usages de l’acte fou chez Platon »

Dans les Dialogues platoniciens, l’acte fou va des actions irréfléchies aux plus criminelles. La notion se construit à travers cette diversité, par une réflexion sur ses causes naturelles, morales et sociales. L’étude des usages de l’acte fou éclaire par la négative la conception platonicienne de l’action.

Ivonne Manfrini, « Achille et le corps d’Hector. Actes fous en images ? »

Comme sources, les images posent des problèmes méthodologiques. Elles ne sont pas des illustrations, mais une expression autonome et cohérente. L’Iliade condamne les sévices infligés au corps de Patrocle. L’autonomie des imagiers par rapport aux textes apparaît au sein d’une dénonciation partagée de la violence.

Silvia D’Intino, « La perte des Asura et le secret du sacrifice. L’“acte fou” dans les récits des Brāhmaṇa »

Ayant pour objet les rites, leurs règles et les mythes qui leur sont associés, les Brāhmaṇa contiennent une remarquable réflexion sur l’action (karman) et l’agir humain. Dans les affrontements entre les dieux et leurs adversaires rusés, les Asura, le succès va de pair avec la « science » sacrificielle que les dieux apprennent au prix d’humiliations et d’échecs. Ils deviendront finalement les maîtres du sacrifice et de leurs adversaires, pris dans le filet d’un « acte fou », qui finit par les ruiner.

Maria Grazia Masetti-Rouault, « La valeur de l’extraordinaire. Stratégies de contrôle et d’intégration de l’incompréhensible dans la culture syro-mésopotamienne antique »

Les traditions bibliques et la mémoire grecque caractérisent les civilisations proche-orientales par l’irrationalité du polythéisme et du despotisme. Les « actes fous » y sont attestés, surtout dans des contextes sacrificiels. Dans la prophétie aussi, les actes fous manifestent leur efficacité, par delà le symbolisme.

Pierre-Henri Ortiz, « D’une folie à l’autre. Troubles du comportement et maladie spirituelle dans les discours chrétiens de l’Antiquité tardive »

Cet article met en évidence la manière dont les troubles psychiques et leurs modèles traditionnels d’intelligibilité sont mobilisés dans les sources chrétiennes de l’Antiquité tardive, de Tertullien à Augustin, au service de l’élaboration d’une notion de « maladie de l’âme ».

Thomas Brisson, « Le psychiatre et le renard. Acte fou, “désordre mental” et exorcisme dans le Japon du xixe siècle »

L’Occident se méprend sur la nature sociale des actes qu’il dit fous dans d’autres cultures. Lors de la pénétration impérialiste au Japon, on interpréta possession et exorcisme avec des catégories psychanalytiques inadaptées. On examine les conditions socio-politiques de cela et les significations entrevues par les Européens.

Odile Journet-Diallo, « Quelques figures africaines de la “folie des dieux”. L’exemple jóola jamaat (Sénégal/Guinée-Bissau) »

L’article s’attache à l’exploration de certaines figures de la folie dans une société du sud du Sénégal et du nord de la Guinée-Bissau : l’acte fou comme signe d’élection ou d’attaque par une puissance de la terre ou encore comme requalification rituelle du meurtre.

Pierre Ginesy, « Acte fou, acte fol… »

La conclusion du volume se propose de dégager ce que le surgissement de l’acte « fol » vient déconstruire de notre croyance en l’unicité de l’acte et donner accès au « crépuscule géologique des temps futurs », pour reprendre la formule de Mandelstam à propos de la Divine comédie.