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Classiques Garnier

[Introduction de la première partie]

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Joan Bodon . Contes populaires et autofictions
  • Pages : 37 à 38
  • Collection : Études et textes occitans, n° 7
  • Thème CLIL : 4029 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Langues régionales
  • EAN : 9782406099475
  • ISBN : 978-2-406-09947-5
  • ISSN : 2430-8269
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09947-5.p.0037
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 29/04/2020
  • Langue : Français
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Lorsque les Éditions du Rouergue procèdent à la réédition des Contes de Jean Boudou en octobre 1989, il est étonnant de constater que les articles publiés dans différents supports locaux ou régionaux afin de promouvoir louvrage ont un contenu peu différent, dans leur esprit, de celui des articles publiés au moment de lédition des recueils originaux. À cette époque, Boudou est en effet perçu essentiellement comme « un mèstre-contaire » [un maître-conteur] ou « un contaire remirable » [un conteur incomparable], quelquun qui « es nascut contaire, enrasigat dins lart de dire popular » [est né conteur, enraciné dans lart de dire populaire] (Lagarda 1954-1955, 59-61). Plus dune trentaine dannées plus tard, donc, demeure lidée que Boudou a « recueilli » ses Contes « auprès de sa mère et de sa tante, conteuses nées » et quil en a effectué une « transcription1 ». Même sil est reconnu que celle-ci, sous une apparente simplicité, relève « du grand art, fruit dun travail patient et appliqué2 », le caractère populaire et traditionnel des Contes est systématiquement mis en avant : « Tous ces Contes ont leurs racines dans la tradition transmise au fil des générations3 ». La « matière première » des Contes ainsi reçue, « expression dune culture et dune civilisation », conduit à souligner leur valeur en tant que « Mémoire de lalbigeois4 », par référence probablement aux origines tarnaises de la mère de Boudou et à son rôle qui aurait été déterminant dans la transmission de cet héritage immatériel. Pourtant, quelques remarques se distinguent selon lesquelles certains Contes auraient été « digérés » par Boudou pour « les faire pleinement siens », dautres auraient été « actualisés », voire « localisés » pour les « insérer dans la vie même de la région5 ». Si lidée quils seraient « un reflet de la personnalité de lauteur », et notamment de « ses inquiétudes, ses phantasmes, son mal de vivre, son attachement au pays et à une façon de vivre6 » se fait jour, à aucun moment la place quils occupent au sein de lœuvre littéraire de 38Boudou, leurs incidences sur celle-ci, tant au regard de sa poétique que de ses thématiques, leurs possibles relations intertextuelles avec celle-ci, ne sont évoquées. Considérer ainsi les Contes de façon isolée, comme une production singulière en quelque sorte, et sans les replacer rétrospectivement dans la globalité de lœuvre, conduit à figer et à entretenir une certaine image de lauteur en cohérence avec les valeurs caractérisant une littérature dite félibréenne et régionale. Cela revient, autrement dit, à perpétuer un mythe, celui quil est convenu de désigner ici comme le mythe du paysan-conteur.

La compréhension de ce mythe, tant au regard de son contenu que de sa construction, passe par un retour sur la genèse des Contes en sattachant notamment, à partir de lexamen des manuscrits conservés et des éditions originales, à comprendre les motivations et les objectifs qui furent ceux de Jean Boudou aux divers moments de lécriture puis de la publication des Contes. Dans un même esprit, soucieux de lauthenticité des sources utilisées, la question de la contribution des Contes à la mythification de leur auteur a été examinée à partir de létude des informations de nature transtextuelle les concernant, et plus particulièrement de celles émanant directement de Boudou ou lengageant personnellement sans contestation possible. À partir de là, il ne restait plus quà tenter de dévoiler la réalité effective des Contes sous-jacente à ce mythe et, ce faisant, à mettre en évidence en quoi ils se révèlent être porteurs de lensemble de lœuvre littéraire à venir.

1 Le Progrès Saint-Affricain, 15 décembre 1989, rubrique « Lu pour vous… », par Jacques Vaizy, p. 5. Le même article paraît également dans Le Villefranchois, 29 décembre 1989.

2 Journal Le Rouergat, 24 novembre 1989, rubrique « Vient de paraître », par M. Garrigues.

3 Le Progrès Saint-Affricain, 15 décembre 1989, p. 5.

4 Journal du Tarn La Voix libre, 12 janvier 1990, rubrique « À lire », non signée.

5 Journal Le Rouergat, 24 novembre 1989, rubrique « Vient de paraître », par M. Garrigues.

6 Également dans Le Rouergat, 24 novembre 1989.