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Classiques Garnier

Résumés

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : Jean Giono. Une poétique de la figuration
  • Pages : 571 à 577
  • Collection : Rencontres, n° 448
  • Série : Rhétorique, stylistique, sémiotique, n° 6
  • Thème CLIL : 3154 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Linguistique, Sciences du langage -- Stylistique et analyse du discours, esthétique
  • EAN : 9782406100560
  • ISBN : 978-2-406-10056-0
  • ISSN : 2261-1851
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10056-0.p.0571
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 08/03/2020
  • Langue : Français
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Résumés

Gérard Berthomieu et Sophie Milcent-Lawson, « Introduction »

En donnant pour complément à poétique non figure mais figuration, en préférant leffet au support, lacte au produit, le procès à lobjet, ce volume met en avant un principe actif autant inhérent à linvention figurale que propre à un style mu par le divertissement, cette soif de se détourner de la pesanteur du même. Des multiples formes de cette énigmatique vitalité, tous les contributeurs, si divers soient leurs choix herméneutiques, interrogent ici les voies et façons.

Mireille Sacotte, « “Lair de rien”. Lambiguïté narrative dans Les Grands Chemins »

Cette étude se présente comme une enquête auprès du discours du roman et analyse les faits dexpression qui laissent percevoir un envers au-delà de lendroit, en jetant le soupçon sur la fiabilité et la moralité du narrateur, dont on formule lhypothèse quil pourrait être lui-même tueur en série : manipulation par la parole, confiscation du dire au profit dune seule instance, envers sémantique de locutions revisitées, ambiguïté de mots essentiels, tel amitié.

Ilias Yocaris, « “Le bonheur dêtre à la fois invisible et présent”. Sous-dires et ambivalence dans Angelo »

En exploitant des concepts analytiques empruntés à la théorie de lénonciation, à la pragmatique, et à lanalyse conversationnelle, notamment celui de trope implicitatif, létude esquisse une poétique de la sous-parole, et lit à travers cette culture du sottovoce le désir, masqué par la pudeur, qui naît entre Pauline et Angelo, et au-delà l« irréductible ambivalence » de bien des sentiments, caractères ou situations.

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Julien Piat, « Le ton comme métalepse. Énonciation et posture romanesques »

Létude répertorie les marques qui transposent à lécrit la présence dun aspect oral du propos, le ton, et postule une sorte de métalepse qui permettrait, une fois subsumés les tons des narrateurs, de remonter de la fiction au réel, des conteurs à lauteur, de définir donc un ton Giono. La catégorie du ton permettrait ainsi de mieux saisir les enjeux dune « scénographie conteuse » des romans gioniens, sur fond de cette « tentation vocale » qui a marqué la prose romanesque du xxe siècle.

Alain Rabatel, « Figures énonciatives de la connivence dans Les Récits de la demi-brigade »

Lauteur décrit en théorie comment une posture plus ou moins tacite dintelligence, croisée avec les instances et niveaux de la narration, génère deux formes majeures de connivence : la relation du lecteur au je-personnage, du lecteur au je-narrateur. Au-delà de la connivence entre locuteurs intradiégétiques, on touche à une « connivence élective » entre auteur et lecteur modèle, sorte de coénonciation où se partagent les mêmes valeurs et une même allégresse généreuse du discours.

Denis Labouret, « Giono et la “méthode des bâtons rompus”. Figures et ruptures du dialogue romanesque »

Dans cette conduite du dialogue marquée par dincessantes ruptures thématiques, lauteur ne voit pas seulement une anti-méthode, mais la clef de voûte de tout un art poétique. Cette forme de di-vertissement, étymologiquement parlant, thématise au-delà par ses paradoxes mêmes la quintessence de linvention romanesque, en figure le jeu supérieur, et fonde une attitude heuristique où lanalogique prime sur le logique, où se révèlent des potentialités profondes, dordre éthique comme esthétique.

Françoise Rullier-Theuret, « La multiplication et limbrication des instances dialogales dans Un roi sans divertissement »

Après avoir rappelé la multiplication dans cette chronique des instances et modalités de lénonciation, lenchâssement de voix lointaines et plusieurs fois relayées, létude semploie à décrire tous les procédés, métalepse ou énallage en 573priorité, dont le cumul et le tissage construisent une voix narrative complexe. Démultiplication de la parole qui rend dautant plus troublants la loi du non dit et le fait que lessentiel est passé sous silence, lénonciation révélant ce que lénoncé même tait.

Laurence Rosier, « La circulation de la parole dans Les Âmes fortes »

Létude décrit leffet de brouillage que crée la multiplication des voix dans la propagation dune rumeur. Touchant à une éthique des discours dans lespace social comme à une anthropologie de la parole circulante, elle fait de lœuvre littéraire la base dune enquête sociologique où la variation linguistique est saisie sous laspect dun objet socio-discursif. Est ainsi présenté à travers Les Âmes fortes le portrait dun milieu où la médisance devient corps social de la parole collective.

Sophie Milcent-Lawson, « Lallure et lallant. Métaphore et écriture romanesque dans Deux cavaliers de lorage de Jean Giono »

Cest sous langle des notions dallure et dallant, empruntées à Jean-Paul Goux, que létude interroge les fonctions exercées par les tropes dans un roman, et dissocie notamment la métaphore de léthos poétique qui leur est régulièrement attaché. Sont donc appréciées les configurations qui soutiennent et la fiction et sa diction, leurs effets de densité comme délan narratifs, mais aussi la polyphonie interne aux tropes, ou les effets de mise en abyme de la puissance fictionnelle des images.

Véronique Magri-Mourgues, « Un complexe figural. Comparaison et métaphore dans la Trilogie de Pan »

Portant jusquà la notion de complexe figural les thèses dune transition continue et dune interaction effective entre les formulations de la similitude, létude postule en outre une correspondance entre niveau de lexpression, lespace un des formes de lanalogie, et niveau du contenu, la vision une de la nature chez Giono, et voit dans lintrication même du complexe figural un support symbolique de la multiplicité mêlée des voix et points de vue propre au discours du roman.

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Michele Prandi, « “La montagne soupirait au-dessus du village”. Lessaim métaphorique du paysage animé dans Le Hussard sur le toit »

Après avoir distingué la notion d« essaim métaphorique », qui intéresse les métaphores vives, de celle de « concept métaphorique » (Lakoff et Johnson), qui concerne les métaphores intégrées à lusage, et défini la notion de « projection métaphorique », lauteur montre comment, à partir du transport conceptuel opéré par un seul trope dinvention, sélabore un réseau complexe de projections virtuelles, vivier où salimente une vision du monde dont le roman bâtit lensemble cohérent.

Marc Bonhomme, « Les figures métonymiques dans Le Grand Troupeau de Giono »

Sans ignorer le rôle premier des métaphores, ou le croisement des voies sémantico-référentielles propres à la métaphore et au trope par contiguïté, létude montre le rôle majeur dévolu à la métonymie, dans la conduite du récit (facteur de concision et de densité), dans léconomie de la description (reconfigurations ontologiques), dans largumentation enfin (ce trope, même nourri par la mythologie personnelle de lécrivain, jouant un rôle important dans la portée idéologique du livre).

Marc Dominicy, « Il y a odeur et odeur. DAngelo au Hussard sur le toit »

Fondant ses réflexions spéculatives autour du concept de beau sur les statistiques lexicales dun vaste corpus, létude est ensuite centrée sur le contexte distributionnel du mot dans deux romans de Giono, et propose à partir des variations linguistiques constatées (économie des syntagmes, ordre des mots, choix des caractérisants) une correspondance entre les percepts olfactifs et la forme que Giono leur donne, rapport où peut se lire un infléchissement esthétique autant que moral.

Sophie Jollin-Bertocchi, « Contrastes phrastiques et antithèses dans Jean le bleu »

Établissant une correspondance entre elocutio et inventio, lexamen montre comment la syntaxe figure un contenu fictionnel et inscrit à travers une forme-sens le projet dune autobiographie. Cest sous langle du contraste 575entre phrases que ce symbolisme est exploré, la phrase brève étant réservée à lexpression du dénuement tant matériel que moral, la phrase longue, de modèle périodique, figurant au contraire les richesses de limagination, de la sensibilité, de la sensualité.

Corinne von Kymmel-Zimmermann, « (Dés)ordres de la syntaxe dans Naissance de lOdyssée et Un roi sans divertissement »

Létude entend mesurer lévolution esthétique de lœuvre à travers un travail sur la phrase. Elle oppose au regard critique de lécrivain sur sa première manière (« Oviderie qui allonge le style » et manque de « muscles ») laboutissement que représente la phrase de la chronique, phrase dont les torsions syntaxiques et les traces énonciatives complexes (italiques, parenthèses, tirets, etc.) marquent la figuration accomplie dune notion clef de ce style, le désordre.

Marie-Albane Watine, « De la sous-programmation à la multi-programmation. Deux modèles de la phrase gionienne »

Dinspiration cognitiviste, ce travail semploie à décrire un imaginaire cognitif du parlé et oppose aux deux extrémités de la carrière de lécrivain deux types de stylisation du discours oral : au départ une syntaxe de la sous-programmation, qui stylise la planification par à coups de la communication orale (séquence courte, ajout non prévisible), de lautre côté un modèle de multi-programmation dont la ramification plus complexe se lit notamment à travers lusage des parenthèses.

Jean-Yves Laurichesse, « Limitation créatrice chez Giono »

Létude identifie deux moments imitatifs où Giono a inventé puis réinventé sa manière : le premier est celui de la conversion en roman dun modèle poétique hérité de lAntique (Homère, Virgile) ; le second, où Giono en quête de renouvellement, surmonte une phase critique, est celui dun tropisme stendhalien, qui met à distance lengagement politique, substitue au monde paysan idéalisé une posture aristocratique et romantique, nourrit surtout un art de conter (détachement, allégresse, jeu).

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Laurent Susini, « “Ah les salauds !” Limaginaire pascalien de lécoulement du péché originel dans Un roi sans divertissement : déplacements, diffractions »

Létude fait surgir un intertexte profond, celui du Nerval des Chimères, celui surtout du Pascal des Pensées. On mesure avec ces couches souterraines combien Giono prolonge et recrée une réflexion séculaire sur léternel retour, lobsession généalogique, le mal et sa contamination surtout, topique qui est au centre de la chronique et se retrouve dans les séries métaphoriques qui partagent la topique de lécoulement et de la contamination.

Christian Morzewski, « De lécrit à loral, et retour. Avatars de la mise en récit dans Deux cavaliers de lorage de Jean Giono »

Lenquête présente un document radiophonique de 1954 resté inexploité. Il comprend trois entretiens avec Marguerite Taos Amrouche, et la version oralisée dun récit qui est une source de Deux cavaliers de lorage. Ajouté à ce que les entretiens livrent du sens de la fiction, le récit constitue une étape clef dans la genèse dun texte qui a connu plusieurs remaniements : on y mesure mieux notamment lorientation vers létape finale puisque apparaît pour la première fois lépisode fratricide.

Jacques Mény, « Les avatars du narrateur dans Les Mauvaises actions de Jean Giono »

Il sagit dun projet de roman dont lenquête rassemble les traces éparses dans les écrits de travail (1954-1964). La documentation éclaire la réflexion de Giono sur lart de la narration, elle témoigne dun vif intérêt de lécrivain pour les analyses de Georges Blin et la technique de restriction de champ, elle illustre létroite correspondance chez Giono entre univers du cinéma et du roman, et jette un éclairage précieux sur les recherches dun écrivain en quête de renouvellement technique.

Laurent Fourcaut, « Je(u) et son autre dans le circuit fermé des Grands Chemins. Lécrivain et les figures de sa mise en abyme dans le discours du roman »

Létude soutient lhypothèse dune mise en abyme dans la fiction du théâtre de sa diction : pays enneigé comme figure de la page blanche et lieu en attente de formes, saison en noir et blanc, routes, carrefours et grands chemins qui 577symbolisent le parcours de lécriture, portrait avec lArtiste de lécrivain qui exhibe ses tours, déconstruction totale jusquau vertige de la perdition, au terme de quoi ne subsiste plus que le réel du texte.

Alain Romestaing, « Douleurs et discours à la Douloire »

Le récit est lu comme parabole du pouvoir thérapeutique de la parole. Il met en scène le combat entre des figures de la parole et les figures de la douleur retranchées à la Douloire, celles-là portées par le jaillissement de la vitalité, celles-ci marquées par le figement et le silence mortel. Dialectique qui ne saurait au demeurant déboucher sur une leçon trop univoque, puisque si la parole poétique se nourrit dun dépassement de la douleur, elle y puise aussi linspiration de sa force.

Sylvie Vignes, « Figuration de limagination poétique dans Colline »

Larticle décrit lincarnation dun pouvoir visionnaire dans le verbe de Janet. Non seulement la vison panique de lunivers que professe cette parole oraculaire bouleverse la représentation du monde dans laquelle sont confinés les villageois, mais elle contamine leur langue même, et celle de la narration. Et cest dans ce langage, dans limage que donnent les tropes dune circulation à travers tous les règnes et de son inépuisable vitalité, que se lit le sublime terrifiant de cet ordre révélé.

Gérard Berthomieu, « Jean Giono et le lieu romanesque de la “leçon de poésie”. Contribution à une poétique des transports »

Létude décrit une poétique des figures dictée par ce lieu du roman au xxe siècle quest la leçon de poésie, et son exercice du transport. Elle montre que ce mot implique une analogie entre forme de lexpression et forme du contenu, entre transfert du trope et trajet du voyage, lun offrant à lautre un support réversible de symbolisation. Elle définit la réinvention du lieu par lauteur, la structure leçon/contre-leçon intégrant un trait spécifique au lexique de Giono, lantonymie mesure-démesure.