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Classiques Garnier

Variantes

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Œuvres complètes. Tome V
  • Pages : 735 à 735
  • Collection : Bibliothèque de littérature du xxe siècle, n° 25
  • Thème CLIL : 3436 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques
  • EAN : 9782406085065
  • ISBN : 978-2-406-08506-5
  • ISSN : 2258-8833
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08506-5.p.0735
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 02/01/2020
  • Langue : Français
699

Annexe

Des fragments de cette pièce sont présents au dos des feuillets dun manuscrit de La Dragonne, quavait rassemblés Maurice Saillet, et qui se trouve actuellement au Harry Ransom Center, à luniversité dAustin (Texas).

Dans lédition de la Pléiade, Bernard Le Doze, qui avait pu consulter de manuscrit, a reproduit plusieurs fragments en annexe, sous le titre Membra disjecta, où il en assemble quelques-uns, ainsi que dans les notes.

Nous reproduisons tous les fragments de ce manuscrit dans cette annexe ou dans les notes correspondantes, daprès les photographies numérisées, et en suivant leur pagination.

Nous indiquons entre crochets deux passages que Bernard Le Doze a pu recopier sur le manuscrit et qui ne sont pas reproduits sur le document photographié, ainsi quun passage entier dans Autres fragments.

Cet éditeur a également reproduit vingt fragments figurant au verso dun brouillon de Albert Samain, souvenirs, qui lui avait été communiqué spar Thierry Bodin, et qui figurait sous le numéro 276 dans le catalogue dune vente au Nouveau Drouot les 13, 14, et 15 juin 1983. Il indiquait que ces textes hâtifs sont de la main de Jarry, avec des notes ou des suggestions écrites de Demolder1. Ce manuscrit intitulé Albert Samain est actuellement au HRC dAustin, et nous avons rétabli lappartenance de ces textes à ce document.

Dans Autres fragments, nous avons également donné le Finale dont le manuscrit est reproduit dans lédition Noël Arnaud.

700

Fragments au dos
Du manuscrit dAlbert Samain

Oh ! (Éclat de rire, très fort) Ha ha ha !

lui

Quoi ?

elle

Ah ! Ce nest pas le murmure de la brise marine, ce nest pas le bruit de nos baisers, mais il me semble reconnaître laigre persiflage de la cousine Aglaure, tu sais, cette peste, si mauvaise langue ! (p. 20) (Ms. Albert Samain, p. 6).

***

elle

Donne ! Donne vite ! Ah ! Que cest drôle ! Écoute ! Voilà ce quelle dit ! Oh ! sa voix ! Je limite !… « Oh ! ma chère, croyez bien que je nai pas ajouté foi un seul instant à cette odieuse calomnie. Je moccupe jamais des affaires des autres. Dailleurs cela na aucune importance. Jai cru bien faire en vous prévenant. Je vous dis ça comme on me la dit…

lui

Oh ! mais cest inouï ! Cest inconcevable ! Cela tient de la2

***

elle

Fi, le jaloux !

lui

Fi, la coquette !

701

elle

Tu men contais ! [Interpolé, au crayon : « Tu mavais menti »]

lui

Ah ! Ah ! beau masque !

elle

Oui, tu avais fait la cause [?] à dautres dames !

lui

Oui, tu avais entendu des paroles damour !

elle

Oh !

lui

Et après tout, oui, là, en vérité, jai dit à des femmes quelles étaient belles, mais je ne leur ai pas dit que je les aimais. Des paroles damour vrai, je nen ai adressées quà toi ! Ou, en vérité, jai [illisible] lintrigue, []. (p. 21) (Ms. Albert Samain, p. 8).

***

lui

Il paraît. Très loin.

elle

De quel côté est [mots illisibles rayés] notre château ? [ajouté au crayon].

lui

Ce doit être Cest [ajouté au au crayon] par là ?

(Elle regarde)

elle

Oh !… Voilà la route blanche de Fiesole !

lui

Ce nest pas possible !

702

elle

Regarde !

lui

[mots illisible rayés] Par Saint Marc, cest vrai ! Je ne mattendais pas à cela !… Voici la chartreuse, la villa des Medicus… O ! Notre vieux château au milieu des ifs !

elle

Laisse voir !… Cest vrai !… Je vois. (p. 22) (Ms. Albert Samain, p. 12).

***

lui

Pouzzoles, Capri ! [biffé]

elle

Que de choses !

lui

Que de choses ! < Que de choses ! Souvenirs magnifiques > Et les bibliothèques, où sentassent la science des siècles, et les châteaux célèbres, remplis de tapisseries, de bahuts et de panoplies, et les forteresses fameuses par leurs sièges et où dorment les anciens canons, et les galeries [alinéa biffé] (p. 23) (Ms. Albert Samain, p. 14).

***

elle

Naples, son golfe et son volcan dazur, Venise et ses gondoles…

lui

Sorrente, Capri, la Grèce, pays de dieux, où tu tes mêlée, par ta grâce et ton sourire, aux déesses, amica !

elle

Flatteur !… et tu oublies la Sicile ! Avoir visité tous ces pays ensemble…

703

lui

Cest avoir doublé mon ivresse, dolca mia, car je contemplais tout reflété par tes yeux.

elle

Merci du madrigal ! Tu maimes ?

lui

Carissima !

(Il lembrasse)

elle

Je suis heureuse !

(Ils sembrassent)

(La musique commence doucement)

[Sur la partie gauche :] Naples et Nous lavons vu son Volcan !

Venise et ses gondoles !

Sorrente !

Capri !

La Grèce, pays des dieux de marbre pays des dieux et des gueux et des déesses voleurs

et des gueux en guenille !

[lignes barrées illisibles]

Oh ! oui quelle peste !

Oh ! oui, voyageraient bien agréables (p. 24) (Ms. Albert Samain, p. 16)

***

lui

Grenade.

elle

Et ses fruits.

lui

Naples et son volcan.

704

elle

Venise et ses gondoles.

lui

Sorrente.

elle

Capri.

lui

La Grèce, pays des dieux et des déesses de marbre. Spectacle sans prix !

elle

Comment, sans prix ! Mais tu as payé < jusquà dix centimes > pour voir Jupiter Olympien dix centimes.

lui

Oui, mais pour contempler à un mètre cinquante larmure de Boabdil je nai versé que deux réaux et demi. < Et jai payé pour toi >, Elle < quand tu as baisé > Oui, mais pour avoir baisé lempreinte sur la voie sacrée de la mule du saint Père,

elle

Tu as dépensé [ illisible ] Une lire

lui

[]

[Sur la partie gauche :] < Et > Les temples corinthiens, les promontoires chargés de temples corinthiens, < Lui > : les chênes de la forêt de Dodone qui parle [?] < prophétiques >

la statue de Memnon qui chante au lever du soleil

le Bosphore

le temple dApollon

le palais de Memphis

L. Que de souvenirs [?] ! Les beaux levers de soleil sur les montagnes du Tyrol

La statue de Memnon qui chante à laurore

705

Le soir de pourpre sur [illisible] Tyrol

Les soirs de poupre (p. 25) (Ms. Albert Samain, p. 20)

***

< lui >

Et quy a-t-il de mieux quun saint dans la famille ?

elle

Tu le regardes avec irrévérence !

lui

alors, madame

[un vers] > cachez ce « saint » que je ne saurais voir !

elle

(va pour tirer le rideau et lit une inscription) [tout ce passage est biffé] Il y a une inscription !… Saint Jean Bouche dOr !

lui

Ah ! Cest St Jean Bouche dor ! < Or >

elle

Tu le connais ?

lui

Oh ! tu sais ! Vaguement, approximativement ! Jen ai entendu parler !

elle

Tu < connais sa légende ? > aurais plus de respect (p. 26). (Ms. Albert Samain, p. 24)

lui

Non, non, non ! Cest bel et bien des cheveux blancs ! Ah ! cest toi qui voulais me jeter de la poudre aux yeux.

706

lui

Écoute ! Je pourrais te dire que mes cheveux sont devenus blancs de lémotion davoir savouré lindéfinissable pâté du père Fricot ou davoir gobé un œuf ayant le goût de fourmi parce que sa mère avait mangé du hanneton, ou que cest tout bonnement un tour de magie… (Ms. Albert Samain, p. 26)

***

lui

Et maintenant faisons disparaître les reliefs du festin ; dailleurs, nous avons juste le temps de visiter le sanctuaire du redoutable nécromant et cher cousin. Visitons, visitons.

elle, pendant ce temps,
se met de la poudre devant un miroir.

lui

Que fais-tu là ?

elle

Cher Seigneur, je me mets un rien de poudre. (Ms. Albert Samain, p. 28).

***

lendemain de notre [] avons vu Séville et les jardins de lAlcazar…

lui

Où tu fus la plus jolie rose, sous les palmiers et les citronniers…

elle

Grenade et ses gitanes qui sont si belles aux yeux ardentsi

lui

Tu avais lair dêtre leur reine ! (p. 29) (Ms. Albert Samain, p. 30)

***

707

[illisible] Cest invraisemblable

je suis abasourdi.

Oh ! la voix de

mon petit cousin Claudio !

[dans la marge, au crayon, [illisible] Cest crevant !

Gontran Fargis

un nom pas localisé

Il murmure mon

nom.

Cest ahurissant

Il maimait bien.

Cest à ne pas y croire.

Cest un enfant !

Cest inouï, cest insensé. !

Pauvre petit !

Je nen reviens pas

Tiens ! plus rien…

Mais je suis toute confuse. Quelle coquille !

Quelle coquille !

Quelle coquille ! (p. 30) (Ms. Albert Samain, p. 32)

***

Mais disons-le tout bas

Ne le voyez vous pas ?

Le plus délicieux

À nos yeux,

Nos yeux damoureux,

Nous ne l avouerons pas,

Ou disons le bien bas,

En vrais amoureux,

Cétait chaque soir de nous retrouver tous deux.

Tous deux,

Tous deux ! (p.32) (Ms. Samain, 36)

708

***

elle

Lheure exquise ! Les clochers tintent. Dans le lointain, les bergers rassemblent leurs troupeaux. Les paysans rentrent leurs moissons en de beaux chars dorés dont les essieux se plaignent à travers la vesprée. Un doux parfum de fenaison monte jusqà nous. Tandis que sur la vallée sétend déjà lombre lente des collines, nous sommes encore baignés dans la lumière resplendissante du soleil couchant. À nos pieds, les cygnes du petit lac se sont réfugiés sous les saules et la surface maintenant tranquille a lair dun morceau de ciel [] qui [] (p. 33)

***

Cétait, cétait

Chaque soir la bonne hôtellerie,

Ma chérie,

< Oui [au crayon] > Cétait, cétait

Le relais (p. 34)

***

elle

Et javais raison. saint Jean Bouche dOr ne ma point démentie !

lui

Cest vrai, il était < devait être > à < au > bout de son rouleau3 ! (p. 35)

***

elle

Tais-toi ! Ton Pan Bouquinus4 nest quun sot ! Il radote ! Cest un vieux maniaque qui a vécu avec de vieux livres de philosophes et de vieux instruments de physiciens, loin de la vie, et quoi quil en pense, loin de la vérité.

709

lui

Il paraissait sy connaître pourtant en vérité.

elle

Non, mon chéri, il ne la connaît pas, la vérité ! La vérité veut être vétue comme nous-mêmes, comme le ciel où courent les [] les arbres qui se couvrent [] (p. 36)

***

elle

Tout de même jusquici nous navons rien trouvé de bien extraordinaire !

lui

Ah ! nous navons pas encore cherché beaucoup ! Je suis sûr que nous allons en trouver ! Te rappelles-tu lœil narquois du vieux paysan qui nous a dit : Oh ! monsieur, madame, vous allez au château ! Ah ! ben ! Ah ! ben ! Vous en reviendrez encore plus gais que vous ny montez !

elle

Quest-ce quil a voulu dire ? (p. 37)

***

veulent prendre le chemin rectiligne et transitoire qui relie notre humble modeste village de cinq cents feux à la somptueuse ruine qui domine la colline voisine.

710

elle

Parfait, mon ami, parfait. vous avez un don êtes doué pour limitation.

lui

Si donc, disait lhôtelier.

elle

J ai Continuez, jai eu tort de vous interrompre (il la regarde Elle ne bronche pas [?])

lui

Si – Si monseigneur et sa noble compagne [mots illisibles biffés] veulent prendre le chemin rectiligne et transitoire bordés de noyers dacajous séculaires, en moins de temps quil nen faut à leurs chevaux pour manger trente six sols davoine, ils pourront visiter le superbe manoir dAléthéia.

elle

Joli nom de femme.

lui

Visitons.

elle

Visitons.

Musique Pipeaux

Clochettes. Carillons

[] (Il ouvre la fenêtre). Oh ! viens voir. (p. 38)

***

elle

Jai trouvé que les gens dici avaient lair un peu ironique.

elle (sic)

Sans doute, depuis le temps, sont-ils un peu blasés sur leurs curiosités locales.

711

lui

Le vieux paysan à qui jai demandé la route ma dit que ce nétait pas loin et que nous nen avions pas pour très longtemps.

(Ils regardent à la fenêtre)

O que cest joli, etc. (tirade [?], pour finir sur) : ce lac, < on dirait > le ciel à lenvers

Comme on est bien ici.

À caser :

(Je serais curieux de savoir qui a pu habiter ici. Dernier descendant, original et (p. 39)

***

III

elle

Faut de monuments ou d statues

Que le temps a pu jeter bas,

On vous montre alors le point d vue

Mais cest fragil, ny touchez pas5 !

ensemble

Il faut regarder ça !

elle

Ainsi donc lon rencontre partout

Des curiosités pour tous les goûts

Ils trouvent tous, raffinés ou vulgaires,

À se satisfaire.

ensemble

Il faut regarder ça !

IV [ ] (p. 40).

712

***

(La musique commence [mot illisible])

Plaisirs du voyage

La main dans la main

Les souvenirs, etc.

Je taime !

(Fin du deux [?])

Nous avons trouvé ici notre nid définitif (ils pensent [?) vouloir acheter le château). Description intérieure du château : il a dû être bâti autrefois par un architecte de génie ou par un magicien. Il a qqch de calme, de doux De reposant. Il est dune harmonie parfaite. Il est précieux comme un coffret gardien de secrets : il sen dégage un parfum discret intime [?], délégance infinie.

(3 heures sonnent) (p. 70).

***

elle

Et puis, tu sais, chéri, elle ne savait pas que cétait du similor !

(air musique)

lui

À ton tour, ma belle ! Ta maman ne savait pas ce quelle faisait ! Cest St Jean Bouche dOr qui le dit !

elle (vexée)

Et puis, en somme, cette bague est fort laide… Eh ! une tabatière… Elle est en vrai or celle-là, dites, saint Jean Bouche dOr !

lui

Il se tait.

713

elle

Alèthéia prisait donc.

lui

[] tabatière [] (p. 158).

***

Le manoir de vérité

elle

Oh comme tout ici est délicieux !

lui

Cest un enchantement.

elle

Nous navons encore rien vu de comparable depuis six mois que nous avons quitté notre vieux château de Ferrare, nos chers parents, nos bons amis au lendemain de notre mariage : nous avons vu Séville et sa Giralda, Grenade et ses gitanes, Naples et son golfe dazur pailleté de feu, Venise et ses gondoles, Sorrente, Capri, la Grèce,

lui

Berceau des sages,

elle

Des grâces et des muses, avoir vu tout [] (p. 160).

***

lui

Délices des rois maures !… Grenade.

elle

Et ses fruits.

lui

Naples et son volcan !

714

elle

Athènes et lAcropole !

lui

Pouzzoles, Capri !

elle

Que de choses ! [Lensemble est biffé au crayon]. (p. 205).

***

Air des Pourboires

lui

Pourboire : au portier,

Au cuisinier,

Au sommelier !

elle

À linterprète !

lui

Puis au marmiton,

Au postillon,

À lautomédon.

elle

Puis à la soubrette !

lui

Pourboire au frotteur,

Au chasseur,

Au plongeur !

elle

À la chambrière !

715

lui

Pourboire aux ouvreuses,

Aux coiffeuses !

Parfumeuses !

elle

À la bouquetière !

lui

Pourboire aux nabots,

elle

Pourboire aux manchots,

lui

Pourboire aux pieds bots (p. 207).

***

I

elle

La curiosité perdit Eve,

Les curiosités malgré ça

Font la fortun comm dans un rêve

De qui tient ses articles-là.

ensemble

On veut aller voir ça !

elle

Car on a spéculé tout le temps

Sur la curiosité des gens.

Et cest pourquoi maints villages sur terre

Deviennent prospères.

716

ensemble

On veut aller voir ça !

II

lui

[][Chaque] village a son grand homme. (p. 209).

***

« … vendu, chameau, fourneau, filou, voyou, sagouin ! » Cette fois il ny a pas de doute, nous sommes à la Chambre6 !

elle

Donne ! Donne !

Elle reprend la coquille.

lui,
follement gai et arpentant la scène

Cest inconcevable ! Je suis abasourdi !

elle

Oh ! La voix de mon petit cousin Gontran de Fargis !

lui

Cest crevant ! (p. 211).

***

[] pas le nez dans cette poussière.

lui tient un livre
d
où un papier tombe

Tiens !… un parchemin !

717

elle

< Lis-le > Laisse-le là ! Quallons-nous encore trouver là-dedans ! Je ne veux rien savoir. Je men vais ! [À gauche : < (Pas : lis-le. mais l[illisible] Je veux men aller, je ne veux rien savoir > [Cette tirade est dune autre écriture].

lui, lisant

Cest un testament ! Moi, Orphée Panbouquinus7, humaniste, < seigneur dAletheia >, magicien et fils de Virgile8, qui ai chéri la vieille Grèce et repose, sachant tout, au monde des astres, entre Saturne9 et le Soleil !

À tous ceux qui comme moi furent trompés par les hommes et les choses, par la vanité de [] et par le mirage.

[Dans la partie droite du même feuillet, autre écriture :]

Cest un testament !

Que de routes parcourues [?], de fleuves traversés, de mers franchies ! Lauto nous emporte, ou la diligence, la carriole du paysan ou le mulet du contrebandier, ou la lourde barque chaland de pêcheur, le wagon cabriolet ou le funiculaire ! O le voyage10 ! (p. 213).

***

[] harmonie du divin Palestrina, nous navons donné…

elle

Quune lire !

lui

Parfait ! (Il lembrasse.) On aurait donné volontiers dix lires, vingt lires, cent lires… toute la lyre ! Mais ce qui est insupportable 718ce qui ronge et énerve et ferait prendre le voyage en horreur, cest le pourboire !

elle

Ah ! oui !

lui

Pour nêtre pas tarifé, il nest [] (p. 224).

***

cicerone, plus ignare encore qui bavarde

elle

Et pas de supplément à payer. Nous avions deux heures à perdre pour permettre à nos chevaux de souffler. Naturellement, Monsieur a demandé à lhôtel sil y avait quelque chose à voir. Naturellement aussi, il y avait quelque chose à voir.

lui

Il y toujours quelque chose à voir. < Air des curiosité > [dans la marge gauche, au crayon]

Si monseigneur et sa noble compagne – l hôtelier a dit compagne ne sachant pas si nous étions mariés – « si monseigneur et sa noble compagne a-t-il dit d un air ironique et malin, mais dans le style ronflant qu il emploie sans doute pour les gens de qualités. Si monseigneur et sa noble compagne. (p. 231).

***

lui

Exquis ! (Il lembrasse) Ma [chère] amie, cétait le tarif. < Et vraiment > Mais ce nétait pas trop cher, il ny avait rien à dire, < Il ny avait rien à dire >. où je trouve à redire, cest à cette obligation ruineuse des pourboires.

719

elle

Ah ! les pourboires !

lui

Pourboire : Au portier

Au cuisinier,

Au sommelier.

elle

À linterprète !

lui

Pourboire : Aux marmitons,

Au postillon,

À lautomédon,

elle

À la soubrette.

lui

Au frotteur,

Au chasseur,

Au plongeur,

[]

[Dans lespage gauche laissé vacant, dune autre écriture :]

Le [deux mots illisibles biffés] nous avons passer (sic) devant un guichet et donné dix centimes pour voir dans sa majesté divoire et dor, au milieu de ses foudres, sur son trône mystérieux, Jupiter Olympien. (p. 233).

***

1

Cest le bon saint Jean Bouche dOr

Qui fut toujours très véridique,

720

Daprès la chronique, oui, la chronique

En lettres dor.

De vérités toujours très authentiques

Il abusait à travers et à tort.

Il disait toujours : fuyez, fuyez les

« Ne dites jamais, jamais, jamais de menteries,

Mais dites toujours la vérité, la vérité.

< Proclamez >

Ah ! grand St Jean,

Soyez plus indulgent

Pour nos mensonges petits et grands !

2

Il retournait jusquà sept fois

Avant de faire une harangue,

En sa bouche sa langue, oui, sa langue

Jusquà sept fois.

[] (p. 253).

***

Au quart dheure de Rabelais

Sur la not quenvoi le patron

– Laddition !

Ajoutez encor, sil vous plaît,

La petit gratification

– Du garçon !

[Au crayon :] Quand on sort dans une litière

Pourboire à louvreur de portière

Le cocher qui nous a mené

Garde la monnaie

N rend pas

Du cocher nespérez jamais

Quil rend la monnaie. (p. 256).

***

721

Ah ! Ah ! Les bijoux dAlèthéia. Tiens, un camée ! Sais-tu ce quil représente ?

lui

Ça, cest Diogène et sa lanterne !

elle

Comment ! il na pas encore trouvé son homme, depuis le temps… Tiens ! une bague ! Quel vilain chaton ! Quest-ce ce que cest ?

lui

Je ne sais pas… On dirait une pierre de touche… Oui, cest (p. 269).

***

magie ! Fais voir ! (Examinant la coquille.) Rien !… Rien !… Rien !… Ah bien, par exemple, par exemple, par exemple !

elle, reprenant la coquille

Ah ! voilà qui est plus drôle ! Cest très plaisant !… Notre gros ami Macaire qui lance encore à la Bourse une affaire, une affaire dor11 : les stations célestes pour les ballons captifs dirigeables ! Il lit son prospectus : il parle des pontons aériens pour les ballons-mouches12 !

lui

Et pour les gobe-mouches ! [] (p. 272).

***

vous dis cela [] me la dit

lui

Oh ! mais cest inouï ! Cest inconcevable ! Cela tient de la magie ! Fais voir ! (Examinant la coquille) Rien, rien, rien ! Ah bien, par exemple ! 722(Elle a écouté de loreille droite. Il met le coquillage à son oreille gauche) Ah ! le gros parent Macaire qui lance encore à la Bourse une affaire, une affaire dor : les vessies lumineuses ! Les actions montent, montent, montent !

[Dans la marge gauche :] les câbles fragiles pour les ballons captifs. [Au crayon] : Stations pour les ballons dirigeables. (p. 272). (Ms. Samain, 34)

***

elle

Ah ! Ce nest pas le murmure de la brise marine, la plainte des blanches écumes, ah ! ah ! le bruit des flots irisés ou celui de nos baisers à Sorrente, ah ! ah ! non ! je te le donne en mille ! Cest la voix aigre, cest le persiflage de la cousine Aglaure, notre peste de cousine, si mauvaise langue !

lui

La cousine Aglaure ! Ce nest pas possible ! Tu plaisantes !… (Il prend le coquillage.) Mais oui !… Oh ! Cest justement aujourdhui son jour de réception ! Ce que cest bizarre ! (p. 274).

***

lui

Un puits avec la devise : Qui me découvrira13 ?

elle

Qui me découvrira ? Oh ! Veux-tu mon avis ? Cette Aletheia, cétait une femme pas comme il faut. Elle avait dailleurs un goût déplorable ! (Prenant un coquillage.) Non, mais tiens, regarde-moi cette horreur !

lui

Nappelle pas cela une horreur, voyons ! Un coquillage, cest un objet charmant ! Il conserve toute lirisation de la mer ! On y surprend les reflets légers [] et des vagues [](p. 276).

***

723

lui

Laprès-midi pour se promener.

elle

Oui !

lui

Le soir pour aller au théâtre.

elle

Ah ! oui !

lui

Et la nuit pour dormir !… Tu ne dis plus rien ?… Tu ne trouves pas que la nuit est faite pour dormir ?

elle

Si, je trouve que la nuit est [] dormir ! (p. 278).

***

Ah ! Ah ! et du tabac râpé !… Qui paie comptant reste content… Tu as toujours payé comptant, toi ? Tu nas jamais fait de dettes quand tu étais jeune homme ?

lui

Moi, jamais !

(Musique)

Ah ! polisson ! Écoute saint Jean Bouche dOr !

lui

Oh ! cétaient des petites dettes !

elle

Ne recommence jamais !… (Lisant) [] chose (?) en son temps. (p. 280).

***

724

lui

À ton tour, ma belle ! Ta maman savait ce quelle achetait ! Cest saint Bouche dOr qui le dit !

elle (vexée)

Et puis, en somme, cette bague est fort laide… Eh ! une tabatière… Elle est en vrai or celle-là, dites, saint Jean Bouche dOr !

lui

Il se tait.

elle

Alèthéia prisait donc.

lui

[] et à examiner sa tabatière

[Dans la marge gauche, biffé :]

Eh eh ce nest pas de lor

elle

Comment

lui

Ce nest pas de lor. Regarde.

elle

Oh ! cest vrai, mais tu nen voudras pas à maman pour cela.

lui

Ta mère, je ladore. Tiens, doù ça sort, ça, cest St Jean bouche dor ! Il dit [illisible] oui [illisible], tu naimes pas maman !

lui

Oh ! chérie ! je laime, si je laime, comme on aime sa belle-mère.

elle

Et puis chéri, elle ne savait [] que cétait du (p. 282).

725

***

elle

Timagines-tu que maman ta donné de faux bijoux ?

lui

Oh ! non ! Cest pour mamuser. Cest pour jouer à la pierre de touche. (Il frotte.) Eh ! eh ! Ce nest pas d lor !

elle

Comment ?

lui

Ce nest pas de lor, regarde !

elle

Oh ! cest vrai ! ! cest vrai ! ! Oh ! mais tu nen voudras pas à maman (p. 284).

***

elle

Comment, sans prix ! Mais il nous a fallu payer partout <, > et pour tout. Tu ne te rappelles donc pas quà Olympie on ma < tu as > demandé payé jusquà dix centimes pour voir Jupiter…

lui

Olympien ! Mais à Madrid, pour contempler à un mètre cinquante larmure de Boabdil, je nai versé que deux réaux et demi, et à Rome…

elle

Oh ! à Rome !

lui

À Rome, nous avons < dépensé > payé, pour entendre la musique du divin Palestrina…

726

elle

Une lire.

[] ma chère [] (p. 311).

***

Sans doute, depuis le temps quils les connaissent sont-ils un peu blasés sur les curiosités locales. Au surplus le vieux paysan à qui jai demandé la route ma dit que nous nen avions pas pas pour très longtemps ici. Voyons donc !

(ils regardent par la fenêtre)

elle

Oh ! Que cest joli !

lui

Le soleil sendort sur la cime des arbres.

elle

Les belles allées ! On ferait des promenades adorables !

lui

Laure et Pétrarque navaient point désiré dautre décor.

elle

Et le petit lac bleu ! On dirait du ciel à lenvers !… Je serais curieuse de savoir qui a pu habiter par ici.

lui

Cest, à ce quon ma dit, le dernier descendant dune famille qui sest éteinte [] paraît-il. Il a a légué cette [] (p. 313).

***

[] elle

Cest féerique !… Mais quest-ce que je vois ! Notre château !

lui

Notre château !

727

elle

Oh ! Et japerçois, pas la baie vitrée, la grande salle et toute la famille réunie autour de la table dun festin. Cest la fête à grand-père ! Les vieux portraits, du haut de leurs cadres dor semblent vouloir, dun regard bienveillant, y participer. Oh ! grand-père se lève, une coupe à la main. Il a lair tout ému et ses regards yeux cherchent les absents. Il va boire à nous, carissimo. 

[Lalinéna précédent est biffé]

lui

Laisse donc voir !… Oh ! Moi japerçois loncle le vieil oncle César ! Il se disait malade le jour de notre noce. Mais il se porte à merveille ! Il descend du donjon par une échelle, avec une légèreté de jeune homme. Et quoi ! Il danse devant des écus dor quil a retirés dune cachette ! On le croyait pauvre ! Oh ! Il na point []14 (p. 315).

***

[] veulent prendre le chemin rectiligne et transitoire qui relie notre modeste village de cinq cents feux à la somptueuse ruine qui domine la colline voisine… »

elle

Parfait, mon ami, parfait !

lui

« Si donc », disait lhôtelier…

elle

Continuez, mon ami jai eu tort de vous interrompre.

lui

« Si… » (Il la regarde, elle ne bronche pas.) – (Si monseigneur et sa noble compagne veulent prendre le chemin rectiligne et transitoire bordé de noyers et dacajous séculaires < dorangers séculaires >, en moins 728de temps quil nen faut à leurs [chevaux pour manger] trente-six sols davoine (p. 317), [ils pourront visiter le superbe manoir dAletheia].

elle

Joli nom de femme.

lui

Visitons ! [](Musique : pipeaux, carillons. Il ouvre la fenêtre.) Oh ! viens voir]15

***

elle

O lheure exquise. Les clochers tintent. Dans le lointain, les bergers rassemblent leurs troupeaux. Les paysans rentrent leurs moissons. Un doux parfum de fenaison monte jusquà nous. Tandis que < sur > la vallée doucement senveloppe de brume commence à sétendre lombre des collines, nous restons < encore pour longtemps > baignés dans la lumière resplendissante du soleil couchant. À nos pieds, les cygnes du petit lac se sont réfugiés sous les saules et la surface est maintenant tranquille a lair dun morceau de ciel tombé au milieu des fleurs qui sendorment.

lui

Moi je vois le ciel entier dans le fond de tes yeux.

(Un temps)

[] (p. 319).

***

[elle

O mio Carissimo, comme tout est délicieux ici.

lui

Un enchantement, cara, un enchantement.

729

elle

Que de merveilles depuis six mois que nous avons quitté nos chers parents, nos bons amis, au lendemain de notre mariage. Ah ! le voyage !

lui

Le voyage !

Air : les plaisirs du voyage.

elle

Que de souvenirs ! Les beaux levers de soleil sur les montagnes du Tyrol !

lui

Et, tout dorés de glorieuses lumières, les vieux palais des Césars !

elle

Et les soirs de pourpre sur les temples corinthiens de lArchi16]

pel !

lui

Et la nuit mystérieuse parmi les chaînes prophétiques de la forêt de Dodone !

elle

Toute lAttique, pays des dieux et des déesses…

lui

De marbre…

elle

Séville et les jardins de lAlcazar… (p. 343).

***

730

[] pas moins obligatoire […) pose à tout instant, quand vous entrez, quand vous sortez, quand vous rêvez, quand vous admirez et surtout quand vous navez point de monnaie ! En faut-il, en faut-il du pourboire ! Ah ! le pourboire, le pourboire !

(Air des pourboires)

Lui

Que veux-tu ? Ce sont les petits ennuis du voyage (p. 350).

***

jusquà sept fois.

Car il disait: Mieux vaut se mordr la langue

Auparavant, quensuit sen mordr les doigts !

Cest pourquoi personn nassistait à ses harangues

Ainsi pouvait-il bien méditer, bien méditer,

<Quoique remplies> Et dire toujours la <de> vérités, la <de> vérités

–Ah ! grand saint Jean, etc.

3

Quoiquil eût lamour du prochain,

On laccusa de médisance,

Et nul neut de reconnaissance

Pour le bon saint.

Car il se mêlait avec insistance

Daffaires qui ne le regardaient point.

<Assurément la plus grave des imprudences>

Cest pourquoi fut-il mal écouté, mal écouté

<De dire> Quoiquil dît toujours la vérité, la vérité !

–Ah ! grand saint Jean, etc. (p.353).

***

[]

Car il disait: Mieux vaut se mordre [la langue]

731

Auparavant, quaprès sen mordre les doigts !

Il disait <aussi> toujours: fuyez, fuyez la

« Ne dites jamais, jamais, jamais de i

Mais dites toujours la vérité, la vérité ! »

Ah ! grand St Jean,

Soyez plus indulgent

Pour nos mensonges petits et grands !

3

Quoiquil eût lamour du prochain,

On laccusa de médisance

Et nul n eut de reconnaissance <[Au crayon: sans rconnaissance]

Pour le bon saint

Car il se mêlait avec insistance

Daffaires qui ne le regardaient point.

Il disait toujours: fuyez, fuyez la

« Ne dites jamais, jamais, jamais de menteries

Mais dites <[au crayon: Proclamez> toujours la vérité, la vérité ! »

Ah ! grand St Jean,

Soyez plus indulgent

Pour nos mensonges petits et grands !

[Au crayon : Gd St Jean (bis) (p. 367).

1 OC III, p. 723-734.

2 Ce fragment est donné par Bernard Le Doze dans les membra disjecta (OC III, p. 84). Nous ne lavons pas retrouvé dans les photographies du dossier de La Dragonne.

3 Allusion au phonographe : le son était enregistré sur des rouleaux de cire (voir Le Surmâle, chap. xii).

4 Cette décomposition du nom Panbouquinus évoque moins le Pan Tadeusz (« Monsieur Thadée ») dAdam Mickiewicz, que la nomenclature linnéenne des singes : Pan Satyrus (aux connotations de bouc), ou Pan Troglodytes, désigne le chimpanzé.

5 Rappel du vers final du poème célèbre de Sully-Prudhomme, Le Vase brisé : « Il est brisé, ny touchez pas ».

6 Référence probable de Jarry à louvrage de son ami Marcel Schwob, Mœurs des diurnales. Traité de journalisme, paru sous le pseudonyme Loyson-Bridet(Société du Mercure de France, 1903) : à lexception de sagouin, ces mots font partie de la liste des épithètes injurieuses dont se compose le chapitre « De la controverse politique, dite polémique ». On note les deux paires de rimes.

7 Mots composé gréco-latin, « tout-livre », sur le modèle de Pantagruel et Panurge, et surtout de Pangloss. Autre graphie plus loin.

8 À prendre littéralement, sil a découvert lélixir de longue vie, comme le comte de Saint-Germain et Cagliostro.

9 Dernière des sept planètes dans la cosmologie antique.

10 La mention anachronique de lauto semble rapporter ce fragment à lAmour maladroit, mais O le voyage est bien dans Le Manoir enchanté.

11 Daumier avait repris le personnage de bandit de Robert Macaire tel quil fut créé par Frédérick Lemaître pour en faire, dans ses caricatures du Charivari (1836-1838), Les cent et un Robert Macaire, le type du filou se cachant sous les traits de divers gens daffaires.

12 Bernard Le Doze émet lhypothèse que Jarry fait allusion ici à Gaston Danville et à ses affaires : il a rêvé détablir une ligne régulière de ballons dirigeables entre la France et lAngleterre…

13 Cest le sens daletheia : « découverte », « dévoilement ».

14 Il sagit donc dune expérience dévocation des scènes passées, par le biais du miroir magique. Et la découverte dun trésor en est le but.

15 La partie entre crochets est la suite du texte donné par Bernard le Doze et ne figure pas sur la page photographiée (OC III, p. 83).

16 Le fragment mis entre crochets est donné par Bernard Le Doze parmi les Membra disjecta. Cest lun des deux qui ne sont pas sur la photographie du manuscrit de La Dragonne (OC III, p. 80). Le texte se poursuit sur le feuillet suivant (p. 343).