Aller au contenu

Classiques Garnier

Préface

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Jacqueline Pascal (1625-1661). Biographie
  • Pages : 5 à 10
  • Réimpression de l’édition de : 2002
  • Collection : Univers Port-Royal, n° 3
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406068488
  • ISBN : 978-2-406-06848-8
  • ISSN : 2491-2530
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06848-8.p.0007
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 15/01/2017
  • Langue : Français
7 Préface 7
oublier le prix attaché par le critique à la beauté de l'oeuvre et à la profondeur de la pensée. «C'est la phrase de Pascal qui m'a séduit. Je me souviens avoir recopié le début des Deux infinis parce que je trouvais cela beau », dit Jean Mesnard, pour qui le Mémorial du 23 novembre 1654, est «une sorte de calligramme ».
Au coeur de l'édifice ainsi élevé, auquel Frédéric Delforge puisera avec beaucoup de bonheur, Jacqueline Pascal occupe une place de choix, avec ses combats et ses doutes, ses émer- veillements et ses rudesses, ses obstinations et ses traits de génie. Méditant sur Jésus, «mort à la croix, élevé au-dessus de tout le monde, ayant à ses pieds tout, et sa sainte Mère même », la soeur Jacqueline écrit : « J' apprends de là que mon coeur doit être au-dessus de toutes les choses de la terre, et que par cet élè- vement d'esprit, qui n'est pas orgueilleux mais céleste, je dois regarder comme au-dessous de moi ce qu'il y a de plus grand et de plus aimable, parce que, comme je ne me dois glorifier qu'en la croix de mon Sauveur, je ne dois aussi rien estimer qu'elle» (extrait de l'écrit sur la mort de Jésus-Christ).
«Cet écrit, dans sa sobriété, son austérité, dans sa rigueur et sa monotonie voulues, note Jean Mesnard, est peut-être le plus beau qui soit sorti de la plume de Jacqueline. Les éditeurs de 1757 le comparent aux Pensées de Pascal et soulignent, un peu artificiellement, ce rapport par le titre qu'ils donnent à l' écrit. Des rapprochements s'imposent, de toute manière, avec l'Abrégé de la vie de Jésus-Christ et avec le Mystère de Jésus. » Que peut-on dire de plus et de mieux sur cette jeune femme dont le savant bénédictin Charles Clémencet se plaisait à souligner « la beauté du génie » ?
Un récent ouvrage vient relayer les ouvres complètes de Pascal, sous le titre: Chronique des Pascal. «Les affaires du monde» d'Étienne Pascal à Marguerite Périer (1588-1733) : il est signé de Régine Pouzet. L'auteur y met en évidence la com- plexité des relations entre les membres de la famille Pascal, mais aussi l'originalité de chacun d'entre eux. Jacqueline y apparaît souvent, attentive aux souhaits de son père et de son
8 8 Préface
frère, mais résolue et tenace pour réaliser son projet de devenir religieuse, sensible et docile aux conseils de la mère Agnès, mais combative et énergique face aux théologiens. La saga familiale retracée, avec une rare pertinence, par Régine Pouzet fait écho au plus ancien témoignage que nous possédions sur Jacqueline Pascal, c'est-à-dire à sa Vie composée par sa soeur Gilberte Périer.
Une Vie qui a servi de source et de support précieux à la bio- graphie de Frédéric Delforge. Avec ce nouvel ouvrage, le lecteur cultivé dispose désormais d'une synthèse approfondie, sûre et élégante, sur l'une des personnalités les plus attachantes de Port-Royal et du XVIIe siècle. Le récit de la vie de Jacqueline se déroule sous nos yeux depuis sa naissance, le 5 octobre 1625, à Clermont, jusqu'à sa mort, la veille de ses trente-six ans, au monastère de Port-Royal des Champs, sous l'habit de religieuse cistercienne et sous le nom de soeur Jacqueline de Sainte- Euphémie. «La principale richesse de votre maison, lui écrit un jour la mère Angélique Arnauld, c'était l'amitié et l'union si étroite qui rendait toutes choses communes entre vous, et dans laquelle vous vous y reposiez sans y penser ». Une amitié et une union simplement humaines, dont la jeune femme fera le ciment de sa quête spirituelle au sein d'une communauté vivante, mais souvent en proie aux accusations du dehors et au doute intérieur.
Il aurait été tentant pour le biographe de se satisfaire d'une relation chronologique de faits plus ou moins connus, de réta- blir une date exacte, comme celle du baptême de Jacqueline, et d'inciter à lire la relation précise et vivante qu'elle dresse de l'une des deux rencontres de son frère Blaise et de Descartes, en septembre 1647. Notre auteur parcourt pas à pas cet itiné- raire peu ordinaire d'une orpheline de mère, d'une fille très attachée à son père, mais trop respectueuse des contraintes familiales pour ne pas lui demander son autorisation d'entrer au couvent, d'une soeur dévouée corps et âme à Blaise, auquel elle fera admettre les conséquences de ses choix et de son exigence intérieure. Frédéric Delforge présente et commente de nom- breuses lettres de Jacqueline à sa famille, aux mères de Port- Royal auxquelles elle exprime sa confiance avant et après sa
9 Préface 9
profession solennelle comme religieuse : telle cette longue lettre composée le 10 juin 1653, cinq jours après l'engagement définitif de la jeune fille, une Relation «riche d'enseignements, écrit Jean Mesnard, pour la connaissance de Blaise comme pour celle de Jacqueline ».
On aurait tort en effet de ne pas lier les destins du frère et de la soeur. Notre biographe le sait mieux que quiconque, lui qui a publié un ouvrage intitulé : Les petites écoles de Port-Royal (1985), et qui a longtemps travaillé sur l'histoire de l'abbaye, et médité le livre des Pensées. « Il est certain que de 1646 à son entrée àPort-Royal de Paris le 4 janvier 1652, écrit Frédéric Delforge, dans un article sur «le ministère pédagogique de Jacqueline» (Chroniques de Port-Royal, 1982), Jacqueline Pascal a connu l'effort pédagogique de Port-Royal et qu'elle a longuement réfléchi à l'aspect pédagogique du témoignage chrétien ». Chargée de la formation des filles et des novices dans un monastère, où on les élevait à la piété et où «on pre- nait aussi un grand soin de leur former l'esprit et la raison », selon les termes de Jean Racine, la soeur Jacqueline de Sainte- Euphémie aurait pu être élevée aux plus hautes charges de prieure et d'abbesse, si la mort n'était venue interrompre son parcours. Pour elle, comme pour son frère, seule compte la foi, au «Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants (...), Dieu de Jésus-Christ ». Si Jacqueline n'a pas connu le Mémorial, cousu par son auteur dans son propre vêtement, sa proximité intellectuelle et spiri- tuelle avec Blaise lui fait écrire à son frère le 19 janvier 1655
«J'ai autant de joie de vous trouver gai dans la solitude que j'avais de douleur quand je voyais que vous l'étiez dans le monde. Je ne sais néanmoins comment M. de Sacy s'accom- mode d'un pénitent si réjoui, et qui prétend satisfaire aux vaines joies et aux divertissements du monde par des joies un peu plus raisonnables et par des jeux d'esprit plus permis, au lieu de les expier par des larmes continuelles. »
La biographie de Frédéric Delforge se mue peu à peu en bio- graphie spirituelle. On a dit son héroïne douée de tous les dons de la nature : dans ses lettres et ses écrits, elle se montre habile
10 10 Préface

et respectueuse, spontanée et passionnée, fière et ombrageuse, modeste et orgueilleuse. L'une des leçons de l'ouvrage si atta- chant de notre auteur ne serait-elle pas simplement que nous sommes en présence d'une rebelle apprivoisée par la grâce ? ouvre de réflexion sur la destinée humaine, le livre de Frédéric Delforge, qui, disparu récemment, n'aura pu voir son ultime réalisation, mérite le succès que doivent lui valoir sa modestie et sa profondeur.


Jean Lesaulnier
11
Avertissement de l'éditeur



Les astérisques contenus dans le texte renvoient tous au glos- saire que l'on trouvera en fin de volume (p. 135 ).
De nombreuses références sont faites à l'ouvrage intitulé Blaise Pascal, G~uvres complètes, texte établi, présenté et anno- té par Jean Mesnard, Paris, Desclée de Brouwer, t. I, 1964, t. II, 1970, t. III, 1991, t. IV, 1992. Aussi, dans ses notes, reportées à la fin de l'ouvrage, l' auteur y renvoie de la manière suivante
tome I, 1964, cité ici : I, tome II, 1970, cité ici : II, tome III, 1991, cité ici :III, tome IV, 1992, cité ici : IV.
12