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Classiques Garnier

Note préliminaire

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Histoire des treize. Ferragus, La Duchesse de Langeais, La Fille aux yeux d’or
  • Pages : 3 à 5
  • Réimpression de l’édition de : 1985
  • Collection : Classiques Jaunes, n° 427
  • Série : Littératures francophones
  • Thème CLIL : 3436 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques
  • EAN : 9782812414374
  • ISBN : 978-2-8124-1437-4
  • ISSN : 2417-6400
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-1437-4.p.0017
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 08/04/2014
  • Langue : Français
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NOTE PRÉLIMINAIRE



L'HisrozxE nEs TxsizE est formée de trois récits, Ferragus, chef des Dévorants, La Duchesse de Langeais, La Fille aux yeux d'or, dont l'unité repose sur une convention romanesque: !e principal personnage masculin de chaque épisode appartient à une société secrète et recourt, lorsqu'il le juge opportun, à l'aide de ses compagnons. Si différents qu'ils nous apparaissent par leur caractère et par leurs origines, l'ancien ouvrier Gratien Bouri- gnard dit Ferragus, le général d'Empire Armand de Montriveau, !e comte Henri de Marsay, sont unis par un pacte d'assistance qui joue, en cas de besoin, avec une sûreté infaillible. Nous ne devons pas être surpris de les retrouver d'une æuvre à l'autre : le héros de Ferragus intervient, dans La Fille aux yeux d'or, pour prêter main forte à Henri de Marsay qui, dans La Duchesse de Langeais, a secondé, au dénouement, les desseins de Montriveau; enfin, un quatrième membre de l'association, le marquis de I~onque- rolles (nous ne connaîtrons pas les noms des neuf autres), joue un rôle secondaire dans chacune des trois histoires. Balzac applique ainsi déjà ce procédé de la réapparition des personnages qui va, d'un roman à l'autre, assurer la continuité de La Comédie humaine; mais son objet n'est encore que de coordonner plus fortement les épisodes d'une trilogie. Pour la même raison sans doute, il place en tête de La Fille aux yeux d'or, comme en tête de Ferragus, une évocation de Paris : la ymétrie des deux préam- bules et l'identité du cadre lui permettent de mieux marquer la communauté d'affabulation.
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Ainsi défini, le mythe des Treize nous aide à saisir la continuité de la pensée balzacienne depuis les æuvres de jeunesse jusqu'aux romans de la maturité. Nous retrouvons la prédilection du roman- cier, d~à sensible dans ses premiers écrits, pour les aventures mouvementées et pour les intrigues ténébreuses ; sa hantise de la toute puissance ; sa sympathie pour les individus énergiques dont le destin s'accomplit en marge des lois. Les Treize ne sont pas des brigands vulgaires, mais de prestigieux aventuriers qui, pleins de mépris pour la banalité quotidienne, ont décidé, comme Vautrin, d'asservir l'univers entier à leurs fins personnelles et de sacrifier tous les pr~ugés à leur «religion de plaisir et d'égoisme »
ils incarnent l'un des rêves de Balzac; leur histoire est, en
outre, le premier témoin de cette exploration de Paris gui va se poursuivre, après Le Père Goriot et Illusions perdues, jusqu'à Splendeurs et Misères des Courtisanes.
Mais nous ne devons pas nous dissimuler la fragilité du lien entre les trais récits. Après avoir lu l'éloquente préface, nous nous attendons à voir constamment agir les Treize sous nos yeux. Or, d'une aventure à l'autre, leur rôle devient de moins en moins nécessaire; dans Ferragus, les conjurés témoignent de leur attache-
ment au héros en assistant aux obsèques de sa fille et donnent la
mesure de leur pouvoir en obtenant de vive force l'incinération de ld morte; mais dans La Duchesse de Langeais, où l'accent est mis sur lcs manèges d'une coquette, le romancier pouvait sans dommage se passer de leur intervention; dans La Fille aux yeux d'or, enfin, le lecteur ne peut comprendre pourquoi le hardi de
Marsay, après avoir conduit seul son intrigue, .s'entoure soudain
de ses amis et le nom de Ferragus ne semble cité que pour justifzer le rattachement de ce dernier récit à l'Histoire des Treize. En outre, pendant leurs courtes apparitiaus, les Treize ne répondent guère à notre attente :ils ne se montrent vraiment terribles qu'au cours de la scène mélodramatique où ils s'apprêtent à châtier la duchesse de Langeais; la plupart du temps, la société secrète n'est pour le romancier qu'un moyen commode de faire progresser l'action et d'amener un dénouement. D'ailleurs, dans les trois aventures, le pouvoir des héros, que l'on croyait invincible, se trouve finalement mis en échec.
L'association des Treize joue donc, au total, dans cette suite
19 NOTE PKÉLIMINAIkE 5
romanesque, un rôle peu important, et ce râle semble diminuer de récit en récit. Tout se passe comme- si Balzac avait peu à peu perdu de vue son projet primitif. L'intérêt des différents épisodes n'en est nullement amoindri, mais on doit les considérer séparé- ment, sans s'arrêter à une unité factice. L'Histoire des Treize, ce sont trois romans distincts, réunis sous une commune étiquette 1.
P.-G. C.














r. Plusieurs balzaciens nous ont apporté un concours précieux dans l'établissement de cette édition. M. Marcel Bouteron a témoigné, une fois de plus, de sa générosité à notre égard en nous confiant les éditions anciennes de l'Histoire des Treize et en nous fournissant plu- sieurs références extraites de ses fichiers. M. Jean Pommier a mis à notre disposition avec beaucoup de bonne grâce les immenses ressour- ces de la collection Lovenjoul. Nous devons, en outre, de fécondes suggestions à M. Antoine Adam, professeur à la Sorbonne, et à M. Pierre Marotte, auteur d'un mémoire inédit sur l'Histoire der Treize. M. Roger Pierrot, enfin, a bien voulu relire notre travail et nous a donné d'utiles avis.