Résumés des contributions
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Héroïsme féminin et femmes illustres (xvie-xviie siècles). Une représentation sans fiction
- Pages : 409 à 416
- Collection : Masculin/féminin dans l’Europe moderne, n° 22
- Série : xviiie siècle, n° 9
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406085157
- ISBN : 978-2-406-08515-7
- ISSN : 2261-5741
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08515-7.p.0409
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 07/05/2019
- Langue : Français
Résumés des contributions
Anne-Élisabeth Spica, « Héroïsme féminin, héroïne, femme héros ? Paradoxes et variations dans la littérature non fictionnelle de la première Modernité, introduction »
Envisager l’existence d’un héroïsme féminin en tant que tel aux xvie et xviie siècles invite à prendre en compte une série de distorsions entre l’appréhension de la notion à la période moderne, et les définitions des xxe-xxie siècles. Quelles stratégies, hors des biais fictionnels, ont conduit à affecter à certaines figures féminines une grandeur extraordinaire et admirable, articulant aux éléments issus d’un modèle masculin, ou les congédiant, les vertus remarquables qui constituent le propre de leur sexe ?
Enrica Zanin, « Sémiramis. Une héroïne entre féminin et masculin »
Est-ce que Sémiramis est héroïque ? C’est la question que posent les versions de la vie de Sémiramis, de Diodore de Sicile au père Le Moyne, en passant par Boccace. Au lieu de proposer une vision unifiée de la femme héroïque, Sémiramis met en péril toute conception simpliste de l’héroïsme. Par son histoire complexe et ambiguë, la reine questionne la possibilité, pour une femme, d’atteindre le statut de héros, et propose une réflexion sur la définition même de l’héroïsme.
Claude La Charité, « L’éventail des possibles de l’héroïsme féminin d’après les Dialogismi Heroinarum (1541) de Petrus Nannius »
Dans les Dialogismi Heroinarum (1541), Petrus Nannius jette un éclairage particulièrement intéressant sur l’idée que l’on pouvait se faire de l’héroïsme féminin dans les milieux humanistes au mitan du xvie siècle, en proposant cinq soliloques d’héroïnes : Lucrèce, Suzanne, Judith, sainte Agnès et Camma. Loin d’être interchangeables, ces femmes exemplaires ont été choisies de 410manière à se compléter l’une l’autre et à incarner les différentes facettes de l’héroïsme féminin.
Élisabeth Schneikert, « Pauline, Livia et quelques autres. L’héroïsme féminin dans les Essais de Montaigne »
Il s’agit d’interroger la posture héroïque de quelques figures féminines dans le cadre marital et amoureux à partir de l’essai « De trois bonnes femmes ». Examiner le passage de la source historique au texte des Essais révèle que les femmes, dont Montaigne déroule la geste admirable, sont des figures hors du commun qui semblent incapables de se détacher du modèle épique ; leur héroïsation passe par la mise en fable et la dramatisation.
Alain Cullière, « Un diptyque de l’amour et de la vertu. Sophonisbe et Arria vues par Guillaume Reboul (1597) »
En relatant les vies de Sophonisbe et d’Arria, Reboul recourt à des codes romanesques mais rejette toute fiction. Il place ses personnages dans un cadre épuré, allégorisé, qui leur donne une dimension symbolique. À l’aristocratique Sophonisbe, lumineuse, magnifiée par l’amour, s’oppose l’obscure Arria, épouse fidèle, à la vertu républicaine. Ces deux récits, qui ne constituent pas l’ébauche d’une galerie de femmes illustres, nous invitent à voir, par proximité et contraste, la double nature de la grandeur féminine.
Elisabetta Simonetta, « La contrainte de l’héroïsme. Lettres de femmes à la Renaissance italienne »
L’analyse d’un corpus épistolaire éclaire les enjeux d’un héroïsme féminin hétéroclite et contingent. Entre potentiel de l’écriture féminine et affirmation éditoriale, le succès de ces écrits d’un nouveau genre littéraire, rassemblés dans des ouvrages à l’authenticité incertaine, témoigne de l’efficacité communicative d’une fiction d’auteur fondée sur un héroïsme paradoxal, instrumentalisé par les correcteurs/éditeurs, tiré de modèles littéraires reconnaissables et incarné par des femmes réelles et célèbres.
411Cécile Huchard, « Jeanne d’Albret, Élisabeth d’Angleterre. Reines, et héroïnes protestantes ? »
Deux reines, Élizabeth en Angleterre et Jeanne d’Albret en Navarre, ont joué un rôle éminent dans la défense du protestantisme au xvie siècle. Les louanges mais aussi parfois la déception qui s’expriment envers elles dans des textes huguenots significatifs, l’héroïsation ambiguë dont elles font l’objet laissent entrevoir la complexité des rapports entre politique, religion et féminité dans ce contexte.
Claudie Martin-Ulrich, « La mort héroïque d’une princesse protestante. Éléonore de Roye princesse de Condé »
Éléonore de Roy apparaît comme une épouse, une princesse et une mère exemplaires. Si ses missives dévoilent un savoir-faire rhétorique au service des siens, porté par une vision politique aiguisée autant que solide, le récit de sa mort édifie pas à pas la figure d’une fille de France emplie d’un courage indéfectible face aux assauts de la douleur et animée par une foi vivante, sans cesse renouvelée dans un abandon de soi au Très-Haut.
Nadine Kuperty-Tsur, « Marguerite de Valois ou l’héroïsme féminin »
Marguerite de Valois s’est figurée selon une série de paradoxes en héroïne aux prises aux obstacles à sa volonté d’occuper une place politique de premier ordre. Le genre masculin des Mémoires et ses modèles héroïques appellent une réécriture féminine sur le mode stoïque. Marguerite se peint avec sincérité en héroïne persécutée mais elle fait sourire de ses déboires. Le mélange paradoxal de l’épique et du burlesque neutralise la transgression que représente l’intrusion de l’héroïne dans un champ masculin.
Chiara Rolla, « Jeanne-Françoise Frémyot de Chantal dans les Mémoires de la Mère de Chaugy. Une femme, une épouse, une mère et une religieuse aux “vertus héroïques” ».
Madeleine de Chaugy érige dans ses Mémoires le monument d’une femme à admirer et à vénérer, une figure qui résume et sublime les caractéristiques de l’héroïsme féminin de l’époque et du salésianisme. Femme aux « vertus héroïques », Jeanne de Chantal incarne un point de conjonction entre les figures 412féminines animant la tradition laïque des recueils consacrés à l’exaltation de l’héroïsme féminin et les protagonistes des panégyriques à plus forte connotation religieuse.
Barbara Piqué, « L’héroïsme féminin dans “Les Reines et Dames” de La Cour sainte de Nicolas Caussin »
La section « Les Reines et Dames » de La Cour Sainte de Nicolas Caussin constitue l’un des jalons dans la construction de l’héroïsme féminin au xviie siècle. Les figures féminines de ce manuel de « sainteté » à l’usage des gens du monde s’inscrivent dans un contexte social, politique, moral et spirituel bien précis. Si leur « mise en galerie » tardive (1645) explique la manière différente dont Caussin traite ces personnages, elle leur confère en même temps une signification nouvelle.
Grégoire Menu, « Imperfection des vertus, vertu de l’imperfection dans La Cour sainte de Nicolas Caussin »
Au fil de Vies illustres, deux modèles héroïques féminins apparaissent dans La Cour sainte de Caussin. Certaines dames ont montré un héroïsme guerrier suivant un modèle présenté comme masculin, mais bien plus nombreuses sont celles ayant servi le christianisme par leur patience et leur résistance aux passions. Quand les Vies de rois ménagent une place à l’imperfection, l’idéalisation de ces figures féminines montre que le statut politique de la reine n’est pas incompatible avec la sainteté.
Catherine Pascal, « La Parfaite Héroïne. Isabelle de Castille vue par le père Hilarion de Coste »
Durant le premier dix-septième siècle, se développe la tradition des recueils de femmes « illustres » ou « fortes ». Au nombre de leurs auteurs figure le père Hilarion de Coste qui, de ses Éloges et vies des Reynes […], en 1630, à La Parfaite Heroïne, en 1661, va célébrer « la pieuse, vaillante et sçavante » Isabelle de Castille, dite « la Catholique », consacrer sa supériorité sur son époux, Ferdinand II d’Aragon, et faire d’elle un modèle d’héroïsme politico-religieux pour les temps présents.
413Richard Maber, « “Sans estre bien malheureux, on ne peut estre qu’un Heros [ou : une Heroïne] fort mediocre” : les femmes fortes du père Le Moyne et l’idéal de l’héroïsme dans la souffrance »
Cet article trace l’évolution de l’idéal de l’héroïsme dans l’œuvre poétique et théorique de Le Moyne. Pour Le Moyne, l’héroïsme n’a pas de sexe. Les femmes partagent également avec les hommes la capacité de l’héroïsme actif et martial ; mais, plus important encore, l’héroïsme passif du courage dans l’adversité, généralement considéré comme la vertu caractéristique des femmes, est non seulement proposé comme l’idéal masculin autant que féminin, mais présenté explicitement comme supérieur à l’autre.
Nathalie Grande, « L’héroïsme féminin au creuset de la mémoire. Madame de La Guette »
Les Mémoires de Mme de La Guette écrits par elle-même (1681), en insistant sur son courage face aux événements de la Fronde, révèlent l’héroïne dans la femme. Cependant, on ne peut réduire l’héroïsme de Mme de La Guette à son sang-froid dans les situations périlleuses car il s’enracine dans sa vie quotidienne, dans sa personnalité particulière, mais également dans sa conscience d’un rôle et d’un rang à tenir, comme croyante et comme mère, comme noble aussi, et peut-être comme autrice.
Jean Garapon, « Deux visages de l’héroïsme féminin avant et après la Fronde. Mlle de Montpensier et Mme de Longueville »
Les duchesses de Montpensier et de Longueville, proches par la parenté royale et la culture de fiction, par une commune ferveur collective, retiennent l’analyse. La mentalité féodale les pousse pendant la Fronde à un héroïsme spectaculaire, nourri d’un féminisme aux sources diverses, mondaines et humanistes. L’échec de la Fronde les mène à un héroïsme plus intérieur, de résistance au conformisme de cour ou à l’autoritarisme royal, de défense de la justice, en une conversion politique et morale riche d’avenir.
414Hélène Michon, « La duchesse de Liancourt. Un exemple féminin d’héroïsme chrétien ? »
Jeanne de Schomberg, marquise de Liancourt, amie indéfectible de Port-Royal, rédige à l’intention de sa petite-fille Jeanne-Charlotte de La Rochefoucauld un Règlement donné par une dame de haute qualité à M*** sa petite-fille pour sa conduite et pour celle de sa maison édité en 1698, qui apparaît comme un modèle laïc de vertus chrétiennes, présentant ainsi de façon novatrice une figure de l’héroïsme chrétien détachée d’un arrière-plan guerrier ou antique comme de la sphère religieuse ou monastique.
Yohann Deguin, « Errances d’une héroïne. Marie Mancini dans ses Mémoires »
Entre souvenirs de cour et récits de voyage, Marie Mancini dresse une figure d’héroïne dans l’errance, qui refuse la gloire d’un personnage de tragédie autant que la posture d’aventurière romanesque, que la postérité persiste à lui attribuer. Ainsi ces Mémoires, défense et illustration d’une image de soi, appellent non tant un passé retrouvé qu’un futur vers lequel aspirer, dans lequel la somme des souffrances mène au repos et à un idéal de liberté.
Antoinette Gimaret, « Héroïsme et sainteté féminine La construction du paradigme de la femme illustre et les problématiques de sa réception dans les biographies spirituelles au xviie siècle »
Le prisme héroïque accompagne la construction topique d’un modèle exemplaire de sainteté. Métaphore du combat et registre épique valorisent un extraordinaire de la foi et distinguent, face à l’héroïsme guerrier, un héroïsme de la souffrance et de la charité plus proprement « féminin », en lien avec l’évolution contemporaine des procédures de canonisation. Cette héroïsation, pour autant, peut compliquer la réception des Vies (fiction légendaire vs vérité historique) et retarder la reconnaissance canonique.
Francine Wild, « L’héroïsme féminin dans les Historiettes de Tallemant des Réaux »
Pour Tallemant, il n’y a pas d’exemplarité parfaite ; même les femmes qu’il admire le plus ont des défauts ou des ridicules. C’est chez elles l’héroïsme moral qui domine : fermeté, détermination, constance. Les épithètes qui 415apparaissent le plus pour louer une femme sont « habile » et « raisonnable ». Il consacre une historiette aux « femmes vaillantes », aristocrates ou femmes du peuple. Mme de Saint-Balmon, qui déjoue les normes du genre, est le cas le plus intéressant.
Anne-Claire Volongo, « Angélique Arnauld ou l’héroïsme anéanti »
Sous la conduite de l’abbé de Saint-Cyran, Angélique Arnauld prend ses distances avec les actions d’éclat qui ont marqué sa jeunesse de réformatrice à Port-Royal. Face à l’orgueil qui guette le héros, et malgré les menaces qui pèsent sur son monastère, l’attitude véritablement héroïque consiste désormais pour Angélique à anéantir toute velléité d’action dans la pénitence. Cette attitude de retrait contraste singulièrement avec l’image combattive de l’abbesse entretenue par les mémorialistes de Port-Royal.
Didier Course, « “[U]n cœur véritablement crétien”. Héroïsme au féminin en Afrique du Nord »
Cet article explore l’héroïsme de femmes directement ou indirectement concernées par l’esclavage en Afrique du Nord. En effet de la grande dame en charge de financer les expéditions de rédemption à la femme capturée au large de la Méditerranée pour être vendue sur les marchés de Rabat ou Marrakech, ces figures exemplaires de la foi chrétiennes vont dessiner plusieurs sortes d’héroïsme allant de la dimension politique à valeur hagiographique au plus humble acte de résistance.
Yann Lignereux, « Catherine de Saint-Augustin : une héroïcité sans héroïsme ? La Nouvelle-France et le procès du héros jésuite (1660-1680) »
En 1648, l’offensive iroquoise menace directement la colonie française du Saint-Laurent. Dans cet environnement obsessionnel se joue pour l’augustine Catherine de Saint Augustin un affrontement intérieur pour sauvegarder la colonie des démons qui l’assiègent. La publication de ces exploits, tenus secrets jusqu’à sa mort, pose la question de la sainteté d’une femme actrice principale de la délivrance de la colonie des fléaux qui la menaçaient quand il s’agit d’imposer partout les seuls gloire et héroïsme du roi.
416Christine Mongenot, « Des femmes illustres aux jeunes personnes célèbres. Acclimatation des figures héroïques féminines dans la littérature d’éducation destinée aux filles (xviie-xviiie siècles) »
La recherche de figures exemplaires pour la jeunesse suscite la création ou le recyclage de récits de tout type, dans une relative hétérogénéité des genres et des univers de référence. Centré sur les héroïnes féminines proposées aux jeunes pensionnaires, l’article suit les adaptations, réécritures et mutations de ces figures, des premières publications des années 1692 à 1718 à la fin du xviiie siècle. Il met en valeur la continuité de ces « genres » pédagogiques toujours en faveur au xixe siècle.