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Classiques Garnier

Résumés des contributions

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Résumés des contributions

Anne-Élisabeth Spica, « Héroïsme féminin, héroïne, femme héros ? Paradoxes et variations dans la littérature non fictionnelle de la première Modernité, introduction »

Envisager lexistence dun héroïsme féminin en tant que tel aux xvie et xviie siècles invite à prendre en compte une série de distorsions entre lappréhension de la notion à la période moderne, et les définitions des xxe-xxie siècles. Quelles stratégies, hors des biais fictionnels, ont conduit à affecter à certaines figures féminines une grandeur extraordinaire et admirable, articulant aux éléments issus dun modèle masculin, ou les congédiant, les vertus remarquables qui constituent le propre de leur sexe ?

Enrica Zanin, « Sémiramis. Une héroïne entre féminin et masculin »

Est-ce que Sémiramis est héroïque ? Cest la question que posent les versions de la vie de Sémiramis, de Diodore de Sicile au père Le Moyne, en passant par Boccace. Au lieu de proposer une vision unifiée de la femme héroïque, Sémiramis met en péril toute conception simpliste de lhéroïsme. Par son histoire complexe et ambiguë, la reine questionne la possibilité, pour une femme, datteindre le statut de héros, et propose une réflexion sur la définition même de lhéroïsme.

Claude La Charité, « Léventail des possibles de lhéroïsme féminin daprès les Dialogismi Heroinarum (1541) de Petrus Nannius »

Dans les Dialogismi Heroinarum (1541), Petrus Nannius jette un éclairage particulièrement intéressant sur lidée que lon pouvait se faire de lhéroïsme féminin dans les milieux humanistes au mitan du xvie siècle, en proposant cinq soliloques dhéroïnes : Lucrèce, Suzanne, Judith, sainte Agnès et Camma. Loin dêtre interchangeables, ces femmes exemplaires ont été choisies de 410manière à se compléter lune lautre et à incarner les différentes facettes de lhéroïsme féminin.

Élisabeth Schneikert, « Pauline, Livia et quelques autres. Lhéroïsme féminin dans les Essais de Montaigne »

Il sagit dinterroger la posture héroïque de quelques figures féminines dans le cadre marital et amoureux à partir de lessai « De trois bonnes femmes ». Examiner le passage de la source historique au texte des Essais révèle que les femmes, dont Montaigne déroule la geste admirable, sont des figures hors du commun qui semblent incapables de se détacher du modèle épique ; leur héroïsation passe par la mise en fable et la dramatisation.

Alain Cullière, « Un diptyque de lamour et de la vertu. Sophonisbe et Arria vues par Guillaume Reboul (1597) »

En relatant les vies de Sophonisbe et dArria, Reboul recourt à des codes romanesques mais rejette toute fiction. Il place ses personnages dans un cadre épuré, allégorisé, qui leur donne une dimension symbolique. À laristocratique Sophonisbe, lumineuse, magnifiée par lamour, soppose lobscure Arria, épouse fidèle, à la vertu républicaine. Ces deux récits, qui ne constituent pas lébauche dune galerie de femmes illustres, nous invitent à voir, par proximité et contraste, la double nature de la grandeur féminine.

Elisabetta Simonetta, « La contrainte de lhéroïsme. Lettres de femmes à la Renaissance italienne »

Lanalyse dun corpus épistolaire éclaire les enjeux dun héroïsme féminin hétéroclite et contingent. Entre potentiel de lécriture féminine et affirmation éditoriale, le succès de ces écrits dun nouveau genre littéraire, rassemblés dans des ouvrages à lauthenticité incertaine, témoigne de lefficacité communicative dune fiction dauteur fondée sur un héroïsme paradoxal, instrumentalisé par les correcteurs/éditeurs, tiré de modèles littéraires reconnaissables et incarné par des femmes réelles et célèbres.

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Cécile Huchard, « Jeanne dAlbret, Élisabeth dAngleterre. Reines, et héroïnes protestantes ? »

Deux reines, Élizabeth en Angleterre et Jeanne dAlbret en Navarre, ont joué un rôle éminent dans la défense du protestantisme au xvie siècle. Les louanges mais aussi parfois la déception qui sexpriment envers elles dans des textes huguenots significatifs, lhéroïsation ambiguë dont elles font lobjet laissent entrevoir la complexité des rapports entre politique, religion et féminité dans ce contexte.

Claudie Martin-Ulrich, « La mort héroïque dune princesse protestante. Éléonore de Roye princesse de Condé »

Éléonore de Roy apparaît comme une épouse, une princesse et une mère exemplaires. Si ses missives dévoilent un savoir-faire rhétorique au service des siens, porté par une vision politique aiguisée autant que solide, le récit de sa mort édifie pas à pas la figure dune fille de France emplie dun courage indéfectible face aux assauts de la douleur et animée par une foi vivante, sans cesse renouvelée dans un abandon de soi au Très-Haut.

Nadine Kuperty-Tsur, « Marguerite de Valois ou lhéroïsme féminin »

Marguerite de Valois sest figurée selon une série de paradoxes en héroïne aux prises aux obstacles à sa volonté doccuper une place politique de premier ordre. Le genre masculin des Mémoires et ses modèles héroïques appellent une réécriture féminine sur le mode stoïque. Marguerite se peint avec sincérité en héroïne persécutée mais elle fait sourire de ses déboires. Le mélange paradoxal de lépique et du burlesque neutralise la transgression que représente lintrusion de lhéroïne dans un champ masculin.

Chiara Rolla, « Jeanne-Françoise Frémyot de Chantal dans les Mémoires de la Mère de Chaugy. Une femme, une épouse, une mère et une religieuse aux “vertus héroïques” ».

Madeleine de Chaugy érige dans ses Mémoires le monument dune femme à admirer et à vénérer, une figure qui résume et sublime les caractéristiques de lhéroïsme féminin de lépoque et du salésianisme. Femme aux « vertus héroïques », Jeanne de Chantal incarne un point de conjonction entre les figures 412féminines animant la tradition laïque des recueils consacrés à lexaltation de lhéroïsme féminin et les protagonistes des panégyriques à plus forte connotation religieuse.

Barbara Piqué, « Lhéroïsme féminin dans “Les Reines et Dames” de La Cour sainte de Nicolas Caussin »

La section « Les Reines et Dames » de La Cour Sainte de Nicolas Caussin constitue lun des jalons dans la construction de lhéroïsme féminin au xviie siècle. Les figures féminines de ce manuel de « sainteté » à lusage des gens du monde sinscrivent dans un contexte social, politique, moral et spirituel bien précis. Si leur « mise en galerie » tardive (1645) explique la manière différente dont Caussin traite ces personnages, elle leur confère en même temps une signification nouvelle.

Grégoire Menu, « Imperfection des vertus, vertu de limperfection dans La Cour sainte de Nicolas Caussin »

Au fil de Vies illustres, deux modèles héroïques féminins apparaissent dans La Cour sainte de Caussin. Certaines dames ont montré un héroïsme guerrier suivant un modèle présenté comme masculin, mais bien plus nombreuses sont celles ayant servi le christianisme par leur patience et leur résistance aux passions. Quand les Vies de rois ménagent une place à limperfection, lidéalisation de ces figures féminines montre que le statut politique de la reine nest pas incompatible avec la sainteté.

Catherine Pascal, « La Parfaite Héroïne. Isabelle de Castille vue par le père Hilarion de Coste »

Durant le premier dix-septième siècle, se développe la tradition des recueils de femmes « illustres » ou « fortes ». Au nombre de leurs auteurs figure le père Hilarion de Coste qui, de ses Éloges et vies des Reynes [], en 1630, à La Parfaite Heroïne, en 1661, va célébrer « la pieuse, vaillante et sçavante » Isabelle de Castille, dite « la Catholique », consacrer sa supériorité sur son époux, Ferdinand II dAragon, et faire delle un modèle dhéroïsme politico-religieux pour les temps présents.

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Richard Maber, « “Sans estre bien malheureux, on ne peut estre quun Heros [ou : une Heroïne] fort mediocre” : les femmes fortes du père Le Moyne et lidéal de lhéroïsme dans la souffrance »

Cet article trace lévolution de lidéal de lhéroïsme dans lœuvre poétique et théorique de Le Moyne. Pour Le Moyne, lhéroïsme na pas de sexe. Les femmes partagent également avec les hommes la capacité de lhéroïsme actif et martial ; mais, plus important encore, lhéroïsme passif du courage dans ladversité, généralement considéré comme la vertu caractéristique des femmes, est non seulement proposé comme lidéal masculin autant que féminin, mais présenté explicitement comme supérieur à lautre.

Nathalie Grande, « Lhéroïsme féminin au creuset de la mémoire. Madame de La Guette »

Les Mémoires de Mme de La Guette écrits par elle-même (1681), en insistant sur son courage face aux événements de la Fronde, révèlent lhéroïne dans la femme. Cependant, on ne peut réduire lhéroïsme de Mme de La Guette à son sang-froid dans les situations périlleuses car il senracine dans sa vie quotidienne, dans sa personnalité particulière, mais également dans sa conscience dun rôle et dun rang à tenir, comme croyante et comme mère, comme noble aussi, et peut-être comme autrice.

Jean Garapon, « Deux visages de lhéroïsme féminin avant et après la Fronde. Mlle de Montpensier et Mme de Longueville »

Les duchesses de Montpensier et de Longueville, proches par la parenté royale et la culture de fiction, par une commune ferveur collective, retiennent lanalyse. La mentalité féodale les pousse pendant la Fronde à un héroïsme spectaculaire, nourri dun féminisme aux sources diverses, mondaines et humanistes. Léchec de la Fronde les mène à un héroïsme plus intérieur, de résistance au conformisme de cour ou à lautoritarisme royal, de défense de la justice, en une conversion politique et morale riche davenir.

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Hélène Michon, « La duchesse de Liancourt. Un exemple féminin dhéroïsme chrétien ? »

Jeanne de Schomberg, marquise de Liancourt, amie indéfectible de Port-Royal, rédige à lintention de sa petite-fille Jeanne-Charlotte de La Rochefoucauld un Règlement donné par une dame de haute qualité à M*** sa petite-fille pour sa conduite et pour celle de sa maison édité en 1698, qui apparaît comme un modèle laïc de vertus chrétiennes, présentant ainsi de façon novatrice une figure de lhéroïsme chrétien détachée dun arrière-plan guerrier ou antique comme de la sphère religieuse ou monastique.

Yohann Deguin, « Errances dune héroïne. Marie Mancini dans ses Mémoires »

Entre souvenirs de cour et récits de voyage, Marie Mancini dresse une figure dhéroïne dans lerrance, qui refuse la gloire dun personnage de tragédie autant que la posture daventurière romanesque, que la postérité persiste à lui attribuer. Ainsi ces Mémoires, défense et illustration dune image de soi, appellent non tant un passé retrouvé quun futur vers lequel aspirer, dans lequel la somme des souffrances mène au repos et à un idéal de liberté.

Antoinette Gimaret, « Héroïsme et sainteté féminine La construction du paradigme de la femme illustre et les problématiques de sa réception dans les biographies spirituelles au xviie siècle »

Le prisme héroïque accompagne la construction topique dun modèle exemplaire de sainteté. Métaphore du combat et registre épique valorisent un extraordinaire de la foi et distinguent, face à lhéroïsme guerrier, un héroïsme de la souffrance et de la charité plus proprement « féminin », en lien avec lévolution contemporaine des procédures de canonisation. Cette héroïsation, pour autant, peut compliquer la réception des Vies (fiction légendaire vs vérité historique) et retarder la reconnaissance canonique.

Francine Wild, « Lhéroïsme féminin dans les Historiettes de Tallemant des Réaux »

Pour Tallemant, il ny a pas dexemplarité parfaite ; même les femmes quil admire le plus ont des défauts ou des ridicules. Cest chez elles lhéroïsme moral qui domine : fermeté, détermination, constance. Les épithètes qui 415apparaissent le plus pour louer une femme sont « habile » et « raisonnable ». Il consacre une historiette aux « femmes vaillantes », aristocrates ou femmes du peuple. Mme de Saint-Balmon, qui déjoue les normes du genre, est le cas le plus intéressant.

Anne-Claire Volongo, « Angélique Arnauld ou lhéroïsme anéanti »

Sous la conduite de labbé de Saint-Cyran, Angélique Arnauld prend ses distances avec les actions déclat qui ont marqué sa jeunesse de réformatrice à Port-Royal. Face à lorgueil qui guette le héros, et malgré les menaces qui pèsent sur son monastère, lattitude véritablement héroïque consiste désormais pour Angélique à anéantir toute velléité daction dans la pénitence. Cette attitude de retrait contraste singulièrement avec limage combattive de labbesse entretenue par les mémorialistes de Port-Royal.

Didier Course, « “[U]n cœur véritablement crétien”. Héroïsme au féminin en Afrique du Nord »

Cet article explore lhéroïsme de femmes directement ou indirectement concernées par lesclavage en Afrique du Nord. En effet de la grande dame en charge de financer les expéditions de rédemption à la femme capturée au large de la Méditerranée pour être vendue sur les marchés de Rabat ou Marrakech, ces figures exemplaires de la foi chrétiennes vont dessiner plusieurs sortes dhéroïsme allant de la dimension politique à valeur hagiographique au plus humble acte de résistance.

Yann Lignereux, « Catherine de Saint-Augustin : une héroïcité sans héroïsme ? La Nouvelle-France et le procès du héros jésuite (1660-1680) »

En 1648, loffensive iroquoise menace directement la colonie française du Saint-Laurent. Dans cet environnement obsessionnel se joue pour laugustine Catherine de Saint Augustin un affrontement intérieur pour sauvegarder la colonie des démons qui lassiègent. La publication de ces exploits, tenus secrets jusquà sa mort, pose la question de la sainteté dune femme actrice principale de la délivrance de la colonie des fléaux qui la menaçaient quand il sagit dimposer partout les seuls gloire et héroïsme du roi.

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Christine Mongenot, « Des femmes illustres aux jeunes personnes célèbres. Acclimatation des figures héroïques féminines dans la littérature déducation destinée aux filles (xviie-xviiie siècles) »

La recherche de figures exemplaires pour la jeunesse suscite la création ou le recyclage de récits de tout type, dans une relative hétérogénéité des genres et des univers de référence. Centré sur les héroïnes féminines proposées aux jeunes pensionnaires, larticle suit les adaptations, réécritures et mutations de ces figures, des premières publications des années 1692 à 1718 à la fin du xviiie siècle. Il met en valeur la continuité de ces « genres » pédagogiques toujours en faveur au xixe siècle.