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Classiques Garnier

Préface de la première édition

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Œuvres narratives complètes. Tome III. Charles Demailly
  • Pages : 107 à 107
  • Collection : Bibliothèque du xixe siècle, n° 29
  • Thème CLIL : 3440 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- XIXe siècle
  • EAN : 9782812420689
  • ISBN : 978-2-8124-2068-9
  • ISSN : 2258-8825
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-2068-9.p.0107
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 23/10/2014
  • Langue : Français
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PRÉFACE
de la première édition

… Je dis en effet ce que je dis, et nullement ce quon assure que jai voulu dire, et je réponds encore moins de ce quon me fait dire, et que je ne dis point1.

La Bruyère

1 Cette phrase-préface est extraite du discours de réception de La Bruyère à lAcadémie française, prononcé le 15 juin 1693. Lauteur sy explique quant aux listes de noms qui circulaient dans Paris, révélant des clés des Caractères : « Il me semble donc que je dois être moins blâmé que plaint de ceux qui par hasard verroient leurs noms écrits dans ces insolentes listes, que je désavoue et que je condamne autant quelles le méritent. Jose même attendre deux cette justice, que sans sarrêter à un auteur moral qui na eu nulle intention de les offenser par son ouvrage, ils passeront jusquaux interprètes, dont la noirceur est inexcusable. Je dis en effet ce que je dis, et nullement ce quon assure que jai voulu dire ; et je réponds encore moins de ce quon me fait dire, et que je ne dis point [cnqs]. Je nomme nettement les personnes que je veux nommer, toujours dans la vue de louer leur vertu ou leur mérite ; jécris leurs noms en lettres capitales, afin quon les voie de loin, et que le lecteur ne coure pas risque de les manquer. Si javois voulu mettre des noms véritables aux peintures moins obligeantes, je me serois épargné le travail demprunter les noms de lancienne histoire, demployer des lettres initiales, qui nont quune signification vaine et incertaine, de trouver enfin mille tours et mille faux-fuyants pour dépayser ceux qui me lisent, et les dégoûter des applications. Voilà la conduite que jai tenue dans la composition des Caractères » (« Discours prononcé dans lAcadémie françoise le lundi quinzième juin 1693 », Œuvres de La Bruyère, Paris, Hachette, 1865, t. 2, p. 450-451). Dans Les Caractères, La Bruyère sen était pris au Mercure galant, et lœuvre du moraliste fut en retour dautant plus critiquée par cette publication que lécrivain dans son Discours à lAcadémie avait aussi avoué sa préférence pour Racine contre Corneille et de la sorte blessé Thomas Corneille, lun des directeurs du Mercure. Cette phrase pointe la pusillanimité des directeurs de théâtre auxquels la pièce avait été proposée, mais elle veut aussi désamorcer les méprises que peut entraîner le genre du roman à clés : les deux frères ont toujours à lesprit leur procès pour larticle « Voyage du 43 de la rue Saint-Georges au no 1 de la rue Laffitte » paru dans le Paris du 15 décembre 1852. La Bruyère fait partie des auteurs que les Goncourt invoquent souvent. Ainsi dans le Journal, cette notation contemporaine de la rédaction des Hommes de lettres : « Les livres à portée de ma main, le rayon dont je vis, là, près de mon lit, ce rayon fait par le hasard, je le regarde, ce clavier de ma pensée, quelque chose comme ma palette : Eschyle, Henri Heine, un mauvais petit dictionnaire français de poche, Angola, un Excerpta de Cicéron, une Histoire des singes, Aristophane, Horace, Pétrone, Le Bric à Brac de Grille, Rabelais, Courier, la Revue parisienne de Balzac, Tristram Shandy, La Bruyère, Bonaventure des Périers, Anacréon » (II, 13 novembre 1858, p. 185). Ils notent encore le 16 novembre 1862 : « Un homme qui ne regarde pas La Bruyère comme le premier écrivain de tous les temps nécrira jamais » (Journal, III, 16 novembre 1862, p. 421) ; dans Charles Demailly il est question de « la langue de diamant de La Bruyère » (p. 284) et dans En 18…, Charles évoque une rare édition de « La Bruyère de Michallet, 1687 » (p. 96). Voir aussi Jacques Landrin, « Les Goncourt et La Bruyère », dans lHommage à Jean-Pierre Collinet, Dijon, Éditions universitaires dijonnaises, 1992, p. 193-202, Jeremy Wallace, « Les Goncourt, La Bruyère et lart du portrait », Cahiers Edmond & Jules de Goncourt no 6, 1999, p. 74-94, et Françoise Gevrey, « La Bruyère moraliste : un modèle pour les Goncourt », id., no 15, 2008, p. 25-40.