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Classiques Garnier

Exemples de transposition des sources et commentaires

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Gerart de Roussillon
  • Pages : 639 à 656
  • Collection : Textes littéraires du Moyen Âge, n° 58
  • Série : Mises en prose, n° 8
  • Thème CLIL : 3438 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moyen Age
  • EAN : 9782406101246
  • ISBN : 978-2-406-10124-6
  • ISSN : 2261-0804
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10124-6.p.0639
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 05/05/2021
  • Langue : Français
639

Exemples de transposition
des sources et commentaires

Les deux exemples qui suivent permettront de rendre compte du « grand labeur destude » que l« acteur composeur » a déployé pour « tisser » lhistoire offerte à la lecture. Pratiquant le travail habituel dun remanieur, Wauquelin reconnaît régulièrement la dette contractée vis-à-vis de sources quil suit pas à pas (le Roman en vers, seul, chapitre xxviii, ou Le Roman en vers et la Vita, chapitre cliv) ; il ne se revendique pas comme auteur, comme dans dautres œuvres1, et se contente de livrer son nom à la fin de son œuvre dans un acrostiche2, jeu littéraire déjà utilisé dans Les Faicts et les conquestes dAlexandre le Grand3 ; néanmoins il imprime nettement sa marque personnelle, en proposant un texte dans lequel le souci de clarté soutient à la fois lintention doffrir une leçon de morale politique et lédification du lecteur.

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Transposition des sources

Wauquelin XXVIII, 50-51

Roman en vers, v. 815-886

Comment encore ledit Thiery dArdenne reprist la parolle du roy

A ce mot tuit se coisent mas que li dux dArdene, 815

Amis estoit le roy, savoit sa suer germene

« Ha ! mon tressouverain sires, lui respondy le devant nommé Tiery dArdenne,

Devant touz dit au roy : « Hé, rois ! que vues tu faire ?

pour lamour de Nostre Signeur, regardés premierement lentree de vostre guerre,

qui moult largue sera, mais sans nulle doubte,

se vous prendés bien garde aux extremités et à la fin qui sera moult estroitte,

je cuide que vous ne voz aideriés de rien de vous si tost haster.

Pour Dieu, regardés la grandeur et la noblesse de Gerart de Roussillon,

son gentil affaire,

Girarz est si granz hons et

de si noble affaire,

comment en soustenant son droit il sera de tresgrant entreprise

Si gentis, si poissanz et de si grant amprise

ainchoix que de tel fait vous le aissailliés.

Sans nulle doubte je ne cuide point que il ait cremeur ne doubte

Quam som droit maintenir nul ne doute ne prise. 820

dempereur ne de roy qui soit soubz le firmament,

Souz le firmament na amperere ne roy

[ne je ne cuide point]

Cui Girarz doutoit point le bobant, le desroy ;

quil soit homme en cestui monde qui par force le peuwst getter de sa terre

Il nest nuls qui par sa force le puisse maistrïer.

ne destour ne de bataille nest qui le puist en rien maistriier.

Destour et de bataille traire ne trïer, 824

Se pour ses rutes cops na touz jourz la victoire

Ha ! mon tressouverain sire, plaise vous souvenir comment en sa jonesse,

641

quant il fu fais nouviaulx chevaliers,

il se essaya teriblement sur moy et sur tous mes aidans,

Je lay bien assaié par demonstrance voire,

desquelz vous estiés le princhippal à toute vostre puissance

Tout tom pouoir havoie, tom secours et taÿde,

aveuc toutte la puissance des rois de Libie, dElide

Et de trois poissanz rois de Libye et dElyde, 828

et dAllemaigne

Li bons rois dAlemaingne me fit plusours secours ;

et meisment des Englés, des Escochois et des Puillois, qui tous me aidoient en soustenant

ma querelle,

Ynglois, Escoz, Puillois vindrent vers moy le cours.

et toutteffois, quelque effort que nous euwissions,

Quant ses peres Droons par force de grant guerre

si me bouta son pere hors de ma terre

Me chaça dou pahis et me touly ma terre 832

par layde, force et puissance de son vassellage,

et me tint .VII. ans tous plains malgré moy et les miens en ce dangier

Sept ans la tint touz ploins trestout malgrez mes denz,

que oncques remede ny seuch ne peuch trouver tant que sa volenté du tout en tout fu acomplie

Quar point ne tam douta ne trestouz tes esdanz.

ne vous meismes qui estiés present et feistes tout vostre pooir.

La fut premiers armez Girarz de Rossillom,

Mas, ainsinc comme fuient les petit oisillom 836

Lesprivier, le fuyens pour voir trestuit a somme.

Li jone et li viellart et tuit li vaillent homme.

Les tres plus rudes cops les plus desmesurez

Donoit cis jones hons ; onques dyaubles hurez, 840

642

Quant espart et puis tone, homme ne creventa

Si fort com façoit ces amprés cui il henta.

Or est granz et gros et darmes bien apris.

De tantes granz victoires ha lous haü et pris, 844

Et ancor vit ses peres Droons, li dux vaillanz,

Li prouz et li hardiz, li forz, li assaillanz,

Li preuz des autres preuz, la flors de cortoisie.

Hardemenz lengendra en Prouesce samie 848

Et Vigours la norri tout temps en verselaige,

Voincre estours et batailles lont mis a fin daaige.

Nous sommes jouvancel antre moy et Droom,

Ne trouveras les telx en trestout tom room, 852

Chascuns ha Vixx anz, bien sommes fors danfance

Et bevons auxi bien com chevaliers de France.

Tout soit viellarz Droons, nuls devant li ne dure.

Il fiert si rutes cops par si grant desmesure 856

Quil a crevanté tout chevaul et chevalier,

Ne prise homme vivant le vaillant dun calier.

Bien monstre sa vigour li tres prouz paladins

En Espaigne ou il est contre les Sarradins, 860

643

Lay les desront et tue, il fiert et roille et maille,

Touz ces tue quataint, samblant fait ne lan chaille.

Dou bom pere bon filz issir nature fait,

Pour un bom chevalier un lignaige est refait ; 864

Et si savés bien, [/51] mon treschier sire, que encore vit son pere, le conquerant qui de valleur,

Cis peres et cis filz sont li meilleur dou monde,

de sens et de proesche passe tous hommes selon son eage.

Touz li biens com puet dire en yces .II. habonde ;

Et si cuide de vray savoir que se le pere et le fil se mettent enssamble, comme bien poéz

Nest point appetisie leur poissence et leur force,

savoir que ensi en avenra, nous et vous en serons rompus, mors et destruis,

Mas en trestouz pahis touz jourz croit et anforce. 868

si que, mon tresredoubté seigneur, voeilliés vostre corage amoderer par voye de discretion.

Or te pri, sire rois, pour Dieu quil ne te chaille

Par laquelle y sera pourveu au los de vostre conseil tellement que vous ny recepverés ja blasme,

De toy movoir contre aux pour guerre ou pour bataille ;

car je pensse savoir de vray tant que à la partie de Gerart,

Girarz ta requis droit, toy pri que tu li faces

ou cas quil sera traittiet par voye raisonnable et de justice, que vous en feréz partie de vostre plaisir. »

Et trestouz maltalanz de ton cuer li effaces, 872

Que il ny demourt point damer ne de rancune,

Et, se faire nou vues, garde toy de fortune.

Je nay pas cecy dit pour chose que jamoie

Ne Droom ne Girart ne quamer je les doie, 876

Mas li leaux subjez si doit touz jours voillier

O, quel conseil !

De som tres bom seigneur feaulment consoillier. »

644

O, comment cestui en parlant a monstret la proedommie qui doit estre à conssillier de prince !

« Oëz, ce dïent tuit, commant cis prodons palle,

Commant de tres bon cuer consoille le roy Challe, 880

Regardés comment il a loet le pere et le fil,

Commant il ha löé le filz et puis le pere

quy par si loing temps ont esté ses anemis mortelz.

Qui de tout temps li hont fait guerre si tres amere.

Bien a monstret son sens, sa noblesse et sa proedomie.

Bien monstre sa valeur, son sens et sa noblesse,

Regardés, regardés comment sa raison na blechié lune partie ne lautre

Li temps qui est passez sa raison point ne blece ; 884

et comment il a oublié en parlant les injures passees !

Sadés ha vielle haÿne novelle mort portee,

Em pallant cis prodons la bien antroblïee. »

Pleust à Dieu que tous conssilliers de princes fuissent telz !

Je cuide que la chose en vaulroit mieulx grandement et

eulx meismes nen recepveroient point des griettés que il rechoivent eulx et leurs maistres.

Commentaires

Commentaire : Wauquelin chapitre xxviii, 50-51 (/ Roman en vers v. 815-886).

Après la mort du comte de Sens, Gerard, en vertu du droit daînesse de sa femme a pris possession du comté de Sens, déchaînant la colère du roi, son beau-frère. Leur rivalité se manifeste par des propos violents et des menaces. Charles trouve appui à la cour auprès dennemis de Gerard, notamment les enfants de Thierry dArdenne, qui voient là une

645

occasion de se venger dun passé plus ancien. Charles cependant réunit son conseil avant dagir. Thierry dArdenne dénonce sagement lattitude des deux protagonistes, rappelle la puissance de Gerard et propose de trouver un accord conforme au droit. Tout le conseil partage son avis, ce qui provoque la colère de Charles, qui déclare quil agira comme il lentendra. Thierry reprend la parole.

La rubrique reprend le premier vers de la laisse du texte en vers (v. 813) et laisse de côté une remarque qui lui semble accessoire, la parenté qui lunit à Charles ayant déjà été mentionnée (XXIV). Pour éviter une guerre née dans la précipitation de la colère, sa réponse à Charles reprend, de façon construite et argumentée, les vers du Roman, et termine son discours par un interpellation au roi, absente du Roman, qui dramatise le souvenir des glorieux exploits accomplis par Gerard dès sa jeunesse : malgré la puissance de ses alliés, dont Charles était, Thierry a été chassé de sa terre par le père de Gerard. Sadressant directement au roi (Et si savés bien, comme bien poés savoir) il ajoute, en le prenant à son compte (et si cuide de vray), largument de poids que le souvenir de sa propre expérience vient dévoquer : non seulement Droon surpasse en vaillance ses contemporains, mais le père et le fils ensemble sont une menace inquiétante ; après cet avertissement, il termine son discours par un conseil au roi. Wauquelin clôt son chapitre sur un commentaire personnel et sadresse au lecteur en reprenant les éléments du Roman auquel il ajoute son propre avis.

Wauquelin, dans ce discours bien construit utilise les éléments factuels du Roman, mais il a su leur ménager une articulation claire et une dramatisation efficace, notamment en supprimant une comparaison (v. 836-844) et plus loin lévocation du passé de Droon (v. 847-862), suivie dun commentaire sur lalliance du père et du fils (v. 863-868), et pour finir un commentaire sentencieux (v. 884-886).

Wauquelin CLIV, 348-351

Roman en vers, V. 5441-5500

Vita 1, 2§ 77-82

Les noms daulcunes eglises que monseigneur Gerard et madamme Berte fonderent.

646

Entre ces .XII. nobles eglises et monasteres que fonderent monseigneur

Entre ces doze eglises .II. tres nobles fonderent 5441

§ 77 Siquidem inter alia cenobia duo condiderunt egregia,

Gerard de Roussillon, duc de Bourgongne, et madamme Berte sa femme,

ilz en fonderent .II. tresnobles et tresautentiques.

Lesquelles .II. eglises sur toutes les aultres ilz priserent, honnourerent et enrichirent.

Lesquelx sus toutes autres priserent et amerent 5442

Et fu lune nommee et est encore au jour duy leglise de Verselay

Lune fut Verzelay et lautre fut Poutieres. 5443

videlicet Vercelliacum et Pulteriacum,

Lesquelles .II. eglises ilz garnirent moult richement et noblement de moult de nobles

Mont les garnirent bien de reliques tres chieres, 5444

tum pignoribus sanctorum inibi delatis,

juyaux et reliques saintes et tresdevotes, de rentes et de moult grans et biaulx previleges,

De rentes, de joiaus, de tres biaus privileges,

tum privilegiis Romane libertatis,

dont ceulx qui servent ens esdittes eglises possessent encore jusques au jour duy.

Ce scevent bien ceulx qui repairent en la marce là où les eglises sont fondees.

Ce sevent cil qui sont ancor en ces colleges. 5446

Mont furent bien fondé et plain de grant noblece,

circumquaque nobilia ac celebria.

Or leur doint Dieux faire ovres plaisenz a sa hautece 5448

Et es morz abrigier vuille leur penitence,

Es presenz doint honor, pais, amor et chavance.

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Item ilz en fonderent une ens es fourbours de la cité dAucerre,

A Aucerre tout droit dedanz la suburbie

§ 78 In suburbio quoque Autisiodorensis urbis construxerunt unum,

sicut privilegia eorum produnt,

moult rice

Funderent il auxi une riche abbaÿe, 5452

et moult belle eglise et y mist des moines de lordre saint Benoit,

Puis ne y ot que moingnes si com lor chartres dïent.

mais che sont maintenant canonnes

Or ny ha que chanoingnes qui Dieu servent et prïent ;

Il sont bien aubergier et clous de bone pierre,

et lappell on leglise monseigneur Saint Piere.

Lon appelle le leu a mon seignor saint Pierre. 5456

quod modo quidem canonocorum est, et dicitur ad sanctum Petrum.

Item une aultre en la diocese de Soissons, là où maintenant sont canonnes reguliers

A Soissons orrent lautre chanoingne reguler,

§ 79 Item, aliud in diocesi Suessonica,

Or ny sont mais que clerc et prestre seculer,

itidem canonicorum nunc vero secularium,

et lappell on à Sainte Marie Magdalaine du Mont.

Li leus est appellez a sainte Magdelene

et dicitur ad sanctam Maria

de Monte.

Dou Mont ; cest belle eglise devote et de biens plene. 5460

Item une aultre en Flandres en laquelle a à present moines noirs.

Lautre est assise en Flandres, de moingnes noirs puplee,

§ 80 Item, aliud in Flandria, canonici utique ordinis,

Saint Bertim lapellon, quest de grant renommee.

Il est chose certene que Girarz la fonda

Si bien que lor eglise de touz biens habonda : 5464

Lacteur

648

Il me samble que cest leglise Saint Bertin, qui est situee en le ville de Saint Omer,

et che me appert par ung livret rimet à moy delivré de par mondit tresredoubté seigneur

le duc Phlippe par la grace de Dieu à present duc de Bourgongne, pour quy

et au commandement duquel duquel est ceste histore composee,

non obstant que le latin dist que le nom de ceste eglise luy est de la memore deglacié

cujus quidem nomen ex (a Vita 2) memoria excidit, sed canonicos

illius olim conspeximus affirmantes esse Girardi alumpnos ;

et que de ceste eglise furent jadis portees .II. tresnobles ymages dangeles

de .II. anges ymaiges tres belles et tres chieres

de quo utique monasterio quondam delate sunt Pulteriis effigies angelorum perpulchre due

en leglise de Poultieres,

en furent aportees au couvent de Poutieres,

que on y garde encore au jour duy moult devotement et

Ancor les y gardom en tres grant reverence,

que inibi reverenter servantur.

comme chose tressainte non point faite de oevre domme mais de la vertu divine.

Ce nest pas ovre domme mas de la Dieu poissance, 5468

Surs lautel saint Michiel sunt mises ces ymaiges,

Esgarder les y puelent tuit li foux et li saiges.

Item une moult noble prioré que on appelle Sixte,

Un noble prioré que lon appelle Siste,

649

là où monseigneur Gerard prist son giste a darraine fois quil combati au roy Charle

Quest au dessoz de Senz ou Girarz prist son giste 5472

le Caulve comme dit est, et de ce dient les histores que ce fu le .VIe. fois.

Quant la sexaimme foiz fut Challes desconfiz,

Funda li cuens Girarz por luy et pour son fiz.

Pour quoy saulcun troeve ou scet là où furent faites les aultres batailles il luy plaise

les annexer à ceste oevre, car aultre chose ne men est apparut que ce que jen ay mis.

Et dist listore que Sixte est au desoubs de Sens. Item leglise dAvalon et leglise Saint Jehan dOlivant

Il fonda Avalon et Saint Jeham dOlivant,

qui fu Semur nommez non point du vivant monseigneur Gerard.

Qui Semur fut nommez, non pas a son vivant. 5476

Les aultres monasteres, dist listore, nous sont du tout en tout incongnus pour ce qui sont trop de nous eslongié et

Des autres monasteres ne sai pas les noms dire, 5477

§ 81 Cetera vero monasteria nobis quidem sunt specie (pene Vita2) incognita,

sont les aulcuns en la haulte Bourgongne, les aultres ou realme de France et les aultres en lempire dAlemaigne,

Il en ha ou reaume et san ha en lempire,

Il en ha en Borgoigne toute la plus parfonde,

utpote longe a nobis vel in superiori Burgundia sita,

Se plus mam demandez, querez qui vous responde. 5480

et sont les aulcuns destruis par grant antiquité

Li autre sont destruit par grant antiquitei,

quedam vero, antiquitate ipsorum diruendo,

et les aultres ont mué leurs noms.

Li autre transposei, autre desheritei. 5482

deleta, vel transpositis ordinibus commutata.

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Toutefois le latin en met .XII. en proeve, et que en leveschie de Sens il en y a pluiseurs

En leveschié de Lomgres, dist on, plusurs en ha, 5483

§ 82 Insuper etiam adhuc quedam feruntur in pago Lingonico

mais pour che que rien de certain nen apert, lacteur du latin a eu plus chier à soy taire

Mas cil qui fist mon livre plus ne man assena ; 5484

Et pour ce que des ovres dam Girart et Bertaim

Des nons des monasteres ne truis plus de certain,

ex monasteriis Girardi, sed quoniam inde nil certum nobis elucet,

Auxi com li latins sen doit li rommans taire

Pour ce que lam ny puisse riens trouver de contraire. 5488

maluimus potius conticere

Je mesprendroie trop san disoie paroles

dicelles eglises nommer que dire une chose qui fuist tenue à frivole.

Que lon deüst tenir pour fauxes et frivoles,

quam aliquid frivolum inde presumendo affirmare

Et en ceste partie dist lacteur composeur de ceste histore au commandement de mondit tresredoubté seigneur que au pourpoz des fondations des eglises que fonda monseigneur Gerard de Roussillon il a trouvé sur le pas de listore qui se commenche Gerardus Burgundionum dux, etc. … comme dessus est dit en la consequence de listore aprez aultres choses che qui sensieut Hic comes dictus Gerardus in suo dicto comitatu Nerviensi supple plures ecclesias construxit utputa abbaciam de Lutosa

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comitatu Nerviensi supple plures ecclesias construxit utputa abbaciam de Lutosa. Item ecclesiam Beate Marie Anthogniensis et illuc misit, etc. … cest à dire en franchois « Chis contes nommez Gerard de Roussillon en sa ditte conté de Nerves ou de Burbant fonda, edifia et construisi pluiseurs eglises, premierement comme labbeÿe de Leuse en laquelle il mist ung abbé nommez saint Badillon, confesseur. Item leglise Nostre Damme dAntoing et là mist il comme aulcuns dient le benoit cors monseigneur saint Maxime, evesque. Item leglise Nostre Damme de Condet en laquelle au service de Dieu faire il mist des nonnains et maintenant ce sont chanonnes. Comment la translation sen est faite ne mest encore point apparut. Item leglise Saint Piere de Renais. Item leglise de Roiaulcourt en laquelle il mist le benoit corps monseigneur saint Adrien, mais depuis long tampz aprez Bauduin le conte de Haynnau et de Flandres le fist transporter au monastere de Gerardmont là où il gist au present. Item leglise de Houtaing en laquelle il fist mettre le corps monseigneur saint Quirin le martir, et pluiseurs aultres eglises fist il fonder et faire dont

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listore ne scet les noms. Ensi apperent par lune et par laultre histores.XIII. ou.XIIII. eglises fondees de monseigneur Gerard de Roussillon nommees en la deduction dicelles histores.

Lesquelles tesmongnent que toutes ces eglises

Mas tant puis je bien dire que ces .XII. eglises 5491

furent tresbien fondees et richement assises

Furent tres bien fondees et richement assises 5492

par une tresferme devotion

Et par devotion tres veraie et tres fine.

et ny falli rente, terre ne officine nulle que tout ne fuist fait et parfait

Il ny failloit ne terre ne rente nofficine ;

du tampz de monseigneur Gerard et de madamme Berte,

Se li dux a som temps nul deffaut y sehust,

car se en nulle maniere ilz se fuissent apperchus que aulcune chose il y faulsist,

ilz neussent jamais dormy bon sompne tant quilz leussent fait amender.

Jamais nahust bon somme tant quamendé leüst. 5496

Ens esquelx monasteres faisant et despuis Nostre Seigneur fist de moult biaux miracles

Et si com nous creons, Dieux fist bials miracles

En ces leus endemetres com fist les habitacles,

à lonneur et exaltation du tresdevot monseigneur Gerard, duc de Bourgongne,

et de madamme Berte, sa femme, desquelx miracles nous vous dirons une partie

Bien en porrez oiir une bone partie

ainchois que nous mettons fin à nostre histore.

Ainçois que ma matiere soit toute departie. 5500

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Commentaire : Wauquelin CLIV, 348-351 (/ Roman en vers v. 5441-5500, Vita § 77-824).

Titre : Les noms daulcunes eglises que monseigneur Gerard et madamme Berte fonderent

Wauquelin sintéresse ici aux fondations pieuses de Gerard et de Berte, déjà évoquées dans le chapitre précédent. Plus précis que pour len-tête du chapitre, il rappelle le titre de Gerard et présente avec une certaine emphase Vézelay et Pothières, particulièrement appréciées du couple, amplifiant les éléments laudatifs du Roman, quil suit ici plutôt que la Vita quidonne seulement linformation essentielle concernant ces deux fondations (les privilèges) et nutilise que trois adjectifs assez banals pour les qualifier ; Wauquelin supprime une répétition (v. 5447 qui double le v. 5441), mais également le vœu exprimé aux vers suivants.

Continuant à évoquer les fondations de Gerard, il est beaucoup plus concis que le Roman : il condense les éléments donnés à propos de labbaye dAuxerre, qui se trouvaient également dans la Vita ; mais il est le seul à préciser que les prédécesseurs des actuels chanoines sont des bénédictins. Il na pas retenu la place donnée par le Roman seul aux représentations danges Surs lautel Saint Michel à Pothières (v. 5469).

Curieusement, Wauquelin ne reprend pas certains renseignements donnés aussi bien par la Vita que par le roman, concernant léglise de Soissons, quil sagisse des chanoines (itidem canonicorum nunc vero secularium et v. 5458 : Or ny sont mais que clerc et prestre seculer ; peut-être a-t-il sauté un vers ?) ou du nom de léglise dédiée pour la Vita à sainte Marie-du-Mont, pour le Roman à sainte Magdelene dou Mont, et pour lui à Sainte-Marie-Magdalaine-du-Mont5 (§ 79, v. 5457-5458).

Lintervention de Wauquelin se présentant comme LActeur interrompt lénumération assez sèche qui précède, correspondant plus au style de la Vita quau sien ; la mémoire défaillante de lauteur de la Vita (cujus quidem nomen ex memoria excidit), que Wauquelin traduit textuellementet qui ne se trouve pas dans le Roman pour la bonne raison que lauteur, sans pourtant la situer, est tout à fait affirmatif : Saint Bertin lappellon (v. 5462), rend nécessaire le retour au livret rimet, dautant plus que le latin (dont nous disposons) ne fournit plus que de vagues indications, « préférant se taire puisque rien de certain ne lui est apparu ».

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La précision apportée sur la situation de léglise Saint Bertin il me samble que cest leglise Saint Bertin qui est scituee en le ville de Saint Omer lui permet à la fois de revenir à sa source principale et de rappeler la tâche qui lui a été confiée par son illustre commanditaire, dont il rappelle le nom et le titre comme en écho au fondateur mentionné au début du chapitre. Il est probable cependant quil continue davoir sous les yeux la Vita, comme en témoignent quelques expressions que lon ne trouve pas dans le Roman et qui ne peuvent être fortuites : ainsi quand il se réfère à listore pour parler des aultres monasteres [qui] nous sont du tout en tout incongnus pour ce qui sont trop de nous eslongié … en la haulte Bourgongne (nobis quidem sunt [?] incognita utpote longe a nobis vel in superiori Burgundia sita § 81 / enBorgoigne toute la plus profonde v. 5478-5479… 

Pour mener à bien le travail entrepris, lacteur composeur complète linformation par un passage concernant les fondations déglises de Gerard quil a trouvé dans un livre déjà utilisé qui se commencheGerardus Burgundiorum dux … mais il termine son chapitre en revenant au Roman (v. 5491 sq.).

Ce chapitre est intéressant, car nous voyons Wauquelin aux prises avec ses sources. Il se présente comme lacteur composeur : dans son souci de complétude et dexactitude, il a recours à plusieurs sources : le latin, le livret rimet et listore qui se commenche Gerardus Burgundiorum dux … Il sefforce de préciser les données chaque fois quil le peut : les monastères sont inconnus pour ce qui sont trop de nous eslongié et sont les aulcuns en la haulte Bourgongne, les aultres ou realme de France et les aultres en lempire dAlemaigne … à propos des religieuses de Notre Dame de Condé, remplacées aujourdhui par des chanoines, il précise quil ne connaît pas la date à laquelle le changement sest fait.

Néanmoins la difficulté portant sur le nombre et lidentification des fondations nest pas tranchée : dans le chapitre précédent, il en donne douze, nombre dont la justification se trouve se trouve déjà dans ses sources (Vita § 75, Roman v. 5427, 5429) ; mais quand il suit la troisième source, il en trouve davantage, ce quil explique Ensi apperent par lune et par laultre histores .XIII. ou .XIIII. eglises fondees de monseigneur Gerard de Roussillon nommees en la deduction de listore … Conscient de ses insuffisances, comme dans ses prologues, il na dautre recours que de solliciter toute aide qui pourrait compléter ses propres connaissances, en particulier en ce qui concerne le lieu où se passèrent les batailles dont il na pas le nom.

655

NB) Seul Wauquelin évoque plusieurs fondations dans le diocèse de Sens6 (les autres sources les placent dans le diocèse de Langres) : rien ne permet de savoir sil sagit dune erreur ou si cela répond à une intention particulière.

656

1 « Et se mon nom vous plaist savoir, je suy nommé Jehan Wauquelin… » tout à la fin dans La Manequine, LXIV, 18, p. 223, éd. M. Colombo-Timelli, Paris, Garnier, 2010, ou, avec une certaine emphase, dans le prologue de La Belle Hélène de Constantinople, éd. M-C. de Crécy, Genève, Droz, 2002, Prologue, p. 13, 23 : « je, Jehan Wauquelin … ».

2 CLXXVII, 398 : « Et meisment ceste presente histore tissue comme vous avez oÿ a esté prinse au commandement de mondit tresredoubté seigneur et prinche Phlippe devant nommé en pluiseurs livres et volumes par moy non digne de en estre acteur, duquel sil vous plaist savoir le nom et le sournom vous prenderez les .XV. premieres lettres des .XV. premiers capitles de cestuy present volume qui vous enseigneront mises ensamble la parolle proposee ». Seul Martin Besançon, copiste du manuscrit de Beaune, a commis une erreur, sur laquelle il nest pas revenu, à linitiale du chapitre vi, écrivant Tous au lieu de Vous.

3 Éd. S. Hériché-Pradeau, Genève, Droz, CXXIII, 34-37, p. 573 : « Et se mon nom leur plaist savoir, si prengnent la première lettre de la seconde partie du livre, laquelle est .I. en descendant les lettres capitales jusques a la .XVIIIe. qui est une .N. Et ainsi porront savoir … ».

4 Les éléments soulignés dans le tableau sont ceux qui napparaissent pas dans la Vita 2.

5 A. Longnon, « Girard de Roussillon dans lhistoire », Revue historique, 3, 1878, p. 251.

6 A. Longnon « Girard de Roussillon … », art. cité, p. 251, note 3 ; outre Sixte Girard et Berthe auraient donné à labbaye de Vézelay (en fait à Pothières) les domaines de Villemanoche, de Véron, de Villiers-Louis et du Pêchoir, tous les cinq situés dans le comté de Sens, voir Migne, Patrologia latina, Historia Vizeliacenis monasterii, auctore Hugone Pictavino, vol. 194, 1561, en part. 1563-1564.