Exemples de transposition des sources et commentaires
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Gerart de Roussillon
- Pages : 639 à 656
- Collection : Textes littéraires du Moyen Âge, n° 58
- Série : Mises en prose, n° 8
- Thème CLIL : 3438 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moyen Age
- EAN : 9782406101246
- ISBN : 978-2-406-10124-6
- ISSN : 2261-0804
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10124-6.p.0639
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 05/05/2021
- Langue : Français
Exemples de transposition
des sources et commentaires
Les deux exemples qui suivent permettront de rendre compte du « grand labeur d’estude » que l’« acteur composeur » a déployé pour « tisser » l’histoire offerte à la lecture. Pratiquant le travail habituel d’un remanieur, Wauquelin reconnaît régulièrement la dette contractée vis-à-vis de sources qu’il suit pas à pas (le Roman en vers, seul, chapitre xxviii, ou Le Roman en vers et la Vita, chapitre cliv) ; il ne se revendique pas comme auteur, comme dans d’autres œuvres1, et se contente de livrer son nom à la fin de son œuvre dans un acrostiche2, jeu littéraire déjà utilisé dans Les Faicts et les conquestes d’Alexandre le Grand3 ; néanmoins il imprime nettement sa marque personnelle, en proposant un texte dans lequel le souci de clarté soutient à la fois l’intention d’offrir une leçon de morale politique et l’édification du lecteur.
640Transposition des sources
Wauquelin XXVIII, 50-51 |
Roman en vers, v. 815-886 |
Comment encore ledit Thiery d’Ardenne reprist la parolle du roy |
A ce mot tuit se coisent mas que li dux d’Ardene, 815 |
Amis estoit le roy, s’avoit sa suer germene |
|
« Ha ! mon tressouverain sires, lui respondy le devant nommé Tiery d’Ardenne, |
Devant touz dit au roy : « Hé, rois ! que vues tu faire ? |
pour l’amour de Nostre Signeur, regardés premierement l’entree de vostre guerre, |
|
qui moult largue sera, mais sans nulle doubte, |
|
se vous prendés bien garde aux extremités et à la fin qui sera moult estroitte, |
|
je cuide que vous ne voz aideriés de rien de vous si tost haster. |
|
Pour Dieu, regardés la grandeur et la noblesse de Gerart de Roussillon, son gentil affaire, |
Girarz est si granz hons et de si noble affaire, |
comment en soustenant son droit il sera de tresgrant entreprise |
Si gentis, si poissanz et de si grant amprise |
ainchoix que de tel fait vous le aissailliés. |
|
Sans nulle doubte je ne cuide point que il ait cremeur ne doubte |
Qu’am som droit maintenir nul ne doute ne prise. 820 |
d’empereur ne de roy qui soit soubz le firmament, |
Souz le firmament n’a amperere ne roy |
[ne je ne cuide point] |
Cui Girarz doutoit point le bobant, le desroy ; |
qu’il soit homme en cestui monde qui par force le peuwst getter de sa terre |
Il n’est nuls qui par sa force le puisse maistrïer. |
ne d’estour ne de bataille n’est qui le puist en rien maistriier. |
D’estour et de bataille traire ne trïer, 824 Se pour ses rutes cops n’a touz jourz la victoire |
Ha ! mon tressouverain sire, plaise vous souvenir comment en sa jonesse, |
quant il fu fais nouviaulx chevaliers, |
|
il se essaya teriblement sur moy et sur tous mes aidans, |
Je l’ay bien assaié par demonstrance voire, |
desquelz vous estiés le princhippal à toute vostre puissance |
Tout tom pouoir havoie, tom secours et t’aÿde, |
aveuc toutte la puissance des rois de Libie, d’Elide |
Et de trois poissanz rois de Libye et d’Elyde, 828 |
et d’Allemaigne |
Li bons rois d’Alemaingne me fit plusours secours ; |
et meisment des Englés, des Escochois et des Puillois, qui tous me aidoient en soustenant ma querelle, |
Ynglois, Escoz, Puillois vindrent vers moy le cours. |
et toutteffois, quelque effort que nous euwissions, |
Quant ses peres Droons par force de grant guerre |
si me bouta son pere hors de ma terre |
Me chaça dou pahis et me touly ma terre 832 |
par l’ayde, force et puissance de son vassellage, |
|
et me tint .VII. ans tous plains malgré moy et les miens en ce dangier |
Sept ans la tint touz ploins trestout malgrez mes denz, |
que oncques remede n’y seuch ne peuch trouver tant que sa volenté du tout en tout fu acomplie |
Quar point ne t’am douta ne trestouz tes esdanz. |
ne vous meismes qui estiés present et feistes tout vostre pooir. |
|
La fut premiers armez Girarz de Rossillom, |
|
Mas, ainsinc comme fuient les petit oisillom 836 |
|
L’esprivier, le fuyens pour voir trestuit a somme. |
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Li jone et li viellart et tuit li vaillent homme. |
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Les tres plus rudes cops les plus desmesurez |
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Donoit cis jones hons ; onques dyaubles hurez, 840 |
Quant espart et puis tone, homme ne creventa |
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Si fort com façoit ces amprés cui il henta. |
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Or est granz et gros et d’armes bien apris. |
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De tantes granz victoires ha lous haü et pris, 844 |
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Et ancor vit ses peres Droons, li dux vaillanz, |
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Li prouz et li hardiz, li forz, li assaillanz, |
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Li preuz des autres preuz, la flors de cortoisie. |
|
Hardemenz l’engendra en Prouesce s’amie 848 |
|
Et Vigours l’a norri tout temps en verselaige, |
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Voincre estours et batailles l’ont mis a fin d’aaige. |
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Nous sommes jouvancel antre moy et Droom, |
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Ne trouveras les telx en trestout tom room, 852 |
|
Chascuns ha Vixx anz, bien sommes fors d’anfance |
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Et bevons auxi bien com chevaliers de France. |
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Tout soit viellarz Droons, nuls devant li ne dure. |
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Il fiert si rutes cops par si grant desmesure 856 |
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Qu’il a crevanté tout chevaul et chevalier, |
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Ne prise homme vivant le vaillant d’un calier. |
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Bien monstre sa vigour li tres prouz paladins |
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En Espaigne ou il est contre les Sarradins, 860 |
Lay les desront et tue, il fiert et roille et maille, |
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Touz ces tue qu’ataint, samblant fait ne l’an chaille. |
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Dou bom pere bon filz issir nature fait, |
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Pour un bom chevalier un lignaige est refait ; 864 |
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Et si savés bien, [/51] mon treschier sire, que encore vit son pere, le conquerant qui de valleur, |
Cis peres et cis filz sont li meilleur dou monde, |
de sens et de proesche passe tous hommes selon son eage. |
Touz li biens c’om puet dire en yces .II. habonde ; |
Et si cuide de vray savoir que se le pere et le fil se mettent enssamble, comme bien poéz |
N’est point appetisie leur poissence et leur force, |
savoir que ensi en avenra, nous et vous en serons rompus, mors et destruis, |
Mas en trestouz pahis touz jourz croit et anforce. 868 |
si que, mon tresredoubté seigneur, voeilliés vostre corage amoderer par voye de discretion. |
Or te pri, sire rois, pour Dieu qu’il ne te chaille |
Par laquelle y sera pourveu au los de vostre conseil tellement que vous n’y recepverés ja blasme, |
De toy movoir contre aux pour guerre ou pour bataille ; |
car je pensse savoir de vray tant que à la partie de Gerart, |
Girarz t’a requis droit, toy pri que tu li faces |
ou cas qu’il sera traittiet par voye raisonnable et de justice, que vous en feréz partie de vostre plaisir. » |
Et trestouz maltalanz de ton cuer li effaces, 872 |
Que il n’y demourt point d’amer ne de rancune, |
|
Et, se faire nou vues, garde toy de fortune. |
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Je n’ay pas cecy dit pour chose que j’amoie |
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Ne Droom ne Girart ne qu’amer je les doie, 876 |
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Mas li leaux subjez si doit touz jours voillier |
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O, quel conseil ! |
De som tres bom seigneur feaulment consoillier. » |
O, comment cestui en parlant a monstret la proedommie qui doit estre à conssillier de prince ! |
« Oëz, ce dïent tuit, commant cis prodons palle, |
Commant de tres bon cuer consoille le roy Challe, 880 |
|
Regardés comment il a loet le pere et le fil, |
Commant il ha löé le filz et puis le pere |
quy par si loing temps ont esté ses anemis mortelz. |
Qui de tout temps li hont fait guerre si tres amere. |
Bien a monstret son sens, sa noblesse et sa proedomie. |
Bien monstre sa valeur, son sens et sa noblesse, |
Regardés, regardés comment sa raison n’a blechié l’une partie ne l’autre |
Li temps qui est passez sa raison point ne blece ; 884 |
et comment il a oublié en parlant les injures passees ! |
S’adés ha vielle haÿne novelle mort portee, Em pallant cis prodons l’a bien antr’oblïee. » |
Pleust à Dieu que tous conssilliers de princes fuissent telz ! |
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Je cuide que la chose en vaulroit mieulx grandement et |
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eulx meismes n’en recepveroient point des griettés que il rechoivent eulx et leurs maistres. |
Commentaires
Commentaire : Wauquelin chapitre xxviii, 50-51 (/ Roman en vers v. 815-886).
Après la mort du comte de Sens, Gerard, en vertu du droit d’aînesse de sa femme a pris possession du comté de Sens, déchaînant la colère du roi, son beau-frère. Leur rivalité se manifeste par des propos violents et des menaces. Charles trouve appui à la cour auprès d’ennemis de Gerard, notamment les enfants de Thierry d’Ardenne, qui voient là une
645occasion de se venger d’un passé plus ancien. Charles cependant réunit son conseil avant d’agir. Thierry d’Ardenne dénonce sagement l’attitude des deux protagonistes, rappelle la puissance de Gerard et propose de trouver un accord conforme au droit. Tout le conseil partage son avis, ce qui provoque la colère de Charles, qui déclare qu’il agira comme il l’entendra. Thierry reprend la parole.
La rubrique reprend le premier vers de la laisse du texte en vers (v. 813) et laisse de côté une remarque qui lui semble accessoire, la parenté qui l’unit à Charles ayant déjà été mentionnée (XXIV). Pour éviter une guerre née dans la précipitation de la colère, sa réponse à Charles reprend, de façon construite et argumentée, les vers du Roman, et termine son discours par un interpellation au roi, absente du Roman, qui dramatise le souvenir des glorieux exploits accomplis par Gerard dès sa jeunesse : malgré la puissance de ses alliés, dont Charles était, Thierry a été chassé de sa terre par le père de Gerard. S’adressant directement au roi (Et si savés bien, comme bien poés savoir) il ajoute, en le prenant à son compte (et si cuide de vray), l’argument de poids que le souvenir de sa propre expérience vient d’évoquer : non seulement Droon surpasse en vaillance ses contemporains, mais le père et le fils ensemble sont une menace inquiétante ; après cet avertissement, il termine son discours par un conseil au roi. Wauquelin clôt son chapitre sur un commentaire personnel et s’adresse au lecteur en reprenant les éléments du Roman auquel il ajoute son propre avis.
Wauquelin, dans ce discours bien construit utilise les éléments factuels du Roman, mais il a su leur ménager une articulation claire et une dramatisation efficace, notamment en supprimant une comparaison (v. 836-844) et plus loin l’évocation du passé de Droon (v. 847-862), suivie d’un commentaire sur l’alliance du père et du fils (v. 863-868), et pour finir un commentaire sentencieux (v. 884-886).
Wauquelin CLIV, 348-351 |
Roman en vers, V. 5441-5500 |
Vita 1, 2§ 77-82 |
Les noms d’aulcunes eglises que monseigneur Gerard et madamme Berte fonderent. |
Entre ces .XII. nobles eglises et monasteres que fonderent monseigneur |
Entre ces doze eglises .II. tres nobles fonderent 5441 |
§ 77 Siquidem inter alia cenobia duo condiderunt egregia, |
Gerard de Roussillon, duc de Bourgongne, et madamme Berte sa femme, |
||
ilz en fonderent .II. tresnobles et tresautentiques. |
||
Lesquelles .II. eglises sur toutes les aultres ilz priserent, honnourerent et enrichirent. |
Lesquelx sus toutes autres priserent et amerent 5442 |
|
Et fu l’une nommee et est encore au jour d’uy l’eglise de Verselay |
L’une fut Verzelay et l’autre fut Poutieres. 5443 |
videlicet Vercelliacum et Pulteriacum, |
Lesquelles .II. eglises ilz garnirent moult richement et noblement de moult de nobles |
Mont les garnirent bien de reliques tres chieres, 5444 |
tum pignoribus sanctorum inibi delatis, |
juyaux et reliques saintes et tresdevotes, de rentes et de moult grans et biaulx previleges, |
De rentes, de joiaus, de tres biaus privileges, |
tum privilegiis Romane libertatis, |
dont ceulx qui servent ens esdittes eglises possessent encore jusques au jour d’uy. |
||
Ce scevent bien ceulx qui repairent en la marce là où les eglises sont fondees. |
Ce sevent cil qui sont ancor en ces colleges. 5446 |
|
Mont furent bien fondé et plain de grant noblece, |
circumquaque nobilia ac celebria. |
|
Or leur doint Dieux faire ovres plaisenz a sa hautece 5448 |
||
Et es morz abrigier vuille leur penitence, |
||
Es presenz doint honor, pais, amor et chavance. |
Item ilz en fonderent une ens es fourbours de la cité d’Aucerre, |
A Aucerre tout droit dedanz la suburbie |
§ 78 In suburbio quoque Autisiodorensis urbis construxerunt unum, |
sicut privilegia eorum produnt, |
||
moult rice |
Funderent il auxi une riche abbaÿe, 5452 |
|
et moult belle eglise et y mist des moines de l’ordre saint Benoit, |
Puis ne y ot que moingnes si com lor chartres dïent. |
|
mais che sont maintenant canonnes |
Or n’y ha que chanoingnes qui Dieu servent et prïent ; |
|
Il sont bien aubergier et clous de bone pierre, |
||
et l’appell on l’eglise monseigneur Saint Piere. |
L’on appelle le leu a mon seignor saint Pierre. 5456 |
quod modo quidem canonocorum est, et dicitur ad sanctum Petrum. |
Item une aultre en la diocese de Soissons, là où maintenant sont canonnes reguliers |
A Soissons orrent l’autre chanoingne reguler, |
§ 79 Item, aliud in diocesi Suessonica, |
Or n’y sont mais que clerc et prestre seculer, |
itidem canonicorum nunc vero secularium, |
|
et l’appell on à Sainte Marie Magdalaine du Mont. |
Li leus est appellez a sainte Magdelene |
et dicitur ad sanctam Maria de Monte. |
Dou Mont ; c’est belle eglise devote et de biens plene. 5460 |
||
Item une aultre en Flandres en laquelle a à present moines noirs. |
L’autre est assise en Flandres, de moingnes noirs puplee, |
§ 80 Item, aliud in Flandria, canonici utique ordinis, |
Saint Bertim l’apell’on, qu’est de grant renommee. |
||
Il est chose certene que Girarz la fonda |
||
Si bien que lor eglise de touz biens habonda : 5464 |
||
L’acteur |
Il me samble que c’est l’eglise Saint Bertin, qui est situee en le ville de Saint Omer, |
||
et che me appert par ung livret rimet à moy delivré de par mondit tresredoubté seigneur |
||
le duc Phlippe par la grace de Dieu à present duc de Bourgongne, pour quy |
||
et au commandement duquel duquel est ceste histore composee, |
||
non obstant que le latin dist que le nom de ceste eglise luy est de la memore deglacié |
cujus quidem nomen ex (a Vita 2) memoria excidit, sed canonicos |
|
illius olim conspeximus affirmantes esse Girardi alumpnos ; |
||
et que de ceste eglise furent jadis portees .II. tresnobles ymages d’angeles |
de .II. anges ymaiges tres belles et tres chieres |
de quo utique monasterio quondam delate sunt Pulteriis effigies angelorum perpulchre due |
en l’eglise de Poultieres, |
en furent aportees au couvent de Poutieres, |
|
que on y garde encore au jour d’uy moult devotement et |
Ancor les y gard’om en tres grant reverence, |
que inibi reverenter servantur. |
comme chose tressainte non point faite de oevre d’omme mais de la vertu divine. |
Ce n’est pas ovre d’omme mas de la Dieu poissance, 5468 |
|
Surs l’autel saint Michiel sunt mises ces ymaiges, |
||
Esgarder les y puelent tuit li foux et li saiges. |
||
Item une moult noble prioré que on appelle Sixte, |
Un noble prioré que l’on appelle Siste, |
là où monseigneur Gerard prist son giste a darraine fois qu’il combati au roy Charle |
Qu’est au dessoz de Senz ou Girarz prist son giste 5472 |
|
le Caulve comme dit est, et de ce dient les histores que ce fu le .VIe. fois. |
Quant la sexaimme foiz fut Challes desconfiz, |
|
Funda li cuens Girarz por luy et pour son fiz. |
||
Pour quoy s’aulcun troeve ou scet là où furent faites les aultres batailles il luy plaise |
||
les annexer à ceste oevre, car aultre chose ne m’en est apparut que ce que j’en ay mis. |
||
Et dist l’istore que Sixte est au desoubs de Sens. Item l’eglise d’Avalon et l’eglise Saint Jehan d’Olivant |
Il fonda Avalon et Saint Jeham d’Olivant, |
|
qui fu Semur nommez non point du vivant monseigneur Gerard. |
Qui Semur fut nommez, non pas a son vivant. 5476 |
|
Les aultres monasteres, dist l’istore, nous sont du tout en tout incongnus pour ce qu’i sont trop de nous eslongié et |
Des autres monasteres ne sai pas les noms dire, 5477 |
§ 81 Cetera vero monasteria nobis quidem sunt specie (pene Vita2) incognita, |
sont les aulcuns en la haulte Bourgongne, les aultres ou realme de France et les aultres en l’empire d’Alemaigne, |
Il en ha ou reaume et s’an ha en l’empire, Il en ha en Borgoigne toute la plus parfonde, |
utpote longe a nobis vel in superiori Burgundia sita, |
Se plus m’am demandez, querez qui vous responde. 5480 |
||
et sont les aulcuns destruis par grant antiquité |
Li autre sont destruit par grant antiquitei, |
quedam vero, antiquitate ipsorum diruendo, |
et les aultres ont mué leurs noms. |
Li autre transposei, autre desheritei. 5482 |
deleta, vel transpositis ordinibus commutata. |
Toutefois le latin en met .XII. en proeve, et que en l’eveschie de Sens il en y a pluiseurs |
En l’eveschié de Lomgres, dist on, plusurs en ha, 5483 |
§ 82 Insuper etiam adhuc quedam feruntur in pago Lingonico |
mais pour che que rien de certain n’en apert, l’acteur du latin a eu plus chier à soy taire |
Mas cil qui fist mon livre plus ne m’an assena ; 5484 |
|
Et pour ce que des ovres dam Girart et Bertaim |
||
Des nons des monasteres ne truis plus de certain, |
ex monasteriis Girardi, sed quoniam inde nil certum nobis elucet, |
|
Auxi com li latins s’en doit li rommans taire Pour ce que l’am n’y puisse riens trouver de contraire. 5488 |
maluimus potius conticere |
|
Je mesprendroie trop s’an disoie paroles |
||
d’icelles eglises nommer que dire une chose qui fuist tenue à frivole. |
Que l’on deüst tenir pour fauxes et frivoles, |
quam aliquid frivolum inde presumendo affirmare |
Et en ceste partie dist l’acteur composeur de ceste histore au commandement de mondit tresredoubté seigneur que au pourpoz des fondations des eglises que fonda monseigneur Gerard de Roussillon il a trouvé sur le pas de l’istore qui se commenche Gerardus Burgundionum dux, etc. … comme dessus est dit en la consequence de l’istore aprez aultres choses che qui s’ensieut Hic comes dictus Gerardus in suo dicto comitatu Nerviensi supple plures ecclesias construxit utputa abbaciam de Lutosa |
comitatu Nerviensi supple plures ecclesias construxit utputa abbaciam de Lutosa. Item ecclesiam Beate Marie Anthogniensis et illuc misit, etc. … c’est à dire en franchois « Chis contes nommez Gerard de Roussillon en sa ditte conté de Nerves ou de Burbant fonda, edifia et construisi pluiseurs eglises, premierement comme l’abbeÿe de Leuse en laquelle il mist ung abbé nommez saint Badillon, confesseur. Item l’eglise Nostre Damme d’Antoing et là mist il comme aulcuns dient le benoit cors monseigneur saint Maxime, evesque. Item l’eglise Nostre Damme de Condet en laquelle au service de Dieu faire il mist des nonnains et maintenant ce sont chanonnes. Comment la translation s’en est faite ne m’est encore point apparut. Item l’eglise Saint Piere de Renais. Item l’eglise de Roiaulcourt en laquelle il mist le benoit corps monseigneur saint Adrien, mais depuis long tampz aprez Bauduin le conte de Haynnau et de Flandres le fist transporter au monastere de Gerardmont là où il gist au present. Item l’eglise de Houtaing en laquelle il fist mettre le corps monseigneur saint Quirin le martir, et pluiseurs aultres eglises fist il fonder et faire dont |
l’istore ne scet les noms. Ensi apperent par l’une et par l’aultre histores.XIII. ou.XIIII. eglises fondees de monseigneur Gerard de Roussillon nommees en la deduction d’icelles histores. |
||
Lesquelles tesmongnent que toutes ces eglises |
Mas tant puis je bien dire que ces .XII. eglises 5491 |
|
furent tresbien fondees et richement assises |
Furent tres bien fondees et richement assises 5492 |
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par une tresferme devotion |
Et par devotion tres veraie et tres fine. |
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et n’y falli rente, terre ne officine nulle que tout ne fuist fait et parfait |
Il n’y failloit ne terre ne rente n’officine ; |
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du tampz de monseigneur Gerard et de madamme Berte, |
Se li dux a som temps nul deffaut y sehust, |
|
car se en nulle maniere ilz se fuissent apperchus que aulcune chose il y faulsist, |
||
ilz n’eussent jamais dormy bon sompne tant qu’ilz l’eussent fait amender. |
Jamais n’ahust bon somme tant qu’amendé l’eüst. 5496 |
|
Ens esquelx monasteres faisant et despuis Nostre Seigneur fist de moult biaux miracles |
Et si com nous creons, Dieux fist bials miracles |
|
En ces leus endemetres c’om fist les habitacles, |
||
à l’onneur et exaltation du tresdevot monseigneur Gerard, duc de Bourgongne, |
||
et de madamme Berte, sa femme, desquelx miracles nous vous dirons une partie |
Bien en porrez oiir une bone partie |
|
ainchois que nous mettons fin à nostre histore. |
Ainçois que ma matiere soit toute departie. 5500 |
Commentaire : Wauquelin CLIV, 348-351 (/ Roman en vers v. 5441-5500, Vita § 77-824).
Titre : Les noms d’aulcunes eglises que monseigneur Gerard et madamme Berte fonderent
Wauquelin s’intéresse ici aux fondations pieuses de Gerard et de Berte, déjà évoquées dans le chapitre précédent. Plus précis que pour l’en-tête du chapitre, il rappelle le titre de Gerard et présente avec une certaine emphase Vézelay et Pothières, particulièrement appréciées du couple, amplifiant les éléments laudatifs du Roman, qu’il suit ici plutôt que la Vita quidonne seulement l’information essentielle concernant ces deux fondations (les privilèges) et n’utilise que trois adjectifs assez banals pour les qualifier ; Wauquelin supprime une répétition (v. 5447 qui double le v. 5441), mais également le vœu exprimé aux vers suivants.
Continuant à évoquer les fondations de Gerard, il est beaucoup plus concis que le Roman : il condense les éléments donnés à propos de l’abbaye d’Auxerre, qui se trouvaient également dans la Vita ; mais il est le seul à préciser que les prédécesseurs des actuels chanoines sont des bénédictins. Il n’a pas retenu la place donnée par le Roman seul aux représentations d’anges Surs l’autel Saint Michel à Pothières (v. 5469).
Curieusement, Wauquelin ne reprend pas certains renseignements donnés aussi bien par la Vita que par le roman, concernant l’église de Soissons, qu’il s’agisse des chanoines (itidem canonicorum nunc vero secularium et v. 5458 : Or n’y sont mais que clerc et prestre seculer ; peut-être a-t-il sauté un vers ?) ou du nom de l’église dédiée pour la Vita à sainte Marie-du-Mont, pour le Roman à sainte Magdelene dou Mont, et pour lui à Sainte-Marie-Magdalaine-du-Mont5 (§ 79, v. 5457-5458).
L’intervention de Wauquelin se présentant comme L’Acteur interrompt l’énumération assez sèche qui précède, correspondant plus au style de la Vita qu’au sien ; la mémoire défaillante de l’auteur de la Vita (cujus quidem nomen ex memoria excidit), que Wauquelin traduit textuellementet qui ne se trouve pas dans le Roman pour la bonne raison que l’auteur, sans pourtant la situer, est tout à fait affirmatif : Saint Bertin l’appellon (v. 5462), rend nécessaire le retour au livret rimet, d’autant plus que le latin (dont nous disposons) ne fournit plus que de vagues indications, « préférant se taire puisque rien de certain ne lui est apparu ».
654La précision apportée sur la situation de l’église Saint Bertin il me samble que c’est l’eglise Saint Bertin qui est scituee en le ville de Saint Omer lui permet à la fois de revenir à sa source principale et de rappeler la tâche qui lui a été confiée par son illustre commanditaire, dont il rappelle le nom et le titre comme en écho au fondateur mentionné au début du chapitre. Il est probable cependant qu’il continue d’avoir sous les yeux la Vita, comme en témoignent quelques expressions que l’on ne trouve pas dans le Roman et qui ne peuvent être fortuites : ainsi quand il se réfère à l’istore pour parler des aultres monasteres [qui] nous sont du tout en tout incongnus pour ce qu’i sont trop de nous eslongié … en la haulte Bourgongne (nobis quidem sunt [?] incognita utpote longe a nobis vel in superiori Burgundia sita § 81 / enBorgoigne toute la plus profonde v. 5478-5479…
Pour mener à bien le travail entrepris, l’acteur composeur complète l’information par un passage concernant les fondations d’églises de Gerard qu’il a trouvé dans un livre déjà utilisé qui se commencheGerardus Burgundiorum dux … mais il termine son chapitre en revenant au Roman (v. 5491 sq.).
Ce chapitre est intéressant, car nous voyons Wauquelin aux prises avec ses sources. Il se présente comme l’acteur composeur : dans son souci de complétude et d’exactitude, il a recours à plusieurs sources : le latin, le livret rimet et l’istore qui se commenche Gerardus Burgundiorum dux … Il s’efforce de préciser les données chaque fois qu’il le peut : les monastères sont inconnus pour ce qu’i sont trop de nous eslongié et sont les aulcuns en la haulte Bourgongne, les aultres ou realme de France et les aultres en l’empire d’Alemaigne … à propos des religieuses de Notre Dame de Condé, remplacées aujourd’hui par des chanoines, il précise qu’il ne connaît pas la date à laquelle le changement s’est fait.
Néanmoins la difficulté portant sur le nombre et l’identification des fondations n’est pas tranchée : dans le chapitre précédent, il en donne douze, nombre dont la justification se trouve se trouve déjà dans ses sources (Vita § 75, Roman v. 5427, 5429) ; mais quand il suit la troisième source, il en trouve davantage, ce qu’il explique Ensi apperent par l’une et par l’aultre histores .XIII. ou .XIIII. eglises fondees de monseigneur Gerard de Roussillon nommees en la deduction de l’istore … Conscient de ses insuffisances, comme dans ses prologues, il n’a d’autre recours que de solliciter toute aide qui pourrait compléter ses propres connaissances, en particulier en ce qui concerne le lieu où se passèrent les batailles dont il n’a pas le nom.
655NB) Seul Wauquelin évoque plusieurs fondations dans le diocèse de Sens6 (les autres sources les placent dans le diocèse de Langres) : rien ne permet de savoir s’il s’agit d’une erreur ou si cela répond à une intention particulière.
6561 « Et se mon nom vous plaist savoir, je suy nommé Jehan Wauquelin… » tout à la fin dans La Manequine, LXIV, 18, p. 223, éd. M. Colombo-Timelli, Paris, Garnier, 2010, ou, avec une certaine emphase, dans le prologue de La Belle Hélène de Constantinople, éd. M-C. de Crécy, Genève, Droz, 2002, Prologue, p. 13, 23 : « je, Jehan Wauquelin … ».
2 CLXXVII, 398 : « Et meisment ceste presente histore tissue comme vous avez oÿ a esté prinse au commandement de mondit tresredoubté seigneur et prinche Phlippe devant nommé en pluiseurs livres et volumes par moy non digne de en estre acteur, duquel s’il vous plaist savoir le nom et le sournom vous prenderez les .XV. premieres lettres des .XV. premiers capitles de cestuy present volume qui vous enseigneront mises ensamble la parolle proposee ». Seul Martin Besançon, copiste du manuscrit de Beaune, a commis une erreur, sur laquelle il n’est pas revenu, à l’initiale du chapitre vi, écrivant Tous au lieu de Vous.
3 Éd. S. Hériché-Pradeau, Genève, Droz, CXXIII, 34-37, p. 573 : « Et se mon nom leur plaist savoir, si prengnent la première lettre de la seconde partie du livre, laquelle est .I. en descendant les lettres capitales jusques a la .XVIIIe. qui est une .N. Et ainsi porront savoir … ».
4 Les éléments soulignés dans le tableau sont ceux qui n’apparaissent pas dans la Vita 2.
5 A. Longnon, « Girard de Roussillon dans l’histoire », Revue historique, 3, 1878, p. 251.
6 A. Longnon « Girard de Roussillon … », art. cité, p. 251, note 3 ; outre Sixte Girard et Berthe auraient donné à l’abbaye de Vézelay (en fait à Pothières) les domaines de Villemanoche, de Véron, de Villiers-Louis et du Pêchoir, tous les cinq situés dans le comté de Sens, voir Migne, Patrologia latina, Historia Vizeliacenis monasterii, auctore Hugone Pictavino, vol. 194, 1561, en part. 1563-1564.