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Classiques Garnier

Avant-propos

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Gascon et français chez les Israélites d’Aquitaine. Documents et inventaire lexical
  • Pages : 13 à 14
  • Collection : Travaux de lexicographie, n° 2
  • Thème CLIL : 3151 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Linguistique, Sciences du langage -- Lexicologie, pragmatique lexicale, sémantique
  • EAN : 9782406072980
  • ISBN : 978-2-406-07298-0
  • ISSN : 2556-7578
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07298-0.p.0013
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 03/12/2018
  • Langue : Français
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Avant-propos

La variété que le présent travail se propose de décrire nappartient à proprement parler à aucune des catégories servant communément à qualifier la variation linguistique en français. Elle nest pas régionale ni vraiment diatopique, car, de ses deux épicentres, urbains, de Bordeaux et Bayonne, seule une infime partie de la population en est locutrice. Elle nest pas non plus religieuse, quoique parlée principalement par des descendants dIsraélites, puisquelle nest connue que dune infime partie des tenants de la religion juive en France. Et pour cause : parlée par quelques dizaines de personnes disséminées par-delà le pays, elle demeure comme le partage dun vestige de communauté que plus rien ne semble unir. Or, cest peut-être à cela que tient son existence, chacun des locuteurs sestimant le dernier ou presque à pouvoir garder vif le foyer de cet héritage, foyer si ténu quil en est passé longtemps inaperçu.

Cette variété peut pourtant prétendre à bon droit à la qualité de lun des plus intéressants états de langue aujourdhui parlés en France. Puisant à la source de plus dune dizaine de langues pourvoyeuses en emprunts de toute nature, elle est illustrée par des usages tout aussi divers : cryptolaliques, plaisants, rituels… Toutes caractéristiques qui rendent ardue létude dun particularisme.

Notre étude se veut, autant que possible, historique, dans le sens où nous entendons replacer lactuel parler français de ceux que nous appellerons, par commodité, les Israélites aquitains, dans la succession des états de langue antérieurs qui ont été leurs et quil est possible dappréhender grâce à des vestiges livrés par des témoignages oraux et écrits. Peut-être la langue pourra-t-elle alors confirmer, préciser ou éclairer certains points de lhistoire de ses locuteurs. Tout au moins de leur identité : ici plus quailleurs, les représentations linguistiques se confondent avec les identitaires. Lon parle « comme ça » non seulement parce quon est lun des « Juifs portugais », mais surtout pour lêtre et se signaler comme tel à ses semblables. On se constitue membre de la 14communauté, en se constituant, entre soi, communauté religieuse, et donc linguistique. Le particularisme naît de la nécessité de se singulariser. Mais aujourdhui, des singularités qui formaient la culture, ou, osons-le, la civilisation des Israélites de rite hispano-portugais ou séphardi de Bordeaux et de Bayonne, ne restent que ces témoins, si subjectifs, que sont les mots.

Si l œuvre du philologue est souvent le fruit d un labeur solitaire, celle du linguiste doit autant à son œuvre qu au dévouement et au temps que lui consacrent ses informateurs. Qu il nous soit permis de les remercier tous ici, trop brièvement hélas, et en particulier M. Gilbert Moïse Léon, auquel va ma reconnaissance infinie, son épouse M me Léon, née Dalmeyda, et enfin tous ceux dont le concours, quel qu il fût, a permis à ce travail de prendre forme.