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Classiques Garnier

Résumés

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : Frontières et limites de la littérature fantastique
  • Pages : 493 à 500
  • Collection : Rencontres, n° 441
  • Série : Études dix-neuviémistes, n° 47
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406098973
  • ISBN : 978-2-406-09897-3
  • ISSN : 2261-1851
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09897-3.p.0493
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 17/06/2020
  • Langue : Français
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Résumés

Patrick Marot, « Le fantastique, un paysage à redessiner ? Quelques propositions théoriques »

La littérature « fantastique » a fait lobjet dun processus dessentialisation qui en a paradoxalement brouillé la notion : considérée comme un bloc (genre, registre) poétiquement homogène – selon les critères de la construction textuelle ou ceux de la perception esthétique (peur, « inquiétante étrangeté ») –, elle sest vue amputer de la complexité et de la variété de ses contextes, historiquement variables, et de laptitude de ses poétiques à questionner les questionnements mêmes de leurs temps.

Jean Bessière, « Que le fantastique et le réalisme sont mutuellement hérétiques et, par-là, également pertinents. Notes sur la pertinence paradoxale du récit fantastique et ses indications des limites que doit observer le discours littéraire »

Le récit fantastique occidental moderne apparaît comme la propédeutique la plus certaine de la reconnaissance et de la représentation du familier et de lordinaire. Celles-ci ne sont jamais assurées, non pas parce quelles seraient placées sous le risque de létrange ou de lirréel, mais parce que dire le sujet humain, le réel et lordinaire est un exercice paradoxal dont le récit fantastique montre les données constitutives et les limites – au regard du langage, du monde et de lhomme même.

Baldine Saint-Girons, « Lombre et limage spéculaire. Interprétation fantastique et construction symbolique de Chamisso à Hoffmann »

Quels sont les partages de pouvoir entre ombre portée et image spéculaire ? Si lombre fait lobjet détudes rigoureuses, elle appartient largement au fantastique ; et elle en est devenue lemblème avec LHistoire merveilleuse de Peter Schlemihl, ou Lhomme qui a vendu son ombre. Tel nest pas le cas de limage 494spéculaire. Ainsi Hoffmann rencontre-t-il de grandes difficultés lorsque, sur la foulée de Chamisso, il tente de décrire lhomme qui a perdu non pas son ombre, mais son image spéculaire.

Michel Viegnes, « Géométries dans limpossible. Cauchemars formels dans la littérature fantastique »

La géométrie euclidienne à trois dimensions constitue lun des fondements majeurs du sens de la réalité propre à la culture occidentale. Remettre en cause ce socle du rapport à lespace est un défi radical que lancent plusieurs auteurs fantastiques tels que Lovecraft, Borgès et Charlotte Perkins Gilman. Tout en mentionnant quelques exemples dans dautres media, cet article se concentre sur les modalités littéraires de cette mimesis impossible dune spatialité aberrante – et terrifiante.

Marguerite Champeaux-Rousselot, « Le fantastique et le mythique dans lAntiquité grecque. Autour dApollon et de Python »

Notre Fantastique dincertitude est presque absent des récits grecs antiques concernant du surnaturel. Une fois que la ferveur des croyants et leur utilité sociale les avaient validés, croyants et incroyants en constataient des versions différentes, dues au fait, reconnu, que les auteurs tentaient dy traduire du divin en utilisant leur phantastikè (capacité de mettre en image). Le mûthos savère avoir été le point de jonction dune vérité entre réel naturel, réel surnaturel et réel imaginé.

Christophe Cusset, « Les Argonautiques dApollonios de Rhodes et la limite entre merveilleux et fantastique »

La question de la limite entre le merveilleux et le fantastique ne se pose sans doute pas en ces termes pour Apollonios de Rhodes. Toutefois, lorsquil rédige son épopée des Argonautiques au iiie siècle av. J.-C., il manifeste une volonté claire de transformer lécriture épique héritée dHomère. Il expérimente ainsi de multiples formes de renouvellement sur le plan de la forme, et repense en termes dincertitudes – entre merveilleux et fantastique – les rapports entre les dieux et les hommes.

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Pierre Glaudes, « Fantastique et incompréhensible dans LEnsorcelée de Barbey dAurevilly »

LEnsorcelée de Barbey dAurevilly révèle un aspect atypique du fantastique de la seconde moitié du xixe siècle, dans la mesure où ce roman se donne à lire selon les clés dune herméneutique théologique. Dieu et le diable sont les acteurs dun conflit où lHistoire donne à lire ses enjeux métaphysiques, le récit laissant les hommes devant les incertitudes du déchiffrement de forces qui les dépassent.

Lydie Parisse, « De Bloy à Borges. Une théologie fantastique »

Lidée dune théologie fantastique, telle que la théorise Borges à partir de ses lectures de lœuvre de Léon Bloy, fait de la théologie un domaine de limaginaire. Ce mode de lecture moderne, Bloy la pratiquait à partir de sa lecture des spirituels et des visionnaires, afin dinquiéter le lecteur en proposant un autre mode de lecture du réel, en le confrontant à une forme deffroi. Le dogme devient alors le lieu du fantastique. Borges va plus loin en mêlant inquiétante étrangeté et théologie négative.

Paolo Tortonese, « Fantastique et pathologie »

La maladie mentale intervient dans les récits fantastiques comme lune des explications possibles dun phénomène extraordinaire, sinsérant dans le cadre problématique où saffrontent la rationalité et lirrationnel. Fait-elle pencher le lecteur plutôt vers la rationalisation ou bien vers lacceptation de linexplicable ? Larticle de Paolo Tortonese cherche à donner une réponse nuancée à cette question.

Michael Bernsen, « LOrient, territoire du fantastique »

Larticle dessine une ligne historique de la perception du fantastique oriental en Occident commençant par un moment crucial de lAncien Testament, la danse autour du veau dor. Des stations importantes de cette préoccupation sont le Roman dAlexandre et la Lettre du Prêtre Jean au moyen-âge. Larticle aboutit sur une analyse de la nouvelle Sarrasine de Balzac qui soulève des questions épistémologiques fondamentales de lOccident à travers un fantastique oriental.

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Fabrice Chassot, « Pensée et crainte du fantastique au début du xviiie siècle »

Pourquoi une si frêle littérature fantastique à lâge classique, quand les conditions étaient réunies pour son émergence ? Comme en témoignent Fontenelle et Malebranche, lépoque refuse lémotion fantastique, par crainte de ses pouvoirs. Celle-ci est le revers dune raison qui mesure ses limites et sa faiblesse : lhomme aime céder à leffroi du mystère. Quand la littérature touche au fantastique, cest pour décrire létrangeté de notre esprit : ainsi, LInfortuné Napolitain.

Michel Delon, « Sade ou les droits de lextraordinaire »

Sade fait subir de discrètes transformations aux anecdotes quil emprunte aux Lettres historiques et galantes de Mme Dunoyer et quil sapproprie dans ses propres contes. Il y récuse toute rationalité qui prendrait la forme dune loi, toute règle qui limiterait lêtre humain dans ses désirs. Il rétablit les droits ou privilèges de lextraordinaire. Ses revenants et ses monstres ont partie liée avec les « fantômes » quil accuse ses emprisonneurs de lui avoir fait formés dans sa solitude.

Fabienne Bercegol, « Les fantômes de Chateaubriand »

Cet article montre que, même si Chateaubriand nest dordinaire pas rangé parmi les écrivains qui ont pratiqué et apprécié la littérature fantastique, il nen a pas moins beaucoup convoqué les fantômes dans toute son œuvre, et dans des registres très variés, du romanesque terrifiant de ses débuts à la méditation mélancolique sur les fins de règne qui envahit les Mémoires doutre-tombe. Il fait également la lumière sur les enjeux religieux du recours au fantôme, érigé en génie du paganisme.

Marine Le Bail, « La figure du bibliophile à lépreuve du fantastique au xixe siècle »

Lorsquon lit les fictions qui thématisent, au xixe siècle, la question de la bibliophilie, on saperçoit quun nombre non négligeable dentre elles, majoritairement des contes ou des nouvelles, se rattachent plus ou moins explicitement à la mouvance du récit fantastique, qui connaît alors un essor considérable. Cette étude vise à interroger le déploiement dun fantastique réflexif et intériorisé à travers les récits bibliophiliques de Charles Nodier, Charles Asselineau, et Octave Uzanne.

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Helmut Meter, « Vers un fantastique du xxe siècle. Trois contes atypiques dÉmile Zola, Luigi Pirandello et Thomas Mann »

Trois contes fantastiques de Zola, Pirandello et Thomas Mann sont analysés pour circonscrire les orientations du genre au seuil du xxe siècle. Il en résulte limpossibilité de séparer une sphère de réalité présomptive davec une autre de qualité fantastique. La fusion des sphères est monnaie courante et en même temps la base inéluctable de lécriture fictionnelle. Cest Mann qui trouve une formule heureuse pour caractériser cette intersection continue : « Tout doit être suspendu en lair… »

Beatrice Laghezza, « “Un désir dabsolu”. Le fantastique gnoséologique de Paola Masino »

Cette étude aborde, dans un premier temps, la question de la spécificité du fantastique italien, en sinterrogeant sur des aspects tels que sa dépendance du canon européen, les phénomènes de maniérisme, son rapport étroit avec les avant-gardes, son recours à une allégorie gnoséologique. À la lumière de ces éléments, et dans un second temps, nous examinons la contribution de lécrivain Paola Masino (1908-1989) à lhistoire du fantastique italien.

Hélène Laplace-Claverie, « Du féérique. Essai de théorisation dun concept aux confins du merveilleux et du fantastique »

Pour échapper à la traditionnelle et souvent stérile opposition entre fantastique et merveilleux, il pourrait être intéressant de proposer un troisième terme venu de lunivers théâtral, le féerique. Ce dernier, quoique dérivé dun genre dramatique très prisé au xixe siècle, devient au siècle suivant un concept fécond bien au-delà du domaine des arts du spectacle. Sorte de merveilleux déniaisé, le féerique ne saurait pour autant être assimilé au fantastique.

Angela Fabris, « La construction du fantastique dans Lîle de la raison ou les petits hommes de Marivaux »

En se fondant sur lillusion scénique et sur la simulation, le théâtre est un terrain de confrontation privilégié pour mettre à lépreuve les constructions du fantastique encore en phase de définition et ses premiers effets au cours du xviiie siècle. Dans la comédie lÎle de la raison ou Les petites hommes de 498Marivaux (1727), la construction dune altérité fantastique et la miniaturisation de lêtre humain comme critique sociale annoncent de futurs scénarios du fantastique.

Philippe Chométy, « Visions, fantaisies et imaginations. Aspects du fantastique dans la poésie du xviie siecle »

Caractériser un « fantastique » propre à la poésie du xviie siècle exige des précautions méthodologiques et lexicologiques, que ne résout que partiellement la notion de « baroque fantastique ». Laffaiblissement au cours du siècle de lévocation des dérèglements de limagination correspond à un changement de paradigme à loccasion duquel se sont vues discréditées les délices liées à la fantaisie et à lécriture de lexcès, et abandonnée la foi en la force magique des mots.

Marie-Catherine Huet-Brichard, « Quand le fantastique hante les terres de la poésie. Les Contemplations de Victor Hugo »

Pour Tzvetan Todorov, le fantastique et la poésie sexcluent lun lautre. Pourtant, dans son recueil Les Contemplations, Victor Hugo tente de mettre en communication lici-bas et lau-delà et de faire surgir une autre dimension de la réalité. Cette expérience, pour se réaliser, se fonde sur une poétique singulière et exige entre lauteur et le lecteur une relation privilégiée. La stratégie et la logique mises en œuvre dans le recueil ne sont pas sans parenté avec celles du récit fantastique.

Michela Landi, « Le fantastique en scène. Surnaturalisme, ironie et musique chez Balzac »

On se propose dune part de montrer les traits marquants du fantastique à la française qui, chez Balzac rivalisant avec Hoffmann, privilégie le dépaysement culturel, dautre part danalyser la démarche ironique balzacienne qui vise, par le pastiche stylistique, le pathétique musical de lopéra romantique. Lespace scénique constitue alors lencadrement fictionnel permettant à lauteur de dénoncer les prétentions métaphysiques de la musique.

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Sylvie Vignes, « Les dix vies dUrsula Todd. Life after life de Kate Atkinson »

Life after life fait subir un infléchissement particulier au thème de la chance de « replay » (Ken Grimwood) donnée à un individu après son décès. Poreux au rêve et accueillant aux parts dombre de la psyché, ce roman fantastique à base réaliste et historique ne vise pas à élaborer une brillante théorie sur le Temps, et cultive létrangeté sans susciter une véritable inquiétude, Kate Atkinson choisissant dentourer récit et spéculations dun halo de flou humoristique et poétique.

Martina Meidl, « Le Temps mort de René Belletto comme expression du fantastique (post)moderne »

Selon Belletto, les récits de Le Temps mort (prix Jean Ray 1974) doivent être considérés comme « expression du fantastique moderne ». En effet, le recueil se rattache à plusieurs traditions du conte fantastique des trois décennies qui précèdent : ainsi le néo-fantastique de Borges, avec lequel Belletto partage lintérêt pour la métaphysique du temps, une forte présence de stratégies métafictionnelles « postmodernes » (dense intertextualité, rôle éminent de la métalepse, fragmentation de lindividu).

Denis Mellier, « De la simplification. Les imaginaires radicaux de la communauté (science-fiction, fantastique, épouvante) »

Les récits post-apocalyptiques inventent des configurations radicales grâce auxquelles le fantastique, lhorreur ou la science-fiction interrogent les communautés tentant de survivre selon les conditions de précarité de leur nouveau milieu. Un grand effet de « simplification » ramène alors à lorigine même des liens, interrogeant, dans lhorreur de la fiction du zombie, comme dans les déserts et les ruines de lAprès, ce qui est encore susceptible de faire communauté humaine et projet collectif.

Isabelle Rachel Casta, « Quand se sont tus les chiens dOdessa… Sérialité fantastique : aporie féconde, ou recyclage permanent ? »

La sérialité fantastique se donne les moyens déclairer les arrière-mondes complexes de sous-genres qui, héritiers parfois paradoxaux des œuvres noires et du courant gothique, sadressent à une toute autre réception, marquée par 500la juvénilisation et par la prééminence dun public féminin qui souhaite que se conjuguent les codes du fantastique et ceux du mélodrame amoureux. Sy joue une réflexion anthropologique et politique sur notre contrat social, et sur la définition même de lhumanitas.