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Classiques Garnier

Musset, du Second Empire à la Troisième République

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : Fortunes de Musset
  • Auteur : Lestringant (Frank)
  • Pages : 7 à 23
  • Collection : Rencontres, n° 5
  • Série : Études dix-neuviémistes, n° 5
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782812439322
  • ISBN : 978-2-8124-3932-2
  • ISSN : 2261-1851
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3932-2.p.0007
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 19/12/2011
  • Langue : Français
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Musset, du Second Empire
à la Troisième République

Élu à l’Académie-française le 12 février 1852, Musset fut reçu sous la coupole le 27 mai. Barbey d’Aurevilly, qui professait « le dégoût des Académies et de leur esprit », y vit une sorte de capitulation : « Musset, lui aussi, a accepté le caparaçon académique, sous lequel nous l’avons vu si tristement baisser la tête. C’était un bât sur le dos d’Ariel1 ! » Émile Zola, un fervent admirateur de Musset jeune, du Musset révolté des Contes d’Espagne et de La Coupe, écrira quant à lui :

Dans cet écrivain si fier, si jaloux de sa liberté, il y eut cependant une heure de faiblesse. Je veux parler de l’heure où il consentit à solliciter les suffrages de l’Académie et à adorer ce qu’il avait brûlé. Toutes les personnes qui ont assisté à sa réception, disent qu’elles ont eu le cœur serré par son attitude humble, par les excuses qu’il sembla présenter pour se faire pardonner son libre génie2.

Pourtant Zola sera lui-même candidat à l’Académie, un candidat malheureux, mais opiniâtre de 1889 à 1897.

À gauche on se récriait. Le satirique Charivari jugeait la réception calamiteuse. Le dimanche 30 mai, Taxile Delord s’en prenait au contenu des deux discours de la séance du 27. Cette chronique avait pour titre : « M. Alfred de Musset et M. Nisard parlant politique3 ». Assez platement, mais de manière plus incongrue encore, Musset, dans son discours de

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réception, avait mis sur le compte des incessantes révolutions le fait qu’il n’avait pas bien connu le regretté, le délicieux M. Dupaty :

Assurément ces secousses terribles, ces déchirements et ces déchaînements qu’on appelle des révolutions, ne brisent ni les liens de famille ni les robustes amitiés ; mais que font-elles de ces autres liens moins sérieux et si charmants, précisément parce qu’ils sont fragiles4 ?

Formidable raison, disproportionnée à sa conséquence, une circonstance infime et bien futile de la vie mondaine et littéraire. Taxile Delord n’était pas seul à s’étonner ; le tonitruant Flaubert en avait ricané : « Quel malheur ! écrivait-il à Louise Colet le 29 mai, – Cela me rappelle un peu les filles entretenues après 1848, qui étaient désolées. Les gens comme il faut s’en allaient de Paris. Tout était perdu5 ! »

En cette période d’ordre moral et de réaction politique, il y avait en concurrence deux images diamétralement opposées de Musset, d’une part le conformiste rallié au Prince-Président, le dandy décati devenu potiche de salon et pilier des lupanars huppés, de l’autre l’éternel asocial, l’incarnation de la jeunesse rebelle et indestructible, l’inventeur avec Murger de la bohème artiste et littéraire, le chantre de Bernerette et de Mimi Pinson6. Le Musset bourgeois et le Musset prolétaire, en quelque sorte. Logiquement la séance académique du 27 mai aurait dû mettre fin à la mythologie d’un Musset « de gauche » en rupture avec l’ordre bourgeois. Mais c’était sans compter avec la vogue grandissante d’une œuvre poétique et théâtrale naguère méconnue et maintenant entre toutes les mains, une œuvre où désormais coexistaient la Ballade à la lune et Suzon, Mardoche en version intégrale et les stances brûlantes À Julie. De juillet et août 1852 date la publication, dans leur composition définitive, des Premières Poésies et des Poésies nouvelles, où, pour la première fois, Suzon et À Julie avaient droit de cité.

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Le contraste dès lors était flagrant entre la réception d’une poésie qui, vingt ans après, n’avait rien perdu de sa force de provocation et un auteur définitivement stérile, aristocrate déchu en Homais alcoolique et endimanché. En 1859 encore, le poète provincial et catholique Victor de Laprade, élu à l’Académie au fauteuil de Musset, déplore dans son discours de réception que les jeunes générations, décidément incorrigibles, raffolent des Contes d’Espagne plutôt que des Nuits ou de L’Espoir en Dieu, ces élégies combien sublimes7. Même embarras à gauche, voire à l’extrême gauche. Fallait-il ranger Musset du côté de l’ordre bourgeois auquel il s’était rallié, ou bien dans le camp des opprimés ? En 1866, dans une notice nécrologique consacrée à Aimé Cournet, journaliste et militant révolutionnaire décédé de tuberculose à l’âge de vingt-six ans, Paul Lafargue, le gendre de Karl Marx, évoquait la longue série des représentants de la jeunesse et de l’intelligence que le xixe siècle avait rejetés et conduits à la mort. Parmi ces parias incompris et méprisés, Murger, l’auteur des Scènes de la vie de bohème, et Musset, qui, l’un comme l’autre, « n’avaient jamais déserté la cause humanitaire8 ». Singulière ironie pour celui qui dans la deuxième des Lettres de Dupuis et Cotonet s’était gaussé de « l’humanitairerie » à la mode9.

Porte-parole d’une bohème radicale, Lafargue, dans le même article, prônait un idéal de vengeance et de satisfaction violente des passions dont la bourgeoisie s’accordait la jouissance exclusive et qu’elle réprimait chez les pauvres. Pour ceux qui confondaient désir et révolution, légitimant au nom de la justice sociale l’assassinat et le viol10, pour cette frange extrémiste qui brandissait l’étendard de l’anarchie et du désespoir, Fantasio, Lorenzaccio, Rolla faisaient des hérauts parfaitement plausibles.

C’est le point de vue que soutient vers la même époque Jules Vallès, journaliste et futur communard. Le 28 mai 1868, dans les colonnes

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du Petit Figaro, « Ferragus », pseudonyme balzacien de Louis Ulbach, s’était irrité du culte grandissant rendu à Musset, dont le buste venait d’être inauguré dans le foyer de la Comédie-Française. Il voyait dans l’enfant terrible du romantisme un exemple condamnable, « l’exemple mémorable du néant du génie, quand le génie veut se soustraire à ses devoirs11 ». Vallès s’empressa de venir au secours de Musset insulté. Dans une réponse adressée À Ferragus dans une série de Lettres d’un irrégulier, il reprochait à son adversaire de s’être servi de Lamartine et de Hugo pour « écraser » Musset, et renvoyait dos à dos ces deux prétendues « lumières de leur siècle », deux prophètes en vérité très comme il faut. L’un et l’autre avaient formulé des credo fort respectables sans doute, mais peu dangereux pour l’ordre bourgeois : « Lamartine en a écrit la moitié sur un coin de chasuble, Hugo l’autre moitié sur une culotte de peau ! » En revanche, le nihilisme de Musset était d’une tout autre portée, et Vallès ne cachait pas son admiration :

Alfred de Musset est bien autrement révolutionnaire, sans y avoir visé, que ces pasteurs de peuple !

Son scepticisme amer, son désespoir cynique ont porté, n’en doutez pas, un coup terrible à la foi chrétienne ! Il croit bien qu’il vaudrait mieux croire, mais il constate qu’on ne croit pas, et de sa main qui tremble, il montre le ciel vide12 !

Dans une société qui n’offrait à sa jeunesse d’autre alternative que l’autel ou la boutique, la « soutane noire » ou le vol légal de la spéculation boursière, Musset avait eu l’immense mérite de refuser de choisir : « Il ne put se décider à se faire agent de change-sacristain ». S’il se jeta dans le vin et la débauche, ce fut par désespoir, « comme les naufragés sautent sur les barils et boivent à en mourir quand ils n’espèrent plus de voile à l’horizon ». Toujours est-il qu’en dépit de ses faiblesses, « Musset a aidé à tracer le sillon, en déchirant la terre de ses ongles, dans ses accès de doute et ses ivresses de désespéré ! »

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Le Musset « de gauche » trouve en Zola son illustration la plus accomplie. Méditant, un lendemain de Toussaint de la fin du Second Empire, au cimetière Montmartre, sur la tombe du député républicain Alphonse Baudin, la victime la plus célèbre du coup d’État du 2 décembre, Zola se souvient du pèlerinage effectué par lui-même six mois plus tôt sur une autre tombe, dans un autre cimetière de Paris. C’était au printemps précédent, le 2 mai 1869, au Père-Lachaise, une visite solitaire à « la tombe d’un poète qui fut un mauvais citoyen ». « Le dirai-je », s’exclame Zola dans sa « Causerie » de La Tribune du 7 novembre,

je voudrais voir honorer Baudin comme j’honorai, ce jour-là, le poète des Nuits, dans le silence d’une radieuse matinée, sans foule autour de moi, tout à mes pensées douloureuses13.

Zola s’interroge ensuite sur cette étrange fidélité des hommes de sa génération envers un mort qui fut traître à la Révolution et à la république, que son propre père, Musset-Pathay, tout aristocrate qu’il était, avait servies l’une et l’autre :

Et pourtant Musset ne nous a appris ni à vivre ni à mourir ; il a raillé tout ce que nous respectons ; il est tombé à chaque pas, et n’a pu, dans son agonie, que se relever sur les genoux et pleurer, comme un enfant. N’importe, nous l’aimons ; nous l’aimons comme une maîtresse capricieuse qui nous féconde le cœur en le meurtrissant. Un jour peut-être je chercherai à expliquer les secrètes sympathies qui nous attachent à certains de ceux qui ont nié la Révolution, et que nous ne pouvons cependant nous défendre d’aimer comme des frères égarés. Balzac, je l’ai dit l’autre jour, est un de ces frères. Musset en est un autre, et lui ce n’est pas seulement notre admiration de lettrés qu’il nous prend, c’est encore nos tendresses apitoyées, notre fraternité souffrante. On peut le maudire dans une heure de croyance héroïque ; mais je défie ceux qui se sont le plus acharnés après sa mémoire de ne pas se sentir pris d’une rêverie miséricordieuse en face de son tombeau14.

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Nier la Révolution comme on nie l’existence de Dieu, et pourtant la servir : tel aurait été le rôle paradoxal de Musset et de Balzac, croyants malgré eux, œuvrant en dépit de leurs blasphèmes dans le sens du progrès social. Ralliant la mémoire de Musset à la gauche républicaine et bientôt radicale, Zola en son temps inaugurait une démarche promise à un bel avenir. C’est une récupération du même ordre qu’allait accomplir, beaucoup plus tard, le courant critique initié par Georges Lukacs et illustré par Pierre Barbéris, transformant, par le miracle de la dialectique, l’auteur de La Comédie humaine en frère aîné de Karl Marx.

Mais ce qui, avant tout, rattache Zola à Musset, c’est un lien sentimental et le souvenir de sa jeunesse enfuie ; c’est la fidélité à l’adolescent d’autrefois qui parcourait les sentiers embaumés de la Provence, Rolla au cœur et Musset sur les lèvres :

Mes souvenirs s’éveillaient. Ils me parlaient de ma jeunesse, de cette époque heureuse où je courais les sentiers de ma chère Provence. Musset était alors mon compagnon. Il m’enseignait à pleurer. Je lui dois mes premiers chagrins et mes premières joies. Aujourd’hui encore, dans la passion d’analyse exacte qui m’a pris, lorsqu’il me monte au visage de soudaines bouffées de jeunesse, je songe à ce désespéré, je lui pardonne ses blasphèmes en me souvenant de ses larmes15.

L’attendrissement sur soi-même et la sensiblerie sont rachetés par une vision qui prend bientôt les dimensions de l’allégorie :

J’allais me retirer, lorsque j’ai vu une femme voilée monter la pente douce qui passe devant le tombeau. Je me suis caché à demi, derrière un marbre voisin. La femme voilée marchait à petits pas pressés. Elle était vêtue d’une robe grise semée de fleurs noires. Arrivée devant la tombe, elle s’est arrêtée, un peu oppressée par la marche. Elle est restée là un instant, les yeux fixés

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sur le médaillon. Puis elle a tiré un gros bouquet de violettes d’un pli de son châle, et l’a posé sur la pierre.

C’était le 2 mai, jour de l’anniversaire de la mort du poète16.

Ce « gros bouquet de violettes » déposé par une femme au pied du monument évoque irrésistiblement le « très frais bouquet de violettes » dont parle André Breton au début de l’Ode à Charles Fourier (1944). C’est un autre geste d’amour adressé à une autre statue, celle du chantre de l’harmonie universelle et du phalanstère, dont, depuis la dernière guerre, ne subsiste plus que le socle au coude du boulevard de Clichy ou, comme le dit Breton, « à la proue des boulevards extérieurs », là même où « s’organise la grande battue nocturne du désir », entre les places Clichy et Pigalle. Découvrant aux pieds de la statue de bronze de Fourier le bouquet chaque matin renouvelé (« La rosée et lui ne faisaient qu’un »), Breton en sera réduit à imaginer la main de l’inconnue, puis son regard perdu : « Ce dut être une fine main gantée de femme / On aimait s’en abriter pour regarder au loin. » Même s’il n’en peut distinguer les traits sous la voilette, Zola l’aperçoit quant à lui tout entière, debout et la poitrine haletante, puis inclinée dans une attitude de piété et d’offrande, à mi-pente du Père-Lachaise, face au buste de Musset sculpté par Auguste Barre.

Pour Zola, cette femme amoureuse d’un mort, cette amante pudique portant le deuil du poète de l’Amour, douze ans après sa disparition, est appelée à devenir l’allégorie même de la France républicaine :

Je ne sais pourquoi, mardi dernier, au cimetière Montmartre, je me suis rappelé cette promenade, déjà vieille de plusieurs mois. Je songeais à la femme vêtue d’une robe grise, semée de fleurs noires. Je me souvenais du geste discret avec lequel elle avait placé son bouquet de violettes sur le marbre du poète, et je regrettais vaguement que la France républicaine n’ait pas déposé de la sorte une couronne d’immortelles sur la tombe de Baudin, pendant que, dans le recueillement du cimetière, montaient des tombes voisines les sanglots des mères et des petits enfants en deuil17.

Singulière rencontre que celle qui fait de Musset le porte-parole des humbles et de sa Muse la République elle-même, à la veille de son troisième avènement !

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Par la suite, cette femme au bouquet de violettes disparaîtra des versions remaniées publiées dans La Cloche le 7 juin 1872, puis deux ans plus tard dans la section VI de « Souvenirs », l’un des Nouveaux Contes à Ninon. De cet épisode « vécu » et attendrissant, on peut penser, avec l’éditeur de la Bibliothèque de la Pléiade, qu’il a été fabriqué de toutes pièces18. Même si le texte de Zola, dans sa version définitive, gagne en concision, pour délivrer une vérité autobiographique et souligner l’identité de l’adolescent rêveur et du romancier réaliste, on peut regretter la perte de la dimension politique de cet hommage à Musset. Destinée au lectorat de La Tribune, c’était la plus belle illustration peut-être du Musset de gauche, un Musset républicain à son corps défendant.

Le Musset Troisième République s’incarne à nouveau chez un ami de Zola, le compositeur Gustave Charpentier, l’auteur de Louise, « roman musical » et grand opéra naturaliste créé en 1900. Charpentier était l’élève de Jules Massenet et il lui succéda à l’Académie des Beaux-Arts, où il fut élu en 1912, malgré l’opposition de Saint-Saëns. Massenet, dans Manon, opéra de 1884, avait rendu un vibrant hommage à Musset, en prêtant au chevalier des Grieux les fameuses strophes de Namouna à la gloire de l’héroïne de l’abbé Prévost :

Manon ! sphinx étonnant ! véritable sirène

Cœur trois fois féminin, Cléopâtre en paniers19 !

Dans la salle de jeu de l’Hôtel de Transylvanie, à l’acte IV, les librettistes Henri Meilhac et Philippe Gille font retentir cette tirade partagée entre la fascination et l’horreur :

Manon, sphinx étonnant, véritable sirène !

Cœur trois fois féminin… que je t’aime et te hais !

Pour le plaisir et l’or quelle ardeur inouïe !

Ah ! folle que tu es !

Comme je t’aime20 !

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Manon transfigurée par Musset et Meilhac, c’est la femme fatale, celle qui, par ses caprices et son goût immodéré du plaisir, cause toutes les misères de l’homme21.

Gustave Charpentier partageait l’admiration de son maître pour Musset. Par son entremise, le poète défunt se trouva contribuer à une œuvre sociale. L’année même de Louise, en 1900, Charpentier fondait « l’Œuvre de Mimi Pinson », œuvre de charité co-assumée avec l’association des Dames de Charité de Paris. Deux ans plus tard, « l’Œuvre de Mimi Pinson » était transformée en « Conservatoire populaire de Mimi Pinson » et devint en France le premier conservatoire féminin, destiné tout particulièrement aux jeunes filles pauvres. À l’inauguration de la statue de Musset par Pierre Granet à Neuilly en juin 1906, celles qu’on appelait les « Mimi-Pinsonnettes », menées par Charpentier, chantèrent le chœur des cigarières de Carmen et l’air « C’est la fête au Lido » de l’opéra d’Auber, Haydée ou le secret, ce qui suscita l’hilarité de quelques témoins22. Lorsque, en 1912, Charpentier fut élu à l’Institut, les Mimi-Pinsonnettes lui remirent l’épée d’académicien de Massenet au cours d’une cérémonie solennelle en Sorbonne. Vint la Grande Guerre, et Mimi Pinson, tout naturellement, s’enrôla aux côtés des poilus. Du temps de Musset déjà, Mimi Pinson était cocardière. Ayant « le cœur républicain », elle avait pris part « aux trois jours », c’est-à-dire aux Trois Glorieuses. La chanson publiée en 1845 dans Le Diable à Paris de Hetzel se concluait par ce distique : « Heureux qui mettra la cocarde / Au bonnet de Mimi Pinson23 ! » C’est chose faite en 1915. Cette année-là eut lieu au 23, boulevard des Italiens, une exposition de « La Cocarde de Mimi Pinson », au profit des blessés et des victimes de la guerre. De 1916 à 1919, le Conservatoire populaire de Mimi Pinson devint l’Œuvre de guerre des Infirmières de Mimi Pinson. La paix revenue, l’Œuvre de Mimi Pinson retrouva sa vocation initiale, offrant éducation musicale et loisirs aux jeunes ouvrières. Elle organisa par exemple le 26 août 1923 une « grande balade dans la forêt de Sénart à l’intention des Parisiennes qui n’ont pas de vacances ».

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Vers la même époque, la vogue de Mimi Pinson était à son comble. Mimi Pinson avait définitivement quitté le Quartier Latin, où Musset l’avait établie au voisinage des carabins, pour emménager sur la Butte Montmartre. On montrait au 18 de la rue du Mont-Cenis, tout près du Sacré-Cœur, la maison de Mimi Pinson, une pittoresque maison paysanne située non loin de celle où Berlioz avait composé Harold en Italie. Une huile d’Andrey-Prévost la représente sous la neige ; une aquarelle de Verney suggère une journée grise de printemps. La maison de Mimi Pinson, sujet favori des peintres, fut démolie dans les années 1920, pour faire place à l’actuel château d’eau de Montmartre24.

L’étonnante fortune de Mimi Pinson montre à quel point Musset eut l’intuition de la poésie populaire. Le chansonnier Béranger avait été sa première admiration d’enfant25. La Chanson de Mimi Pinson qu’il composa sur le tard à la manière de Béranger, comme quelques années plus tôt Le Rhin allemand, était mieux qu’un pastiche, une étonnante réussite accordée à la sensibilité collective, à dominante républicaine sans doute, mais où les diverses familles politiques pouvaient se retrouver.

Musset par-delà le symbolisme

Sous le Second Empire, Musset, mal-vivant mais bien-pensant, était devenu l’un des écrivains officiels du régime26. On jouait ses pièces à la Comédie-Française et dans les meilleurs théâtres de Paris. La tragédienne Rachel déclamait ses vers aux « vendredis du Louvre », et le poète l’en remerciait par des compliments choisis. Lui-même était reçu aux Tuileries et lisait devant l’Empereur L’Âne et le ruisseau, sa dernière pièce. Dans le même temps, sa gloire se propageait à tous les étages de la société. Son public débordait le lectorat au sens strict pour toucher un auditoire plus large, par les voies populaires de la chanson et du théâtre. Sa mort, le 2 mai 1857, au terme d’un long déclin de quinze années, n’interrompit nullement cette gloire ascendante, qui s’amplifia encore.

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Alors même qu’elle n’avait pas encore atteint son zénith, cette gloire irrita. Dès 1868, elle indignait Ferragus, alias Louis Ulbach, auquel, on l’a vu, Vallès s’était cru obligé de répondre. De préférence à Lamartine tombé et à Hugo exilé et rebelle dans son île, Musset était en effet le candidat idéal pour remplir le rôle de poète officiel d’un régime en mal de reconnaissance intellectuelle et en quête de pérennité. Peu importait alors qu’il fût mort ou vivant. En vérité, il jouissait de l’immortalité promise à la Jeunesse triomphante :

Quoi ! pas un écrivain à mettre comme Ganymède, dans l’Empyrée, à côté de l’Aigle ? Mais en voici un, aimable, badin, qui n’est à personne ! Il a relevé le marivaudage, dans un temps de poudre, de costume et d’éventail, et il ajoute avec impertinence à Marivaux le hoquet guilleret de Lantara, le peintre buveur ? Que faut-il davantage ? Du pastel, de l’impertinence et de l’orgie ! Ce sont les trois mots de la mode ! Vite, enlevons Ganymède27 !

Ferragus concluait avec une lucidité méchante : « Voilà comment le poète que Préault appelait “mademoiselle Byron” est triomphalement installé dans l’Olympe des dieux ! Voilà pourquoi il aura peut-être son culte, ses bouts de l’an, ses petits offices comme Corneille et Molière ».

L’avènement de la Troisième République vint en quelque sorte officialiser le culte. Musset fut exalté, pour des raisons contradictoires, par le parti de l’ordre et celui du mouvement, par la droite conservatrice et par la gauche républicaine et sociale, par les honnêtes gens et les « irréguliers », ainsi que Vallès se baptisait lui-même. La gloire universelle de Musset, à laquelle on ne saurait comparer que celle de Hugo, lui valut d’un autre côté, et de plus en plus fréquemment, de cinglants sarcasmes. De la part de la nouvelle école, ce fut un profond et durable mépris. Les symbolistes honnirent Musset, au nom d’une conception plus haute et plus pure de la poésie, comme plus tard les surréalistes et avec eux tous les tenants de la poésie moderne.

Déjà Baudelaire voyait en Musset, « féminin et sans doctrine », « un paresseux à effusions gracieuses28 », incapable de travail et refusant de « se soumettre à aucune gymnastique », trop confiant pour cela dans le

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génie et l’inspiration29. « Mauvais poète d’ailleurs », Musset avait inauguré le règne de la facilité, étendu l’empire du mauvais goût. Il avait profané la langue poétique en la chargeant d’exprimer ses émois de joli cœur. Rien d’étonnant si par contrecoup il était devenu le poète chéri des putains : « on le trouve maintenant chez les filles entre les chiens de verre filé, le chansonnier du Caveau et les porcelaines gagnées aux loteries d’Asnières30 ».

Quant à Rimbaud, on sait la violence de l’anathème jeté contre Musset dans la lettre à Paul Demeny du 15 mai 1871 :

Musset est quatorze fois exécrable pour nous, générations douloureuses et prises de visions, – que sa paresse d’ange a insultées ! Ô ! les contes et les proverbes fadasses ! ô les Nuits ! ô Rolla, ô Namouna, ô la Coupe ! tout est français, c’est-à-dire haïssable au suprême degré ; français, pas parisien !

Baudelaire jugeait Musset digne du mobilier des filles publiques. Rimbaud le renvoie aux pupitres des séminaires et des collèges :

Tout garçon épicier est en mesure de débobiner une apostrophe Rollaque ; tout séminariste en porte les cinq cents rimes dans le secret d’un carnet. À quinze ans, ces élans de passion mettent les jeunes en rut : à seize ans, ils se contentent déjà de les réciter avec cœur ; à dix-huit ans, à dix-sept même, tout collégien qui a le moyen fait le Rolla, écrit un Rolla ! Quelques-uns en meurent peut-être encore.

Mourir d’un Rolla comme on meurt d’un catarrhe mal soigné.

Le plus important est dans ce qui suit : « Musset n’a rien su faire : il y avait des visions derrière la gaze des rideaux : il a fermé les yeux ». Musset, que Rimbaud a imité, ou plutôt pastiché dans ses premiers essais poétiques, comme Soleil et chair, qui est son Rolla, avait tous les dons pour être voyant. Mais au lieu de voir, il n’a fait qu’entrevoir à travers la gaze. Dans la tradition libertine où Valentina Ponzetto l’a replacé à juste titre31, Musset avait coutume de « gazer » les réalités sexuelles, pour

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d’autant mieux les suggérer. Rien n’est plus vrai et Rimbaud a raison : le style de Musset, sa langue, les répliques de son théâtre comme ses poèmes lyriques sont « gazés ». D’où leur ton très xviiie siècle et très « français ». Mais cette gaze chez lui ne voile pas seulement l’étreinte des corps et les convulsions de l’amour ; elle enveloppe ici un plus haut mystère, celui de la poésie, que Musset, par pusillanimité ou « paresse d’ange », comme le dit joliment Rimbaud, a craint de mettre à nu.

Le verdict est par conséquent sans appel : « Français, panadif, traîné de l’estaminet au pupitre de collège, le beau mort est mort, et, désormais, ne nous donnons même plus la peine de le réveiller par nos abominations ! »

Rimbaud avait la méchanceté lucide. Mais ses blasphèmes, d’abord méconnus et réservés à l’auditoire restreint de ses proches, n’agirent qu’à retardement. Verlaine lui-même, ce « vrai poète » que saluait la lettre à Paul Demeny, imitait Musset sans vergogne. La chanson fameuse de Sagesse :

Le ciel est, par-dessus le toit,

 Si bleu, si calme !

Un arbre, par-dessus le toit,

 Berce sa palme

a trouvé dans Le Mie Prigioni, une pièce des Poésies nouvelles, tout à la fois son thème, sa formule strophique et sa musicalité32. Condamné pour sa tentative de meurtre sur son compagnon et enfermé à la prison des Petits-Carmes à Bruxelles, Verlaine se consolait de Rimbaud avec Musset ! Comme ce dernier, il cédait aux larmes et à l’apitoiement sur soi-même. Le retour au catholicisme s’accompagnait chez lui d’une palinodie poétique beaucoup plus discrète.

Nul ne s’étonnera que le jeune Pierre Louÿs, dressant dans son Journal du 1er septembre 1888 – il a alors dix-sept ans – le bilan de « ses goûts et de ses opinions », place Musset juste derrière Hugo, qualifié de « plus grand poëte du monde », en deuxième position et au même rang que La Fontaine : ce sont, après le poète universel que le monde entier nous envie, les deux plus grands poètes français33. À la question numéro 23 : « Quelles sont les plus belles pièces de vers français ? », Hugo revient en

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force avec neuf poèmes, depuis Le Satyre, placé tout en haut et près du ciel, jusqu’à Tristesse d’Olympio, toujours suivi par Musset, dont Rolla et La Nuit de mai devancent trois satires d’Auguste Barbier, L’Idole (dénonçant « le Corse à cheveux plats »), La Curée et La Popularité. La Fontaine, avec quatre fables, est à présent relégué en queue de liste, après Leconte de Lisle, Corneille, Richepin et Ronsard34.

Trois ans plus tard, Paul Valéry, qui n’est pas encore le disciple préféré de Mallarmé, mais qui admire déjà l’ermite de Valvins, tout en détestant la sensiblerie romantique, ne peut s’empêcher de décrire son labeur poétique dans les termes mêmes qu’employait Musset dans La Nuit de mai, ceux de l’Incarnation et du sacrifice christique. Dans une lettre à Gide du 19 janvier 1891, il déplore la minceur de son œuvre, « une demi-douzaine de poèmes, Narcisse, Tempus, etc. », et le découragement qui rôde autour de lui :

C’est si difficile le vers, la page de chair que l’on s’arrache, sans hurler comme Musset, mais secrète et inouïe, avec des sourires… ouverts sur la tristesse35.

Certes les hurlements de Musset sont ridicules et vains, mais le poète des Nuits a bien diagnostiqué le mal. L’engendrement poétique est une mutilation, une livre de chair que l’on s’arrache pour la donner en pâture aux lecteurs affamés, Shylocks avides ou petits du pélican. À cette souffrance physique, à la plaie qui saigne, il convient d’opposer non des cris et des larmes, comme un enfant, mais le sourire triste et stoïque du sage. On devine dans l’ombre le sourire de Mallarmé recommandant, dans « Las de l’amer repos… », de délaisser « l’Art vorace d’un pays cruel » et d’imiter « le Chinois au cœur limpide et fin » peignant une fleur diaphane sur une tasse de porcelaine. En dépit de la volonté affichée de briser l’ancienne idole et d’intellectualiser l’acte poétique, force est de constater, chez le jeune Valéry, la persistance du modèle mussétien, substantialiste, effusif et doloriste. Il n’était donc pas si facile de s’en débarrasser.

Décrié par les meilleurs esprits, Musset n’en finissait pas de prendre sa revanche. L’un de ces retournements les plus spectaculaires est celui auquel nous a fait assister le poète Louis Aragon, l’un des fondateurs du surréalisme, comme chacun sait. Or revenu au vers (presque) régulier et à la rime, adepte désormais d’une tradition française hautement

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revendiquée, Aragon s’est inspiré de Musset pour chanter les combats de la Résistance. Strophes pour se souvenir, poème également connu sous le titre de L’Affiche rouge et inséré en 1956 dans Le Roman inachevé, rappelle de façon frappante, par son amorce, le début des stances À la Malibran. Pour célébrer le sacrifice du résistant arménien Missak Manouchian et de ses vingt-deux compagnons de lutte fusillés un matin de février 1944 par le froid et le givre, Aragon retrouve les accents de Musset chantant la jeune cantatrice disparue en pleine gloire : « Onze ans déjà que cela passe vite onze ans36 ». Mais à Musset il avait suffi de quinze jours pour conjurer l’oubli :

Sans doute il est trop tard pour parler encor d’elle ;

Depuis qu’elle n’est plus quinze jours sont passés ;

Et dans ce pays-ci quinze jours, je le sais,

Font d’une mort récente une vieille nouvelle37.

Même religiosité dans les deux poèmes, comme l’a bien compris le chanteur Léo Ferré qui, mettant en musique L’Affiche rouge, lui a donné des résonances de De profundis et un accompagnement de musique d’orgue, et même mélange subtil de solennité pathétique et de prosaïsme.

Dans le même recueil rétrospectif de 1956, l’année de Budapest, Aragon pastiche ouvertement Musset, pour dire ses amours mortes de Venise avec Nancy Cunard, la fille du milliardaire :

Mes chers amis quand je mourrai jetez mon cœur au fond des mers

Le saule ici n’a rien valu pour les pauvres gens qui s’aimèrent38.

Un Musset pour le xxie siècle

L’adaptation la plus étonnante de l’œuvre de Musset est celle que Jean Renoir a tentée pour le cinéma. Dans un premier temps toutefois, Renoir n’avait pas ménagé ses sarcasmes à Musset. Au début de Boudu sauvé des eaux, on voit un jeune gandin dans un jardin public déclamer

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du Musset – La Nuit de mai, comme il se doit. Le clochard Boudu le bouscule et passe son chemin, à la recherche de son chien. Avec une emphase et des gestes ridicules, une voix de fausset et des airs pointus, le gandin proteste vainement de cet attentat contre la poésie.

Musset attendait son heure, et ce fut La Règle du jeu, ou du moins sa première ébauche. La Règle du jeu, film de 1939 que l’on considère aujourd’hui comme l’œuvre la plus accomplie du cinéma français d’avant-guerre, a pour scénario primitif Les Caprices de Marianne. L’action est située dans la grande bourgeoisie parisienne des années trente. André Jurieux l’aviateur remplace Cœlio ; Christine, l’épouse de Robert, marquis de La Chesnaye, tient le rôle de Marianne, alors qu’Octave reste Octave, interprété par Jean Renoir, désormais plus ours que funambule, mais tout aussi débraillé, ivre et divagant, et déployant, comme son modèle, une générosité foncière alliée à plus de maladresse encore. Un synopsis intermédiaire contaminait l’intrigue des Caprices par celle d’On ne badine pas avec l’amour. Dans les bois du château solognot où se déroule la partie de chasse, la marquise et Octave se déclaraient mutuellement leur amour, conduisant l’aviateur, qui tenait in extremis le rôle de Rosette, au suicide39. Le dénouement de la version définitive retrouve le fil interrompu des Caprices : Octave, rencontrant par hasard André au moment où il s’apprête à quitter le château avec Christine, lui cède sa place. André est alors abattu par le garde-chasse Schumacher qui l’a pris pour l’amant de sa femme Lisette.

Cette libre adaptation montre la fécondité de l’œuvre de Musset, et de son théâtre en particulier. La simplicité d’une intrigue à géométrie variable, la netteté des caractères, l’intelligence profonde des rapports de force aussi bien sociaux que psychologiques, la vivacité d’une langue et d’un rythme lui confèrent une sorte d’éternelle séduction auprès des créateurs aussi bien que du public.

Fortunes de Musset : le sujet s’est très vite imposé comme le plus propre à commémorer le bicentenaire de l’« enfant du siècle ». André Guyaux et moi-même avions d’abord pensé aux « Poétiques de Musset », dans leur variété, voire leur disparate tout à la fois déconcertante et

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féconde. Le choix des Fortunes présentait un double avantage. D’abord il permettait d’élargir le propos à tous les médias, de la poésie au ballet et du théâtre au cinéma, sans se cantonner au strict domaine de la littérature. En second lieu, c’était s’accorder à une tendance profonde de la réflexion critique, telle qu’elle se dessine aujourd’hui dans l’histoire littéraire, comme le souligne ici même Jacques Dupont40. Désormais, en effet, la tendance dominante est moins de ramener Musset à ses sources, pour le réinscrire par exemple dans une tradition classique ou française, comme on se plaisait à le faire jadis, que de le rapprocher de nous en le modernisant, au risque, peut-être, de la méprise, mais d’une méprise heureuse. C’est donc un « Musset au futur » que voudrait esquisser le présent volume, un Musset sans cesse réincarné dans les interprétations surtout scéniques qui sont données aujourd’hui de son œuvre.

Or cette modernité de Musset ne va nullement de soi en ce début de xxie siècle. Elle ne s’impose, à vrai dire, que pour son théâtre, et encore que pour une partie de celui-ci, les Contes d’Espagne et d’Italie à la rigueur, et surtout Un spectacle dans un fauteuil (prose). Réputés plus « bourgeois », les Comédies et proverbes, en revanche, semblent définitivement passés de mode. Malgré le cinéaste Éric Rohmer qui en a repris le titre pour désigner collectivement une série de six films tournés dans les années 1980, où se retrouvent intactes l’alacrité, la jeunesse et la tendre cruauté des personnages de Musset41.

Musset, depuis sa mort, a été presque constamment la cible des modernes, de Baudelaire et Flaubert à Rimbaud, et de Lautréamont aux surréalistes. Celui qui, dans Rolla, constatait : « Je suis venu trop tard dans un monde trop vieux », est assurément un « antimoderne », au sens où l’entend Antoine Compagnon42. Et c’est peut-être de cette manière, par cet anachronisme qui fut dès l’origine le sien, un anachronisme plus encore revendiqué que regretté, qu’il rejoint notre condition postmoderne.

Frank Lestringant

1 Jules Barbey d’Aurevilly, « Les quarante médaillons de l’Académie », « XXII. M. Victor Hugo », recueilli dans Le xixe siècle. Des œuvres et des hommes, choix de textes établi par Jacques Petit, Mercure de France, t. II, 1966, p. 34. Voir Marc Fumaroli, Trois institutions littéraires, Gallimard, coll. Folio. Histoire, 1994, p. 79 et 89.

2 Émile Zola, « Alfred de Musset », Le Messager de l’Europe, mai 1877 ; rééd. dans Alfred de Musset, textes réunis par Loïc Chotard, André Guyaux, Pierre Jourde et Paolo Tortonese, Presses de l’université Paris-Sorbonne, coll. Mémoire de la critique, 1995, p. 188.

3 Taxile Delord, « M. Alfred de Musset et M. Nisard parlant politique », Le Charivari, 30 mai 1852. Malgré ces quelques charges contre Musset, on ne saurait parler d’une véritable « campagne » de presse, comme le fait, de manière hâtive, Jean-Paul Clébert, Louise Colet ou la Muse, Presses de la Renaissance, 1986, p. 232.

4 Alfred de Musset, Discours de réception à l’Académie française prononcé le 27 mai 1852 ; Œuvres complètes en prose, texte établi et annoté par Maurice Allem et Paul-Courant, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1960, p. 916.

5 Gustave Flaubert, Correspondance, édition établie, présentée et annotée par Jean Bruneau, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, t. II, 1980, p. 95. Voir Léon Séché, Études d’histoire romantique. Alfred de Musset. II. Les Femmes, Mercure de France, 1907, p. 233.

6 Voir Jerrold Seigel, Paris bohème 1830-1930, traduit de l’anglais par Odette Guitard, Gallimard, coll. Bibliothèque des histoires, 1991, p. 47-48.

7 Victor de Laprade, Discours de réception à l’Académie française, 17 mars 1859, dans Alfred de Musset, coll. Mémoire de la critique, 1995, p. 137-149.

8 Paul Lafargue, « Aimé Cournet », La Rive gauche, 1er juillet 1866, cité par Jerrold Seigel, Paris bohème, op. cit., p. 181.

9 Datée du 25 novembre 1836. OCP, p. 837-849.

10 Voir Jerrold Seigel, op. cit., p. 182 : « J’aime la femme, s’écriait Lafargue, et vous ne m’avez laissé qu’une femme enlaidie et déformée par le travail. Et quand mon cœur et mon cerveau se remplissent de l’image d’une femme belle et riche, elle me méprise – je suis trop abject pour elle. Si, furieux, désespéré, je la prends, je la viole, vous m’envoyez aux galères ! Soyez maudits ! »

11 Ferragus [Louis Ulbach], « Alfred de Musset », Le Petit Figaro, 28 mai 1868. Je remercie vivement Laure Pineau de m’avoir communiqué cette série de références. Voir aussi, dans le présent volume, la contribution de Laure Pineau, « Les statues à la mémoire de Musset » ci-dessous, p. 231-256.

12 Jules Vallès, « Lettres d’un irrégulier. Lettre à Ferragus », Le Petit Figaro, 8 juin 1868 ; Œuvres, texte établi, présenté et annoté par Roger Bellet, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, t. I, 1975, p. 1964.

13 Émile Zola, « Causerie », La Tribune, 7 novembre 1869. Un premier état de ce texte, moins développé, avait été publié dans L’Événement illustré du 4 mai 1868 ; deux versions suivront encore, abrégées des considérations d’actualité politique et d’une partie des réflexions sur Musset, le 7 juin 1872 dans La Cloche et en 1874 dans les Nouveaux Contes à Ninon, « Souvenirs », VI. Je cite le texte de La Tribune d’après les Œuvres complètes d’Émile Zola, édition établie sous la direction de Henri Mitterand, Cercle du Livre précieux, t. XIII, 1969, p. 251-254 ; cité p. 252. Voir aussi Jacques Noiray, « Zola lecteur de Musset », dans Alfred de Musset. Premières Poésies. Poésies nouvelles, actes de la journée d’étude de l’université Paris-Sorbonne, 18 novembre 1995, Mont-de-Marsan, Éditions Interuniversitaires, 1995, p. 169-186.

14 Ibid., p. 253. Jacques Noiray, art. cit., p. 175, cite la version remaniée de ce texte dans les Nouveaux Contes à Ninon, « Souvenirs », VI, rééd. dans Émile Zola, Contes et nouvelles, texte établi, présenté et annoté par Roger Ripoll, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1976, p. 488 : « N’importe, nous l’aimons ; nous l’aimons d’amour, ainsi qu’une maîtresse qui nous féconderait le cœur en le meurtrissant. / C’est qu’il a jeté le cri de désespérance du siècle ; c’est qu’il a été le plus jeune et le plus saignant de nous. »

15 Ibid., p. 254. Jacques Noiray (art. cit., p. 171), associe à ces lignes un passage de L’Œuvre qui transpose les mêmes souvenirs de l’adolescence enchantée en Provence, quand le jeune Émile Zola avait pour compagnon et ami Paul Cézanne. Voir Émile Zola, L’Œuvre, chap. ii, Les Rougon-Maquart, édition intégrale publiée sous la direction d’Armand Lanoux, études, notes et variantes par Henri Mitterand, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, t. IV, 1966, p. 39-40.

16 Ibid., à la suite.

17 Ibid., à la suite.

18 Émile Zola, Contes et nouvelles, op. cit., p. 1374.

19 Alfred de Musset, Namouna, I, LVII-LX, v. 337-360 ; Poésies complètes, édition présentée et annotée par Frank Lestringant, Le Livre de Poche, 2006, p. 340-341 ; citation de la strophe LIX, v. 349-350.

20 Je cite le livret de Manon d’après l’édition G. Schirmer, New York, 1963, p. 22.

21 Voir Léon Cellier, « Le mythe de Manon et les romantiques français », dans L’Abbé Prévost, actes du colloque d’Aix-en-Provence des 20 et 21 décembre 1963, Gap, Ophrys, Publications des Annales de la Faculté des lettres d’Aix-en-Provence, 1965, p. 255-268.

22 BnF, Arts du spectacle : 8 RF 31964. Voir dans le présent volume la contribution de Laure Pineau, ci-dessous, p. 241-243.

23 Alfred de Musset, Mimi Pinson, chanson, v. 59-60 ; Musset, Poésies complètes, éd. cit., p. 598.

24 Je dois ces divers renseignements à l’exposition « Gustave Charpentier, l’Œuvre de Mimi Pinson » du Musée du Vieux Montmartre, automne 2006.

25 Voir Alfred de Musset, Correspondance, recueillie et annotée par Marie Cordroc’h, Roger Pierrot et Loïc Chotard, t. I, PUF, 1985, lettre de 1826, p. 21.

26 Bodo Guthmüller, Die Rezeption Mussets in Second Empire, Francfort, Athenäum Verlag, 1973.

27 Ferragus [Louis Ulbach], « Alfred de Musset », Le Petit Figaro, 28 mai 1868.

28 Charles Baudelaire, « Théophile Gautier », L’Artiste, 13 mars 1859 ; Œuvres complètes, texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, t. II, 1976, p. 110.

29 Charles Baudelaire, « Les Martyrs ridicules, par Léon Cladel », Revue fantaisiste, 15 octobre 1861 ; Œuvres complètes, éd. cit., t. II, p. 183.

30 Baudelaire, Projet de lettre à Jules Janin, février-mars 1865, II ; Œuvres complètes, éd. cit., t. II, p. 234. – Toutefois Jean Pommier suggère un jugement plus nuancé sur les rapports Baudelaire-Musset. Voir Jean Pommier, « Baudelaire et Musset », dans Mélanges d’histoire littéraire et de bibliographie offerts à Jean Bonnerot, Nizet, 1954, p. 353-364.

31 Valentina Ponzetto, Musset ou la nostalgie libertine, Genève, Droz, 2007.

32 Paul Verlaine, Sagesse, III, VI. Cf. Musset, Poésies complètes, éd. cit., p. 579-585.

33 Pierre Louÿs, Mon Journal 20 mai 1888-14 mars 1890, texte établi et présenté par Alban Cerisier, Gallimard, coll. Les Cahiers de la NRF, 2001, p. 95.

34 Ibid., p. 96.

35 André Gide-Paul Valéry, Correspondance 1890-1942, édition de Peter Fawcett, Gallimard, 2009, lettre du 19 janvier 1891, p. 50.

36 Louis Aragon, « Strophes pour se souvenir » (1955), Le Roman inachevé, Gallimard, coll. Poésie, 1956, p. 227. Pour d’autres aspects de la présence de Musset chez Aragon, voir la contribution de Patrizio Tucci, ci-dessous, p. 125-144.

37 Musset, À la Malibran, stances, Poésies complètes, éd. cit., p. 447.

38 Louis Aragon, « Les dames de Carpaccio lentes et lourdes à ravir… », Le Roman inachevé, éd. cit., p. 145.

39 Jean Renoir, La Règle du jeu. Scénario original de Jean Renoir, édition critique établie, présentée et commentée par Olivier Curchod et Christopher Faulkner, Nathan, 1999. Voir Jean Renoir, La Règle du jeu, Le Livre de Poche, 1999 ; Olivier Curchod, La « Méthode Renoir » en question (I) : La stratégie du personnage dans « La Règle du jeu », thèse de l’université Paris III, 2002. Voir aussi, dans le présent volume, la contribution d’Olivier Curchod, « Des Caprices de Marianne à La Règle du jeu de Jean Renoir », ci-dessous, p. 357-371.

40 Jacques Dupont, « Musset dans les histoires littéraires », ci-dessous p. 259-278.

41 Voir Valentina Ponzetto, « Comédies et proverbes, de Musset à Rohmer », ci-dessous p. 373-396.

42 Antoine Compagnon, Les Antimodernes. De Joseph de Maistre à Roland Barthes, Gallimard, coll. Bibliothèque des idées, 2005.