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Classiques Garnier

Préface

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : Fictions narratives en prose de l’âge baroque. Répertoire analytique. Deuxième partie (1611-1623)
  • Auteur : Greiner (Frank)
  • Pages : 7 à 16
  • Collection : Lire le xviie siècle, n° 27
  • Série : Romans, contes et nouvelles, n° 3
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782812412851
  • ISBN : 978-2-8124-1285-1
  • ISSN : 2257-915X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-1285-1.p.0007
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 18/04/2014
  • Langue : Français
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Préface

Il y a cinq ans, pour ouvrir notre préface au premier volume de ce répertoire analytique devant couvrir les années 1585-1643, nous citions Maurice Magendie disant préférer aux panoramas hâtifs « les lenteurs du train omnibus, qui ne brûle aucune gare » afin de découvrir le paysage d’une Romancie encore largement méconnue. Aujourd’hui que ce deuxième volume est achevé, nous nous réjouissons encore d’avoir choisi nous aussi l’omnibus ou même nos simples chaussures pour parcourir, avec lenteur et patience, un monde dont l’exploration minutieuse a été l’occasion de nouvelles surprises et trouvailles. Au reste, à la différence de Magendie, arpenteur solitaire, nous avons eu la chance d’entreprendre ce voyage à plusieurs. Notre équipe de chercheurs se compose aujourd’hui d’une trentaine de personnes dont plus de la moitié a déjà travaillé à l’élaboration du premier volet de cette vaste enquête. Le nombre et la compétence des participants comme leur fidélité a certainement permis à notre projet de mieux se réaliser en poussant plus loin notre désir de précision dans l’établissement de cette cartographie littéraire.

Notre parcours suit un axe chronologique qui nous a conduits dans notre première étape de la fin des guerres de religion, mais aussi, sur un plan littéraire, de la parution de la première partie des Bergeries de Julliette de l’abbé de Montreux, à la mort d’Henri IV, formant une rupture nettement marquée dans l’histoire de France. C’est également la volonté de coller à une périodisation historique pertinente qui a guidé la délimitation de ce second volet.

1611 coïncide avec le début de la Régence assumée par Marie de Médicis après la mort de son époux. On assiste alors très vite à un changement radical dans les options politiques du gouvernement. Sully démissionne de ses fonctions de ministre et remet à la reine son portefeuille des finances, la France et l’Espagne signent bientôt un traité d’alliance défensive et l’on prépare le mariage du jeune Louis avec l’infante doña Ana. Peu à peu la politique de tolérance inaugurée par l’édit de

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Nantes va s’effriter et le parti protestant perdre de son influence à la Cour. Le regain d’un catholicisme militant se lit dans l’essor du roman religieux. Déjà en 1611, Jean Baudouin édite sa traduction d’un roman italien du franciscain Lorenzo Selva, La Métamorphose du vertueux, Nicolas Piloust publie son Cercueil des Amans évoquant la tyrannie de l’Amour pour mieux exalter l’esprit de dévotion, Gabriel Ranquet, l’Histoire de Thays Egyptienne, convertie par Pafnuce ; Guillaume de Rebreviettes, un récit allégorique d’inspiration chrétienne, Les Erres de Philaret dédié à Philippe-Guillaume d’Orange resté fidèle à la couronne d’Espagne à la différence de son père converti au protestantisme. À partir du début des années 1620, l’évêque de Belley, Jean-Pierre Camus, sera, comme on le sait, le principal artisan de cette même veine littéraire conjuguant le prosélytisme et le divertissement romanesque. Il est intéressant d’observer que les dédicaces de ses premiers textes de fiction sont adressées à des dévotes liées à la reine, à la reine elle-même et au petit cercle de la Cour de Saint-Germain.

Les années 1623-1624 correspondent également à un cap important, plus encore peut-être que 1617, date de l’assassinat de Concini, souvent tenue pour un véritable tournant dans la marche au pouvoir du jeune roi. Se clôt alors une longue période de troubles suscités par le réveil des guerres de religion et une partie de la noblesse restée fidèle à Marie de Médicis, qui garde encore un certain pouvoir, malgré la défaite militaire essuyée aux Ponts-de-Cé (1620) et son exil à Blois. Elle reprend place, en effet, dans les conseils de l’Etat en 1622. Mais l’accès de Richelieu au poste de « chef du Conseil » va le rapprocher considérablement du souverain auquel il voue un véritable culte. Il s’éloignera ainsi peu à peu de Marie de Médicis, qui avait pourtant fait sa carrière, afin de renforcer la position de Louis XIII contre les ambitions de sa mère.

Mais il faut s’empresser d’ajouter en parallèle de ces péripéties militaires et politiques que les années de la Régence furent aussi un temps de débat intellectuel et de relative liberté sur le plan des idées puisqu’elles virent se développer ce courant de pensée que René Pintard a autrefois présenté comme l’expression d’un libertinage érudit. Là encore l’année 1623 vaut pour un repère historique signifiant, puisqu’à la suite d’une campagne de dénonciation, sans doute orchestrée par les jésuites, le poète Théophile accusé d’avoir commis sous son nom quelques uns des poèmes licencieux recueillis dans le Parnasse Satyrique est condamné à mort par

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contumace et brûlé en effigie. Richelieu alors en position de ministre soutient le mouvement de répression contre le libertinage scandaleux dénoncé par le père Garasse dans sa Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps, ou prétendus tels (1623-1624). Cette réaction brutale au libertinage est-elle l’indice ou la cause d’un nouvel état d’esprit ou tout au moins d’une évolution dans les attitudes et les mentalités ? C’est possible. En tout cas, plusieurs témoignages du temps parlent d’un renforcement de la police morale et des habitudes religieuses et, par opposition, d’une radicalisation de la provocation libertine chez les successeurs de Théophile. C’est ce clivage que pointe par exemple Guy Patin dans son journal :

Paris en sa populace et en sa bourgeoisie est toute bigote et même ce vice monte plus haut plures etiam supremi generis occupavit1, si bien que la plupart des grands ou sont bigots ou sont libertins qui sont deux extrémités odieuses2.

Évidemment, il serait vain de vouloir caractériser trop précisément une ambiance culturelle propre à ces années 1611-1623. Du moins peut-on noter qu’elles forment comme une période de transition entre deux temps forts de la monarchie française, une parenthèse qui voit la montée en puissance d’un catholicisme intolérant et, du fait de l’affaiblissement du pouvoir royal, le réveil de nombreux désordres et affrontements. La littérature narrative porte les empreintes de cette situation historique. On a déjà souligné un peu plus haut qu’elle accordait beaucoup à l’inspiration chrétienne. De fait on assiste alors à une riche floraison de fictions catholiques que, sous le règne d’Henri IV, annonçaient encore timidement certains textes de Daniel Drouin, Louis de Richeome ou d’Antoine de Nervèze. On en compte 37 sur les 195 textes réunis dans notre corpus. Plusieurs d’entre eux sacrifient encore parfois à l’hagiographie et au récit allégorique, mais grâce à des auteurs comme Henry du Lisdam, Nicolas Piloust ou Jean Pierre Camus, on voit désormais le prosélytisme chrétien s’engager plus nettement sur le terrain de la fiction romanesque, afin de toucher sans doute un plus vaste public. Il est remarquable également de constater que la France alors agitée par de nombreuses escarmouches et batailles goûte à nouveau les romans de chevalerie. Le long cycle des Amadis qui semblait s’être épuisé au siècle

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précédent, retrouve la faveur du public en s’achevant par trois parties, Vingt deuxiesme, vingt troisiesme et vingt quatriesme et dernier livre[s] (1615), désormais traduits de l’allemand. Mais la matière espagnole, loin d’être oubliée, continue de jouer un rôle prépondérant dans notre littérature, et cela peut-être d’autant plus qu’à cette époque Marie de Médicis favorise un rapprochement du royaume de France et de l’empire des Habsbourg, ne serait-ce que par le mariage du dauphin avec la fille de Philippe III, Anne d’Autriche. François de Rosset et Louis Douet traduisent les trois premières parties de LAdmirable Histoire du Chevalier du Soleil due à Diego Ortúñez de Calahorra, Pedro de la Sierra et Marcos Martínez. C’est aussi l’époque où paraissent dans notre langue les chefs d’œuvres de Cervantès : les deux parties du Don Quichotte sont traduites par César Oudin (1614) et François de Rosset (1618) et les Travaux de Persiles et de Sigismond (1618) par Vital d’Audiguier. L’épopée n’est pas en reste dans ce regain d’intérêt pour les exploits héroïques : LIliade est mise en prose et même complétée par François du Souhait (1614) et on continue de goûter les romanze italiens, soumis au même régime prosaïque et romanesque : Le Renaud amoureux (ca 1620) du Tasse, Roland lamoureux (1619) de Boiardo et Roland le furieux (1614) de l’Arioste dont les tribulations pour les deux derniers sont illustrées par une riche iconographie.

Il existe aussi à côté de ces histoires chevaleresques un héroïsme à la française qui emprunte au roman grec et modernise les vieux romans pour leur donner une tournure nouvelle accordant davantage aux relations entre les deux sexes et à la galanterie, on parle alors souvent pour les désigner d’« aventures d’armes et d’amour ». L’un des auteurs à la mode dans ce genre est déjà bien connu : Vital d’Audiguier. On lui doit en effet plusieurs romans et traductions publiés au temps d’Henri IV. Son Histoire tragé-comique de nostre temps (1615) éditée à plusieurs reprises, traduite en allemand et en néerlandais et adaptée à la scène par Pierre du Ryer, est l’un des grands succès du début du xviie siècle. Nicolas Des Escuteaux poursuit également une carrière commencée dans les années 1600. Mais l’ancienne génération des contemporains de Nervèze voit aussi sa relève assurée par de tout jeunes gens : Charles Sorel (Le Palais dAngélie, 1622), Gilbert Saulnier du Verdier (LAmour aventureux, 1623) et Marin Le Roy de Gomberville, qui, sous l’anagramme d’Orile (Le Roy), signe LExil de Polexandre et dEriclée (1619), première version inachevée de son imposant Polexandre dont les quatre parties seront

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publiées de 1632 à 1637. Enfin il faudrait au moins mentionner tout en le plaçant un peu à part des autres du fait de sa tonalité satirique et de ses allusions à la vie politique française, ce véritable chef d’œuvre qu’est l’Argenis de Jean Barclay, long roman fleuve d’abord édité en latin en 1621, puis en français l’année suivante dans une traduction de Pierre de Marcassus : Les Amours de Poliarque et dArgénis.

Bien qu’il ne soit pas toujours aisé de les distinguer des précédents, dans la mesure où ils peuvent intégrer des épisodes guerriers, il faudrait accorder une place à part à ces romans d’amour qui semblent déjà préfigurer le moderne roman sentimental. Certains évoquent l’univers de la cour et des courtisans dans des intrigues pouvant d’ailleurs recéler quelques clés comme Les Artifices de la Court (1618) de Jean Puget de La Serre ou le Romant royal (1621) de Nicolas Piloust, ou encore LUranie de Lucidor où F. Chadirac évoque les fêtes célébrant à Bordeaux, le 29 novembre 1615, le double mariage d’Anne d’Autriche et de Louis XIII ainsi que de sa sœur Élisabeth et de l’Infant Don Philippe, futur roi d’Espagne. Mais l’amour se conjugue alors aussi et surtout avec la mode des bergeries. Ainsi on continue de lire La Diane de Montemayor, mais dans des traductions nouvelles : Jean D. Bertranet (1611) reprend et corrige celle de Pavillon publiée en 1603. Plus ambitieux Antoine Vitray non seulement traduit le texte de Montemayor, mais aussi les suites que lui donnèrent Alonso Perez et Gil Polo. La Constante Amarilis de Cristóbal Suárez de Figueroa, elle-même une imitation de La Diane, est révélée au public français par une traduction de Nicolas Lancelot en 1614. Le roman pastoral français connaît une belle floraison avec Silène insensé (1613) d’Hélie Decoignée de Bourron, Les Bergeries de Vesper (1618) de Guillaume de Coste, Le Temple des sacrifices (1620) de Gilbert Saulnier Du Verdier, La Carithée (1621) de Gomberville, Les Amours de Néocale et Polémice (1621) dues à un auteur anonyme, Les Amours de la Cour et de la Pastoralle (1623) de Du Rosier. Bien sûr, même si seule sa troisième partie publiée en 1619 entre dans le cadre de notre périodisation, c’est LAstrée dont il convient ici de souligner toute l’importance. Impossible en effet quand on parcourt la littérature romanesque de ces années 1610-1623 de ne pas constater son rayonnement sur les œuvres qui lui sont contemporaines. Un rapide travail sur les sources montre par exemple son influence manifeste sur les romans de Nicolas Piloust (Le Romant dAnacrine, 1613), de Prudent Gauthier (La Mort de lAmour, 1616), de

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Jean-Baptiste Alais (Les Advantures de Poliandre et Théoxène, 1623), de Guillaume Coste (Les Bergeries de Vesper, 1618), de Nicolas des Escuteaux (Le Ravissement de Clarinde, 1618), de Jean-Pierre Camus (Parthénice, 1621), de Du Verdier (Le Temple des sacrifices, 1620 ; La Bergère amoureuse, 1622 ; Les Sacrifices amoureux, 1623), de Jean Lourdelot (La Courtisane solitaire, 1622), de Charles Sorel (Le Palais dAngélie, 1622), de Louis Dourlens (Les Adventures guerrieres et amoureuses de Licide, 1623).

Par un jeu de contrastes qu’il est tentant de rapprocher des violentes antithèses cultivées par l’esthétique baroque, il apparaît que cette littérature chevaleresque et sentimentale, comporte aussi son envers : celui d’une veine réaliste résolument hermétique au charme illusoire des inventions romanesques. Le terme de réalisme n’est pas alors en usage, mais il se justifie en ce qu’il permet de désigner par un terme simple un ensemble de textes disparates tous ancrés dans une représentation triviale de la réalité, représentation qui d’ailleurs semble parfois offrir au lecteur un renversement des valeurs aristocratiques des aventures d’armes et d’amour. Ce que peuvent suggérer par exemple Les Amours du Fidel Du Pont et de la Constante Guinbarde (1620) où Des Masures s’amuse à détourner le code romanesque sur un mode héroï-comique en célébrant les amours de deux valets affligés d’une extrême laideur.

Réalistes sont d’abord les histoires faites pour provoquer le rire et la bonne humeur. Ce sont des cocuages, des situations absurdes, des blagues d’étudiants, des ruses, des coups fourrés et des bastonnades s’inscrivant dans la grande tradition des fabliaux du Moyen Age ou des nouvelles de la Renaissance (les Histoires comiques, ou entretiens facétieux (1612) de François du Souhait ou Les Délices de Verboquet le généreux (1623)) ; ce sont les facéties jouant sur la vis comica des bons mots (Favoral, Les Contes et discours facétieux, 1615) ou encore ces mélanges libres et satiriques témoignant de la vitalité persistante des formes littéraires du symposium et de la satire ménippée dans les premières décennies du xviie siècle (Le Moyen de Parvenir (1617 ?) de Béroalde de Verville ; Comus, ou Banquet dissolu des Cimmériens (1613) du néerlandais Van de Putte (Erycius Puteanus) traduit par Nicolas Pelloquin ; Les Cent Premieres Nouvelles et Advis de Parnasse (1615) de l’italien Boccalini traduit par Thomas de Fougasses).

Réalistes sont également ces histoires de voyous et ces romans picaresques venus d’outre-Pyrénée. Vital d’Audiguier joue un rôle important

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dans le passage des pícaros d’une langue et d’une culture à l’autre. Il donne successivement les traductions des Relations de Marc dObregon (1618) de Vincente Espinel, de la deuxième partie du Lazarille de Tormès de Juan de Luna et de l’Antiquité des larrons (1621) de Carlos García. François de Rosset traduit Les Abus du monde, histoire mémorable des tromperies de nostre temps (1618) et Jean Chapelain, l’histoire de Guzman dAlfarache (1620) de Mateo Alemán. Au reste nous vient aussi d’Allemagne un personnage qui introduit le lecteur français dans des tribulations cosmopolites évoquant parfois – mais avec des enjeux idéologiques distincts - l’univers des filous espagnols : Fortunatus dont Vion d’Alibray traduit l’Histoire comique (1615). Deux écrivains français se mettent bientôt à l’école de ces aventuriers d’un nouveau style : Aubrincourt, dont l’Histoire générale des larrons (1623) doit beaucoup à Carlos García, et Charles Sorel, beaucoup plus original dans son Histoire comique de Francion puisqu’il y jette les fondements d’un genre où excelleront après lui Scarron (le Roman comique, 1651-1657) et Furetière (le Roman bourgeois, 1666).

Enfin le réalisme peut également prendre le tour sinistre des histoires tragiques dont la mode lancée au siècle précédent, principalement grâce aux traductions des Nouvelles de Bandello, reste toujours vivace, surtout grâce à François de Rosset qui publie les Histoires des Amans volages (1617), mais aussi les Histoires tragiques de nostre temps (1614), véritable best seller, qui sera constamment réédité et même augmenté de récits apocryphes tout au long du xviie siècle.

À cet ensemble composite nous avons ajouté un certains nombre de textes situés loin de nos propres repères génériques, tant il est vrai que la littérature du xviie siècle prend les formes les plus diverses, parfois déroutantes pour un lecteur moderne, et n’établit pas un partage aussi net que le nôtre entre les deux domaines de la réalité et de l’invention fictionnelle. En cela nous sommes restés fidèles à la logique de notre enquête – nourrie par l’esprit de Maurice Lever – telle qu’elle a débuté dans son premier volet. Autour du noyau dur des romans et des nouvelles se présentant indiscutablement comme des fictions, le présent répertoire contient donc des notices portant sur des récits pamphlétaires, des canards, des compilations érudites intégrant des anecdotes et des histoires, des romans épistolaires, des héroïdes, des vies de saints romancées, des récits allégoriques, des mélanges, des fantaisies galantes, des dialogues narrativisés, des traductions d’épopées mises en prose, des

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récits historiques romancés… Autant de textes qui tout en révélant la complexité du paysage littéraire du début du xviie siècle, permettent aussi de mieux comprendre, en retour, l’hybridité des œuvres elles-mêmes tenus indubitablement pour romanesques mais dont de larges enclaves peuvent accueillir des lettres, des poèmes, des échos de l’actualité politique et sociale, des discours religieux, des allégories, voire des traités scientifiques.

Les bibliographies déjà existantes comme les catalogues électroniques aujourd’hui facilement disponibles nous ont servi de guides dans la constitution du corpus des 195 notices que compte ce deuxième volume. Nous ne nous sommes pas pour autant contentés de compiler les listes de romans déjà élaborées par nos prédécesseurs. Ainsi, au fil de nos recherches, nous avons ajouté au répertoire des fictions narratives en prose de M. Lever, actuellement encore le meilleur ouvrage de référence concernant le roman du xviie siècle. Ainsi le lecteur découvrira dans les pages suivantes des notices consacrées à des textes oubliés jusque là3 : l’Histoire joyeuse et plaisante de Monsieur de Basseville, & dune jeune Damoiselle, fille du Ministre de Sainct Lo (1611) ; la traduction par Nicolas Pelloquin de Comus, ou Banquet dissolu des Cimmériens du Flamand Van de Putte (Erycius Puteanus) ; Les Embrassements amoureux (1614) ; LIliade dHomère traduite par François Du Souhait avec un prélude de son invention, Le Ravissement dHélène (1614) ; Le Miracle dAmour (1614) de T. Mestral ; Les Œuillets de Récréation (1614) d’Ambrosio de Salazar ; les Aprèsdinées et Propos de Table (1615) d’Antoine de Balinghem ; LAnti-Joseph (1615) de François Garasse ; Les Ruses, et finesses de trois chambrières (1615) ; LHermite Pèlerin, et de sa pérégrination (1616) de F.A. de Sainct Amour ; le Triomphe de Chasteté et totale deffaite du fol Amour (t. I et II) (1616) d’Antoine de Balinghem ; LOdissée dHomère (1617) de Claude Boitel et la suite qu’il lui donna dans son Histoire de la prise de Troyes (1619) ; LAsne ruant. Composé par le disciple de Philostrat (1620) ; le Coq-à-lAsne sur le mariage dun courtisan crotesque (1620) ; Le Ravissement de Proserpine de Cl. Claudien (1621) traduit par G. Aldibert ; Le Cabinet françoissont enserrez plusieurs beaux discours & Histoires nouvelles (1622) ; LEphyalte, ou lorgueil humilié (1622), traduit de l’espagnol ; Agathe à Lucie. Lettre pieuse (1622) de Jean-Pierre Camus. Mentionnons aussi un roman d’Henry du

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Lisdam, Les Fidèles et constantes amours de Lisdamas et de Cléonimphe (1615) que les bibliographes n’avaient pu localiser depuis Lenglet-Dufresnoy.

Conformément au principe adopté dans le tome 1 et eu égard à la porosité des frontières séparant les histoires fictionnelles des histoires véridiques, nous avons – sans d’ailleurs prétendre à l’exhaustivité – ajouté aux fictions narratives proprement dites un certain nombre de texte intéressants, du fait même de l’ambiguïté de leur statut ou de leur fortune littéraire. On trouvera ainsi dans les pages suivantes des notices consacrées à des hagiographies et des biographies romancées comme l’Histoire dArthémize (1622) de Jean de Lannel, Roselis (1623) de Jean-Pierre Camus ou l’Histoire, vie et mort de Jacques Cinquiesme Roy dEcosse (1616) de Rolin Baraigne ; des mélanges et des compilations scientifiques pouvant contenir des anecdotes et des histoires comme Le Palais des Curieux (1612) de Béroalde de Verville, Les Diverses Leçons (t. II (1613) et III (1617)) de Louis Guyon ou l’Histoire générale du Monde, et de la Nature (1617) de PedroValderama, traduit par le sieur de la Richardier ; ou encore les actes d’un interrogatoire recueillis dans l’Histoire admirable de la possession et conversion dune pénitente, séduite par un Magicien (1612), un texte rédigé par les Pères Sébastien Michaelis et François Dooms dont s’inspirera François de Rosset dans l’une de ses Histoires tragiques.

Nous avons également enrichi ce corpus par des aperçus sur le contenu de quelques « canards » afin de saisir à travers l’actualité des faits divers la physionomie d’un imaginaire typique où semble puiser l’inspiration de nombreux romanciers.

Enfin ont été éliminé du répertoire quelques rares textes considérés à tort par Lever comme des fictions narratives en prose : ainsi on ne trouvera ici aucun résumé de LHéroïque héros, ou les forces dAmour (1614) de Louis de Cazeneuve, qui est en fait un dialogue savant et une compilation sur Éros et Antéros, rien non plus sur La Lice Chrestienne (1612) de Pedro de Oña traduit par Jean Baudouin puisqu’il s’agit d’un traité de théologie.

Il serait, bien sûr, fastidieux de dresser la liste exhaustive de toutes les corrections et améliorations qui ont pu être apportées à la bibliographie du roman au fil de ce travail. Nous laissons le soin au lecteur de les découvrir au fil de ses recherches. Il constatera ainsi que certains textes font l’objet de nouvelles attributions : par exemple la paternité de l’Histoire générale des larrons ne revient plus désormais à François de Calvi, mais au sieur d’Aubrincourt ; que quelques dates ont été rectifiées,

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comme celle de la première édition de l’Histoire tragé-comique de nostre temps, de Vital d’Audiguier, datant de 1615 et non de 16164 ; que des sources importantes ont été identifiées permettant de mieux établir la genèse de certains texte, comme Hermiante, ou les Deux hermites contraires (1623) de Jean-Pierre Camus dont une partie est une récriture de LHermite Pèlerin publiée en 1616 sous le nom de Sainct Amour…

Mais il est vrai aussi que les avancées réalisées par cette entreprise collective sont elles-mêmes susceptibles d’être poussées un peu plus loin. À ce titre, il convient de reprendre à notre compte la phrase même par laquelle M. Lever concluait autrefois sa propre préface :

« L’ouvrage que nous publions aujourd’hui ne saurait être considéré comme définitif ; à l’instar de tous les inventaires bibliographiques, il demeure soumis à de constantes révisions5. »

Frank Greiner

1 Ce vice en a touché plus d’un parmi les plus éminents.

2 Lettre de Guy Patin à son fils, Bibliothèque d’Etat de Vienne, Codex palatinus, publié par R. Pintard dans La Mothe Le Vayer, Gassendi et Guy Patin, Paris, 1943, p. 64.

3 Nous ne tenons pas compte dans cette courte liste des quelques canards et occasionnels qui ont fait l’objet de quelques notices et que Lever exclut de son répertoire.

4 Comme l’indique M. Lever, op. cit., p. 216.

5 Ibid., p. 16.