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Classiques Garnier

[Épigraphe]

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Son esprit simpliste admettait difficilement qu'il y eût une morale de la guerre parce que la guerre lui apparaissait comme la négation de la morale. Une déclaration de guerre équivalait pour lui à la suspension des lois divines et humaines  : c'était le déchaînement brutal de la force. La distinction des cruautés nécessaires et des barbaries inutiles lui paraissait subtile et précaire. Tuer des civils n'était guère plus grave à ses yeux que d'attendre pour les mettre en pièces qu'ils eussent revêtu un uniforme ; et peu lui importait d'être asphyxié par les gaz contrairement aux conventions de La Haye ou mis en bouillie par un 210 conformément aux lois de la guerre. Mais il avait la coquetterie de ne pas accepter pour lui-même le renversement de toutes les barrières morales, et la seule chose qu'il admettait qu'on pût exiger de lui c'était de se faire tuer.
Pierre Chaîne, Les mémoires d'un rat, Paris, L'ouvre, 1917, p. 51.