Aller au contenu

Classiques Garnier

Introduction à la troisième partie

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Faire le deuil des mondes. Une ethnocritique de trois récits de Chateaubriand
  • Pages : 185 à 186
  • Collection : Études romantiques et dix-neuviémistes, n° 131
  • Série : Lire Chateaubriand, n° 9
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406157939
  • ISBN : 978-2-406-15793-9
  • ISSN : 2258-4943
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-15793-9.p.0185
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 20/12/2023
  • Langue : Français
185

Introduction
à la troisième partie

René et Atala sont deux textes qui se répondent, au sens où ils entrent en dialogue lun avec lautre. Il sagissait à lorigine de deux épisodes des Natchez fonctionnant comme des analepses longuement développées dans lesquels le personnage (Chactas puis René), devenu narrateur, relate ses pérégrinations entre la vieille Europe et le « Nouveau Monde », raconte ses errances ou ses voyages à travers diverses nations, sociétés ou milieux.

Atala nest quun épisode du long récit rétrospectif que Chactas, devenu vieux, fait de sa jeunesse jusquà son retour dans sa patrie. Ce long récit de Chactas occupera les Livres V à VIII des Natchez. Dans Les Natchez (publié en 1826), Atala est résumé en une phrase, au tout début du récit : « Pendant le cours dune navigation solitaire, René interroge Chactas sur ses voyages aux pays des blancs et lui demande le récit de ses aventures : le Sachem consent à le satisfaire. Assis auprès du frère dAmélie, à la poupe de la barque indienne, le vieillard raconte son séjour chez Lopez, sa captivité chez les Siminoles, ses amours avec Atala, sa délivrance, sa fuite, lorage, la rencontre du père Aubry et la mort de la fille de Lopez1. » Une note de lauteur en bas de page indique simplement « Voyez Atala », puis le récit enchâssé de Chactas reprend jusquà la fin du Livre VIII, sachevant ainsi : « Il est une sorte de sagesse inquiète et de prudence coupable que le ciel punit. Telle est, ô mon fils ! la trop longue histoire de Chactas2. » Lavant-dernière phrase, au présent de vérité générale, fonctionne comme une morale universelle adressée spécifiquement à René. La « sagesse inquiète » et la « prudence coupable » que « le ciel » châtierait sont celles qui caractérisent René. Le récit de Chactas se clôt par une sorte de transition préparant au récit de René auquel il délivre une forme de morale anticipée.

186

René, auditeur et destinataire silencieux du récit dans Atala, devient à son tour narrateur dans René, où il raconte sa propre vie au vieux Chactas, mais aussi au Père Souël. Ce dernier est un Jésuite français venu évangéliser les Natchez ; cet homme dÉglise se pose comme une figure de père et de pasteur pour lensemble des peuples indiens quil souhaite convertir. À lopposé du Père Souël, René est venu au Nouveau-Monde pour devenir Natché lui-même ; il sest placé dans la position de fils, en reconnaissant Chactas comme père adoptif. Le récit de René pourrait être considéré comme le fils de celui de Chactas. Une filiation sinstalle de fait entre les deux voix, entre les deux personnages. La voix du Père Souël dans René fait écho à celle du Père Aubry dans Atala, jetant un éclairage chrétien aux contradictions et aux turpitudes des protagonistes.Pourquoi René est-il devenu le fils de Chactas ? Comment le Sachem a-t-il fait de ce jeune Européen un Natché, qui deviendra connu sous le nom du « guerrier blanc » ? Atala et René répondent à ces questions sous des angles problématiques différents. Les variations narratives et esthétiques nous éclairent sur la richesse, voire les contradictions, de la figure complexe de René, flamboyante et insaisissable.

1 LN, I, V, p. 231.

2 LN., I, VIII, p. 303.