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Classiques Garnier

Introduction à la première partie

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Introduction
à la première partie

Chateaubriand se désigne, dans le Voyage en Amérique,comme « le dernier historien de ces peuples1 », en parlant des différentes premières nations dAmérique du Nord. Atala, René et Le Dernier Abencerage sont empreints dune forte nostalgie pour les mondes disparus dont lauteur célèbre la mémoire, les mœurs et les coutumes. « Ainsi passe sur la terre tout ce qui fut bon, vertueux, sensible ! », sécrie le narrateur dans lÉpilogue dAtala (p. 99), après avoir écouté le récit relatant le massacre de la Mission du Père Aubry, et en observant avec admiration les rites que pratiquent, dans leur exil forcé, les « restes des Natchez » (p. 96). « Oh ! que cette coutume indienne est touchante ! » (p. 94), commente avec émotion le narrateur décrivant le rite funéraire des Natchez destiné aux enfants. Le lyrisme de ladmiration et le lyrisme de la déploration marquent limplication émotive de lénonciateur qui, à la manière dun ethnographe, rend compte des rites, des coutumes et des croyances du peuple pour lequel il éprouve une grande sympathie. Doù vient cette empathie ? Lexpérience des Natchez fait écho à celle du voyageur : lui aussi est un exilé, lui aussi a vu le monde dans lequel il vivait seffondrer. Comprendre et partager les rites et les mœurs de ces peuples dépossédés de leur monde, cest perpétuer la mémoire des mondes dhier, cest pénétrer les mentalités et les valeurs marginalisées par le monde nouveau. Quest-ce quun monde ? Comment définir cette entité spatio-temporelle dont les fictions de Chateaubriand célèbrent la mémoire et en montrent le caractère éphémère ?

1 Voyage en Amérique, « État actuel des Sauvages de lAmérique septentrionale », op. cit., p. 353.