[Comptes-rendus de thèses]
- Type de publication : Article de revue
- Revue : European Review of Service Economics and Management Revue européenne d’économie et management des services
2018 – 2, n° 6. varia - Auteurs : Silva-Morales (Milena-Jael), Rhalimi (Mohammed Abdessamad), Nicolaÿ (Alexis)
- Pages : 155 à 164
- Revue : Revue Européenne d’Économie et Management des Services
- Thème CLIL : 3306 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie de la mondialisation et du développement
- EAN : 9782406086338
- ISBN : 978-2-406-08633-8
- ISSN : 2555-0284
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08633-8.p.0155
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 15/10/2018
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
Milena-Jael Silva-Morales (2017), Comprendre la transformation d’un système de service public urbain qui devient smart, Thèse de doctorat en Sciences de Gestion, soutenue le 15 décembre 2017.
Directeurs de thèse : Radu Burlacu, Professeur, Laboratoire CERAG, EDSG 275, Université Grenoble-Alpes et Camal Gallouj, Professeur, CEPN-CNRS, Université Paris 13, Sorbonne Cité
Membres du jury : Faridah Djellal, Professeure, Université de Lille 1 ; Gilles Rouet, Professeur, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines ; Marie-Christine Monnoyer, Professeure, Université Toulouse 1 ; Marie-Laure Gavard-Perret, Professeure, Université Grenoble-Alpes.
Cette recherche contribue à la compréhension d’un phénomène émergent et complexe : la transformation / « smartisation » du système de service public urbain. Nous étudions le dé-silotage organisationnel et technique de plusieurs silos ou sous-systèmes de service public, tels que le transport, le tourisme, etc. Cette transformation est interprétée comme le passage de la 5e à la 6e vague de Kondratiev, qui correspondent aux vagues de destruction créatrice de Schumpeter. Il s’agit de proposer des modèles heuristiques pour comprendre le contenu et le processus de cette transformation.
Pour étudier ce phénomène, nous commençons en proposant une méthode d’analyse intertextuelle de la littérature. Nous combinons l’analyse sémantique latente, l’analyse factorielle, le text mining et la théorie enracinée, pour mettre en évidence une « archéologie » des trois notions essentielles de la Science du Service : (1) le système de service (SS), (2) l’innovation de service (IS) et (3) les logiques institutionnelles de service (LIS). Nous mettons en évidence, de manière inductive et interdisciplinaire, les changements de la structure intellectuelle du SS, de l’IS et des LIS, de 1986 à 2015. Ceci nous permet d’interpréter les théories, les thèmes et les auteurs liés à ces domaines durant le passage de la 5e à la 6e vague de Kondratiev.
156Sur la base du bilan de la littérature, nous avons pu choisir, à travers des dialogues productifs avec notre terrain, deux approches théoriques, (l’une par le processus et l’autre par le contenu), pertinentes pour étudier la dynamique de la transformation institutionnelle et structurelle d’un système de service.
1. Il s’agit tout d’abord des approches théoriques par le processus de transformation institutionnelle et structurelle d’un système de service devenant smart :
–La théorie du travail institutionnel entre logiques collectives, antagonistes, et complémentaires.
–La théorie du processus de la légitimité organisationnelle : 1) gagner la légitimité, 2) maintenir la légitimité, 3) défier la légitimité, 4) répondre au défi, 5) innover dans les institutions pour changer les règles / valeurs.
–Le processus de co-transformation du contexte et des institutions, et en particulier l’approche par les mécanismes de changement de logiques institutionnelles : 1) les entrepreneurs institutionnels, 2) le chevauchement structurel, 3) la séquence des événements, 4) l’antécédent ou une conséquence du changement, 5) les logiques institutionnelles concurrentes, en particulier la Public Service Logic (PSL) et la [market] Service-Dominant Logic (SD-L).
2. Il s’agit ensuite de l’approche théorique par le contenu de la transformation institutionnelle et structurelle d’un système de service devenant smart. Nous utilisons ici la Pensée Complexe comme cadre intégrateur du contenu de la transformation.
Notre problématique est la suivante : comment l’intégration des smart technologies (par exemple, les capteurs intelligents, les tags NFC, etc.) transforme-t-elle la structure d’un système de service public, et ce, en termes de nouveaux composants et de nouveaux arrangements institutionnels, permettant à ce service public d’être smart et de fonctionner ? Notre question de recherche est formulée dans les termes suivants : comment le travail institutionnel entre différentes logiques institutionnelles collectives, impliquées dans la transformation d’un système de service public urbain devenant smart, fait émerger de nouveaux arrangements institutionnels ou des ressources frontières, nécessaires pour coordonner les différents acteurs et leurs nouvelles intégrations de ressources ?
157Nous avons étudié entre 2011 et 2016 un appel à projets initié par le gouvernement français en 2011 intitulé : « Déploiement de services mobiles sans contact NFC par les territoires », sous le volet « villes numériques ». Ce projet a retenu 15 agglomérations urbaines, réparties sur 14 territoires en France, organisées dans un groupe de travail national pour favoriser la collaboration et le partage d’expériences. Du point de vue méthodologique, nous avons réalisé une recherche par le contenu et par le processus. Nous avons utilisé deux hypothèses ontologiques du travail : l’ontologie relationnelle (relational ontology) et l’ontologie du devenir (becoming ontology). Nous mobilisons le modèle dialogique pour les recherches collaboratives avec les praticiens de la gestion et le paradigme épistémologique constructiviste pragmatique (PECP). L’architecture de la recherche est cohérente avec le PECP. La méthode de collecte et d’analyse a été basée principalement sur la théorie enracinée, l’observation participante et non participante, les archives, l’ethnographie, l’entretien semi-directif, l’étude de cas longitudinale multi-niveaux (c’est-à-dire locale et nationale). Notre cadre analytique est basé sur la démarche suivante : l’analyse des contextes externes et internes ; l’analyse des processus (comment les transformations ont-elles lieu ?), l’analyse du contenu (leurs effets sur les personnes, les processus et les organisations).
Du point de vue théorique, notre recherche contribue à l’affinement de la littérature sur la transformation du système de service public, sur l’innovation de service et sur les logiques d’innovation de service. Notre recherche propose trois modèles heuristiques résultant d’une analyse par le processus et par le contenu de la transformation d’un système de service devenant smart, via un enracinement théorique. Le premier modèle contribue à la compréhension du contexte du passage de la 5e à la 6e vague de Kondratieff, en mettant en évidence 5 phases du travail institutionnel pour la co-création d’arrangements institutionnels flexibles (c’est-à-dire les standards, normes, ressources frontières, APIs) pour l’innovation entre logiques organisationnelles antagonistes et complémentaires, notamment entre deux logiques collectives : (a) la (market) SDL et (b) la PSL. Le deuxième modèle met en évidence les composants clés d’un système de service devenant smart. Le troisième modèle quant à lui met en lumière les moteurs et les barrières de la transformation. Il identifie huit moteurs internes, deux moteurs externes ; neuf barrières internes, et cinq barrières externes. Il met également en lumière six stratégies internes et deux 158externes de sensemaking/sensegiving visant à favoriser la transformation. Nous ajoutons enfin 4 propositions à la Logique de Service Public (PSL).
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Mohammed Abdessamad Rhalimi (2017), Carrières des femmes cadres et plafond de verre au Maroc : Quelques enseignements à partir du secteur de la grande distribution, Thèse de doctorat en Sciences de Gestion de l’université Paris 13 Sorbonne Paris cité, soutenue le 12/12/2017.
Directeur de thèse : Camal Gallouj, Professeur, Université Paris 13
Membres du jury : Aline Scouarnec, Professeur, Université de Caen ; Faridah Djellal, Professeur, Université de Lille 1 ; Samira Guennif, MCF-HDR, Université Paris 13 ; Mathias Waelli, MCF-HDR, EHESP Institut du Management à Paris.
Cette thèse porte sur un sujet à fort enjeu : les carrières des femmes cadres au Maroc. Le travail de recherche qui a été mené vise à contribuer à la compréhension du contexte socio-économique dans lequel se situent les femmes marocaines et à repérer les trajectoires de carrière qui leur sont accessibles. Cette démarche permet de mettre en évidence l’existence d’un plafond de verre qui freine l’ascension de ces femmes vers les niveaux hiérarchiques les plus élevés.
L’analyse des caractéristiques du marché du travail féminin au Maroc montre que bien que les femmes soient désormais plus diplômées que les hommes, leurs compétences ne sont toujours pas reconnues puisque ces dernières sont souvent recrutées dans des postes pour lesquels elles sont généralement surqualifiées. Par ailleurs, les femmes cadres sont confrontées à des conflits ou arbitrages permanents, notamment entre vie familiale et vie professionnelle avec, en trame de fond, une inquiétude forte vis-à-vis 159de ce qui pourrait être un échec familial face au poids pesant de la société. Cette inquiétude entraine souvent chez elles une forme d’autocensure quant à leurs ambitions professionnelles face au regard critique extérieur.
À la suite de ces constats et considérations, la question centrale à laquelle ce travail doctoral cherche à répondre peut être formulée de la manière suivante : Quels sont les facteurs de blocages des carrières des femmes cadres dans les organisations au Maroc ? Pour mener à bien notre analyse, nous nous sommes posés trois questions principales : (i) Quelle est la situation actuelle de la femme marocaine en matière de management ? (ii) Existe-t-il un « plafond de verre » au Maroc ? (iii) Les cadres marocaines font-elles face aux mêmes défis que leurs homologues masculins ?
Pour répondre à ces questions, nous avons mené un travail empirique quantitatif (approche PLS-SEM) sur un échantillon de 133 cadres femmes et hommes de la grande distribution, précédé d’une étude qualitative exploratoire sur la base d’entretiens semi-directifs auprès de 20 femmes cadres dans différents secteurs d’activité (avec une dominante grande distribution). Notre travail de recherche s’appuie sur l’approche GOS (Genre-Organisation-système), développée par Fagenson (1990), qui représente un cadre théorique holistique, même s’il reste relativement peu mobilisé dans les travaux de recherche relatifs aux carrières des femmes et au plafond de verre.
Par ailleurs, le choix du secteur de la grande distribution comme terrain privilégié nous a semblé judicieux pour de multiples raisons. En effet, ce secteur, qui est dans sa phase de développement extensif au Maroc, offre de nombreuses perspectives d’évolution de carrière aux cadres qu’ils soient hommes ou femmes. Ce secteur présente également des spécificités dans ses pratiques de gestion des ressources humaines et dans ses exigences sur le plan physique et sur le plan des horaires de travail. Or, c’est justement cette question du temps disponible qui pose généralement problème aux femmes, en particulier lorsque la question de la conciliation vie familiale et vie professionnelle est en jeu.
La conclusion principale de la thèse est qu’il existe des différences significatives liées au genre, et que les trajectoires de carrières des cadres marocaines sont significativement différentes de celles de leurs homologues masculins. En effet, les résultats de l’étude qualitative exploratoire montrent que les cadres marocaines n’hésitent pas à s’autocensurer pour pouvoir concilier vie familiale et vie professionnelle ; et ce, même si elles 160sont souvent aussi ambitieuses que leurs collègues masculins. Ce tiraillement entre les deux rôles s’exacerbe en présence d’enfants en bas âge, d’autant plus que les femmes cadres marocaines accordent une importance capitale à la réussite de la vie familiale qui constitue, à leurs yeux et à ceux de la société, leur « finalité suprême », voire leur raison d’être. Pour parvenir à concilier travail et famille, les cadres marocaines font des sacrifices d’ordre à la fois professionnel (renonciations à des promotions par exemple) et personnel (au détriment de leur temps de loisirs et de repos).
Cependant, notre recherche quantitative a montré qu’au lieu d’être un frein, la situation familiale semble avantager la femme. L’explication se trouve, à notre sens, dans la nature même de l’activité qui exige une disponibilité horaire très contraignante obligeant, de facto, le conjoint à soutenir sa femme, et à se montrer plus disponible et plus engagé dans la gestion de la vie familiale ; et cela, d’autant plus que le couple peut faire appel à l’aide des autres membres de la famille élargie, notamment pour l’éducation des enfants.
Outre, les responsabilités familiales qui continuent de reposer sur les épaules des femmes les empêchant d’être aussi disponibles que leurs homologues masculins, les femmes sont plus enclines à interrompre leurs carrières pour des raisons de maternité ou de mobilité du conjoint, et préfèrent contrôler leurs ambitions professionnelles et, par ricochet, limiter ne serait-ce que de manière temporaire l’évolution de leurs carrières.
Par ailleurs, les résultats de nos études (qualitative et quantitative) montrent que les stéréotypes de genre « think manager, think male » relatifs aux compétences, aux ambitions et aux personnalités des femmes et qui sont généralement supposées être inférieurs à celles des hommes, ne semblent pas affecter leur avancement hiérarchique. Les entreprises semblent valoriser les compétences féminines, les qualités (intelligence émotionnelle, communication, empathie, sens des responsabilités et de l’éthique, …) de ces dernières, ainsi que leur capacité à déployer un leadership transformationnel.
Néanmoins, en raison des pratiques discriminatoires liées aux préjugées d’indisponibilité et à des stéréotypes d’apparence physique, les femmes perdent beaucoup de temps à chercher un premier emploi après l’obtention de leur diplôme. Elles sont souvent recrutées dans des postes pour lesquels elles sont généralement surqualifiées. Ceci contribue à ralentir le rythme des promotions auxquelles elles peuvent prétendre et aussi à réduire leur 161nombre ; ce qui se traduit in fine par l’accès à des niveaux hiérarchiques moins élevés que ceux atteints par leurs homologues masculins.
Soulignons également que les femmes préfèrent travailler avec des hommes, notamment lorsqu’il s’agit des supérieurs hiérarchiques, plutôt qu’avec des femmes. Les résultats de nos études (qualitative et quantitative) confirment que les rivalités et les jalousies entre femmes semblent constituer un obstacle à la progression hiérarchique, nettement plus fort que les comportements homophiles et discriminatoires de la part des hommes.
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Alexis Nicolaÿ (2017), Conception innovante de lignées de services complexes dans l’industrie d’armement européenne, Thèse en Sciences de Gestion de l’Université Paris Saclay préparée à l’Ecole polytechnique, soutenue le 22 décembre 2017.
Directeur de thèse : Sylvain Lenfle, Professeur, Conservatoire National des Arts et Métiers / Ecole polytechnique
Membres du jury : Christophe Midler, Directeur de recherche CNRS et Professeur, Ecole polytechnique (Président du jury) ; Faïz Gallouj, Professeur, Université de Lille 1, (Rapporteur) ; Pascal Le Masson, Professeur, Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris (Rapporteur) ; Jean-Michel Chiquier, MBDA France (examinateur) ; Julien Porcher, MBDA France (examinateur).
La thèse s’intéresse au phénomène contemporain de « servicisation » dans le secteur de l’armement européen. Décrit pour la première fois par Vandermerwe et Rada en 19881, ce phénomène pose, dans l’optique 162de conception qui est celle de la thèse, de nombreuses questions. Le secteur de l’armement en porte certaines à l’extrême. Ainsi, les cycles de conception sont très longs, parfois de l’ordre de plusieurs décennies. La complexité des produits – avions de combat, sous-marins, systèmes de missiles, etc. – se retrouve dans la conception des systèmes produits-services. L’importance des enjeux financiers, comptés parfois en milliards d’euros, a également un impact fort sur la conception. Enfin, la complexité de l’écosystème du service, alliant acteurs privés et publics et caractérisé par une forte dissociation entre le client (les agences d’acquisition étatiques comme, en France, la Direction Générale de l’Armement) et les utilisateurs (les forces armées) est un enjeu particulièrement prégnant.
Face à ces enjeux, la thèse soulève tout d’abord les limites de la grande majorité des modèles et outils de conception de services qui dominent la littérature. Présentant un fort tropisme « business-to-consumer », cette dernière voit paradoxalement le client comme une entité relativement abstraite. Qu’il soit abordé sous la forme d’un archétype (la fameuse ménagère de moins de 50 ans) ou que la conception soit pensée de manière à prévoir tous les cas de figure possibles de la co-conception, le client est relativement désincarné dans la conception. En conséquence, si la valeur est bien co-produite par le client et le prestataire, elle n’est pour ainsi dire jamais co-conçue. Autre conséquence de l’orientation B2C, la durée des relations de services est généralement limitée à quelques heures (par exemple, les services de restauration), quelques jours (par exemple, l’hôtellerie), voire quelques semaines (par exemple, les services de santé). L’on est alors très loin des décennies que doivent couvrir les services de maintenance des sous-marins par exemple. Conçu comme une offre « sur étagère » que le client consent à coproduire, le service B2C ne survit pas à l’accomplissement de son objet : un repas, un séjour à l’hôtel, etc. Ainsi, l’évolution du service n’est pas inscrite dans sa conception ab initio, c’est pourtant une nécessité dans le cas de notre sous-marin.
Basée sur 10 études de cas, dont deux menées en recherche-intervention2, la thèse propose de partir de la valeur pour dépasser les limites de la littérature au regard de la conception des services complexes dans 163l’armement. Ainsi, elle développe un outil permettant de représenter et décrire la valeur des services complexes baptisé ReADy (Référentiel d’Analyse Dynamique). Il s’agit d’un référentiel à deux dimensions (périmètre et niveau de service) dans lequel évoluent deux objets de la conception : le concept et le contrat de service – cf. Figure 1. Le concept définit le « champ des possibles » de la coopération entre les acteurs. Le contrat couvre la « portion » du concept sur laquelle les acteurs sont prêts à s’engager et à mettre en œuvre les moyens nécessaires à la co-production du service. De l’interaction, de la dynamique conjointe de ces deux objets, naissent les trajectoires qui sont la base des lignées de services.
Fig. 1 – Le Référentiel d’Analyse Dynamique de la valeur de service (ReADy).
L’espace de co-conception que représente le concept de service est primordial. Le contrat de service est un objet juridique à la forme contrainte, aux modes de révision prescrits, aux connaissances extrêmement explicites. Seul, il ne permet pas d’organiser – de concevoir – la succession des projets et l’accumulation des connaissances qui caractérisent la lignée. En explicitant la relation entre les acteurs, le contrat en limite la capacité d’évolution. C’est bien le concept de service qui est le garant de la « permanence de l’exploration » et le support du développement 164de « communautés d’apprentissage ». Si le service est fondamentalement une interaction et que sa valeur doit être co-conçue, des connaissances communes doivent être créées entre les acteurs. Il s’agit bien sûr de connaissances techniques mais aussi de compétences, de processus, de vocabulaires communs, etc.
Dans le cas des services complexes, la conception et la création des connaissances sont marquées par un fort degré d’ambiguïté. À l’inverse, les structures organisationnelles des acteurs de l’armement sont conformées aux enjeux de conception de produits techniquement complexes mais dont les spécifications sont très établies, très peu ambiguës. Interactionnels par nature, les services sont également très dépendants du contexte de leur (co)production. A fortiori, concevoir un service dont la production doit avoir lieue 5, 10 ou 20 ans plus tard impose une forte ambiguïté quant au contexte d’alors. De plus, les évolutions de contexte sont susceptibles de créer de nouvelles opportunités pour le service. C’est en ce sens que l’on parle de permanence de l’exploration. En tout état de cause, l’organisation traditionnelle des acteurs de l’armement s’en accommode mal. La thèse propose, sur la base des cas étudiés, que la « communauté d’apprentissage » soit un moyen de surmonter cette difficulté sans mettre en péril les structures existantes, nécessaires au développement des produits. Emergentes, se situant à l’interface des organisations et s’institutionnalisant progressivement, nos communautés d’apprentissage mettent en place, maintiennent et adaptent les mécanismes de coordination entre les acteurs du service.
La thèse pourrait se résumer en quelques phrases comme présentant une approche de la conception centrée sur la valeur, dans laquelle l’écosystème du service co-conçoit, autant qu’il co-produit. Via l’outil ReADy, qui met en interaction deux objets macroscopiques que sont le concept et le contrat, les concepteurs peuvent inscrire le service dans le temps long, dans une optique de lignée. Elle adresse en cela les principales limites de la littérature que nous avions identifiées pour les services complexes. Centrés sur l’armement européen, les résultats de la thèse pourront maintenant être confrontés à d’autres zones géographiques et d’autres secteurs d’activité pour en tester la portée plus générale.
1 Vandermerwe S., Rada J. (1988). Servitization of Business : Adding Value by Adding Services. European Management Journal, 6(4), 314-324.
2 La thèse a été réalisée dans le cadre d’une Convention Industrielle de Formation par la Recherche (CIFRE) au sein de la Société MBDA. Cette dernière est le leader européen des missiles et systèmes de missiles.