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Classiques Garnier

La satisfaction des clients des services captifs

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : European Review of Service Economics and Management Revue européenne d’économie et management des services
    2018 – 2, n° 6
    . varia
  • Auteur : Furrer (Olivier)
  • Résumé : La captivité des clients modifie leur perception de la qualité de service et amplifie leurs réactions. Cette étude teste empiriquement les effets du sentiment affectif négatif de clients captifs et de leur insatisfaction liée à des prix perçus comme trop élevés sur la perception de la qualité de service, l’insatisfaction et le bouche-à-oreille. Les résultats montrent que la captivité suscite un sentiment affectif négatif et une insatisfaction-prix et que ces facteurs diminuent la perception de la qualité de service et exacerbent l’insatisfaction.
  • Pages : 51 à 75
  • Revue : Revue Européenne d’Économie et Management des Services
  • Thème CLIL : 3306 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie de la mondialisation et du développement
  • EAN : 9782406086338
  • ISBN : 978-2-406-08633-8
  • ISSN : 2555-0284
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08633-8.p.0051
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 15/10/2018
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Bouche-à-oreille, captivité, marketing, monopole, qualité des services, satisfaction, services
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La satisfaction des clients
des services captifs1

Olivier Furrer

Université de Fribourg, Suisse

Introduction

Les services captifs sont des services qui sont fournis dans un système non concurrentiel ou à travers des processus qui limitent le choix, le contrôle et le pouvoir des consommateurs (Rayburn, 2015). Dans ce cadre, la captivité des services est la perception par les consommateurs que pour obtenir ce service, ils nont pas dautre option que leur fournisseur actuel (Rayburn, 2015). Cette captivité peut être créée par différents types de contraintes plus ou moins importantes (Botti et al., 2008). Certains services publics, comme le transport ferroviaire de passagers et le courrier postal, sont des monopoles dÉtat pour lesquels les consommateurs nont pas dautre choix. Dautres services en situations concurrentielles développent des processus pour rendre leurs clients captifs, comme certaines entreprises de téléphonie mobile ayant des systèmes dabonnements relativement longs et des conditions dannulation contraignantes. Cette situation de captivité crée chez les consommateurs une perception de déséquilibre de pouvoir en faveur du fournisseur de service et influence leurs attitudes et leurs comportements.

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Pour les entreprises offrant des services captifs, cette situation de captivité offre un certain nombre davantages par rapport aux entreprises de services dont les clients ne sont pas captifs. En effet, les consommateurs captifs, même insatisfaits, ne peuvent pas changer de fournisseurs, et ces entreprises peuvent augmenter leurs prix sans que la consommation diminue de façon importante. Cependant, cette situation pose également un certain nombre de défis managériaux et marketing en termes de relation-client :

1. Est-ce que ces entreprises doivent vraiment chercher à maximiser (ou à améliorer) la satisfaction de leurs clients étant donné que ceux-ci nont pas le choix et que les coûts risquent daugmenter de manière importante ?

2. Est-ce que ces entreprises peuvent se contenter doffrir une qualité de service minimale ou doivent-elle chercher à améliorer la qualité de service afin de mieux satisfaire leurs clients ?

3. Quelles sont les conséquences pour ces entreprises de noffrir quune qualité minimale ne satisfaisant pas pleinement leurs clients, étant donné que ceux-ci ne peuvent pas sen aller ?

Afin dapporter des éléments de réponse à ces questions, nous nous sommes intéressés à la façon dont la captivité influençait la perception de la qualité de service, la satisfaction client et le comportement de bouche-à-oreille. Nous faisons lhypothèse que la captivité des clients crée des émotions négatives qui diminuent la perception de la qualité et la satisfaction (Alford et Sherrell, 1996 ; White, 2010). De plus, lorsque les clients de services captifs, qui nont donc pas le choix de leur fournisseur, ne sont pas satisfaits de la qualité des services quils reçoivent, ils sont plus vocaux que dans le cas de services non-captifs (Boti et al., 2008). Par contre, lorsquils sont satisfaits de la qualité des services quils reçoivent, ils font moins de bouche-à-oreille que dans le cas de services non-captifs, car ils trouvent cela normal (Liu et al., 2001).

Les services captifs étant le plus souvent offerts en situation de monopole, les consommateurs nont pas de pouvoir sur les prix (Rayburn, 2015). Cette situation de dépendance entraîne souvent chez les consommateurs une insatisfaction par rapport aux prix des services captifs. Plus cette insatisfaction est importante, plus leffet de la qualité de service sur 53linsatisfaction est fort et plus leffet de linsatisfaction sur le bouche-à-oreille est également fort (Caruana et al., 2000). Cette insatisfaction-prix a également un effet asymétrique sur le bouche-à-oreille (Liu et al., 2001). Les consommateurs captifs qui ne sont pas satisfaits de la qualité des services ont tendance à faire plus de bouche-à-oreille négatif par rapport au bouche-à-oreille positif fait par les consommateurs satisfaits. Dans une situation de captivité, puisque les consommateurs nont pas la possibilité de changer de fournisseur lorsquils ne sont pas satisfaits du prix, la seule chose quils peuvent faire cest den parler autour deux. À linverse, lorsquils sont satisfaits ou plutôt, lorsquils ne sont pas insatisfaits du prix, et puisquils sont captifs, ils nont aucune incitation à en parler autour deux. En effet, cela ne servirait à rien den parler car de toute façon, les autres clients nont pas le choix non plus.

1. Attitudes et comportements
des consommateurs
vis-à-vis des services captifs

Dun point de vue des consommateurs, il y a trois éléments qui sont spécifiques aux services captifs : premièrement, loffre de ces services se fait souvent, comme nous lavons dit, en situation de monopole (ou de quasi-monopole) (Rayburn, 2015). Cette situation de monopole est perçue négativement par les consommateurs (Botti et al., 2008), en particulier en matière de prix (Chen et al., 1994). En effet, à cause de la situation monopolistique, les prix sont souvent perçus par les consommateurs captifs comme artificiellement élevés par rapport à la qualité du service reçu. Cette insatisfaction va renforcer les effets négatifs dune mauvaise qualité de service et de linsatisfaction sur le comportement de bouche-à-oreille des consommateurs (Caruana et al., 2000).

Deuxièmement, la situation monopolistique des services captifs limite également le choix des consommateurs qui ne peuvent choisir un autre fournisseur que celui quils ont actuellement (Rayburn, 2015). Cette contrainte, qui se traduit par des émotions et un sentiment affectif négatifs à propos de la situation concurrentielle, influence négativement 54la perception de la qualité et la satisfaction. Des études empiriques ont en effet mis en évidence que des sentiments affectifs et des émotions négatives avaient un impact négatif sur les évaluations cognitives (comme la qualité de service) et émotionnelles (comme la satisfaction) dans les relations de services (Alford et Sherrell, 1996 ; Ladhari, 2007 ; Liljander et Strandvik, 1997 ; Szymanski et Henard, 2001 ; White, 2010).

Troisièmement, ne pouvant pas changer de fournisseur lorsque la qualité nest pas bonne, il ne reste plus aux consommateurs captifs qui ne sont pas satisfaits quà exprimer leur mécontentement à travers un bouche-à-oreille négatif (Tjemkes et Furrer, 2010). Tjemkes et Furrer (2010) ont montré que lorsquil y avait peu dalternatives à une relation client-fournisseur et que donc le changement de partenaire nétait pas possible, la probabilité dexprimer son mécontentement était plus importante.

Une insatisfaction à propos des prix perçus comme trop élevés, des émotions et des sentiments affectifs négatifs à propos de la situation concurrentielle et le bouche-à-oreille comme seule possibilité de comportement par rapport à la qualité de service et à linsatisfaction sont trois caractéristiques propres aux services captifs qui influencent différemment le management et le marketing de ces services par rapport à des services non-captifs.

2. Modèle de recherche et hypothèses

Afin dévaluer limpact de ces caractéristiques des services captifs sur les attitudes et les comportements des consommateurs, nous sommes partis dun modèle de base simplifié des attitudes et des comportements des consommateurs et nous y avons ajouté des variables caractérisant la situation des services captifs. Ce modèle simplifié, bien établi dans la littérature en marketing des services (Brady et Robertson, 2001 ; Cronin et al., 2000 ; De Ruyter et al., 1997 ; Rust et Oliver, 1994), stipule que la perception de la qualité de service influence la satisfaction (ou linsatisfaction) des consommateurs et quensemble, ces deux facteurs influencent le comportement (ou lintention de comportement) des consommateurs vis-à-vis des services et en particulier, le comportement 55de bouche-à-oreille. Un tel modèle simplifié a déjà été utilisé dans le cas de services publics captifs par Sabadie (2003). La figure 1 représente graphiquement ce modèle de base simplifié.

Fig. 1 – Modèle de base simplifié.

Nous avons complété ce modèle de base pour ladapter à la situation des services captifs de la manière suivante :

Premièrement, nous avons ajouté une variable représentant les émotions et les sentiments affectifs négatifs des consommateurs vis-à-vis de la situation concurrentielle (voir figure 2). Nous faisons les hypothèses que cette variable influence négativement la perception de la qualité de service et le comportement de bouche-à-oreille positif et influence positivement linsatisfaction des consommateurs et le comportement de bouche-à-oreille négatif (voir Alford et Sherrell, 1996 ; Ladhari, 2007 ; Liljander et Strandvik, 1997 ; Szymanski et Henard, 2001).

Deuxièmement, nous avons ajouté une variable liée à linsatisfaction par rapport au prix (perception de cherté) du service (voir figure 2) et nous faisons les hypothèses que cette insatisfaction renforce les relations dans notre modèle, de sorte que les effets de la qualité de service, de linsatisfaction et de la perception de contrainte sont plus forts lorsque les consommateurs pensent que les prix des services sont trop chers en raison de leur captivité (cest-à-dire quils sont insatisfaits avec le prix des services) (voir Caruana et al., 2000 ; Chen et al., 1994 ; Cronin et al., 2000).

56

Fig. 2 – Modèle augmenté adapté aux services captifs.

Finalement, nous faisons encore lhypothèse que la situation de monopole crée un effet dasymétrie en terme de comportement de bouche-à-oreille (Liu et al., 2001) et que les variables de notre modèle ont des effets plus forts sur le bouche-à-oreille négatif que sur le bouche-à-oreille positif (voir Harrison-Walker, 2001 ; Mangold et al., 1999 ; Zeithaml et al., 1996 ; White, 2010).

3. Note méthodologique

Afin de tester nos hypothèses, nous avons développé un questionnaire que nous avons envoyé par la poste à un échantillon aléatoire tiré à partir de lannuaire téléphonique de 2 996 consommateurs en Suisse 57romande. À laide de ce questionnaire, nous avons cherché à évaluer les attitudes et les comportements des consommateurs vis-à-vis de trois services plus ou moins captifs : le transport ferroviaire de passagers, le service de courrier postal, et les services de téléphonie mobile. Chaque personne interrogée a répondu de façon aléatoire pour lun des trois services uniquement. Nous avons reçu en retour, après une relance, 1 010 questionnaires remplis (soit un taux de réponse de 33.7 %). Après avoir supprimé les questionnaires trop incomplets (plus de 10 % de valeurs manquantes), nous avons un échantillon de 940 répondants (soit 308 pour le train, 332 pour la poste et 300 pour la téléphonie mobile).

Les trois services confondus, léchantillon est composé de 49.3 % de femmes ; 60 % des répondants ont plus de 53 ans et 85 % ont plus de 40 ans. Les jeunes sont par conséquent sous-représentés dans notre échantillon. La répartition géographique, le niveau de formation et le revenu sont représentatifs de la population suisse romande.

Nous avons mesuré nos variables à laide déchelle de Likert à 9 points. Les items ont tous été adaptés détudes existantes et déchelles validées. Pour mesurer la qualité de service, nous avons retenu 13 des 22 items mesurant les cinq dimensions de léchelle SERVQUAL : Empathie, Fiabilité, Éléments tangibles, Assurance et Serviabilité (Parasuraman et al., 1988, 1994). Comme recommandé par Cronin et Taylor (1992, 1994), à laide de ces items, nous avons mesuré la perception de la performance des services (SERVPERF). Afin de mesurer linsatisfaction des consommateurs, nous avons adapté quatre items développés par Sabadie (2003). Dix items ont été utilisés pour mesurer le bouche-à-oreille (cinq pour le bouche-à-oreille positif et cinq pour le bouche-à-oreille négatif) qui ont été adaptés des items développés pour le contexte de services publics par Sabadie (2003). Linsatisfaction par rapport aux prix a été mesurée par un item développé spécifiquement pour cette étude. Le sentiment affectif par rapport à la situation concurrentielle se base sur la mesure de cinq émotions négatives : la colère, la déception, la tristesse, le sentiment dêtre pris en otage, et le fait que la situation de monopole est perçue comme embêtante.

Nous avons testé nos hypothèses à laide de la méthode déquations structurelles pour lensemble des services et pour chacun des services séparément (Arbuckle, 2016 ; Byrne, 2016). Lanalyse sest faite en quatre étapes. (1) Tout dabord, nous avons estimé un modèle de mesure afin dévaluer la fiabilité et la validité de nos mesures. (2) Puis, nous avons 58validé le modèle structurel simplifié afin den estimer la validité nomologique. (3) Sur la base de ces résultats préliminaires, nous avons ensuite testé les effets directs du sentiment affectif négatif sur les variables du modèle de base. (4) Finalement, nous avons testé leffet modérateur de linsatisfaction-prix en comparant les coefficients structurels de notre modèle entre deux groupes de répondants avec une forte et une faible insatisfaction-prix. Les résultats sont présentés ci-dessous.

4. Résultats

Avant de tester nos hypothèses, nous avons évalué la fiabilité et la validité de nos échelles de mesure, à la fois pour les trois services ensemble et pour chacun séparément. Toutes les échelles démontrent une fiabilité satisfaisante avec des alphas de Cronbach supérieurs au .70 recommandé (voir tableau A1 de lAnnexe). Pour évaluer la validité convergente et discriminante, nous avons effectué une analyse factorielle confirmatoire à laide du logiciel AMOS 24.0. Pour léchantillon complet avec les trois services ensemble, le modèle est bon avec des mesures dajustement satisfaisantes (Byrne, 2016 ; Hu et Bentler, 1999) : χ2/df = 2.183 ; NNFI = .978 ; CFI = .982 ; RMSEA = .036. Pour les différents services séparément les résultats des modèles de mesure sont également bons (voir tableau 1, modèles 1). Les différents modèles de mesure sont également satisfaisants en termes de validité convergente (tous les coefficients sont supérieurs à .571) et de validité discriminante (test de Fornell et Larcker, 1981). Nous avons également testé le biais de méthode en utilisant un marqueur comme recommandé par Podzakoff et al. (2003). Nous avons utilisé comme marqueur une variable composée de deux items (satisfaction générale dans la vie professionnelle et satisfaction dans la vie familiale). Cette variable est théoriquement non-corrélée avec les variables de notre modèle mais dénote un sentiment affectif général qui pourrait biaiser les relations dans notre modèle. Les résultats montrent que lajout de cette variable naméliore pas significativement le niveau dadéquation des modèles et ne modifie pas les relations structurelles entre les variables, ce qui indique que le biais de méthode nest pas un problème dans nos données.

59

Les modèles de mesure étant tous satisfaisants, nous avons ensuite évalué le modèle de base simplifié (à laide dun modèle déquations structurelles estimé avec le logiciel AMOS 24.0) pour sassurer de sa validité nomologique, tout dabord pour les trois services ensemble, puis séparément. Pour lensemble de léchantillon avec les trois services, lajustement du modèle est bon (voir tableau 1, modèles 2) et toutes les relations sont significatives. Comme nous le supposions, leffet de la perception de la qualité sur linsatisfaction est de –.738 (p < .001), de –.380 (p < .001) sur le bouche-à-oreille négatif et de .799 (p < .001) sur le bouche-à-oreille positif. Leffet de linsatisfaction sur le bouche-à-oreille négatif est de .604 (p < .001) et sur le bouche-à-oreille positif de –.291 (p < .001), ce qui valide également le modèle de base simplifié. Le pouvoir explicatif du modèle est satisfaisant avec une variance expliquée (R2) de .248 pour linsatisfaction, de .539 pour le bouche-à-oreille négatif et de .497 pour le bouche-à-oreille positif.

Pour les trois services séparément, les résultats sont équivalents avec des coefficients qui varient peu entre les différents types de services captifs (détails disponibles auprès de lauteur). Pour le train, le pouvoir explicatif du modèle est aussi satisfaisant avec une variance expliquée (R2) de .279 pour linsatisfaction, de .490 pour le bouche-à-oreille négatif et de .534 pour le bouche-à-oreille positif. Pour le courrier, le pouvoir explicatif du modèle est de .269 pour linsatisfaction, de .620 pour le bouche-à-oreille négatif et de .574 pour le bouche-à-oreille positif. Et finalement pour la téléphonie mobile, le pouvoir explicatif du modèle est de .243 pour linsatisfaction, de .528 pour le bouche-à-oreille négatif et de .416 pour le bouche-à-oreille positif.

Sur la base de ces résultats, nous avons ajouté à notre modèle les deux variables spécifiques aux services captifs afin de tester nos hypothèses. Tout dabord, nous avons ajouté le sentiment affectif vis-à-vis de la situation concurrentielle afin de tester son effet sur la perception de la qualité, linsatisfaction et le bouche-à-oreille négatif et positif. Dans le cas des trois services ensemble, le modèle possède un niveau dajustement satisfaisant (voir tableau 1, modèle 3). Leffet du sentiment affectif sur la perception de la qualité est significatif et négatif (–.228, p < .001), significatif et positif sur linsatisfaction (.250, p < .001), significatif et négatif sur le bouche-à-oreille négatif (.198, p < .001) et significatif et négatif sur le bouche-à-oreille positif (–.102, p < .001).

60

Modèle

χ2

df

p-value

χ2/df

RMSEA [90 % CI]

NNFI

CFI

Échantillon total

(n = 940)

1. Modèle de mesure

419.222

192

.000

2.183

.036 [.031 ;.040]

.978

.982

2. Modèle structurel

simplifié

269.231

108

.000

2.493

.040 [.034 ;.046]

.979

.983

3. Modèle structurel

direct

419.222

192

.000

2.183

.036 [.031 ;.040]

.978

.982

4. Modèle structurel

multi-groupes

758.741

409

.000

1.855

.030 [.027 ;.034]

.967

.971

Service ferroviaire

(n = 308)

1. Modèle de mesure

314.802

197

.000

1.598

.044 [.035 ;.053]

.969

.974

2. Modèle structurel

simplifié

206.988

112

.000

1.848

.053 [.041 ;.064]

.967

.973

3. Modèle structurel

direct

314.802

197

.000

1.598

.044 [.035 ;.053]

.969

.974

4. Modèle structurel

multi-groupes

627.388

413

.000

1.519

.041 [.035 ; 048]

.946

.952

Courrier postal

(n = 332)

1. Modèle de mesure

344.658

197

.000

1.750

.048 [.039 ;.056]

.962

.967

2. Modèle structurel

simplifié

221.355

112

.000

1.976

.054 [.044 ;.065]

.961

.968

3. Modèle structurel

direct

344.658

197

.000

1.750

.048 [.039 ;.056]

.962

.967

4. Modèle structurel

multi-groupes

632.581

417

.000

1.517

.040 [.033 ;.046]

.951

.950

Téléphone portable

(n = 300)

1. Modèle de mesure

367.480

198

.000

1.856

.054 [.045 ;.062]

.950

.957

2. Modèle structurel

simplifié

232.785

112

.000

2.078

.060 [.049 ;.071]

.954

.962

3. Modèle structurel

direct

367.480

198

.000

1.856

.054 [.045 ;.062]

.950

.957

4. Modèle structurel

multi-groupes

681.874

396

.000

1.631

.046 [.040 ;.052]

.926

.933

Tab. 1 – Indices dajustement des différents modèles.

61

Ces résultats montrent quun sentiment affectif négatif vis-à-vis de la situation concurrentielle influence lévaluation cognitive (perception de la qualité) et affective (insatisfaction) du service indépendamment de sa performance objective. De plus, les émotions négatives suscitées par une situation de monopole entraînent une plus forte activité de bouche-à-oreille de la part des consommateurs captifs. Ces résultats valident donc notre hypothèse de leffet du sentiment affectif vis-à-vis de la situation concurrentielle. Après avoir ajouté au modèle de base simplifié le sentiment affectif négatif vis-à-vis de la situation concurrentielle, le pouvoir explicatif du modèle sen trouve amélioré. La variance expliquée pour la perception de la qualité est de .153, de .319 pour linsatisfaction (∆R2 = .071), de .576 pour le bouche-à-oreille négatif (R2 = .037) et de .507 pour le bouche-à-oreille positif (∆R2 = .010).

Pour les trois services séparément, ladéquation des modèles est satisfaisante (voir tableau 1, modèles 3) et les résultats sont équivalents à ceux obtenus sur léchantillon complet avec des coefficients qui varient peu entre les différents types de services captifs (détails disponibles auprès de lauteur). Pour le transport ferroviaire, après avoir ajouté le sentiment affectif négatif vis-à-vis de la situation concurrentielle, le pouvoir explicatif du modèle sen trouve amélioré comme pour lensemble de léchantillon. La variance expliquée pour la perception de la qualité est de .173, de .414 pour linsatisfaction (∆R2 = .135), de .554 pour le bouche-à-oreille négatif (∆R2 = .064) et de .577 pour le bouche-à-oreille positif (∆R2 = .043). Pour le courrier postal, la variance expliquée pour la perception de la qualité est de .173, de .317 pour linsatisfaction (∆R2 = .048), de .659 pour le bouche-à-oreille négatif (∆R2 = .039) et de .578 pour le bouche-à-oreille positif (∆R2 = .004). Et pour la téléphonie mobile, la variance expliquée pour la perception de la qualité est de .140, .284 pour linsatisfaction (∆R2 = .041), de .540 pour le bouche-à-oreille négatif (∆R2 = .012) et de .417 pour le bouche-à-oreille positif (R2 = .001). Ces résultats, comme dans le cas de léchantillon complet, montrent limportance de prendre en compte les émotions suscitées par la captivité des consommateurs pour comprendre leurs attitudes et leurs comportements envers les différents types de services captifs.

Afin de tester leffet modérateur de linsatisfaction par rapport au prix, nous avons séparé notre échantillon en deux sur la base de la 62médiane. Pour lensemble des échantillons, cette médiane se trouve au niveau 7 de léchelle de 1 à 9 de linsatisfaction-prix : faible insatisfaction-prix (1 à 6) et forte insatisfaction-prix (7 à 9). Nous avons ensuite réestimé notre modèle à laide dun modèle déquations structurelles multi-groupes avec le logiciel AMOS 24.0 (Byrne, 2016). Pour les trois services ensemble, le niveau dajustement du modèle est satisfaisant (voir tableau 1, modèle 4). Les résultats de lanalyse indiquent que deux coefficients ne sont pas égaux entre les deux groupes et donc que linsatisfaction-prix modère ces deux relations qui sont : leffet négatif de la perception de la qualité sur linsatisfaction qui est plus fort lorsque linsatisfaction-prix est forte (–.681, p < .001) que quand linsatisfaction-prix est faible (–.436, p < .001) et leffet positif de linsatisfaction sur le bouche-à-oreille négatif qui est plus fort quand linsatisfaction-prix est forte (.559, p < .001) que quand linsatisfaction-prix est faible (.403, p < .001) (voir tableau 2 et figure 3). Ces résultats apportent un support à notre hypothèse dun effet modérateur de linsatisfaction-prix. Lorsque les consommateurs sont fortement insatisfaits du prix des services captifs perçu comme trop élevé, une diminution de la qualité perçue entraîne un accroissement plus fort de linsatisfaction que lorsquils sont peu insatisfaits du prix. De même, lorsquils sont fortement insatisfaits du prix, les consommateurs captifs vont plus fortement réagir par un bouche-à-oreille négatif que lorsquils sont peu insatisfaits du prix.

Fig. 3 – Effet modérateur de linsatisfaction-prix (échantillon complet).

63

Les résultats indiquent également que le pouvoir explicatif du modèle est meilleur dans le cas dune insatisfaction-prix élevée (voir tableau 2) : pour la qualité perçue (R2 = .130 vs. .115), linsatisfaction (R2 = .328 vs. .226), le bouche-à-oreille négatif (R2 = .593 vs. .500) et le bouche-à-oreille positif (R2 = .504 vs. .469). Cela veut dire que lorsque linsatisfaction-prix est faible, un changement dans la perception de la qualité et dans linsatisfaction ont moins deffet sur le comportement de bouche-à-oreille que lorsque cette insatisfaction est forte et que dautres variables (qui ne sont pas incluses dans le modèle) influencent ce comportement.

Par contre, lorsque linsatisfaction-prix est forte, la perception de la qualité et linsatisfaction deviennent des variables critiques qui ont un fort pouvoir explicatif sur le comportement de bouche-à-oreille. En ce qui concerne les différents services, pour le train, le niveau dajustement du modèle est satisfaisant (voir tableau 1, modèle 4). Les résultats de lanalyse indiquent quen particulier deux coefficients ne sont pas égaux entre les deux groupes (voir tableau 2) : leffet négatif de la perception de la qualité sur linsatisfaction qui est plus fort lorsque linsatisfaction-prix est forte (–.719, p < .001) que quand linsatisfaction-prix est faible (–.029, pas significatif) et leffet positif du sentiment affectif sur linsatisfaction qui est plus faible quand linsatisfaction-prix est forte (.390, p < .001) que quand linsatisfaction-prix est faible (.766, p < .001). Les résultats indiquent également que le pouvoir explicatif du modèle est meilleur dans le cas dune insatisfaction-prix élevée : pour la qualité perçue (R2 = .167 vs. .143), pour linsatisfaction (R2 = .457 vs. .348), le bouche-à-oreille négatif (R2 = .620 vs. .283) et le bouche-à-oreille positif (R2 = .616 vs. .439).

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Echantillon

total

(n = 940)

Service

ferroviaire

(n = 308)

Courrier

postal

(n = 332)

Téléphonie mobile

(n = 300)

Insatisfaction-prix

faible / forte

faible / forte

faible / forte

faible / forte

Qualité perçue
Insatisfaction

–.436*** / –.681***

–.029 / –.719***

–.633***

.489***

Qualité perçue
Bouche-à-oreille négatif

–.304***

–.149

–.288***

–.275 / –.544***

Qualité perçue
Bouche-à-oreille positif

.786***

.791***

.716***

.780***

Insatisfaction
Bouche-à-oreille négatif

.403*** /.559***

–.015 /.581***

.530***

.515***

Insatisfaction
Bouche-à-oreille positif

–.236***

.211 / –.156

–.318***

–.233**

Sentiment négatif Qualité perçue

–.198***

–.291***

–.178***

–.091 / –.231***

Sentiment négatif Insatisfaction

.237***

.766*** /.390***

.161***

.084 /.221***

Sentiment négatif Bouche-à-oreille négatif

.194***

.355***

.172***

.093*

Sentiment négatif Bouche-à-oreille positif

–.104***

–.286***

–.073

–.020

Variance expliquée (SMC)

Qualité perçue

.115 /.130

.143 /.167

.118 /.132

.030 /.151

Insatisfaction

.226 /.328

.348 /.457

.285 /.256

.213 /.271

Bouche-à-oreille négatif

.500 /.593

.283 /.620

.644 /.651

.360 /.562

Bouche-à-oreille positif

.469 /.504

.439 /.616

.569 /.503

.330 /.434

*p <.05 ; **p <.01 ; ***p <.001.

Tab. 2 – Coefficients non-standardisés des modèles structurels multi-groupes.

65

En ce qui concerne le courrier, le niveau dajustement du modèle est satisfaisant (voir tableau 1, modèle 4), mais il ny a aucune différence significative entre les deux groupes (voir tableau 2). Quel que soit le niveau dinsatisfaction-prix, les relations entre les variables ne changent pas.

Pour la téléphonie mobile, le niveau dajustement du modèle est également satisfaisant (voir tableau 1, modèle 4). Les résultats de lanalyse indiquent que trois coefficients ne sont pas égaux entre les deux groupes (voir tableau 2) : leffet négatif de la perception de la qualité sur le bouche-à-oreille négatif qui est plus faible lorsque linsatisfaction-prix est forte (–.544, p < .001) que quand linsatisfaction-prix est faible (–.275, p < .001), leffet négatif du sentiment affectif sur la perception de la qualité qui est plus fort lorsque linsatisfaction-prix est forte (–.231, p < .001) que quand linsatisfaction-prix est faible (–.091, pas significatif) et leffet positif du sentiment affectif sur linsatisfaction qui est plus fort lorsque linsatisfaction-prix est forte (.221, p < .001) que quand linsatisfaction-prix est faible (.084, pas significatif). Les résultats indiquent également que le pouvoir explicatif du modèle est meilleur dans le cas dune insatisfaction-prix élevée : pour la qualité perçue (R2 = .151 vs. .030), linsatisfaction (R2 = .271 vs. .213), le bouche-à-oreille négatif (R2 = .562 vs. .360) et le bouche-à-oreille positif (R2 = .435 vs. .330).

Finalement, nous avions fait lhypothèse dune relation asymétrique entre le bouche-à-oreille négatif et le bouche-à-oreille positif. Cette asymétrie est démontrée par les résultats ci-dessus. En effet, de manière générale, que ce soit le sentiment affectif vis-à-vis de la situation concurrentielle ou linsatisfaction-prix, les variables spécifiques à la captivité des consommateurs ont des effets significativement plus importants sur le bouche-à-oreille négatif que sur le bouche-à-oreille positif.

5. Discussion

Les résultats de notre étude montrent que les services captifs ont des caractéristiques propres qui nécessitent un marketing et un management de la relation client particulier. La captivité dans laquelle se retrouvent les consommateurs entraîne un sentiment affectif négatif par rapport à 66la situation concurrentielle et une insatisfaction liée à des prix perçus comme trop élevés. Ces deux facteurs diminuent la perception de la qualité de service et exacerbent directement et indirectement linsatisfaction des consommateurs et le bouche-à-oreille négatif.

Cependant, tous les services captifs ne sont pas les mêmes. Ils varient en termes de degré de captivité, cest-à-dire en termes dinsatisfaction-prix et de sentiments affectifs négatifs. Pour les trains, le niveau dinsatisfaction-prix moyen est de 7.44 (sur 9) et le sentiment affectif négatif moyen est de 3.4 (sur 9), tandis que pour le courrier, linsatisfaction-prix nest que de 5.78 et le sentiment négatif de 3.37. Dans le cas de la téléphonie mobile, linsatisfaction-prix est de 8.15 et le sentiment négatif de 3.92. Linsatisfaction-prix est donc plus élevée dans le cas du train et de la téléphonie mobile que pour le courrier postal, et le sentiment affectif négatif est plus élevé dans le cas de la téléphonie mobile que de ceux du train et du courrier. Les consommateurs se sentent plus captifs de leur opérateur de téléphonie mobile que du train (ils peuvent prendre la voiture) et finalement de la poste (ils peuvent envoyer un email à la place). Il nest donc pas nécessaire que les services soient des monopoles dÉtat pour que les consommateurs se sentent captifs. Certains processus marketing visant à ériger des barrières à la sortie des clients sont également perçus comme créant une certaine dépendance, un manque de choix et de pouvoir par les consommateurs.

Ces différences en termes de niveau de captivité expliquent en partie les différences entre services dans nos résultats. Linsatisfaction-prix, lorsquelle est en moyenne élevée, joue un rôle important en exacerbant les relations entre la perception de la qualité de service et linsatisfaction, et entre linsatisfaction et le bouche-à-oreille. Lorsque les consommateurs sont insatisfaits des prix, la moindre diminution de la qualité perçue du service entraîne une forte hausse de linsatisfaction, qui à son tour entraîne une forte augmentation du bouche-à-oreille négatif, alors que lorsque les clients sont moins insatisfaits des prix, une diminution de la qualité perçue du service a relativement moins deffet sur le niveau dinsatisfaction et à son tour, laugmentation de linsatisfaction a relativement moins deffet sur le comportement de bouche-à-oreille négatif.

Par contre, même lorsquil est très faible, le sentiment affectif négatif vis-à-vis de la situation concurrentielle a un impact négatif important sur la perception de la qualité, linsatisfaction et le comportement de 67bouche-à-oreille. Même dans les cas du train et de la poste, pour lesquels le sentiment affectif négatif est relativement faible (3.4 et 3.37 sur 9), la moindre augmentation de ce sentiment négatif réduit le niveau perçu de qualité et augmente linsatisfaction et le bouche-à-oreille négatif.

Ces résultats mettent en évidence limportance de prendre en compte les conditions de captivité des consommateurs dans lévaluation de leurs attitudes et leurs comportements. En effet, laddition de variables propres à la captivité améliore significativement le pouvoir explicatif des modèles de la satisfaction et du bouche-à-oreille. Cela ne remet pas en cause le modèle de base classique ; en effet, la qualité de service et la satisfaction sont toujours des indicateurs importants de la relation client mais ces variables doivent être complétées par la mesure et le suivi dindicateurs propres à la captivité des consommateurs si on veut comprendre leurs attitudes et leurs comportements lorsquils se sentent en situation de captivité. Par exemple, il peut être difficile de comprendre la virulence dun bouche-à-oreille négatif sans prendre en compte linsatisfaction-prix et le sentiment affectif négatif vis-à-vis de la situation concurrentielle.

6. Implications managériales

Ce nest pas parce que les consommateurs sont captifs que leurs attitudes et leurs comportements ne peuvent pas être gérés. En effet, la captivité des consommateurs est subjective et par conséquent, elle peut être influencée pour en minimiser les effets négatifs. Linsatisfaction-prix, comme le sentiment négatif par rapport à la situation concurrentielle, sont des perceptions que les entreprises peuvent influencer par leurs pratiques marketing et leur communication.

En situation normale, de non-captivité, les consommateurs peuvent comparer les prix de plusieurs fournisseurs et choisir le fournisseur qui offre le meilleur rapport qualité-prix en fonction de leurs préférences. En situation de captivité, lorsque quil ny a quun seul fournisseur et que les clients ne peuvent pas changer, il est difficile pour eux dévaluer la cherté du prix quils doivent payer. Ce manque de choix et cette dépendance entraînent une insatisfaction vis-à-vis du prix. Afin de désamorcer 68cette insatisfaction, il sagit pour les fournisseurs de services captifs de justifier leur prix, dexpliquer la méthode de fixation des prix, de mettre en avant la valeur quapporte leur service et de démontrer, peut-être, que les prix ne seraient pas plus bas en situation concurrentielle. Il sagit de convaincre les consommateurs que lentreprise nabuse pas de sa situation de captivité pour gonfler ses prix artificiellement.

Le sentiment affectif envers la situation concurrentielle peut également être influencé. Il sagit pour les entreprises opérant en situation de monopole (ou de quasi-monopole) de chercher à réduire les émotions négatives que cette situation suscite chez leurs clients. Lorsquils nont pas le choix de leur fournisseur, les clients captifs ont souvent peur dêtre traités sans considération (comme des numéros par exemple) par les employés de ces services ; ce manque de considération et la dépendance entraînée par la captivité génèrent de la colère et du mécontentement chez les consommateurs. Montrer plus de considération dans la relation client avec une prise en compte plus humaine des consommateurs devrait permettre de diminuer les sentiments affectifs négatifs. Alternativement, il sagirait aussi de redonner du pouvoir et du contrôle aux consommateurs captifs en leur donnant le choix entre plusieurs alternatives et ainsi réduire le sentiment négatif par rapport à une situation de monopole. Les clients captifs insatisfaits, ne pouvant pas changer de fournisseur, nont que le bouche-à-oreille pour exprimer leur mécontentement. Les écouter et leur offrir la possibilité de se plaindre directement à lentreprise et à ses employés devraient permettre dévacuer leur rancœur et réduire le bouche-à-oreille négatif.

Finalement, il est également important de prendre en compte lasymétrie identifiée entre le bouche-à-oreille négatif et le bouche-à-oreille positif. Si cette asymétrie existe également dans le cas de services non-captifs, les consommateurs ont plus tendance à raconter leurs expériences négatives que leurs expériences positives. Dans le cas des services captifs, cet effet dasymétrie semble être renforcé par linsatisfaction-prix et le sentiment négatif à propos de la situation concurrentielle. Quand tout va bien et quils sont satisfaits de la qualité des services quils reçoivent, les consommateurs captifs ne sont pas incités à en parler autour deux. Afin daméliorer leur image, les fournisseurs de services contraints peuvent mettre en place des systèmes pour faciliter et inciter leurs clients à faire du bouche-à-oreille positif.

69

Conclusion

Revenons aux questions que nous nous posions au début de cet article. Est-ce que les entreprises offrant des services captifs doivent chercher à améliorer la satisfaction des clients étant donné que ceux-ci nont pas le choix et que les coûts risquent daugmenter de manière importante ? Nous pouvons répondre que daméliorer la satisfaction des consommateurs captifs ne va pas entraîner une augmentation importante du bouche-à-oreille positif mais la moindre augmentation de leur insatisfaction risque dentraîner un bouche-à-oreille négatif important qui peut entraîner une détérioration de limage de lentreprise (Richins, 1983). Cette image négative pourrait créer des problèmes avec lautorité de tutelle ou les actionnaires de lentreprise.

Est-ce que les entreprises offrant des services captifs peuvent se contenter doffrir une qualité de service minimale ou doivent-elles chercher à améliorer la qualité de service afin de mieux satisfaire leurs clients ? La qualité perçue dun service captif est influencée par le sentiment affectif des consommateurs et a un effet important sur le niveau de leur insatisfaction. Cet effet est encore renforcé lorsque les consommateurs sont fortement insatisfaits par le prix des services. Par conséquent, dans une situation de forte captivité, la qualité de service est un facteur très sensible. Le moindre changement du niveau de qualité a de fortes conséquences. Améliorer la qualité permet donc de compenser en partie les effets de la captivité et de diminuer linsatisfaction et le bouche-à-oreille négatif.

Quelles sont les conséquences pour les entreprises fournissant des services captifs de noffrir quune qualité minimum ne satisfaisant pas pleinement leurs clients, étant donné que ceux-ci ne peuvent pas sen aller ? En effet, les clients de services captifs ne peuvent pas (ou difficilement) changer de fournisseur. Pour compenser cette contrainte, ils nont que le bouche-à-oreille pour sexprimer. Les consommateurs de services captifs sont donc plus vocaux que les consommateurs de services concurrentiels ; ils ont aussi tendance à parler plus négativement que positivement. Améliorer la qualité du service (sans en augmenter le prix) et offrir aux consommateurs insatisfaits la possibilité de se plaindre 70directement à lentreprise et leur donner limpression quils sont écoutés devraient permettre de réduire le bouche-à-oreille négatif et son effet sur limage de lentreprise (Richins, 1983).

En guise de conclusion, nous pouvons dire que les services captifs sont différents des services non-captifs et quils nécessitent une approche marketing et une gestion de la relation client différentes. Cest parmi leurs caractéristiques propres que se trouvent les leviers de leur gestion.

71

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74

Annexe

Tableau A1 : Statistiques descriptives
et corrélations

Modèle

Moyenne

Ecart-type

Fiabilitéi

1.

2.

3.

4.

5.

Échantillon total

(n = 940)

1. Qualité perçue

7.06

1.08

.819

2. Insatisfaction

2.70

1.62

.877

–.449

3. Bouche-à-oreille négatif

2.41

1.57

.876

–.473

.605

4. Bouche-à-oreille positif

6.33

1.60

.892

.589

–.463

–.591

5. Sentiment négatif

3.48

1.95

.885

–.341

.391

.448

–.366

6. Insatisfaction-prix

6.70

2.10

–.249

.269

.213

–.232

.249

Service ferroviaire

(n = 308)

1. Qualité perçue

6.80

1.08

.814

2. Insatisfaction

2.69

1.65

.892

–.451

3. Bouche-à-oreille négatif

2.29

1.54

.896

–.448

.588

4. Bouche-à-oreille positif

6.41

1.57

.899

.629

–.464

–.604

5. Sentiment négatif

3.40

1.87

.881

–.372

.476

.541

–.494

6. Insatisfaction-prix

7.44

1.62

–.098

.203

.234

–.140

.200

Courrier postal

(n = 332)

1. Qualité perçue

7.07

1.10

.827

2. Insatisfaction

2.75

1.65

.883

–.481

75

3. Bouche-à-oreille négatif

2.53

1.58

.851

–.517

.643

4. Bouche-à-oreille positif

6.29

1.55

.881

.628

–.531

–.637

5. Sentiment négatif

3.37

1.94

.897

–.378

.370

.456

–.372

6. Insatisfaction-prix

5.78

2.25

–.373

.360

.285

–.385

.328

Téléphonie mobile

(n = 300)

1. Qualité perçue

7.31

.99

.854

2. Insatisfaction

2.65

1.56

.856

–.430

3. Bouche-à-oreille négatif

2.42

1.56

.885

–.505

.579

4. Bouche-à-oreille positif

6.30

1.56

.902

.556

–.385

–.527

5. Sentiment négatif

3.68

2.02

.875

–.325

.339

.360

–.238

6. Insatisfaction-prix

6.95

2.00

–.215

.291

.219

–.202

.220

i.La fiabilité est mesurée par le coefficient alpha de cohérence interne de Cronbach. Toutes les corrélations sont significative à 5 %.

1 Cette recherche a bénéficié du soutien de la Fondation Service Lab et de laide de Cindy Auderset pour la collecte et lanalyse des données. Merci aussi à Amandine Furrer pour la relecture des premières versions de cet article.