Opening speech for the Hebrew, Chaldaic and Syriac language course at the Collège de France “On the part of the Semitic peoples in the history of civilisation”
- Publication type: Journal article
- Journal: Études renaniennes Littérature – Philosophie – Histoire des Religions
2022, n° 122. Lectures de Rosmapamon - Author: Sillard (Annick)
- Abstract: Renan’s first lesson at the Collège de France was the occasion for a resounding scandal. The Catholic Church will violently oppose the one who dared to make Jesus “an incomparable man” and obtain his revocation.
- Pages: 101 to 102
- Journal: Renan Studies
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN: 9782406145776
- ISBN: 978-2-406-14577-6
- ISSN: 2540-3303
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-14577-6.p.0101
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 02-08-2023
- Periodicity: Annual
- Language: French
- Keyword: religion, clerical power, Collège de France, freedom of expression
Discours d’ouverture du cours
de langues hébraïque, chaldaïque
et syriaque, au Collège de France
« De la part des peuples sémitiques
dans l ’ histoire de la civilisation »
Renan a été nommé à la chaire des langues hébraïque, chaldaïque et syriaque du Collège impérial de France le 11 janvier 1862. Le 21 février, il prononce son discours d’ouverture, intitulé De la part des peuples sémitiques dans l’histoire de la civilisation. L’assistance était particulièrement nombreuse. deux cents personnes faisaient la queue à la porte de l’amphithéâtre de médecine que Claude Bernard avait prêté à Renan. « La majorité crie Vive Renan – À gauche : À bas Renan ! il ne parlera pas. Le plus grand nombre répond : il parlera1. » Malgré les réactions violentes de l’assistance, Renan lut jusqu’au bout son discours où se trouve cette phrase demeurée fameuse :
Au milieu de l’énorme fermentation où la nation juive se trouva plongée sous les derniers Asmonéens, l’événement moral le plus extraordinaire dont l’histoire ait gardé le souvenir se passa en Galilée. Un homme incomparable – si grand que, bien qu’ici tout doit être jugé au point de vue de la science positive, je ne voudrais pas contredire ceux qui, frappés du caractère exceptionnel de son œuvre, l’appellent Dieu – opéra une réforme du judaïsme, réforme si profonde, si individuelle, que ce fut, à vrai dire, une création de toutes pièces. Parvenu au plus haut degré religieux que jamais homme avant lui eût atteint, arrivé à s’envisager avec Dieu dans les rapports d’un fils avec son père, voué à son œuvre avec un total oubli de tout le reste et une abnégation qui n’a jamais été si hautement 102pratiquée, victime enfin de son idée et divinisé par la mort, Jésus fonda la religion éternelle de l’humanité, la religion de l’esprit, dégagée de tout sacerdoce, de tout culte, de toute observance, accessible à toutes les castes, absolue en un mot2 : « Femme, le temps est venu où l’on n’adorera plus sur cette montagne ni à Jérusalem, mais où les vrais adorateurs adoreront en esprit et en vérité3 »
La réaction du pouvoir politique à ce discours ne se fit pas attendre. Le cours de Renan est suspendu par un arrêté ministériel du 26 février, au motif qu’il a blessé les croyances chrétiennes.
Renan reçut le même jour une lettre de Napoléon III, lui disant qu’il ne pouvait qu’approuver la suspension momentanée de son cours, malgré toute l’estime qu’il lui portait.
L’affaire n’en restera pas là, et, sous l’influence des cléricaux, Renan sera révoqué de ses fonctions par un décret impérial du 11 juin 1864. La pensée libre n’était pas à l’ordre du jour. Il ne retrouvera sa chaire que sous la IIIe République, en novembre 1870.
Annick Sillard
5-07-2017
1 Ernest Renan, Bibliothèque nationale, 1974, p. 93.
2 Dans l’édition de sa leçon en 1862, Renan a écrit : « accessible à toutes les races, supérieure à toutes les castes, absolue en un mot… » Cf.De la part des peuples sémitiques dans l’histoire de la civilisation, Paris, Michel Lévy frères, 1862, p. 23.
3 Ernest Renan, Mélanges d’histoire et de voyages, Paris, Calmann Lévy, 1878, p. 18.