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Classiques Garnier

Five dates, three titans

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Études digitales
    2020 – 1, n° 9
    . Capitalocène et plateformes. Hommage à Bernard Stiegler
  • Author: Moore (Gerald)
  • Abstract: Upon learning of the death of Bernard Stiegler, with whom he had worked since 2008, Gerald Moore recalls some of the important moments he shared with the philosopher, moments marked by intellectual complicity and friendship.
  • Pages: 307 to 314
  • Journal: Digital Studies
  • CLIL theme: 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
  • EAN: 9782406115212
  • ISBN: 978-2-406-11521-2
  • ISSN: 2497-1650
  • DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-11521-2.p.0307
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 05-26-2021
  • Periodicity: Biannual
  • Language: French
  • Keyword: Bernard Stiegler
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Cinq dates, trois titans

6 août 2020, 18h11. Vincent Puig mannonce la nouvelle pendant quatre minutes qui me semblent durer une heure. Depuis lors, je me suis fixé sur plusieurs moments du temps passé avec Bernard Stiegler. Je me permets maintenant de vous livrer quelques-uns de ces moments.

26 mars 2008, 100e match de David Beckham pour lAngleterre au Stade de France. Jassiste au Collège de France à lune des conférences de Bernard Stiegler. Il parle des Trois Écologies de Félix Guattari, lun des phares de sa jeunesse qui reviendra avec force dans son travail ultérieur, quand une amie mannonce par SMS quelle a des billets gratuits pour le match qui va commencer. En dépit des commentaires taquins sur ma tendance à donner des conférences, vêtu dun maillot de la Juventus, je ne suis pas un grand fan de football. Tout de même, je me précipite vers la sortie et au passage lance une lettre dinvitation en direction de sa tête. « Je dois partir mais aimerais vous inviter à luniversité de Cambridge ». Il me rappelle une semaine après ce match décevant, joué dans un froid glacial.

Jétais en train de travailler dans latmosphère saturée de la bibliothèque du Centre Pompidou. Il minvite à dîner chez lui, dans son appartement, empli dœuvres dart, rue Saint Martin à Beaubourg. Cest dans ce sens de laccueil, cette générosité qua commencé notre romance intellectuelle ou du moins quelle est devenue réciproque car de mon côté, jétais déjà séduit. Je lavais découvert dans une période de désamour de la philosophie, déçu par lincapacité de la deuxième génération du « moment français philosophique » dont parle Alain Badiou à me séduire comme lavait fait la première. Voilà deux ans que je ne lisais plus ou moins que des ouvrages de biologie et déconomie. Bernard a changé tout ça. Dieu seul sait quelle mauvaise impression jai fait sur lui, à part un flot constant de suggestions de lecture : Éric Beinhocker, qui la conduit à Nicholas Georgescu-Roegen, David Graeber, Bruce Alexander…

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Mon français était limité. Je lui avais apporté des gâteaux au gluten, ignorant quil ne pouvait pas en manger, et un peu bêtement, jai dit quAugustin – le prénom de son fils, âgé alors de deux ans, et croqueur des gâteaux que son père rejette – provenait dAngleterre. Gentiment, il ma répondu : « Ah bon ? », avant que je réalise, honteusement, que je pensais à Boadicée, la reine des Iceni. Quoi quil en soit, cest de là quont démarré 12 années extraordinaires de travail en commun.

Avril 2020, confinement. Pendant tout une semaine, nous parlons longuement chaque jour. Il vient dêtre hospitalisé pour une occlusion intestinale devenue septique. Dune voix faible que jentends à peine, il me dit quil a vraiment pensé mourir. De mon côté, je suis en arrêt maladie, je viens de commencer une dialyse. Nous plaisantons sur un petit livre que jai imaginé écrire sur mes nouveaux reins exosomatiques, convaincu au départ que la machine allait moffrir une nouvelle expérience créatrice, et pas seulement me revitaliser. Au bout du compte, il ny avait pas grand-chose à dire sur le fait de rester assis sur une chaise trois jours par semaine avec une envie pressante de pisser. Nos discussions portent de plus en plus sur la nouvelle demande de financement que nous devions rédiger avec nos amis et collaborateurs de longue date, Noel Fitzpatrick, Sara Baranzoni et Paolo Vignola. Nous apprécions combien la proposition sarticule autour des Trois Écologies, ouvrage qui est devenu vraiment important pour Bernard, pas seulement parce quelle anticipe les méfaits de Donald Trump. Nous voulons cependant retravailler certaines parties et compte tenu de la date de remise imminente et de nos états de santé respectifs, la pression est terrible. Bernard est daccord pour tenter de persuader Noel de repousser léchéance en décembre, lorsque notre subvention actuelle pour « Les villes réellement intelligentes » sera épuisée.

Quand nous en reparlons le lendemain, Bernard a changé davis. Bien quil soit gravement malade et toujours hospitalisé, il a plus ou moins reformulé lensemble de la candidature en repartant de zéro, et souhaite que nous nous concentrions sur la création dun réseau de « territoires écologiquement intelligents », utilisant les outils numériques pour générer de la vitalité dans des lieux particulièrement fragiles sur le plan environnemental, comme les îles Galapagos, la Dalmatie et la Silésie.

Je ne le dis pas alors mais je pense que cest trop ambitieux : cela réclame des compétences et une expertise en matière de programmation, 309de sylviculture et dagriculture dont nous ne disposons tout simplement pas, nous serons sans doute plus aptes à le faire dans cinq ans.

Quoi quil en soit, trop malade pour y travailler, je promets de my remettre plus tard. Peut-être lai-je contrarié mais jai limpression que non. La maladie occupe alors une place étrange et déterminante dans notre relation. Dun côté, Bernard puisait de la force et un sens durgence de la fantaisie que pour plusieurs dentre nous, pas seulement lui et moi mais aussi Yuk Hui et David Bates, le temps était compté. De lautre, il a toujours eu du mal à comprendre que tout le monde ne puisse pas parvenir à travailler autant que lui, surtout en convalescence. Lors de mon séjour à lIRI en décembre 2018, jai dû être hospitalisé une semaine et on pensait me rapatrier durgence, mais je suis resté à Paris et nous avons réussi à préparer deux articles co-signés. Bernard était capable de ça : il avait une force vitale phénoménale et contagieuse et – comme il la montré alors – il pouvait effectivement ranimer le demi-mort que jétais.

Cest à nous maintenant de faire de même, de ranimer notre ami en poursuivant le grand projet de la philosophie stieglerienne.

23 juin 2020. Je lui parle pour la dernière fois. Je suis chez moi debout à la fenêtre, caressant mon chat, la petite sœur du « fauve magnifique » quavait adoré Bernard. Je lui dis que jai parlé avec des collègues et que jai bon espoir que nous pourrions adjoindre une communauté Sami du pôle Nord à notre réseau de territoires fragiles. Il en est ravi, et il est en excellente forme par ailleurs. Bifurquer a été mis sous presse, « cest le meilleur livre que jai jamais lu », me répète-t-il alors que je men étonne. Je spécule peut-être mais cest là me semble-t-il que se trouve lexplication de sa mort.

Avec ce livre, Stiegler a accompli un petit miracle que beaucoup dentre nous pensaient impossible. Réunir autant décrivains en si peu de temps, la tâche était hautement complexe. Oui, à un moment, mon scepticisme a failli me faire abandonner le projet. Mais son aptitude à tenir une salle en haleine, combinée à une direction éditoriale très ferme, et au soutien dune équipe dévouée, ont porté leurs fruits. Et cest important : non seulement parce que le projet marque les esprits, mais aussi parce quil consacre et quil institutionnalise, comme laurait dit Weber, lhéritage dun géant charismatique. Bernard a écrit nombre de 310grands livres, cela va de soi, alors que nous, son milieu de recherche au sens large, navons pas encore fait grand-chose. Certes il y a un réseau et une revue. Et, entre Durham, Dublin et Paris, quelque chose qui ressemble à une école de formation doctorale qui concrétise le travail commencé avec pharmakon.fr et lacadémie dété à Épineuil-le-Fleuriel. Mais on dépendait toujours de lui pour nous organiser. Doù la question de la succession, qui est devenue cruciale à partir des anni horribili 2016-2018, période dont Stiegler a rendu compte dans Dans la disruption. Cest à cette époque que Yuk et moi lui avons fait part pour la première fois de la nécessité dune stratégie : laisser des annales, ouvrir une discussion sur qui pourrait lui succéder à lIRI ; un programme de travail pour sassurer que les différentes institutions quil avait créées lui survivraient. À lépoque nous pensions quil ne nous avait pas entendus. Aujourdhui, jai des doutes. Avec le recul, cette demande de financement trop ambitieuse avait pour objectif, me semble-t-il, de poser des jalons pour lavenir. Et Bifurquer lui a fourni les preuves quil exigeait pour pouvoir nous quitter au sommet, au moment de son choix.

Ces moments-là me reviennent aujourdhui avec force. Il y en a dautres. Le Saskatchewan en juin 2010 où jai tant ri à le voir assis, lèvres serrées, ulcéré de se retrouver piégé devant les siens par son statut dhomme célèbre lors des interminables et inaudibles discours à loccasion dun repas de conférence mortel. À Paris, en novembre 2016, à la suite dun séminaire quil me décrit, comme dhabitude, comme « très décevant, très, très, très décevant (le mec ne sest même pas posé la question de la technique !) » –, où nous nous sommes retrouvés chez lui, réduits, en labsence de Caroline, à manger des plats préparés encore congelés dans un saladier immense, et une baguette aussi dure quun gourdin. A. Durham en 2015, avec Christopher le fauve. En Chine en 2017. Et toutes ces fois à Épineuil où, se désautomatisant de son étonnante capacité de travail, il redevenait un mortel par intermittence. Une autre date ne cesse de me revenir en tête.

3 juillet 2018. Je suis à Cork pour un colloque, de retour du séminaire préparatoire des Entretiens du Nouveau Monde Industriel, la grande conférence annuelle de lIRI à Paris. Cette réunion sest avérée désastreuse, du moins pour moi, si typique de lIRI ! Je savais que ce serait le cas depuis le début. Jai dit que je devrais partir à 15h pour rentrer en Irlande, et il était prévu que je prenne la parole à 14h. Le programme 311de la matinée prévoit lintervention Bernard, ainsi que de plusieurs interlocuteurs chinois éminents, dont Zhang YiBing, quil tient à juste titre à impliquer dans le réseau détudes digitales. Je savais à lavance quils allaient dépasser leur temps de parole, ce quils font. À lissue dun déjeuner rapide comme léclair, je démarre mon intervention à 14h30, mais lalarme incendie du Centre Pompidou se déclenche et nous expédie dehors pendant vingt minutes. Jai crié un résumé de mon discours, lai terminé en me ruant vers la porte et jai eu mon vol. Et cest là, à la conférence de Cork, que nous trouvons la scène du crime. Je parle de lintersection de la révolution technologique et de la philosophie. Je pose que la grande philosophie – Platon, Kant, Stiegler – apparaît ici comme un outil de réajustement, du moins dans ces cas-là, pour réinventer la société et léducation en réponse aux épidémies de toxicomanie causées par la perturbation technologique. « Sérieusement, vous ne prétendez tout de même pas de comparer Stiegler à Platon et à Kant ? » objecte un collègue. « Non, dis-je en rougissant, bien sûr que non ». Et cest cela que jassimile à un crime, au moins une trahison, je lai dit, et jaimerais pouvoir revenir en arrière et défendre ma conviction.

Il va sans dire quil ne faut pas surévaluer les grandes figures de notre temps qui reposent, épiphylogénétiquement, comme dirait Bernard, sur les épaules de leurs aïeux. Mais un personnage aussi réputé que Simon Critchley la dit de son propre mentor :

Derrida est tout simplement le philosophe le plus intelligent que jai jamais lu ou entendu ; sa capacité à développer la pensée, à improviser, à assimiler des concepts et à générer de nouvelles idées est absolument extraordinaire. Je pense quil est exemplaire en tant que philosophe. Il est un peu comme Miles Davis dans les années 1960. Sur la base dun thème très simple, il parvient à élaborer une structure extrêmement complexe et passionnante et personne dautre ne peut le faire. Pour moi, personne dautre négale son brio intellectuel. Le problème, cest quil écrit trop. (Critchley, Impossible Objects, 2012 : 13)

Permettez-moi donc daller un peu plus loin et de dire que cest peut-être encore plus vrai pour Bernard, lancien directeur dun club de jazz, que pour Jacques, son ami et collaborateur. Certes toute tentative de classement na pas grand sens et est par nature pernicieuse – le type même de calcul que Bernard aurait détesté et détestait dailleurs. Je lui avais posé la question du meilleur cette première nuit-là chez lui à Beaubourg et il 312la repoussée avant dopter pour Gilbert Simondon. En dautres occasions, il ma dit également que sa deuxième femme, Catherine Malabou, était « le plus brillant philosophe » quil avait personnellement connu (même si elle ne sest jamais posé la question de la technique…). Mais revenons à Derrida. Aussi brillante que soit sa pensée sur la trace, le tissu textuel de la réalité, sur le politique en tant quopérateur de décisions impossibles, obsédantes et sacrificielles, quelle est la profondeur de sa vision politique, et quelle direction donne-t-il réellement ? Il ny a pas de récit derridien sur la désublimation du surmoi en pulsions régressives et automatisées, et encore moins sur la manière de recréer le désir. La déconstruction a plus ou moins délié le sens de lhistoire de notre lecture des textes, mais Stiegler la remise à sa place, et même plus, en considérant la culture comme ladoption organisée des technologies grâce auxquelles nous réinventons notre biologie. En dautres termes, il fait de leffet transformateur de la technologie la clé de notre compréhension des sciences humaines, reconçues comme des « études digitales ». Là où Derrida nous a laissés dans lattente dun avenir à « faible force messianique », Stiegler nous a montré que ce futur pourrait ne pas advenir : il se dispersera, laissant place à lentropie, sil nest pas activement créé. L« Entropocène », vue dabord comme une crise culturelle, nomme précisément cette dispersion. De même, malgré lincontestable autorité de Deleuze, la plus durable de ses analyses du présent provient essentiellement dun texte de trois pages cité jusquà lexcès.

Tout comme Derrida et la trace, Deleuze et son concept de différence positive, le travail de Stiegler commence par une thèse dune lumineuse simplicité sur la constitution technique de la vie « noétique », avant de sétendre dans toutes sortes de directions inattendues. Je suis constamment frappé par lampleur de son auto-renouvellement philosophique, fruit de son absorption constante de nouveaux champs. Dabord la phénoménologie, la mythologie – les titans, Prométhée et Épiméthée –, lhistoire et la théorie de lévolution, puis le cinéma, la musique, lart, la psychanalyse, léconomie, la sociologie, la thermodynamique et les mathématiques. Disséminé dans ses séminaires et dans la douzaine de livres inachevés quil a dû laisser derrière lui, se trouve une théorie non seulement du désir, mais aussi de linconscient ; des institutions (« exorganismes ») devenant effectivement autonomes ; le plan dun modèle de calcul alternatif, néguentropique, et sans doute bien plus encore. Oui, 313il a sans doute trop écrit – il y a beaucoup de répétitions là-dedans, le plus souvent dans un style formidablement dense qui doit autant à lauto-thérapie dun accro à lécriture avoué quà lurgence de son besoin de communiquer. Mais il a aussi écrit trop peu – certainement pour ceux dentre nous qui souhaitent maintenant un livre de plus. Mais aussi parce que beaucoup de ces idées nont été quà moitié comprises, ou parce que sa pensée actuelle ne reflétait pas vraiment ce quil avait mis sous presse. Je me suis déjà plaint de labsence de sciences de la vie plus contemporaines dans lœuvre de Stiegler, et jai entrepris de la corriger moi-même. Mais chaque fois que je disais à Bernard ce que je pensais avoir découvert, il le savait déjà, il connaissait aussi les références, et avait une réponse propre à réduire nos divergences apparentes. Il navait pas encore écrit ces pensées-là. Je lui ai dit que je nétais pas sûr de croire vraiment aux pulsions, que je voulais les réconcilier avec la biologie. Au lieu de se hérisser, comme je limaginais, il ma répondu « Cest superbe ! Et absolument nécessaire », avant de me sortir une première liste de lectures de Bergson, Lorenz et autres. Je me souviens de toutes nos conversations sur la question homme-animal, où je lui disais quil pensait peut-être que seuls les humains étaient capables de rompre avec ladaptation pour construire leur propre avenir. Il répondait, par exemple, avec lhistoire de sa chèvre, recueillie blessée puis apprivoisée, qui ne cessait de grimper sur le canapé et qui démontrait selon lui des signes évidents de bifurcation. Nous avons constamment tendance à oublier ce que je persiste à considérer comme son intuition la plus brillante, que lon trouve seulement dans deux ou trois textes peu diffusés : la plupart du temps, nous, les humains, ne sommes pas encore des êtres « humains », nous nabordons cette promesse abstraite, vague, que par intermittence. Et rien de métaphysique nempêche dautres animaux de devenir pareillement « non inhumains » ; ils ont simplement tendance à ne pas le devenir, notamment parce quils sont couramment prolétarisés. Bien sûr, cest anthropocentrique, mais seulement parce que nous donnons le nom d« humanité » à tous les traits que nous imaginons naïvement comme nous appartenant à nous seuls…

Jécris ceci depuis lhôpital, en attendant les résultats de tests sur un anévrisme potentiel, ou un renflement des artères du cerveau, qui minflige une migraine depuis ce mercredi-là, à peu près au moment de la mort de 314Bernard. Quelle ironie que cette micro-explosion ait pu coïncider avec son départ, et non avec le début de notre voyage, ou avec tous ces livres qui ont déclenché le déphasage de ma pensée. Bernard me dirait darrêter dêtre si « neurocentrique » ; que je compte trop sur le cerveau pour tout expliquer. Peut-être ai-je juste besoin de nouvelles lunettes, de moins de temps passé devant lécran, à moins que ce soient mes oreillers qui maient encore cassé le cou. Mais quelque chose a disparu, mon surmoi, quoiquil nexiste pas quà lintérieur de la tête. Cest ce visage particulier et souriant, à chaque fois plus maigre que dans mes souvenirs, cette silhouette dans le même gilet marron clair, cet homme qui ne cachait pas son peu destime pour ceux qui préfèrent les applaudissements au travail – ceux qui sortent maintenant de lombre et feignent lintimité avec la superstar. Cest cette voix au téléphone, qui me demandait une mise à jour, de me dépêcher den finir avec ce livre ; ce titan qui ma poussé à travailler jusquà lépuisement ces derniers dix ans et qui ma redonné, en ravivant le désir, lamour du savoir, que javais perdu. Pour ceux qui, comme lui, grogne un peu en ce qui concerne ma prolificité inadéquate, permettez-moi de vous dire, en faisant écho à Bernard sur lEntropocène, que la situation deviendra beaucoup plus grave avant, on lespère, de saméliorer. Les miracles se produisent, cependant. Bifurquer en était un et Bernard un autre – dun tout autre niveau. Cest à nous, au collectif, qui le survivons de surmonter le choc de sa disparition, et de travailler ensemble pour les réaliser.

Adieu mon ami.

Gerald Moore

Université de Durham

Traduction réalisée par
Diane Wulwek
et Annick Lacroix