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Classiques Garnier

Introduction

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Études digitales
    2019 – 1, n° 7
    . Youtoubeurs, youtubeuses : inventions subjectives
  • Auteurs : Cormerais (Franck), Gilbert (Jacques Athanase), Vignon (Daphné), Khatchatourov (Armen)
  • Résumé : Ce numéro d’Études digitales, consacré au phénomène Youtube, s’intéresse à la question des contenus spécifiques apparus avec l’émergence de nouveau médias sur le Web.
  • Pages : 11 à 13
  • Revue : Études digitales
  • Thème CLIL : 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
  • EAN : 9782406104193
  • ISBN : 978-2-406-10419-3
  • ISSN : 2497-1650
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10419-3.p.0011
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 01/04/2020
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Internet, Youtube, contenus, culture digitale, nouveaux médias
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INTRODUCTION

Nous avons confié la direction du dossier thématique de ce numéro 7 dÉtudes digitales à David Douyère et à ses collègues Angèle Stalder, Jeremie Nicey, Gustavo Gomez-Mejia et Samuel Tietse : « Youtubeurs, youtubeuses : inventions subjectives ». Lidée de consacrer un numéro à Youtube constitue de notre point de vue une prise de position au regard du débat plus général sur les digital humanities, les « humanités numériques », telles quon les désigne le plus souvent en France. La définition donnée par Wikipédia1, le 10 septembre 2019, paraît plutôt contorsionnée, comme si des pressions contraires et complémentaires avaient exercé simultanément leurs forces et fini par produire une sorte dintermédiaire entre le millefeuille et le pudding ! La question est plus généralement celle de la relation entre le format et les contenus, les outils et limpact. Il faut penser le digital comme un écosystème au sein duquel il est difficile dappréhender les « savoir-faire » technologiques sans considérer leffet produit. Nous avions, dès les premiers numéros dÉtudes digitales, posé la question du choix entre « numérique » et « digital », et défendu notre choix du second terme plutôt que du premier pour nommer notre revue. La question nest, bien entendu, pas seulement un problème de nomenclature, elle engage une certaine manière denvisager les humanités comme des savoirs des sciences humaines au sens large, cest-à-dire incluant aussi la littérature et les productions culturelles et artistiques. Selon notre point de vue, il ne sagit pas en effet seulement dappliquer des outils informatiques à des corpus de données ; cela réduirait les humanités digitales à un champ applicatif sans que celles-ci soient complètement en mesure den apprécier le résultat. Notre choix du terme « digital » porte en français ce caractère spécifique du toucher quon peut ici envisager comme la métaphore du rapport interfaciel que 12les sciences humaines et sociales entretiennent avec le « numérique ». Renoncer à cette spécificité des humanités qui consiste fondamentalement à interroger la place de lhomme au sein des sociétés, à travers ses productions culturelles et sociales mais aussi techniciennes, reviendrait à perdre le sens initial du terme « humanités » qui ne trouve son sens quà travers la compréhension que lhomme peut avoir de lui-même. Ce serait surtout accepter de « filialiser » les humanités et risquer de les déposséder de leur épistémologie propre. Il faut envisager une culture mixte capable dappréhender les outils et les productions sur un mode enrichi de réciprocité. En effet, loutil nest pas quun moyen, il établit un mode relationnel propre dans toutes ses dimensions : quelles soient culturelles, sociales et anthropologiques et quand elles concernent la création, qui ne se trouvent pas dissoutes dans le concept un peu creux de « créativité ». Car linnovation, on le voit aujourdhui avec les crises écologiques et politiques, na de sens que pour des sociétés humaines. Elle ne peut être considérée comme relevant dun ordre « technique » quà la mesure de son caractère performatif pour les sociétés qui ladoptent.

Ainsi, la boucle de rétroaction est-elle systémique : on croit avoir trouvé un nouvel outil en vue dun usage déterminé et ce qui « arrive » est tout autre que ce quon attendait. Les responsables du dossier lindiquent très bien : Youtube est tout dabord un phénomène absolument massif bien quil nentre pas vraiment dans une des catégories qui lont précédé. Ainsi, il se fait à la fois familier et étrange comme une sorte de miroir déformant de la réalité technologique et triviale dans laquelle nous visons et plus spécifiquement les générations les plus jeunes.

On pourrait par conséquent être tenté de ne pas le considérer comme un objet académique, ni même culturel mais comme un « terrain ». Ce serait certainement une erreur dans la mesure où précisément lintérêt de Youtube se situe dans linteraction dune technologie avec le contenu quil suscite et fait apparaître, cest-à-dire une « culture ». Bien évidemment, la rhétorique dune approche scientifique axiologiquement neutre de lobjet « Youtube » reste sans doute à construire. Les membres de léquipe Prim (EA7503), « Pratiques et ressources de linformation et des médiations », créée en 2016 à luniversité de Tours ont tout dabord organisé un colloque « Youtubeurs, youtubeuses : figure – formats – savoirs – pouvoir » qui a précédé lappel à communication pour ce dossier thématique. Les enseignants-chercheurs de Prim travaillent à 13la fois sur linformation journalistique en régime numérique, sur le fact checking et les fake news (J. Nicey), sur linformation numérique (S. Tietse, A. Stalder), et sur les réseaux sociaux numériques (G. Gomez-Mejia), ou sur la communication religieuse, notamment numérique (D. Douyère). Lidée du dossier est née de la curiosité, rapportée par David Douyère, suscitée au sein de son équipe de recherche, par cet objet émergent comme les « youtubeurs », en dialogue avec les sensibilités propres de ses collègues (médiatiques, sémiologiques, documentaires, socio-économiques). David Douyère sen explique : « ce désir de dossier est né de lobservation de pratiques adolescentes et de la relation singulière que peuvent entretenir les jeunes (et des étudiants) avec “la vidéo” et avec Youtube en particulier, où des relations singulières et informatives semblent se construire. Cet objet étant “non noble”, passé un peu sous le radar, il nous a semblé intéressant et original de létudier, dans la perspective de nos analyses des dispositifs communicationnels et de la façon dont ils “alpaguent” les subjectivités2 ». Tel est lexpression du « désir » que nous avons souhaité présenter dans ce numéro.

Le Grand entretien est consacré à Dominique Boullier, Professeur de sociologie, qui retrace à loccasion de la publication de la seconde édition, nettement remaniée de son ouvrage, « Sociologie du numérique » son long parcours de recherche et denseignement autour des interactions entre les technologies digitales et les sociétés contemporaines.

Nous ajoutons dans notre rubrique « Institutions », une présentation du site roland-barthes.org par Mathieu Messager.

Jacques Athanase Gilbert

Franck Cormerais

Daphné Vignon

Armen Khatchatourov

1 Wikipédia, entrée « humanités numériques », au 10 septembre 2019, URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Humanités_numériques

2 Extrait de nos échanges demails.