Habiter l’immersion
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Études digitales
2017 – 2, n° 4. Immersion - Auteur : Gilbert (Jacques Athanase)
- Résumé : L’article fait suite à une conférence donnée à l’Ensan en 2018. Il pose la question des relations entre représentation et immersion, en cherchant, au-delà des aspects seulement technologiques liés aux technologies qui intègrent à la multiplicité des points de vue comme la VR, à faire apparaître les fondements culturels et philosophiques d’une telle différence. Il s’agit de tenter une archéologie de l’immersion.
- Pages : 53 à 76
- Revue : Études digitales
- Thème CLIL : 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
- EAN : 9782406092889
- ISBN : 978-2-406-09288-9
- ISSN : 2497-1650
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09288-9.p.0053
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 06/08/2019
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Représentation, immersion, point de vue, 360° , panorama, réalité virtuelle, perspective, récit, art, scène, mimèsis, fenêtre
Habiter l’immersion1
L’immersion est devenue une sorte de pattern culturel : le terme est utilisé à toute occasion, au point de devenir presque une sorte de « lieu commun » de notre modernité. Bien entendu, l’immersion est aussi le souci des architectes dans la mesure où elle envisage une situation dans un espace et que toute construction est à la fois lieu d’habitation, décor de la vie qui s’y trouve et interaction avec les autres éléments qui l’environnent. Il est intéressant de noter que les représentations en perspective des villes de la Renaissance italienne ont souvent précédé la construction des bâtiments et des cités qui leur ressemblent. Elles étaient ainsi l’anticipation d’un regard et d’un séjour qui n’existaient pas encore. Elles projetaient, un peu comme aujourd’hui les dessins d’architectes, une vie possible qui n’était pas encore actée mais qui se trouvait, au sens strict, « imaginée » de manière un peu conventionnelle car chacun sait que la vie est difficile à imaginer. Elle se donne toujours hic et nunc. Elle seule advient ou a lieu. Ces projections sont par conséquent des utopies au sens où ce qu’on voit n’a pas encore lieu et n’advient pas encore. Pourtant, elles ont bien lieu d’une certaine manière puisque le sujet qui s’y projette existe comme corps et comme regard. Ainsi, le décor en perspective du Teatro Olimpico de Vicence, dessiné en 1580 et construit en 1595 par Palladio, possède des rues en relief, construites en bois avec des diminutions qui pouvaient faire illusion pour le spectateur assis en face sur les gradins. Il rappelait au spectateur de l’époque, par sa forme, les bâtiments de la ville de Vicence. En ce sens, le spectacle était immersif dans la mesure où les pièces qu’on jouait sur la scène pouvaient interagir avec la réalité politique et sociale de la ville où se situait le théâtre.
54C’est ainsi qu’on évoque la « scénographie » comme un des modes particuliers de l’habiter. La scène n’est pas seulement ce lieu séparé du public par le quatrième mur, et cela même si le dispositif représentatif induit la césure. La particularité d’une écriture scénique, ce qui sous-entend la prise en compte d’une action sur le plateau, d’un décor, d’un récit, ou pour le moins d’une intention « scénique », est de donner à voir et de produire du même fait une présence d’un certain type qu’on considère, depuis la Renaissance, comme représentative car c’est précisément ce terme que les italiens ont choisi pour traduire, et transposer, le grec mimèsis2.
Je reviens sur la scène qui provient du grec skéné même si le terme a changé de sens de manière assez considérable entre l’utilisation de la Grèce ancienne et celle de la modernité. La skéné antique n’est pas la scène mais plutôt une tente ou une petite construction rudimentaire disposée en arrière de la « scène » au sens moderne qu’on nomme alors orkestra. Cette skéné sert de coulisse et peut-être aussi de lieu pour ranger les différents appareils du jeu. Comment est-elle devenue la scène, c’est-à-dire le plateau sur lequel jouent les acteurs ? Peut-être par un effet métonymique, une sorte de glissement qui fait que ce qui est donné à voir, autrement dit et suivant Aristote, les actions dont l’évidence est soulignée, et ce qui produit, par une « mise sous les yeux », la reconnaissance du spectateur, changent de statut. L’évidence aristotélicienne (ἐνέργεια) finit par se constituer comme spectacle et « mise en scène », incluant le décor. Cela peut correspondre au processus qui mène de la mimèsis vers la représentation par une sorte d’inclusion du dispositif dans la présentation scénique3. On l’a remarqué, il n’y a dans la Poétique d’Aristote pratiquement aucune remarque sur la « mise en scène », à peine plus sur les personnages, et rien sur le décor. Ce sont les actions elles-mêmes qui intéressent Aristote, pratiquement indépendamment de tout ce qui fait que nous pouvons « habiter » la scène. On a parfois reproché à Aristote d’avoir réalisé une théorie d’après coup, tout à fait infidèle à l’esprit de la tragédie. Si l’on ne peut en rien exclure qu’il puisse exister un « biais » aristotélicien, il n’en demeure pas moins une réelle proximité historique d’Aristote avec la tragédie. Aristote a su, dans bien des domaines, compiler et comparer toutes les sources 55disponibles de son temps. On ne voit pas bien pour quelles raisons, touchant le théâtre, il exclurait du champ scénique ce qui nous paraît le plus caractéristique aujourd’hui au profit des seules actions et de l’intrigue, selon une posture qu’il faudrait dès lors tenir pour orientée, si ce n’est pour dogmatique. Selon lui, ce sont bien les actions qu’il faut mettre « sous les yeux » et qui constituent la façon propre de la mimèsis d’« habiter » son évidence, c’est-à-dire de se trouver en son lieu propre. Je reprends le terme « habiter » car c’est, d’une certaine façon, le telos des architectes : bâtir pour habiter, sachant qu’il existe de très nombreuses façons d’habiter des lieux et des espaces. Et certainement, la scène moderne, le récit et les réalités 3D sont-elles de nouvelles manières d’habiter différents niveaux de réalité. À l’époque d’Aristote, la compréhension de l’habiter est strictement topologique, que ce soit sur le plan physique ou sur celui de l’anthropologie. Aristote explique dans sa Physique qu’une pierre lancée en l’air par un mouvement violent revient en son lieu propre par un mouvement naturel fini. Cela correspond aux conceptions anthropologiques antiques, par exemple celle qui mène Ulysse à dédaigner l’immortalité offerte par la nymphe Calypso pour revenir chez lui à Ithaque. Le périple est un retour à l’origine et le mouvement s’achève dans le repos du lieu propre, celui qui habite en sa demeure. La skéné est-elle réellement « habitable » ? Ou même le plateau qu’on nomme alors « orchestra » ? Rien n’est moins certain. La skéné sert de décor ou de coulisses pour entreposer du matériel utile à la tragédie. Les romains ont ensuite construit des skénés en dur mais, à l’époque de la tragédie grecque, elle est encore souvent une simple limite de tissu, qu’on assimile à une « tente » et qui permet, par des pans de toile suspendus à une corde, les entrées et les sorties des acteurs. L’étymologie de skéné serait liée à skia, l’ombre. On voit bien de quelle manière, par l’intermédiaire de la skiagraphie, la skéné pourrait se faire porteuse d’un décor par le jeu des ombres qu’elle suscite. Un autre rapprochement dont la garantie étymologique est plutôt indécise rapprocherait le terme hébreu shékinah du Grec skéné. Le terme shékinah écrit Maïmonide dans son Guide des égarés provient du verbe Chakan qui signifie habiter sous une tente4. Au-delà, le terme de shékinah est utilisé pour désigner, dans le judaïsme tardif, la présence de Dieu entre les chérubins de l’Arche d’Alliance. C’est le lieu où Dieu se tient, le site de sa « présence » :
56L’Éternel dit à Moïse : Parle à ton frère Aaron, afin qu’il n’entre pas en tout temps dans le sanctuaire, au-dedans du voile, devant le propitiatoire qui est sur l’arche, de peur qu’il ne meure ; car j’apparaîtrai dans la nuée sur le propitiatoire5 .
Serait-ce par le glissement vers le mode de « présence » de la shékinah que la skéné peut devenir un lieu habitable ? Habiter se comprendrait alors comme la forme d’une « présence » et non plus comme la simple mise en évidence (ἐνέργεια) d’actions. La différence serait notable.
Habiter le monde
L’utilisation si commune du terme d’immersion détermine un rapport au monde dont le surgissement dans le langage contemporain doit être interrogé. S’agit-il d’une notion nouvelle ou de la simple recomposition d’une figure antérieure, comme par exemple celle de représentation, qui émerge avec la pensée classique et même dès la Renaissance en Italie ? Si cette option était retenue, l’immersion ne serait qu’une représentation plus vaste et plus large, plus développée technologiquement, qui figurerait la représentation sur plusieurs surfaces. Cette représentation se constituerait, par exemple, sur le modèle des dispositifs de type panoramiques qui échapperaient à la limitation du point de vue unique incluant ainsi la mobilité du corps dans un environnement. Il faut faire la part du dispositif et du symbolique dans le processus immersif pour élaborer une « archéologie de l’immersion ».
Il n’est pas du tout certain que la notion d’immersion ait le moindre sens pour l’Antiquité classique. Il est intéressant de se demander comment le monde et la vie tout entière ont pu devenir « scéniques » puis scenary pour reprendre le mot anglais. Au second siècle, Tertullien écrit un petit ouvrage intitulé De spectaculis, dans lequel il développe une critique des spectacles assez classique dans le premier christianisme. Mais celle-ci est aussi un peu embarrassée dans la mesure où Tertullien ne reprend pas vraiment à son compte l’interdit de la figuration formulée par le 57Lévitique. Pour cet orateur latin d’Afrique du nord, vivant au sein d’une culture qui privilégiait les spectacles du cirque, il est moins important de discréditer les spectacles que ce qu’ils montrent. Il lui faut bien reconnaître que le roi David avait lui aussi aimé danser. La fin du texte est toutefois assez saisissante. Tertullien y propose tout simplement de substituer aux spectacles réalisés par l’homme, celui, grandiose, de la Création et celui à venir du jugement dernier.
Eh bien, je vous l’accorde, il faut à l’homme des délassements. Pourquoi donc êtes-vous assez ingrats pour fermer les yeux aux plaisirs si nombreux et si variés que Dieu a mis sous votre main, d’ailleurs plus que suffisants pour vous satisfaire6 ?
Désormais le monde doit être considéré comme un spectacle :
Mais, surtout, quel admirable et prochain spectacle que l’avènement du Seigneur, alors enfin reconnu pour ce qu’il est, alors superbe et triomphant ! Quelle sera dans ce jour l’allégresse des anges, la gloire des saints ressuscités, et la magnificence de cette nouvelle Jérusalem, où les justes régneront éternellement ! D’autres spectacles vous restent, c’est le jour du jugement, jour éternel7,
D’une certaine façon se rejoignent dans ce nouveau paradigme les deux versions de la scène : la skéné et la schékina. La tente du « décor » est aussi celle de la présence de Dieu. Formulé ainsi, cela peut faire l’effet d’un raccourci mais il est vraiment intéressant de voir à quel point les dômes de projection 3D d’aujourd’hui ou les constructions éphémères de diffusion reprennent cette structure de tente, de lieu fermé de l’expérience. S’esquisse une sorte de tension entre la forme scénique et la forme tabernaculaire qu’on retrouve d’ailleurs très largement dans les modèles architecturaux des lieux de cultes. Bien évidemment, pour Aristote la nature n’était en rien un spectacle au sens où on pourra parler d’un « spectacle de la nature ». Elle est, plus simplement, ce qui apparaît de manière spontanée : la Phusis est « à voir » mais pas « donnée à voir ». La mimèsis est présentée dans la Physique comme une complémentation de la phusis, on dirait aujourd’hui une « augmentation ». Quand Aristote entreprend sa Physique, il procède 58à l’élaboration d’une explication du manifeste. C’est la raison pour laquelle, il en exclut l’infini mathématique. Après avoir exposé tout un ensemble de raisons, il conclut en disant qu’on n’a rien vu de tel que l’infini puisque celui-ci n’apparaît pas en acte. Marc Descola, dans son ouvrage, Par-delà nature et culture, voit avec Aristote l’émergence d’une véritable pensée de la nature qui se défait des explications encore marquées par le mythe pour procéder à une description/explication des phénomènes naturels. En cela, il s’agit véritablement d’une étape. En revanche, rien n’atteste que les Grecs de l’époque d’Aristote se soient trouvés « immergés » dans la nature ni qu’elle soit envisagée comme un « environnement ». S’il existe quelque chose qui puisse ressembler à un environnement, c’est bien plutôt l’organisation politique et sa dimension domestique qui constitue l’oikos, c’est-à-dire la « maison » au sens large, dont l’organisation fait appel à un ensemble de règles, d’où son économie. L’homme ne se trouve pas entièrement, comme avec le christianisme, face à la nature. Il y a dans la Poétique un passage très intéressant dans lequel Aristote précise que l’homme est plus apte que les autres animaux à imiter. Cela signifie que la différence en l’espèce est de degré et non pas radicale. L’imitation et la techné humaines s’inscrivent dans un certain continuum avec la nature.
Marc Descola le constate8, c’est en réalité le christianisme qui sépare l’homme de la nature et instaure le partage entre nature et culture avec comme résultat la possibilité d’envisager les prémisses d’un dispositif immersif. Au iie siècle encore, Athénagore d’Athènes distingue les deux régimes de la nature et de la création9. Il illustre son argument en envisageant comment pourra se dérouler la résurrection des morts en particulier si certains ossements se trouvent à manquer parce qu’ils ont, par exemple, été dévorés par les animaux. Selon l’ordre de la nature, la résurrection des morts produirait alors des corps glorieux défectueux. Mais selon l’ordre de la création, le problème ne se pose pas. Dieu saura toujours créer à nouveau ce qu’il a déjà pu créer. Au moment où s’opère, comme on l’a vu chez Tertullien, la fusion de la nature et du monde créé par Dieu en un majestueux spectacle, la spontanéité de la nature se trouve désormais rapportée à la volonté du Créateur.
59Il y a aussi une dimension symbolique de l’entrée dans la Création divine qui peut apparaître spécifiquement religieuse, et ce dès l’Ancien Testament : l’épisode du déluge raconte comme une expiation et une purification un épisode de montée des eaux qui finit par recouvrir toutes les terres. Ne sont présentés comme survivants à l’immersion généralisée que les personnes et les animaux que Noé fait monter sur l’arche. Le baptême chrétien se distingue également des bains rituels juifs par une dimension conversive. L’immersion totale, encore pratiquée par certains rituels protestants, indique une nouvelle naissance, comme si après l’apnée sous l’eau, le re-surgissement se faisait dans un monde renouvelé. L’immersion relève indéniablement ici d’une puissance de conversion10.
C’est Augustin qui, par sa contribution à l’élaboration d’une nouvelle conception du monde, finit par produire le cadre conceptuel propice à une pensée plus élaborée de l’immersion. Dans Les Confessions, Augustin établit une différence fondamentale entre Dieu et l’homme. L’homme est dans le temps alors que Dieu est éternel et hors du temps. La question du contact entre l’homme dans le temps et Dieu éternel pose certaines difficultés. Cette question porte sur ce que signifie la création pour Dieu : s’il n’est pas dans le temps, il n’y a pour lui ni avant ni d’après. L’homme, au contraire est pris dans le mouvement de l’avant et de l’après et sa vie « dans le temps » se trouve pour ainsi dire « encapsulée » dans l’éternité de Dieu. On pourrait dire qu’elle se trouve « immergée » dans le temps comme au sein d’un milieu qui lui est propre.
On connaît le titre célèbre de l’ouvrage d’Alexandre Koyré, Du monde clos à l’univers infini, qui décrit l’émergence des conceptions physiques modernes ainsi que le passage des conceptions antiques d’un monde fini, fermé sur lui-même, à un univers infini mathématisé où se pense l’infini physique. On peut toutefois proposer l’idée selon laquelle c’est avec Augustin que se trouve mise en contact la finitude de l’homme avec l’infinité de Dieu et qu’est donc envisagée la matrice de ce rapport du fini à l’infini. Car, dans Les confessions, l’homme fini est confronté à l’infini de Dieu. L’ouvrage raconte un processus de conversion éminemment subjectif mais réitérable par le lecteur. Il s’agit du rapport d’un homme fini à Dieu, par un adressage direct, et par le même fait, un adressage à lui-même. Dans sa relation à Dieu, l’homme se trouve 60littéralement en relation avec l’infini vers lequel son regard est tourné. Le renversement est important et décisif. Dans la physique d’Aristote, l’infini en acte est réfuté pour un ensemble de raisons dont la dernière est qu’on n’a rien constaté de tel. Toutefois, il doit bien exister une sorte d’infini pour que la journée en acte n’épuise pas la journée en puissance qui demeure sans cesse comme possibilité. Néanmoins, cet infini n’enveloppe pas, il est « comme enveloppé11 ». Le paradigme augustinien inverse la proposition : la finitude temporelle de la vie humaine se trouve comme enveloppée par le caractère hors du temps du Dieu éternel. Du coup, toujours hors de portée de l’évidence humaine, l’infini s’installe comme objet d’une visée. C’est toute la construction des Confessions : établir les conditions d’une relation à l’infini de Dieu à partir d’une visée subjective. Ainsi s’établit une conception qui peut donner à l’infini l’étendue d’une projection et la possibilité de l’envisager comme l’espace d’une pensée.
Quand Erwin Panofsky s’interroge12 sur le fait que l’invention de la perspective précède de plusieurs siècles sa théorisation et, plus particulièrement, la prise en compte un peu tardive de la théorie de la vision d’al Rahsen, il s’arrête sur sa dimension formelle et mathématique. Si celle-ci privilégie les outils intellectuels qui permettent de réaliser la projection d’un espace tridimensionnel sur un plan, il faut comprendre que le paradigme de l’encapsulement et son inversion réalisée par Augustin ont, dès les premiers siècles du christianisme, considérablement changé la donne sur le plan anthropologique. Au départ, l’encapsulement chrétien concerne uniquement les restes des martyrs qui sont précieusement conservés car ils sont censés porter avec eux la présence sainte de la théophanie du saint. On sait que la conservation de ces restes saints, augmentés des reliques christiques (morceaux de la vraie-croix, épines, etc.), se fait jusqu’à la fin de l’époque carolingienne dans des boîtes et sarcophages fermés : des « châsses ». Le terme de « châsse » provient du latin capsa qui désigne une boîte. Les reliques sont ainsi enchâssées dans des boîtes qui demeurent fermées jusqu’au xiiie siècle : elles sont, au sens étymologique, « encapsulées ». Peter Brown avait déjà souligné cette particularité de l’Antiquité chrétienne tardive qui fait que des parcelles de l’infini de Dieu persistent dans les restes de martyrs après 61qu’ils ont subi leur théophanie. Elles se trouvent encapsulées dans une physique qui est encore largement de type topologique13. Le moment augustinien transforme radicalement le sens de cet encapsulement dans la mesure où la situation ponctuelle de la présence sainte s’inverse : c’est désormais le monde des hommes comme temporalité qui se trouve enchâssé au milieu de l’éternité de Dieu hors du temps.
L’épisode relaté dans Les Confessions de la « submersion » d’Alypius au cirque est particulièrement éclairant pour comprendre la nature du processus immersif :
Alypius se détournait de pareils spectacles qu’il avait en horreur ; alors certains de ses amis et de ses camarades, l’ayant par hasard en sortant de table rencontré en chemin, malgré la véhémence de ses refus et de sa résistance, usèrent d’une violence amicale pour l’amener à l’amphithéâtre, un jour où l’on y donnait ces jeux cruels et funestes ; Il disait : « II est vrai, vous traînez de force mon corps en un tel endroit et vous l’installez là ; mais est-ce que vous vous figurez pouvoir diriger l’attention de mon esprit et de mes yeux vers de pareils spectacles ? Aussi, j’aurai beau être là, je serai absent, et c’est ainsi que je triompherai et de vous et d’eux ». Malgré ces paroles, ils ne l’en amenèrent pas moins avec eux… Alypius, ayant fermé les portes de ses yeux, fit défense à son cœur de s’abandonner à un si grand mal. Ah ! plût au ciel qu’il eût aussi fermé ses oreilles ! En effet, à certain incident du combat où une immense clameur de toute la foule populaire l’avait secoué violemment, vaincu par la curiosité, et comme s’il eût été prêt, même après avoir vu ce spectacle, quel qu’il fût, à le mépriser et à le vaincre, il ouvrit les yeux et fut frappé en son âme d’une blessure plus grave que celle qu’en son corps avait reçue l’homme qu’il avait désiré regarder14.
Même si Alypius refuse de regarder, de diriger l’attention de son esprit sur un spectacle qu’il récuse, il se trouve submergé par l’environnement non focalisé, et non ponctuel, de la clameur de la foule. Comme la chanson évoquée dans le célèbre passage sur la mémoire des Confessions15, la clameur est une durée, laquelle conditionne un état qui ne nécessite aucune attention spécifique dans la mesure où il forme l’attention elle-même : le corps d’Alypius en est traversé et secoué, indépendamment de son jugement.
On comprend mieux pourquoi les premiers dispositifs immersifs ont souvent été sonores, depuis les orchestres multiples des Gabrielli dans la 62cathédrale San Marco de Venise16 jusqu’aux dispositifs immersifs du theater of dreams de La Monte Young17. L’immersion est bien ce dispositif qui fait qu’on passe d’un environnement à un autre par une phase convertive, dispositif qui, lorsqu’il est symbolisé par le baptême des premiers chrétiens ou celui de certaines sectes protestantes américaines, institue un moment d’apnée complète qui est celui du passage du monde ancien sans Dieu au monde nouveau de Dieu. Il faut comprendre ici l’immersion dans le même sens que celui que choisit Panofsky lorsqu’il emprunte le terme à Cassirer pour qualifier la perspective : il s’agit d’une « forme symbolique » qui marque la sortie de la conception grecque de la nature comme « ce qui apparaît » de manière spontanée au profit d’une nature-création qui n’est rien d’autre que le monde donné par Dieu à l’homme.
Toutefois, les choses ne se sont pas déroulées exactement de la même manière dans la partie latine de l’Empire et dans sa partie orientale. De ce point de vue, la comparaison de l’évolution de l’art entre l’Occident latin et le monde byzantin est tout à fait remarquable. Plusieurs ouvrages ont documenté la relative continuité entre l’art gréco-latin de l’Antiquité tardive et la peinture des icônes18. À un moment, sans doute difficile à situer mais qui se manifeste dans la réception indifférente des Carolingiens de la querelle byzantine des icônes telle qu’elle apparaît dans les Libri Carolini, l’art de l’Occident latin a pris une direction différente de l’art Byzantin. C’est surtout dans la figuration de la présence du sacré que les directions se sont séparées. En Occident, les images, contrairement aux reliques qui continuent d’être vénérées comme marque d’une présence sainte, ne sont pas considérées comme sacrées. La dispute byzantine sur le statut des icônes suscite peu d’intérêt théologique. Il semble bien que dans la partie byzantine, le culte voué aux reliques se soit progressivement transféré aux icônes qui réactualisent la présence sainte d’archétypes archépoïète. L’exemple le plus célèbre est l’image du Mandylion inspiré de la légende d’Abgar. En Occident, les châsses renfermant des reliques sont ornées puis décorées. On voit se développer, pour figurer des scènes religieuses, des images moins stéréotypées même pour des scènes comme celles de l’annonciation et de la crucifixion. André Grabar l’explique très bien :
63Comme le dit Théodore Studite, de même qu’une empreinte dans la cire est comprise dans le sceau métallique avec lequel on l’obtient, et que l’objet est dans l’ombre qu’il projette, de même toute icône du Christ, de la Théotokos, d’un saint ou d’une sainte porte en elle une parcelle de l’énergie ou de la grâce propre à ces personnages. La vénération qu’on doit à l’icône est justifiée par cette présence en elle de cette parcelle du divin ou de la sainteté, sans nous faire oublier pour autant que ce culte s’adresse non pas à l’objet matériel qu’est l’icône, mais à l’être divin ou saint auquel elle doit sa part de l’intelligible19.
La continuité entre le culte des reliques et celui des icônes dans l’empire byzantin tient au fait que les « parcelles » de présence sainte se trouvent en quelque sorte transférées du prototype à l’icône par un effet d’empreinte qui n’est pas sans rappeler l’origine skiagraphique de la peinture telle qu’elle se trouve relatée dans l’histoire de Butades rapportée par Pline20. Il s’agit bien d’une forme d’encapsulement puisque le premier dessin est censé contenir et retenir l’ombre de l’amoureux de la fille de Butades. C’est à la suite de ce dessin de contour que Butades réalise ensuite une image en relief. La présence ainsi retenue et contenue se trouve circonscrite par une graphie ce qui autorise le glissement de la présence du modèle capturé à l’icône. Les reliques sont elles-mêmes aniconiques et en Occident, le glissement de la présence contenue des reliques à une présence iconique n’opère pas. Grabar insiste sur la différence entre l’art d’Orient et celui d’Occident. L’art Byzantin est strictement narratif et n’inclut pas de commentaires ou d’interprétations. Au contraire, dans l’aire latine, la culture des images ne poursuit pas le mode de présence des reliques : celles-ci ne sont pas révérées mais considérées essentiellement selon leur fonction pédagogique21. À ce titre, Grabar note qu’à la différence des images byzantines, les images occidentales recourent très largement aux images scientifiques profanes de l’Antiquité22. Sans qu’on puisse parler d’aucune façon de réalisme, ce qui serait, comme le souligne Daniel Arasse, un anachronisme, il faut convenir qu’à partir d’Augustin, le regard ne se porte pas sur le résultat d’une empreinte mais sur ce qui peut être visé. On n’est plus exactement dans la tradition platonicienne des images considérées comme des ombres qui sont 64censées porter ou trahir une forme archétypale, mais dans le champ que constitue un regard orienté. L’histoire de Philippo Lippi (1406-1469) qui donna à la Vierge les traits de sa maîtresse, puis épouse, Lucrezia Buti, indique la direction du regard : ce n’est plus le prototype archépoïète qui se trouve peint mais la projection du regard et du désir. Il « voit » la beauté de la Vierge par la médiation de celle de ses modèles. Mais, comme le fait remarquer Daniel Arrasse, c’est par l’intermédiaire du secret que l’incommensurabilité de la présence divine s’inscrit dans la commensurabilité du tableau23. Reste à préciser ce que signifie le caractère « pédagogique » de la peinture occidentale ? Qu’elle peut emprunter des éléments extérieurs au caractère narratif de la peinture byzantine ? Cela signifie-t-il qu’elle ne fait pas l’objet d’un culte et qu’elle n’est pas la marque d’une « présence » ? Thomas F Mathews montre que les icônes byzantines reprennent de nombreux éléments picturaux de la peinture antique24. La réutilisation par l’Antiquité tardive chrétienne d’éléments de la culture antique de l’image dans des directions différentes met en évidence une différence sémiologique. L’intuition de Panofsky d’interpréter la perspective comme une « forme symbolique », empruntant l’expression à Cassirer, ouvre évidemment des pistes fécondes :
L’infini en acte, qui était absolument inconcevable pour Aristote et que la scolastique classique ne concevait que sous la forme de la toute-puissance divine, c’est-à-dire en un lieu hypercéleste, upéranios topos, a pris désormais la forme de la natura naturata25 .
Et il conclut, à la page suivante, « qu’on avait réussi à opérer la transposition de l’espace psychophysiologique en espace mathématique, en d’autres termes, l’objectivation du subjectif26 ». Un problème demeure toutefois que Panofsky ne parvient pas à résoudre dans son commentaire de l’annonciation d’Ambrogio Lorezetti de 1344. Comment expliquer l’advenue du « premier exemple d’un système de coordonnées qui, dans une sphère du concret artistique, rend l’“espace systématique“moderne matériellement visible, avant même que la pensée de l’abstrait mathématique l’ait postulé27 » ? C’est sans doute la question qui fait que Daniel 65Arasse ne retient pas l’expression de « forme symbolique » concernant la perspective. Il considère en effet que le symbole n’est pas lié à la forme et qu’il existe plusieurs sortes de perspective28. « D’ailleurs Alberti est un aristotélicien, il ne peut donc pas penser l’infini sur terre29 ». Arasse reprend plutôt la conception de Francastel d’une projection de l’œil du spectateur dans le tableau et d’une commensurabilité à l’homme de sa vision picturale30. Il peut alors différencier plusieurs moments de la perspective, qu’il distingue avec soin : la perspective des xive et xve siècles diffère de celle plus tardive et mathématisée du xviie siècle. Les annonciations du xve siècle peuvent figurer l’incommensurabilité de Dieu dans la commensurabilité du tableau :
À Florence, dans les années 1440, un siècle après Lorenzetti, certains peintres reposent le problème de la perspective, qui ne peut représenter l’Incarnation, mais peut lui donner figure par un désordre, un écart interne, une discommensuration qui illustre le mystère de l’incarnation31.
Il faut toutefois attendre les conceptions plus tardives d’un espace infini pour que l’infini puisse se trouver dans le tableau :
L’homme est fini, mais puisque le concept d’infini est accepté et qu’on est passé du monde clos à l’univers infini, comme l’avait dit Alexandre Koyré, la perspective devient l’instrument de cette mise en visibilité de l’infini de l’univers divin32.
Les précautions de Daniel Arasse sont utiles mais elles ne répondent pas complètement à la question posée par Panofsky de la préexistence d’une perspective aux mathématiques qui permettent de la penser. L’incommensurable de la présence divine peut effectivement, comme dans le tableau d’Ambrogio Lorenzetti, être désigné de plusieurs manières, par le doré du fond de la partie supérieure, ou par la convergence des lignes du pavement vers un point de fuite, que celui-ci tende vers l’infini, ou qu’il arrête le regard vers le « point central » comme son « terme33 ». Il importe de comprendre l’enjeu de cette orientation du regard. Avant 66même la mise en place de la perspective légitime, le regard vers l’infini divin s’est structuré par l’instauration d’un espace cohérent, et structuré en un point et à partir d’un point de vue intentionnel. C’est ce qui explique que le cône visuel de la perspective se soit mis en place avant qu’on prenne connaissance de l’inversion du rayon visuel. Le tableau de Legrenzi articule une étrange co-présence du sacré et de l’humain : en joignant les deux natures du Dieu-fait-homme dans la même image. Précisément, l’Incarnation, comme la Passion, concentre le paradigme chrétien du mystère de la présence de Dieu dans une chair. Celui-ci s’impose et, dès l’Antiquité tardive, toutes les options qui privilégiaient la part divine ou la part humaine ont été progressivement rejetées avec le concile de Chalcédoine en 451.
Or cette co-présence est particulièrement problématique pour Augustin. Il consacre ainsi les premiers livres de son ouvrage sur la Trinité à démontrer que le Christ n’a pas été généré bien qu’il soit né d’une mère humaine. Sa transcendance est intacte et il se trouve hors du temps, mais, parce que sa nature humaine est réelle, il a également vécu dans le temps. C’est ce qui permet à l’homme d’être, dans sa réalité charnelle, à l’image de Dieu. Cette image est intérieure et intentionnelle, c’est-à-dire orientée vers Dieu mais aussi réflexive.
Daniel Arasse insiste sans cesse sur l’importance du cadrage pour la perspective :
Ce qu’il faut retenir c’est que la perspective suppose un cadrage. Ce n’est pas seulement un point de fuite et des lignes. La première opération dit Alberti, c’est de faire le cadre avant de faire le point de fuite, les lignes et l’horizon. C’est le cadre pris pour une fenêtre, qui détermine le lieu à peindre, mais ce n’est pas une fenêtre ouverte sur le monde. Alberti n’a jamais dit cela, c’est une fenêtre à partir de laquelle on peut contempler l’histoire, et non pas regarder le monde ; c’est très précis, et c’est un point auquel je suis très attaché34.
On cite toujours ce passage de Daniel Arasse pour insister sur le fait que la fenêtre n’est pas une vision du monde mais de l’historia. Il est possible qu’il y ait un malentendu quant à la fonction du cadrage, ce que je désigne comme le « fenestral ». Hans Belting rapporte35 que les Japonais furent surpris devant les premières images que leur présentèrent 67les Portugais quand ils arrivèrent au Japon à partir de 1543. Les Japonais considéraient les images occidentales en perspective plutôt comme des sculptures sur papier que comme des peintures ou des dessins : ils étaient surpris par cette façon de les fixer aux murs, effectivement comme s’il s’agissait de fenêtres, alors qu’ils avaient plutôt l’habitude de dérouler les leurs sur des tables, c’est-à-dire horizontalement. Avant même de savoir s’il s’agit de « regarder le monde » ou de « contempler l’histoire », le caractère fenestral de la verticalité s’impose comme une posture du regard qui est toujours présupposée dans le calcul du point central. Cette évidence se trouve au cœur du projet des Confessions d’Augustin qui commencent par un adressage au Dieu infini par la médiation d’un retour sur soi : c’est là tout le caractère subjectif de l’écriture d’Augustin. Par ce dispositif narratif et conversif de l’usage de la première personne, Augustin invente une écriture de la subjectivité tout à fait différente de ce qui pouvait exister précédemment, par exemple au sein des Pensées pour moi-même (Τὰ εἰς ἑαυτόν) rédigées par Marc Aurèle vers 170, 180 après Jésus-Christ. Le dispositif augustinien tient au fait que le récit à la première personne, écrit par un être fini et s’adressant à un être infini, n’a évidemment pas pour objectif d’informer Dieu qui sait déjà sonder les cœurs et les reins. Mais il n’a pas non plus pour seul objet de s’adresser à « soi-même » comme le fait Marc Aurèle. Il vise, à travers sa subjectivité et sa réflexivité, une portée plus générale. Alors que l’Antiquité classique – c’est le cas de César lorsqu’il relate La guerre des Gaules – est souvent gênée par une écriture à la première personne qui ferait « mentir » le lecteur qui emprunterait le « je » d’un autre, le « je » d’Augustin est indéfiniment réitérable par chaque lecteur. Il est à la fois subjectif, au sens le plus ponctuel, et général, au sens le plus universel. Il établit les conditions d’une visée exactement comme le fera, quelques siècles plus tard, la peinture en perspective : un point de vue, tout à fait situé, se projette sur un plan, lequel constitue une section de la pyramide visuelle qui part du point. Le point de vue intègre du même coup sa propre commensurabilité. Mais la visée n’est pas complètement arrêtée par le plan du tableau, elle peut s’adresser à l’incommensurable et même viser l’infini, ce qui a pour effet de produire une vision « sur le monde » et sa mondéanité. D’une certaine façon, le « lieu » de l’historia peut être appréhendé, au sens où l’entendait Augustin, comme la distension de cette visée, de la même manière que la chanson dont se souvient 68Augustin avant de la chanter établit cette temporalité mémorable qui sert de « matrice » à toute historia. La question se pose de savoir comment les concepts de la Physique d’Aristote, qui demeure enseignée jusqu’au xviie siècle, peuvent accueillir une conception de l’espace et des lieux qui n’est déjà plus exactement aristotélicienne. Cette concomitance renvoie à l’histoire d’une sorte de décalage entre les conceptions scientifiques et anthropologiques. Les lieux de la présence divine demeurent fortement problématiques : comment la finitude topologique pourrait-elle contenir l’infinité divine ?
Il est de ce point de vue très intéressant de comparer la disposition fenestrale de l’image de Saint Laurent dans le mausolée de Galla Placidia à Ravenne avec les premières images en perspective. Saint Laurent, placé à gauche, se dirige vers son martyre : un grill. À gauche du grill, on voit une petite bibliothèque avec les textes saints. Au-dessus du grill, une fenêtre d’albâtre laisse passer la lumière. Elle indique la présence sainte de Dieu qui illumine la théophanie du martyre. Mais la fenêtre ne donne rien à voir à l’extérieur. Elle est translucide. Elle indique simplement l’entrée de la lumière si bien que le regard qu’on porte vers l’image se trouve illuminé par l’opalescence de l’albâtre comme si le « diaphane » pouvait effectivement s’actualiser dans la théophanie. Daniel Arasse, se demandant comment traduire l’irruption de l’infini de Dieu dans l’opacité de la chair, reprend le commentaire de Panofsky sur l’Annonciation d’Ambrogio Legrenzi. Il réaffirme le caractère tout à fait exceptionnel de ce premier tableau en perspective qui fait coïncider deux représentations du divin, le doré dans sa partie supérieure et les lignes vers le point de fuite dans la partie inférieure. Le paradoxe du tableau tient également à deux modes de « présence ». Le doré est un milieu qui n’a pas besoin qu’on le vise, il irradie. Au contraire le pavement en perspective contient sa visée dans la mesure où il introduit le regard du spectateur dans le tableau. Point de vue et point de fuite se trouvent ainsi absolument liés, comme par une rencontre.
69Dispositifs représentatifs et immersifs
Quelles différences existe-t-il entre les dispositifs représentatifs et les dispositifs immersifs ? La question se pose de savoir si les seconds sont la continuation des premiers. Dans les deux cas, se trouve mise en œuvre une démarche illusionniste qui pose les conditions d’une possible substitution comme le montre l’exemple de la Tavoletta de Brunelleschi. Pourtant, cette dernière permet également de constater que la représentation en perspective, contrairement aux divers dispositifs immersifs, limite l’illusion à un seul point de vue. La tablette peinte, placée face au miroir, est trouée afin qu’un œil puisse se placer derrière, voir ainsi le reflet du tableau peint dans le miroir et le comparer avec la réalité « naturelle ». Mais cet œil n’entre pas dans le champ du regard : il se trouve maintenu à l’extérieur du dispositif que, pourtant, il légitime. Le choix d’une perspective monofocale comme modèle de la représentation occidentale n’est pas insignifiant. Il paraît plutôt arbitraire si on considère les conditions de la vue naturelle, laquelle n’est ni cadrée dans un rectangle, ni immobile en un point, mais procède d’une vision avec les deux yeux. On pourrait attribuer ce parti pris à une simplification due au caractère plan du support s’il ne se trouvait des traditions picturales tout à fait différentes. Si on en croit Alberti, le choix du point de vue unique permet aux peintres de saisir le spectacle dans son ensemble « prenant la Nature pour guide, [les peintres] reculent devant l’objet peint et se postent plus loin, à la recherche de la pointe de la pyramide d’où ils savent bien que l’on enveloppe toutes choses du regard avec plus de justesse36 ». Ils peuvent ainsi se projeter dans la vision, et saisir la propre commensurabilité du regardeur37, par une fenêtre de visée « par où l’histoire puisse être perçue dans son ensemble38 ». L’histoire ne serait alors rien d’autre que la visée elle-même.
L’immersion se résout-elle à une multiplicité de points de vue, ou, si on veut, à un dispositif de représentation environnant ? Il y aurait alors une forme de continuité entre l’expérience de Brunelleschi et la mise 70en place, plus tardive, des panoramas. Toutefois, un tableau italien du xxe siècle permet de penser leur différence et leur relation. Il s’agit de La stada entra nella casa de 1911 d’Umberto Boccioni qui montre une femme à son balcon vue de dos. Elle regarde la rue mais le tableau ne se résume pas à donner à voir ce qu’elle voit. Il procède en effet d’un empilement de points de vue qui s’inscrivent dans le cadre de la fenêtre. Le titre même de l’œuvre indique que, malgré position de la spectatrice à son balcon, c’est bien la rue qui entre dans l’espace pourtant plus réduit de l’intériorité de la maison, ce qui produit un effet de submersion. En effet, la posture de point de vue du personnage penché vers l’extérieur, conforme aux préconisations d’Alberti, ne peut se confondre avec celui du spectateur du tableau. Le regard du spectateur sur le dos du personnage dans le tableau induit un regard sur le regard, ou plutôt, sur les regards par l’empilement des visions de la rue qui s’accumulent comme autant de visées intentionnelles et « débordent » l’espace du regard en retrait faisant ainsi irruption dans l’intérieur de la maison. La situation pourrait faire penser aux dispositifs actuels de réalité virtuelle fondés sur une captation gyroscopique du mouvement qui permettent l’adaptation du spectacle à la position du regard. Ils rendent en effet eux aussi possible une accumulation des points de vue dans la mesure où l’image est sans cesse corrigée. Parallèlement, on peut interpréter le tableau comme une tentative critique par l’empilement des points de vue, dans un cadre fenestral lui-même recadré. L’effet est invasif et immersif. On le voit, la différence entre représentation et immersion ne tient pas seulement à une adaptation technique permettant une vue plus large ou même panoramique. L’article de Laurent Lescop, dans ce même numéro, analyse les contraintes présidant à la réalisation des panoramas du xxe siècle : il y démontre bien que ces contraintes ne sont pas seulement celle d’un élargissement de la vue. Précisément, les panoramas ne sont pas réductibles à une succession de points de vue mais procèdent d’une tentative de produire une expérience englobante qui peut même inclure des mouvements mécaniques pour produire l’illusion de « réalité totale ». Il est d’ailleurs amusant de constater que c’est le cinéma qui a sonné la fin des panoramas. La mobilité des spectateurs devant une image continue a alors laissé la place à une introduction du mouvement dans l’image, ce qui a eu pour effet paradoxal de replacer le spectateur dans une disposition fenestrale, c’est-à-dire assis dans son fauteuil devant un écran.
71La disparition du dispositif fenestral
Les casques de réalité virtuelle en bifocale combinent l’effet du panorama et celui du cinéma : le corps, et par conséquent le regard, peut se mouvoir devant l’image ou plutôt dans l’image, laquelle est elle-même animée. L’étonnement qu’on peut ressentir devant une image ou une vidéo 360° tient à la disparition du dispositif fenestral. Le cadre disparaît et avec lui le « quatrième mur » du spectacle. Il ne reste que le « cadrage » de notre propre vision binoculaire qui n’est pas particulièrement perçue comme une fenêtre. Moi-même déficient visuel et dépourvu d’une part de ma vision périphérique suite à un traitement au laser, je ne perçois pas la disparition de certaines parties de mon champ visuel, sauf à placer mon attention sur un point spécifique. Ceci indique d’ailleurs bien la différence entre attention et focalisation : le réglage de l’œil ne coïncide pas automatiquement avec la fixation de l’attention. La vision par l’œil de lui-même se réalise de manière défective par la perception manquante des « points aveugles » qui est différentielle. Ceci à l’exception notable du développement d’une vision interne de l’œil, dans le cas d’une hémorragie par exemple. L’idée qu’on puisse « voir la vue » pouvait paraître familière à Aristote dans la mesure où le sens en puissance reste actif en l’absence de tout objet vu39. Après l’inversion du rayon visuel, il devient impossible de « voir la vue » dans la mesure où elle ne peut se capter elle-même sinon sur un mode défectif comme on l’a dit.
La captation en 360° abolit le point de vue comme départ d’une appréhension fenestrale, c’est-à-dire, comme possibilité de se placer du point de vue « enveloppant » pour reprendre l’expression d’Alberti, à la pointe de la pyramide visuelle. En situation immersive, c’est le sujet entier qui se trouve enveloppé. La disparition de la fenêtre et de son cadrage ne fait pas forcément disparaître tout « bord ». Dans la vision naturelle, la présence de notre corps « borde » notre vision qui se trouve limitée par notre chair et notre capacité de mouvement : nous voyons, dans les meilleures conditions, à 180° et avec une densité variable depuis le centre de la vue et les bords. Notre vision se trouve également limitée 72par notre capacité de mouvement. Ceci signifie que la captation 360° est plus étendue que nos capacités physiques : elle inclut nos mouvements potentiels et les vues qui en découlent mais elle n’étend pas nos capacités de vision. Il y a toujours un « devant » et un « derrière ». La caméra prend la place du corps dans ses potentialités de regarder ici et là. Se constitue alors un « bord » en ce sens que la captation se trouve rattachée à une situation de capture. On devine le pied et le mode de fixation de la caméra.
L’effet est parfois étrange si la captation intègre les éléments d’un autre corps « subjectif » dans le champ visuel et encore plus si on a gommé tous ce qui peut rattacher le placement de la caméra à une position physique, c’est-à-dire par exemple effacé le support de fixation de la caméra La vue « flotte » alors de façon abstraite, n’étant bordée par aucun corps. Le gommage, par traitement d’image, de ce « bord », comme on le voit dans certaines publicités automobiles, produit l’effet un peu étrange d’un regard « sans corps » et par conséquent sans place pour le regard.
Se pose alors la question du substrat au sens strict, c’est-à-dire du support physique : comment la caméra tient-elle ? Ce qui peut paraître paradoxal est que, précisément, la question ne se pose pas en situation de représentation. En d’autres termes, ce qui paraît étrange en captation 360° est tout à fait commun au cinéma ou en photographie. La raison en est simple : la plupart du temps, le regard, comme dans l’expérience de Brunelleschi, demeure extérieur au spectacle. De manière exemplaire, Psychose commence par un plan général avec sa vue sur la ville et ses immeubles, n’interroge pas sur l’appartenance de ce regard surplombant. On ne se demande pas « qui regarde ». On regarde l’histoire mais le regardeur n’y est pas inclus. Au contraire, dans le cas d’une captation en 360°, le corps du regardeur se trouve immédiatement inclus dans son environnement. Il devient le lieu de l’énonciation. En un sens, le dispositif fenestral dispense de la question : qui regarde ? Cela paraît tout à fait paradoxal dans la mesure où, précisément, le point de fuite et la vision fenestrale fonctionnent à partir d’un point de vue. Cela signifie en tous cas que le simple positionnement du regardeur et la projection de sa commensurabilité ne suffisent pas à insérer ce qu’on pourrait considérer comme « la présence du regardeur ». L’écriture subjective des Confessions permettait à chaque lecteur de réactualiser le mouvement la conversion augustinienne. De la même manière, l’écriture subjective de 73Descartes dans les Méditations métaphysiques permet à chaque lecteur de réactualiser l’expérience du cogito. En un sens analogue, la perspective permet de réitérer la vue et non point le regard. Ce que montre le tableau de Boccioni n’est pas seulement un empilement de vues mais un regard qui permet à « la rue d’entrer dans la maison ».
Au contraire, dans le cas de la captation 360°, la question est inévitable : qui regarde ? L’absence de bord renvoie infailliblement à une instance corporelle. Et si ce corps ne se voit pas et ne trouve pas de substitut comme par exemple un support, il se présente comme « corps manquant », immatériel. Pourquoi une telle expression de « corps manquant » ? Parce qu’il construit, par cette seule présence du regard, un environnement et se produit comme environné.
L’articulation de la perspective à l’immersion peut toutefois être plus complexe. On le voit dans le dispositif de la salle des perspectives de la Farnesina à Rome : sur chaque mur de la pièce sont peints, derrière l’encadrement fenestral de piliers qui font eux-mêmes partie de la fresque, les paysages de Rome tels qu’ils étaient entre 1508 et 1511. La pièce est agrémentée de fenêtres qui à la fois éclairent l’intérieur et offrent une vue sur l’extérieur. Ceci produit un effet différentiel entre la fenestralité peinte et celle réellement ouverte sur l’extérieur. D’une certaine façon, il faut s’y trouver pour comprendre et pouvoir aller des fresques de la Rome du xvie siècle au spectacle de la Rome d’aujourd’hui qu’on voit par les fenêtres. Le cas de la Farnesina est intéressant en ceci qu’il se situe de manière intermédiaire entre les perspectives qu’il représente et une situation d’immersion, un peu comme nous le notions au sujet du Teatro Olimpico de Vicence. Les fresques présentent des perspectives comme l’indique le nom de la salle, mais elles entrent en interférence avec l’environnement, étant entendu que toute la puissance de ce dispositif est conditionnée à la présence du visiteur. L’effet immersif naît de cette superposition et du décalage qui introduit la possibilité d’un switch entre deux niveaux de réalité qui s’offrent au promeneur par le décalage historique entre le dehors et le dedans. L’arrêt du temps que suppose l’œuvre, sans doute invisible au moment de la réalisation des fresques où on pouvait comparer le modèle à sa copie, étire indéfiniment la différence du temps. Ensuite, le dedans tourné vers le dehors s’éclaire grâce àl’irruption de l’éclairage du dehors vers le dedans. La fenêtre fonctionne en effet dans les deux sens : comme ouverture vers l’extérieur qui permet de cadrer le paysage à partir 74du sommet de la pyramide visuelle, mais aussi comme ce qui autorise l’entrant c’est-à-dire l’afflux de lumière qui éclaire la pièce et les fresques un peu comme le faisaient les fenêtres d’albâtre du mausolée de Galla Placidia. De cette rencontre surgit la présence.
Ceci implique que la différence entre représentation et immersion n’est pas d’ordre technologique mais plutôt sémiologique ou, pour reprendre, l’expression de Panofsky, qu’elle peut être appréhendée comme une « forme symbolique » dans la mesure où elle est liée à la forme de l’énonciation et au mode culturel qui le produit. On peut ainsi envisager plusieurs strates de l’illusion en rapport avec la « naturalité ». La phusis des Grecs se donne à voir spontanément et comme dans le cas bien connu des oiseaux de Zeuxis qui viennent picorer son tableau, il n’existe pas de privilège spécifique du regard humain sur celui des oiseaux qui volettent. Il n’y a pas de point de vue des oiseaux ni des hommes mais une simple ouverture au visible. En prolongement de ce constat, on ne peut dire que le tableau de Zeuxis imite la nature mais qu’il se regarde comme la nature. C’est toute la différence de cette situation avec le dispositif de Brunelleschi, lequel privilégiant un regard monofocal à partir d’un point, pour englober le spectacle, autorisant ainsi la possible substitution du tableau peint à la réalité. Ce faisant, le regard demeure extérieur au spectacle. Le mécanisme de la re-présentation sépare l’original de la copie par un processus de mise à distance du spectateur qui n’est pas inclus dans le spectacle. En situation de représentation, la visée est séparée du viseur parce que tous deux, sujet de la visée et objet visé, paraissent, comme chez Descartes, relever de deux natures différentes. Descartes les renvoie, pour l’un à la res extensa et pour l’autre à la res cogitans, réintroduisant ainsi la différence entre l’esprit et le corps. Husserl au contraire, considèrant que viseur et visée sont indissociables, permet de penser l’immersion. Pour autant, le recours cartésien aux catégories de la substance n’est pas, en l’espèce, forcément le plus déterminant, Plus radicalement encore, la séparation instaurée par le christianisme entre Dieu et sa création rend possible la mise en place d’un dispositif représentatif dès que la « présence » sacrée se trouve évacuée, ce qui se produit avec le refus du culte des reliques mais aussi de la « présence réelle » par exemple chez Calvin. Ne reste par conséquent qu’une représentation40. En un sens, le dispositif immersif annule cette scission représentative 75en réintroduisant le corps du regardeur dans le processus illusionniste. C’est ce qu’a compris Rousseau quand il propose à d’Alembert, dans sa Lettre sur les spectacles, d’abolir la césure représentative en réinstaurant41 une manière d’habiter : la « scène » est désormais la place du village où chacun est à la fois acteur et spectateur.
Le casque de VR procède d’une tout autre manière bien entendu. Mais il suffit de voir à quel point la dimension kinesthésique paraît nécessaire aux dispositifs de VR dans la mesure où ils induisent le mouvement du corps. Ainsi, le pendant nécessaire du casque immersif est-il le fauteuil pivotant, tout aussi nécessaire. Il est intéressant de noter que l’abolition de la césure représentative qui caractérise les dispositifs de réalité virtuelle et le fait que la VR puisse se substituer totalement à la « réalité », paraissent malgré tout « buter » sur la question de la distance et sur celle du point de vue. Les Ménines de Vélasquez « montrent » la représentation. Peut-on procéder de même avec une immersion qui se désignerait elle-même ? Certes, il n’est plus possible de s’éloigner spatialement pour trouver la « bonne distance » comme le recommandait Alberti, ni d’ailleurs de « prendre distance avec soi-même ». Parce que l’illusion devient invasive comme dans l’expérience d’Alypuis relatée par Augustin, ou comme dans le tableau de Boccioni. Là encore on peut s’interroger sur le fait que la femme vue de dos et penchée à son balcon devient elle-même visée et qu’ainsi s’accumulent et s’empilent différentes visées intentionnelles. Comment « tient » ce regard qui donne à voir indifféremment les variations du spectacle et le regardeur comme son « entrée dans la maison » ?
Dans les dispositifs immersifs, il reste néanmoins toujours la possibilité du switch qui permet, à tout moment, de sortir de l’illusion. La question est essentielle dans la mesure où le risque de l’immersion sans césure peut être celui du parfait solipsisme : le héros de La stratégie Ender42, champion de jeux vidéo stratégiques, croit réussir une simulation de destruction des ennemis, alors que l’effet est bien réel. Il comprend qu’il vient d’exterminer une race extraterrestre entière dont la présence continue ensuite d’hanter ses rêve. Le rêve, ici comme ailleurs, 76est souvent la limite, le bord infranchissable mais aussi franchissable, du solipsisme comme le montre le roman d’Ursula Le Guin, L’autre côté du rêve43. Ce récit met en scène un homme dont les rêves changent la réalité. Mais alors que dès son réveil, ses songes sont devenus pour tous, le réel, lui seul a conscience de ce changement, du switch entre les deux réalités. Beaucoup de récits et de films de science-fiction utilisent ce dispositif de deux réalités mondaines qu’on peut commuter. L’exemple d’Avatar est particulièrement éclairant. Pour le protagoniste de ce film à succès, il n’est pas possible d’être humain et avatar en même temps de manière consciente. Le passage de l’un à l’autre état suppose une perte de conscience ou l’évanouissement d’une des deux formes. La visée, malgré les déchirements de la volonté qu’explorait déjà Augustin, demeure une unité en tant que champ intentionnel. C’est le sens de l’archéprésence, développée par Husserl dans La terre ne se meut pas : tout regard, même le plus abstrait qui se porte sur les étoiles, se trouve originé dans un monde. Quoi qu’il advienne, on a « les pieds sur terre », même si on sait bien que la terre tourne sur elle-même et autour de son soleil, même si on sait qu’il est possible de poser nos pieds sur d’autres planètes ou d’autres satellites. C’est cette archéprésence qui demeure comme présence charnelle au sein d’un environnement. Elle constitue notre pensée et, plus généralement, notre appréhension et notre habitation du monde. En ce sens, l’éloignement immersif ne peut être que commutatif. Il se tient peut-être dans cette recherche du vertige ou de la sensation forte que proposent les sports extrêmes, les attractions foraines, et plus récemment, les contenus de VR.
Ou encore, comme au début de La recherche, on essaie d’habiter ce moment insaisissable de l’endormissement.
Jacques Athanase Gilbert
1 Il s’agit de la transcription d’une conférence donnée à l’ENSAN à Nantes le XX suite à une invitation de Thomas Leduc (CRENEAU) et qui fait suite à une collaboration suivie avec Laurent Lescop (ENSAN et CRENEAU). La réflexion est issue d’un projet commun poursuivi depuis plusieurs années avec Laurent Lescop.
2 Voir Jacques Athanase Gilbert, Les variations de l’imitation, Cerf 2013 et Emmanuelle Henin, Ut pictura theatrum, Droz, 2003.
3 Je m’en suis largement expliqué dans Les variations de l’imitation, Cerf, 2013.
4 Maïmonide, Guide des égarés, Verdier, 1979.
5 Lévitique, 16,2, traduction Louis Second.
6 Tertullien, De spectaculis, XXIX.
7 Tertulien, De spectaculis, XXX.
8 Marc Descola, Par-delà nature et culture, Gallimard, 2005.
9 Athénagore d’Athènes, Supplique au sujet des chrétiens et Sur la résurrection des morts, Cerf, 1992.
10 Tertullien, De Baptismo.
11 Aristote, Physique III. 206b, 207a.
12 Erwin Panofsky, La perspective comme forme symbolique, Minuit, 1975.
13 Peter Brown, Le culte des saints.
14 Saint Augustin, Confessions, VI, VIII, 13, traduction Guastalla Lescale.
15 Ibid.
16 Ibid.
17 Ibid.
18 Thomas F. Mathews, Les origines païennes des icônes, Cerf, 2017.
19 André Grabar, Les voies de la création en iconographie chrétienne, 1979, 1994, Champs Flammarion, p. 260.
20 Pline, Histoire naturelle, XXXV, 12.
21 Ibid., p. 321.
22 Ibid., p. 321-333.
23 Daniel Arasse, Histoires de peintures, Folio essai, 2004.
24 Thomas F. Mathews, Les origines païennes des icônes, Cerf 2016.
25 Erwin Panofsky, La perspective comme forme symbolique, Minuit, 1975, p. 158.
26 Ibid., p. 159.
27 Ibid., p. 125-126.
28 Ibid., pp.
29 Daniel Arasse, Histoires de peintures, Folio essai, 2004, p. 65.
30 Ibid., p. 66-67.
31 Ibid., p. 78-79.
32 Ibid., p. 137.
33 Ibid., p. 65.
34 Ibid., p. 84-85.
35 Hans Belting, Florence et bagdad, Gallimard 2012.
36 Alberti, De pictura, Allia, 2007, p. 25.
37 Ibid., p. 29.
38 Ibid., p. 30.
39 Aristote, Péripsuchê.
40 Jean Calvin, Traité des reliques et Épitre à Sadolet, Œuvres, Pléiade, 2009.
41 J’écris ré-instaurant plutôt qu’unstaurant dans la mesure où l’inspiration de Rousseau paraît réitérer celle de Tertullien.
42 La Stratégie Ender (Ender’s Game) est un film américain de science-fiction écrit et réalisé par Gavin Hood, sorti en 2013. Il s’agit d’une adaptation du roman La Stratégie Ender d’Orson Scott Card. Source Wikipédia.
43 Ursula Le Guin, L’autre côté du rêve, Livre de poche, 2002.