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Classiques Garnier

Habiter l’immersion

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Études digitales
    2017 – 2, n° 4
    . Immersion
  • Auteur : Gilbert (Jacques Athanase)
  • Résumé : L’article fait suite à une conférence donnée à l’Ensan en 2018. Il pose la question des relations entre représentation et immersion, en cherchant, au-delà des aspects seulement technologiques liés aux technologies qui intègrent à la multiplicité des points de vue comme la VR, à faire apparaître les fondements culturels et philosophiques d’une telle différence. Il s’agit de tenter une archéologie de l’immersion.
  • Pages : 53 à 76
  • Revue : Études digitales
  • Thème CLIL : 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
  • EAN : 9782406092889
  • ISBN : 978-2-406-09288-9
  • ISSN : 2497-1650
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09288-9.p.0053
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 06/08/2019
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Représentation, immersion, point de vue, 360° , panorama, réalité virtuelle, perspective, récit, art, scène, mimèsis, fenêtre
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Habiter limmersion1

Limmersion est devenue une sorte de pattern culturel : le terme est utilisé à toute occasion, au point de devenir presque une sorte de « lieu commun » de notre modernité. Bien entendu, limmersion est aussi le souci des architectes dans la mesure où elle envisage une situation dans un espace et que toute construction est à la fois lieu dhabitation, décor de la vie qui sy trouve et interaction avec les autres éléments qui lenvironnent. Il est intéressant de noter que les représentations en perspective des villes de la Renaissance italienne ont souvent précédé la construction des bâtiments et des cités qui leur ressemblent. Elles étaient ainsi lanticipation dun regard et dun séjour qui nexistaient pas encore. Elles projetaient, un peu comme aujourdhui les dessins darchitectes, une vie possible qui nétait pas encore actée mais qui se trouvait, au sens strict, « imaginée » de manière un peu conventionnelle car chacun sait que la vie est difficile à imaginer. Elle se donne toujours hic et nunc. Elle seule advient ou a lieu. Ces projections sont par conséquent des utopies au sens où ce quon voit na pas encore lieu et nadvient pas encore. Pourtant, elles ont bien lieu dune certaine manière puisque le sujet qui sy projette existe comme corps et comme regard. Ainsi, le décor en perspective du Teatro Olimpico de Vicence, dessiné en 1580 et construit en 1595 par Palladio, possède des rues en relief, construites en bois avec des diminutions qui pouvaient faire illusion pour le spectateur assis en face sur les gradins. Il rappelait au spectateur de lépoque, par sa forme, les bâtiments de la ville de Vicence. En ce sens, le spectacle était immersif dans la mesure où les pièces quon jouait sur la scène pouvaient interagir avec la réalité politique et sociale de la ville où se situait le théâtre.

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Cest ainsi quon évoque la « scénographie » comme un des modes particuliers de lhabiter. La scène nest pas seulement ce lieu séparé du public par le quatrième mur, et cela même si le dispositif représentatif induit la césure. La particularité dune écriture scénique, ce qui sous-entend la prise en compte dune action sur le plateau, dun décor, dun récit, ou pour le moins dune intention « scénique », est de donner à voir et de produire du même fait une présence dun certain type quon considère, depuis la Renaissance, comme représentative car cest précisément ce terme que les italiens ont choisi pour traduire, et transposer, le grec mimèsis2.

Je reviens sur la scène qui provient du grec skéné même si le terme a changé de sens de manière assez considérable entre lutilisation de la Grèce ancienne et celle de la modernité. La skéné antique nest pas la scène mais plutôt une tente ou une petite construction rudimentaire disposée en arrière de la « scène » au sens moderne quon nomme alors orkestra. Cette skéné sert de coulisse et peut-être aussi de lieu pour ranger les différents appareils du jeu. Comment est-elle devenue la scène, cest-à-dire le plateau sur lequel jouent les acteurs ? Peut-être par un effet métonymique, une sorte de glissement qui fait que ce qui est donné à voir, autrement dit et suivant Aristote, les actions dont lévidence est soulignée, et ce qui produit, par une « mise sous les yeux », la reconnaissance du spectateur, changent de statut. Lévidence aristotélicienne (ἐνέργεια) finit par se constituer comme spectacle et « mise en scène », incluant le décor. Cela peut correspondre au processus qui mène de la mimèsis vers la représentation par une sorte dinclusion du dispositif dans la présentation scénique3. On la remarqué, il ny a dans la Poétique dAristote pratiquement aucune remarque sur la « mise en scène », à peine plus sur les personnages, et rien sur le décor. Ce sont les actions elles-mêmes qui intéressent Aristote, pratiquement indépendamment de tout ce qui fait que nous pouvons « habiter » la scène. On a parfois reproché à Aristote davoir réalisé une théorie daprès coup, tout à fait infidèle à lesprit de la tragédie. Si lon ne peut en rien exclure quil puisse exister un « biais » aristotélicien, il nen demeure pas moins une réelle proximité historique dAristote avec la tragédie. Aristote a su, dans bien des domaines, compiler et comparer toutes les sources 55disponibles de son temps. On ne voit pas bien pour quelles raisons, touchant le théâtre, il exclurait du champ scénique ce qui nous paraît le plus caractéristique aujourdhui au profit des seules actions et de lintrigue, selon une posture quil faudrait dès lors tenir pour orientée, si ce nest pour dogmatique. Selon lui, ce sont bien les actions quil faut mettre « sous les yeux » et qui constituent la façon propre de la mimèsis d« habiter » son évidence, cest-à-dire de se trouver en son lieu propre. Je reprends le terme « habiter » car cest, dune certaine façon, le telos des architectes : bâtir pour habiter, sachant quil existe de très nombreuses façons dhabiter des lieux et des espaces. Et certainement, la scène moderne, le récit et les réalités 3D sont-elles de nouvelles manières dhabiter différents niveaux de réalité. À lépoque dAristote, la compréhension de lhabiter est strictement topologique, que ce soit sur le plan physique ou sur celui de lanthropologie. Aristote explique dans sa Physique quune pierre lancée en lair par un mouvement violent revient en son lieu propre par un mouvement naturel fini. Cela correspond aux conceptions anthropologiques antiques, par exemple celle qui mène Ulysse à dédaigner limmortalité offerte par la nymphe Calypso pour revenir chez lui à Ithaque. Le périple est un retour à lorigine et le mouvement sachève dans le repos du lieu propre, celui qui habite en sa demeure. La skéné est-elle réellement « habitable » ? Ou même le plateau quon nomme alors « orchestra » ? Rien nest moins certain. La skéné sert de décor ou de coulisses pour entreposer du matériel utile à la tragédie. Les romains ont ensuite construit des skénés en dur mais, à lépoque de la tragédie grecque, elle est encore souvent une simple limite de tissu, quon assimile à une « tente » et qui permet, par des pans de toile suspendus à une corde, les entrées et les sorties des acteurs. Létymologie de skéné serait liée à skia, lombre. On voit bien de quelle manière, par lintermédiaire de la skiagraphie, la skéné pourrait se faire porteuse dun décor par le jeu des ombres quelle suscite. Un autre rapprochement dont la garantie étymologique est plutôt indécise rapprocherait le terme hébreu shékinah du Grec skéné. Le terme shékinah écrit Maïmonide dans son Guide des égarés provient du verbe Chakan qui signifie habiter sous une tente4. Au-delà, le terme de shékinah est utilisé pour désigner, dans le judaïsme tardif, la présence de Dieu entre les chérubins de lArche dAlliance. Cest le lieu où Dieu se tient, le site de sa « présence » :

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LÉternel dit à Moïse : Parle à ton frère Aaron, afin quil nentre pas en tout temps dans le sanctuaire, au-dedans du voile, devant le propitiatoire qui est sur larche, de peur quil ne meure ; car japparaîtrai dans la nuée sur le propitiatoire5 .

Serait-ce par le glissement vers le mode de « présence » de la shékinah que la skéné peut devenir un lieu habitable ? Habiter se comprendrait alors comme la forme dune « présence » et non plus comme la simple mise en évidence (ἐνέργεια) dactions. La différence serait notable.

Habiter le monde

Lutilisation si commune du terme dimmersion détermine un rapport au monde dont le surgissement dans le langage contemporain doit être interrogé. Sagit-il dune notion nouvelle ou de la simple recomposition dune figure antérieure, comme par exemple celle de représentation, qui émerge avec la pensée classique et même dès la Renaissance en Italie ? Si cette option était retenue, limmersion ne serait quune représentation plus vaste et plus large, plus développée technologiquement, qui figurerait la représentation sur plusieurs surfaces. Cette représentation se constituerait, par exemple, sur le modèle des dispositifs de type panoramiques qui échapperaient à la limitation du point de vue unique incluant ainsi la mobilité du corps dans un environnement. Il faut faire la part du dispositif et du symbolique dans le processus immersif pour élaborer une « archéologie de limmersion ».

Il nest pas du tout certain que la notion dimmersion ait le moindre sens pour lAntiquité classique. Il est intéressant de se demander comment le monde et la vie tout entière ont pu devenir « scéniques » puis scenary pour reprendre le mot anglais. Au second siècle, Tertullien écrit un petit ouvrage intitulé De spectaculis, dans lequel il développe une critique des spectacles assez classique dans le premier christianisme. Mais celle-ci est aussi un peu embarrassée dans la mesure où Tertullien ne reprend pas vraiment à son compte linterdit de la figuration formulée par le 57Lévitique. Pour cet orateur latin dAfrique du nord, vivant au sein dune culture qui privilégiait les spectacles du cirque, il est moins important de discréditer les spectacles que ce quils montrent. Il lui faut bien reconnaître que le roi David avait lui aussi aimé danser. La fin du texte est toutefois assez saisissante. Tertullien y propose tout simplement de substituer aux spectacles réalisés par lhomme, celui, grandiose, de la Création et celui à venir du jugement dernier.

Eh bien, je vous laccorde, il faut à lhomme des délassements. Pourquoi donc êtes-vous assez ingrats pour fermer les yeux aux plaisirs si nombreux et si variés que Dieu a mis sous votre main, dailleurs plus que suffisants pour vous satisfaire6 ?

Désormais le monde doit être considéré comme un spectacle :

Mais, surtout, quel admirable et prochain spectacle que lavènement du Seigneur, alors enfin reconnu pour ce quil est, alors superbe et triomphant ! Quelle sera dans ce jour lallégresse des anges, la gloire des saints ressuscités, et la magnificence de cette nouvelle Jérusalem, où les justes régneront éternellement ! Dautres spectacles vous restent, cest le jour du jugement, jour éternel7,

Dune certaine façon se rejoignent dans ce nouveau paradigme les deux versions de la scène : la skéné et la schékina. La tente du « décor » est aussi celle de la présence de Dieu. Formulé ainsi, cela peut faire leffet dun raccourci mais il est vraiment intéressant de voir à quel point les dômes de projection 3D daujourdhui ou les constructions éphémères de diffusion reprennent cette structure de tente, de lieu fermé de lexpérience. Sesquisse une sorte de tension entre la forme scénique et la forme tabernaculaire quon retrouve dailleurs très largement dans les modèles architecturaux des lieux de cultes. Bien évidemment, pour Aristote la nature nétait en rien un spectacle au sens où on pourra parler dun « spectacle de la nature ». Elle est, plus simplement, ce qui apparaît de manière spontanée : la Phusis est « à voir » mais pas « donnée à voir ». La mimèsis est présentée dans la Physique comme une complémentation de la phusis, on dirait aujourdhui une « augmentation ». Quand Aristote entreprend sa Physique, il procède 58à lélaboration dune explication du manifeste. Cest la raison pour laquelle, il en exclut linfini mathématique. Après avoir exposé tout un ensemble de raisons, il conclut en disant quon na rien vu de tel que linfini puisque celui-ci napparaît pas en acte. Marc Descola, dans son ouvrage, Par-delà nature et culture, voit avec Aristote lémergence dune véritable pensée de la nature qui se défait des explications encore marquées par le mythe pour procéder à une description/explication des phénomènes naturels. En cela, il sagit véritablement dune étape. En revanche, rien natteste que les Grecs de lépoque dAristote se soient trouvés « immergés » dans la nature ni quelle soit envisagée comme un « environnement ». Sil existe quelque chose qui puisse ressembler à un environnement, cest bien plutôt lorganisation politique et sa dimension domestique qui constitue loikos, cest-à-dire la « maison » au sens large, dont lorganisation fait appel à un ensemble de règles, doù son économie. Lhomme ne se trouve pas entièrement, comme avec le christianisme, face à la nature. Il y a dans la Poétique un passage très intéressant dans lequel Aristote précise que lhomme est plus apte que les autres animaux à imiter. Cela signifie que la différence en lespèce est de degré et non pas radicale. Limitation et la techné humaines sinscrivent dans un certain continuum avec la nature.

Marc Descola le constate8, cest en réalité le christianisme qui sépare lhomme de la nature et instaure le partage entre nature et culture avec comme résultat la possibilité denvisager les prémisses dun dispositif immersif. Au iie siècle encore, Athénagore dAthènes distingue les deux régimes de la nature et de la création9. Il illustre son argument en envisageant comment pourra se dérouler la résurrection des morts en particulier si certains ossements se trouvent à manquer parce quils ont, par exemple, été dévorés par les animaux. Selon lordre de la nature, la résurrection des morts produirait alors des corps glorieux défectueux. Mais selon lordre de la création, le problème ne se pose pas. Dieu saura toujours créer à nouveau ce quil a déjà pu créer. Au moment où sopère, comme on la vu chez Tertullien, la fusion de la nature et du monde créé par Dieu en un majestueux spectacle, la spontanéité de la nature se trouve désormais rapportée à la volonté du Créateur.

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Il y a aussi une dimension symbolique de lentrée dans la Création divine qui peut apparaître spécifiquement religieuse, et ce dès lAncien Testament : lépisode du déluge raconte comme une expiation et une purification un épisode de montée des eaux qui finit par recouvrir toutes les terres. Ne sont présentés comme survivants à limmersion généralisée que les personnes et les animaux que Noé fait monter sur larche. Le baptême chrétien se distingue également des bains rituels juifs par une dimension conversive. Limmersion totale, encore pratiquée par certains rituels protestants, indique une nouvelle naissance, comme si après lapnée sous leau, le re-surgissement se faisait dans un monde renouvelé. Limmersion relève indéniablement ici dune puissance de conversion10.

Cest Augustin qui, par sa contribution à lélaboration dune nouvelle conception du monde, finit par produire le cadre conceptuel propice à une pensée plus élaborée de limmersion. Dans Les Confessions, Augustin établit une différence fondamentale entre Dieu et lhomme. Lhomme est dans le temps alors que Dieu est éternel et hors du temps. La question du contact entre lhomme dans le temps et Dieu éternel pose certaines difficultés. Cette question porte sur ce que signifie la création pour Dieu : sil nest pas dans le temps, il ny a pour lui ni avant ni daprès. Lhomme, au contraire est pris dans le mouvement de lavant et de laprès et sa vie « dans le temps » se trouve pour ainsi dire « encapsulée » dans léternité de Dieu. On pourrait dire quelle se trouve « immergée » dans le temps comme au sein dun milieu qui lui est propre.

On connaît le titre célèbre de louvrage dAlexandre Koyré, Du monde clos à lunivers infini, qui décrit lémergence des conceptions physiques modernes ainsi que le passage des conceptions antiques dun monde fini, fermé sur lui-même, à un univers infini mathématisé où se pense linfini physique. On peut toutefois proposer lidée selon laquelle cest avec Augustin que se trouve mise en contact la finitude de lhomme avec linfinité de Dieu et quest donc envisagée la matrice de ce rapport du fini à linfini. Car, dans Les confessions, lhomme fini est confronté à linfini de Dieu. Louvrage raconte un processus de conversion éminemment subjectif mais réitérable par le lecteur. Il sagit du rapport dun homme fini à Dieu, par un adressage direct, et par le même fait, un adressage à lui-même. Dans sa relation à Dieu, lhomme se trouve 60littéralement en relation avec linfini vers lequel son regard est tourné. Le renversement est important et décisif. Dans la physique dAristote, linfini en acte est réfuté pour un ensemble de raisons dont la dernière est quon na rien constaté de tel. Toutefois, il doit bien exister une sorte dinfini pour que la journée en acte népuise pas la journée en puissance qui demeure sans cesse comme possibilité. Néanmoins, cet infini nenveloppe pas, il est « comme enveloppé11 ». Le paradigme augustinien inverse la proposition : la finitude temporelle de la vie humaine se trouve comme enveloppée par le caractère hors du temps du Dieu éternel. Du coup, toujours hors de portée de lévidence humaine, linfini sinstalle comme objet dune visée. Cest toute la construction des Confessions : établir les conditions dune relation à linfini de Dieu à partir dune visée subjective. Ainsi sétablit une conception qui peut donner à linfini létendue dune projection et la possibilité de lenvisager comme lespace dune pensée.

Quand Erwin Panofsky sinterroge12 sur le fait que linvention de la perspective précède de plusieurs siècles sa théorisation et, plus particulièrement, la prise en compte un peu tardive de la théorie de la vision dal Rahsen, il sarrête sur sa dimension formelle et mathématique. Si celle-ci privilégie les outils intellectuels qui permettent de réaliser la projection dun espace tridimensionnel sur un plan, il faut comprendre que le paradigme de lencapsulement et son inversion réalisée par Augustin ont, dès les premiers siècles du christianisme, considérablement changé la donne sur le plan anthropologique. Au départ, lencapsulement chrétien concerne uniquement les restes des martyrs qui sont précieusement conservés car ils sont censés porter avec eux la présence sainte de la théophanie du saint. On sait que la conservation de ces restes saints, augmentés des reliques christiques (morceaux de la vraie-croix, épines, etc.), se fait jusquà la fin de lépoque carolingienne dans des boîtes et sarcophages fermés : des « châsses ». Le terme de « châsse » provient du latin capsa qui désigne une boîte. Les reliques sont ainsi enchâssées dans des boîtes qui demeurent fermées jusquau xiiie siècle : elles sont, au sens étymologique, « encapsulées ». Peter Brown avait déjà souligné cette particularité de lAntiquité chrétienne tardive qui fait que des parcelles de linfini de Dieu persistent dans les restes de martyrs après 61quils ont subi leur théophanie. Elles se trouvent encapsulées dans une physique qui est encore largement de type topologique13. Le moment augustinien transforme radicalement le sens de cet encapsulement dans la mesure où la situation ponctuelle de la présence sainte sinverse : cest désormais le monde des hommes comme temporalité qui se trouve enchâssé au milieu de léternité de Dieu hors du temps.

Lépisode relaté dans Les Confessions de la « submersion » dAlypius au cirque est particulièrement éclairant pour comprendre la nature du processus immersif :

Alypius se détournait de pareils spectacles quil avait en horreur ; alors certains de ses amis et de ses camarades, layant par hasard en sortant de table rencontré en chemin, malgré la véhémence de ses refus et de sa résistance, usèrent dune violence amicale pour lamener à lamphithéâtre, un jour où lon y donnait ces jeux cruels et funestes ; Il disait : « II est vrai, vous traînez de force mon corps en un tel endroit et vous linstallez là ; mais est-ce que vous vous figurez pouvoir diriger lattention de mon esprit et de mes yeux vers de pareils spectacles ? Aussi, jaurai beau être là, je serai absent, et cest ainsi que je triompherai et de vous et deux ». Malgré ces paroles, ils ne len amenèrent pas moins avec eux… Alypius, ayant fermé les portes de ses yeux, fit défense à son cœur de sabandonner à un si grand mal. Ah ! plût au ciel quil eût aussi fermé ses oreilles ! En effet, à certain incident du combat où une immense clameur de toute la foule populaire lavait secoué violemment, vaincu par la curiosité, et comme sil eût été prêt, même après avoir vu ce spectacle, quel quil fût, à le mépriser et à le vaincre, il ouvrit les yeux et fut frappé en son âme dune blessure plus grave que celle quen son corps avait reçue lhomme quil avait désiré regarder14.

Même si Alypius refuse de regarder, de diriger lattention de son esprit sur un spectacle quil récuse, il se trouve submergé par lenvironnement non focalisé, et non ponctuel, de la clameur de la foule. Comme la chanson évoquée dans le célèbre passage sur la mémoire des Confessions15, la clameur est une durée, laquelle conditionne un état qui ne nécessite aucune attention spécifique dans la mesure où il forme lattention elle-même : le corps dAlypius en est traversé et secoué, indépendamment de son jugement.

On comprend mieux pourquoi les premiers dispositifs immersifs ont souvent été sonores, depuis les orchestres multiples des Gabrielli dans la 62cathédrale San Marco de Venise16 jusquaux dispositifs immersifs du theater of dreams de La Monte Young17. Limmersion est bien ce dispositif qui fait quon passe dun environnement à un autre par une phase convertive, dispositif qui, lorsquil est symbolisé par le baptême des premiers chrétiens ou celui de certaines sectes protestantes américaines, institue un moment dapnée complète qui est celui du passage du monde ancien sans Dieu au monde nouveau de Dieu. Il faut comprendre ici limmersion dans le même sens que celui que choisit Panofsky lorsquil emprunte le terme à Cassirer pour qualifier la perspective : il sagit dune « forme symbolique » qui marque la sortie de la conception grecque de la nature comme « ce qui apparaît » de manière spontanée au profit dune nature-création qui nest rien dautre que le monde donné par Dieu à lhomme.

Toutefois, les choses ne se sont pas déroulées exactement de la même manière dans la partie latine de lEmpire et dans sa partie orientale. De ce point de vue, la comparaison de lévolution de lart entre lOccident latin et le monde byzantin est tout à fait remarquable. Plusieurs ouvrages ont documenté la relative continuité entre lart gréco-latin de lAntiquité tardive et la peinture des icônes18. À un moment, sans doute difficile à situer mais qui se manifeste dans la réception indifférente des Carolingiens de la querelle byzantine des icônes telle quelle apparaît dans les Libri Carolini, lart de lOccident latin a pris une direction différente de lart Byzantin. Cest surtout dans la figuration de la présence du sacré que les directions se sont séparées. En Occident, les images, contrairement aux reliques qui continuent dêtre vénérées comme marque dune présence sainte, ne sont pas considérées comme sacrées. La dispute byzantine sur le statut des icônes suscite peu dintérêt théologique. Il semble bien que dans la partie byzantine, le culte voué aux reliques se soit progressivement transféré aux icônes qui réactualisent la présence sainte darchétypes archépoïète. Lexemple le plus célèbre est limage du Mandylion inspiré de la légende dAbgar. En Occident, les châsses renfermant des reliques sont ornées puis décorées. On voit se développer, pour figurer des scènes religieuses, des images moins stéréotypées même pour des scènes comme celles de lannonciation et de la crucifixion. André Grabar lexplique très bien :

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Comme le dit Théodore Studite, de même quune empreinte dans la cire est comprise dans le sceau métallique avec lequel on lobtient, et que lobjet est dans lombre quil projette, de même toute icône du Christ, de la Théotokos, dun saint ou dune sainte porte en elle une parcelle de lénergie ou de la grâce propre à ces personnages. La vénération quon doit à licône est justifiée par cette présence en elle de cette parcelle du divin ou de la sainteté, sans nous faire oublier pour autant que ce culte sadresse non pas à lobjet matériel quest licône, mais à lêtre divin ou saint auquel elle doit sa part de lintelligible19.

La continuité entre le culte des reliques et celui des icônes dans lempire byzantin tient au fait que les « parcelles » de présence sainte se trouvent en quelque sorte transférées du prototype à licône par un effet dempreinte qui nest pas sans rappeler lorigine skiagraphique de la peinture telle quelle se trouve relatée dans lhistoire de Butades rapportée par Pline20. Il sagit bien dune forme dencapsulement puisque le premier dessin est censé contenir et retenir lombre de lamoureux de la fille de Butades. Cest à la suite de ce dessin de contour que Butades réalise ensuite une image en relief. La présence ainsi retenue et contenue se trouve circonscrite par une graphie ce qui autorise le glissement de la présence du modèle capturé à licône. Les reliques sont elles-mêmes aniconiques et en Occident, le glissement de la présence contenue des reliques à une présence iconique nopère pas. Grabar insiste sur la différence entre lart dOrient et celui dOccident. Lart Byzantin est strictement narratif et ninclut pas de commentaires ou dinterprétations. Au contraire, dans laire latine, la culture des images ne poursuit pas le mode de présence des reliques : celles-ci ne sont pas révérées mais considérées essentiellement selon leur fonction pédagogique21. À ce titre, Grabar note quà la différence des images byzantines, les images occidentales recourent très largement aux images scientifiques profanes de lAntiquité22. Sans quon puisse parler daucune façon de réalisme, ce qui serait, comme le souligne Daniel Arasse, un anachronisme, il faut convenir quà partir dAugustin, le regard ne se porte pas sur le résultat dune empreinte mais sur ce qui peut être visé. On nest plus exactement dans la tradition platonicienne des images considérées comme des ombres qui sont 64censées porter ou trahir une forme archétypale, mais dans le champ que constitue un regard orienté. Lhistoire de Philippo Lippi (1406-1469) qui donna à la Vierge les traits de sa maîtresse, puis épouse, Lucrezia Buti, indique la direction du regard : ce nest plus le prototype archépoïète qui se trouve peint mais la projection du regard et du désir. Il « voit » la beauté de la Vierge par la médiation de celle de ses modèles. Mais, comme le fait remarquer Daniel Arrasse, cest par lintermédiaire du secret que lincommensurabilité de la présence divine sinscrit dans la commensurabilité du tableau23. Reste à préciser ce que signifie le caractère « pédagogique » de la peinture occidentale ? Quelle peut emprunter des éléments extérieurs au caractère narratif de la peinture byzantine ? Cela signifie-t-il quelle ne fait pas lobjet dun culte et quelle nest pas la marque dune « présence » ? Thomas F Mathews montre que les icônes byzantines reprennent de nombreux éléments picturaux de la peinture antique24. La réutilisation par lAntiquité tardive chrétienne déléments de la culture antique de limage dans des directions différentes met en évidence une différence sémiologique. Lintuition de Panofsky dinterpréter la perspective comme une « forme symbolique », empruntant lexpression à Cassirer, ouvre évidemment des pistes fécondes :

Linfini en acte, qui était absolument inconcevable pour Aristote et que la scolastique classique ne concevait que sous la forme de la toute-puissance divine, cest-à-dire en un lieu hypercéleste, upéranios topos, a pris désormais la forme de la natura naturata25 .

Et il conclut, à la page suivante, « quon avait réussi à opérer la transposition de lespace psychophysiologique en espace mathématique, en dautres termes, lobjectivation du subjectif26 ». Un problème demeure toutefois que Panofsky ne parvient pas à résoudre dans son commentaire de lannonciation dAmbrogio Lorezetti de 1344. Comment expliquer ladvenue du « premier exemple dun système de coordonnées qui, dans une sphère du concret artistique, rend l“espace systématique“moderne matériellement visible, avant même que la pensée de labstrait mathématique lait postulé27 » ? Cest sans doute la question qui fait que Daniel 65Arasse ne retient pas lexpression de « forme symbolique » concernant la perspective. Il considère en effet que le symbole nest pas lié à la forme et quil existe plusieurs sortes de perspective28. « Dailleurs Alberti est un aristotélicien, il ne peut donc pas penser linfini sur terre29 ». Arasse reprend plutôt la conception de Francastel dune projection de lœil du spectateur dans le tableau et dune commensurabilité à lhomme de sa vision picturale30. Il peut alors différencier plusieurs moments de la perspective, quil distingue avec soin : la perspective des xive et xve siècles diffère de celle plus tardive et mathématisée du xviie siècle. Les annonciations du xve siècle peuvent figurer lincommensurabilité de Dieu dans la commensurabilité du tableau :

À Florence, dans les années 1440, un siècle après Lorenzetti, certains peintres reposent le problème de la perspective, qui ne peut représenter lIncarnation, mais peut lui donner figure par un désordre, un écart interne, une discommensuration qui illustre le mystère de lincarnation31.

Il faut toutefois attendre les conceptions plus tardives dun espace infini pour que linfini puisse se trouver dans le tableau :

Lhomme est fini, mais puisque le concept dinfini est accepté et quon est passé du monde clos à lunivers infini, comme lavait dit Alexandre Koyré, la perspective devient linstrument de cette mise en visibilité de linfini de lunivers divin32.

Les précautions de Daniel Arasse sont utiles mais elles ne répondent pas complètement à la question posée par Panofsky de la préexistence dune perspective aux mathématiques qui permettent de la penser. Lincommensurable de la présence divine peut effectivement, comme dans le tableau dAmbrogio Lorenzetti, être désigné de plusieurs manières, par le doré du fond de la partie supérieure, ou par la convergence des lignes du pavement vers un point de fuite, que celui-ci tende vers linfini, ou quil arrête le regard vers le « point central » comme son « terme33 ». Il importe de comprendre lenjeu de cette orientation du regard. Avant 66même la mise en place de la perspective légitime, le regard vers linfini divin sest structuré par linstauration dun espace cohérent, et structuré en un point et à partir dun point de vue intentionnel. Cest ce qui explique que le cône visuel de la perspective se soit mis en place avant quon prenne connaissance de linversion du rayon visuel. Le tableau de Legrenzi articule une étrange co-présence du sacré et de lhumain : en joignant les deux natures du Dieu-fait-homme dans la même image. Précisément, lIncarnation, comme la Passion, concentre le paradigme chrétien du mystère de la présence de Dieu dans une chair. Celui-ci simpose et, dès lAntiquité tardive, toutes les options qui privilégiaient la part divine ou la part humaine ont été progressivement rejetées avec le concile de Chalcédoine en 451.

Or cette co-présence est particulièrement problématique pour Augustin. Il consacre ainsi les premiers livres de son ouvrage sur la Trinité à démontrer que le Christ na pas été généré bien quil soit né dune mère humaine. Sa transcendance est intacte et il se trouve hors du temps, mais, parce que sa nature humaine est réelle, il a également vécu dans le temps. Cest ce qui permet à lhomme dêtre, dans sa réalité charnelle, à limage de Dieu. Cette image est intérieure et intentionnelle, cest-à-dire orientée vers Dieu mais aussi réflexive.

Daniel Arasse insiste sans cesse sur limportance du cadrage pour la perspective :

Ce quil faut retenir cest que la perspective suppose un cadrage. Ce nest pas seulement un point de fuite et des lignes. La première opération dit Alberti, cest de faire le cadre avant de faire le point de fuite, les lignes et lhorizon. Cest le cadre pris pour une fenêtre, qui détermine le lieu à peindre, mais ce nest pas une fenêtre ouverte sur le monde. Alberti na jamais dit cela, cest une fenêtre à partir de laquelle on peut contempler lhistoire, et non pas regarder le monde ; cest très précis, et cest un point auquel je suis très attaché34.

On cite toujours ce passage de Daniel Arasse pour insister sur le fait que la fenêtre nest pas une vision du monde mais de lhistoria. Il est possible quil y ait un malentendu quant à la fonction du cadrage, ce que je désigne comme le « fenestral ». Hans Belting rapporte35 que les Japonais furent surpris devant les premières images que leur présentèrent 67les Portugais quand ils arrivèrent au Japon à partir de 1543. Les Japonais considéraient les images occidentales en perspective plutôt comme des sculptures sur papier que comme des peintures ou des dessins : ils étaient surpris par cette façon de les fixer aux murs, effectivement comme sil sagissait de fenêtres, alors quils avaient plutôt lhabitude de dérouler les leurs sur des tables, cest-à-dire horizontalement. Avant même de savoir sil sagit de « regarder le monde » ou de « contempler lhistoire », le caractère fenestral de la verticalité simpose comme une posture du regard qui est toujours présupposée dans le calcul du point central. Cette évidence se trouve au cœur du projet des Confessions dAugustin qui commencent par un adressage au Dieu infini par la médiation dun retour sur soi : cest là tout le caractère subjectif de lécriture dAugustin. Par ce dispositif narratif et conversif de lusage de la première personne, Augustin invente une écriture de la subjectivité tout à fait différente de ce qui pouvait exister précédemment, par exemple au sein des Pensées pour moi-même (Τὰ εἰς ἑαυτόν) rédigées par Marc Aurèle vers 170, 180 après Jésus-Christ. Le dispositif augustinien tient au fait que le récit à la première personne, écrit par un être fini et sadressant à un être infini, na évidemment pas pour objectif dinformer Dieu qui sait déjà sonder les cœurs et les reins. Mais il na pas non plus pour seul objet de sadresser à « soi-même » comme le fait Marc Aurèle. Il vise, à travers sa subjectivité et sa réflexivité, une portée plus générale. Alors que lAntiquité classique – cest le cas de César lorsquil relate La guerre des Gaules – est souvent gênée par une écriture à la première personne qui ferait « mentir » le lecteur qui emprunterait le « je » dun autre, le « je » dAugustin est indéfiniment réitérable par chaque lecteur. Il est à la fois subjectif, au sens le plus ponctuel, et général, au sens le plus universel. Il établit les conditions dune visée exactement comme le fera, quelques siècles plus tard, la peinture en perspective : un point de vue, tout à fait situé, se projette sur un plan, lequel constitue une section de la pyramide visuelle qui part du point. Le point de vue intègre du même coup sa propre commensurabilité. Mais la visée nest pas complètement arrêtée par le plan du tableau, elle peut sadresser à lincommensurable et même viser linfini, ce qui a pour effet de produire une vision « sur le monde » et sa mondéanité. Dune certaine façon, le « lieu » de lhistoria peut être appréhendé, au sens où lentendait Augustin, comme la distension de cette visée, de la même manière que la chanson dont se souvient 68Augustin avant de la chanter établit cette temporalité mémorable qui sert de « matrice » à toute historia. La question se pose de savoir comment les concepts de la Physique dAristote, qui demeure enseignée jusquau xviie siècle, peuvent accueillir une conception de lespace et des lieux qui nest déjà plus exactement aristotélicienne. Cette concomitance renvoie à lhistoire dune sorte de décalage entre les conceptions scientifiques et anthropologiques. Les lieux de la présence divine demeurent fortement problématiques : comment la finitude topologique pourrait-elle contenir linfinité divine ?

Il est de ce point de vue très intéressant de comparer la disposition fenestrale de limage de Saint Laurent dans le mausolée de Galla Placidia à Ravenne avec les premières images en perspective. Saint Laurent, placé à gauche, se dirige vers son martyre : un grill. À gauche du grill, on voit une petite bibliothèque avec les textes saints. Au-dessus du grill, une fenêtre dalbâtre laisse passer la lumière. Elle indique la présence sainte de Dieu qui illumine la théophanie du martyre. Mais la fenêtre ne donne rien à voir à lextérieur. Elle est translucide. Elle indique simplement lentrée de la lumière si bien que le regard quon porte vers limage se trouve illuminé par lopalescence de lalbâtre comme si le « diaphane » pouvait effectivement sactualiser dans la théophanie. Daniel Arasse, se demandant comment traduire lirruption de linfini de Dieu dans lopacité de la chair, reprend le commentaire de Panofsky sur lAnnonciation dAmbrogio Legrenzi. Il réaffirme le caractère tout à fait exceptionnel de ce premier tableau en perspective qui fait coïncider deux représentations du divin, le doré dans sa partie supérieure et les lignes vers le point de fuite dans la partie inférieure. Le paradoxe du tableau tient également à deux modes de « présence ». Le doré est un milieu qui na pas besoin quon le vise, il irradie. Au contraire le pavement en perspective contient sa visée dans la mesure où il introduit le regard du spectateur dans le tableau. Point de vue et point de fuite se trouvent ainsi absolument liés, comme par une rencontre.

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Dispositifs représentatifs et immersifs

Quelles différences existe-t-il entre les dispositifs représentatifs et les dispositifs immersifs ? La question se pose de savoir si les seconds sont la continuation des premiers. Dans les deux cas, se trouve mise en œuvre une démarche illusionniste qui pose les conditions dune possible substitution comme le montre lexemple de la Tavoletta de Brunelleschi. Pourtant, cette dernière permet également de constater que la représentation en perspective, contrairement aux divers dispositifs immersifs, limite lillusion à un seul point de vue. La tablette peinte, placée face au miroir, est trouée afin quun œil puisse se placer derrière, voir ainsi le reflet du tableau peint dans le miroir et le comparer avec la réalité « naturelle ». Mais cet œil nentre pas dans le champ du regard : il se trouve maintenu à lextérieur du dispositif que, pourtant, il légitime. Le choix dune perspective monofocale comme modèle de la représentation occidentale nest pas insignifiant. Il paraît plutôt arbitraire si on considère les conditions de la vue naturelle, laquelle nest ni cadrée dans un rectangle, ni immobile en un point, mais procède dune vision avec les deux yeux. On pourrait attribuer ce parti pris à une simplification due au caractère plan du support sil ne se trouvait des traditions picturales tout à fait différentes. Si on en croit Alberti, le choix du point de vue unique permet aux peintres de saisir le spectacle dans son ensemble « prenant la Nature pour guide, [les peintres] reculent devant lobjet peint et se postent plus loin, à la recherche de la pointe de la pyramide doù ils savent bien que lon enveloppe toutes choses du regard avec plus de justesse36 ». Ils peuvent ainsi se projeter dans la vision, et saisir la propre commensurabilité du regardeur37, par une fenêtre de visée « par où lhistoire puisse être perçue dans son ensemble38 ». Lhistoire ne serait alors rien dautre que la visée elle-même.

Limmersion se résout-elle à une multiplicité de points de vue, ou, si on veut, à un dispositif de représentation environnant ? Il y aurait alors une forme de continuité entre lexpérience de Brunelleschi et la mise 70en place, plus tardive, des panoramas. Toutefois, un tableau italien du xxe siècle permet de penser leur différence et leur relation. Il sagit de La stada entra nella casa de 1911 dUmberto Boccioni qui montre une femme à son balcon vue de dos. Elle regarde la rue mais le tableau ne se résume pas à donner à voir ce quelle voit. Il procède en effet dun empilement de points de vue qui sinscrivent dans le cadre de la fenêtre. Le titre même de lœuvre indique que, malgré position de la spectatrice à son balcon, cest bien la rue qui entre dans lespace pourtant plus réduit de lintériorité de la maison, ce qui produit un effet de submersion. En effet, la posture de point de vue du personnage penché vers lextérieur, conforme aux préconisations dAlberti, ne peut se confondre avec celui du spectateur du tableau. Le regard du spectateur sur le dos du personnage dans le tableau induit un regard sur le regard, ou plutôt, sur les regards par lempilement des visions de la rue qui saccumulent comme autant de visées intentionnelles et « débordent » lespace du regard en retrait faisant ainsi irruption dans lintérieur de la maison. La situation pourrait faire penser aux dispositifs actuels de réalité virtuelle fondés sur une captation gyroscopique du mouvement qui permettent ladaptation du spectacle à la position du regard. Ils rendent en effet eux aussi possible une accumulation des points de vue dans la mesure où limage est sans cesse corrigée. Parallèlement, on peut interpréter le tableau comme une tentative critique par lempilement des points de vue, dans un cadre fenestral lui-même recadré. Leffet est invasif et immersif. On le voit, la différence entre représentation et immersion ne tient pas seulement à une adaptation technique permettant une vue plus large ou même panoramique. Larticle de Laurent Lescop, dans ce même numéro, analyse les contraintes présidant à la réalisation des panoramas du xxe siècle : il y démontre bien que ces contraintes ne sont pas seulement celle dun élargissement de la vue. Précisément, les panoramas ne sont pas réductibles à une succession de points de vue mais procèdent dune tentative de produire une expérience englobante qui peut même inclure des mouvements mécaniques pour produire lillusion de « réalité totale ». Il est dailleurs amusant de constater que cest le cinéma qui a sonné la fin des panoramas. La mobilité des spectateurs devant une image continue a alors laissé la place à une introduction du mouvement dans limage, ce qui a eu pour effet paradoxal de replacer le spectateur dans une disposition fenestrale, cest-à-dire assis dans son fauteuil devant un écran.

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La disparition du dispositif fenestral

Les casques de réalité virtuelle en bifocale combinent leffet du panorama et celui du cinéma : le corps, et par conséquent le regard, peut se mouvoir devant limage ou plutôt dans limage, laquelle est elle-même animée. Létonnement quon peut ressentir devant une image ou une vidéo 360° tient à la disparition du dispositif fenestral. Le cadre disparaît et avec lui le « quatrième mur » du spectacle. Il ne reste que le « cadrage » de notre propre vision binoculaire qui nest pas particulièrement perçue comme une fenêtre. Moi-même déficient visuel et dépourvu dune part de ma vision périphérique suite à un traitement au laser, je ne perçois pas la disparition de certaines parties de mon champ visuel, sauf à placer mon attention sur un point spécifique. Ceci indique dailleurs bien la différence entre attention et focalisation : le réglage de lœil ne coïncide pas automatiquement avec la fixation de lattention. La vision par lœil de lui-même se réalise de manière défective par la perception manquante des « points aveugles » qui est différentielle. Ceci à lexception notable du développement dune vision interne de lœil, dans le cas dune hémorragie par exemple. Lidée quon puisse « voir la vue » pouvait paraître familière à Aristote dans la mesure où le sens en puissance reste actif en labsence de tout objet vu39. Après linversion du rayon visuel, il devient impossible de « voir la vue » dans la mesure où elle ne peut se capter elle-même sinon sur un mode défectif comme on la dit.

La captation en 360° abolit le point de vue comme départ dune appréhension fenestrale, cest-à-dire, comme possibilité de se placer du point de vue « enveloppant » pour reprendre lexpression dAlberti, à la pointe de la pyramide visuelle. En situation immersive, cest le sujet entier qui se trouve enveloppé. La disparition de la fenêtre et de son cadrage ne fait pas forcément disparaître tout « bord ». Dans la vision naturelle, la présence de notre corps « borde » notre vision qui se trouve limitée par notre chair et notre capacité de mouvement : nous voyons, dans les meilleures conditions, à 180° et avec une densité variable depuis le centre de la vue et les bords. Notre vision se trouve également limitée 72par notre capacité de mouvement. Ceci signifie que la captation 360° est plus étendue que nos capacités physiques : elle inclut nos mouvements potentiels et les vues qui en découlent mais elle nétend pas nos capacités de vision. Il y a toujours un « devant » et un « derrière ». La caméra prend la place du corps dans ses potentialités de regarder ici et là. Se constitue alors un « bord » en ce sens que la captation se trouve rattachée à une situation de capture. On devine le pied et le mode de fixation de la caméra.

Leffet est parfois étrange si la captation intègre les éléments dun autre corps « subjectif » dans le champ visuel et encore plus si on a gommé tous ce qui peut rattacher le placement de la caméra à une position physique, cest-à-dire par exemple effacé le support de fixation de la caméra La vue « flotte » alors de façon abstraite, nétant bordée par aucun corps. Le gommage, par traitement dimage, de ce « bord », comme on le voit dans certaines publicités automobiles, produit leffet un peu étrange dun regard « sans corps » et par conséquent sans place pour le regard.

Se pose alors la question du substrat au sens strict, cest-à-dire du support physique : comment la caméra tient-elle ? Ce qui peut paraître paradoxal est que, précisément, la question ne se pose pas en situation de représentation. En dautres termes, ce qui paraît étrange en captation 360° est tout à fait commun au cinéma ou en photographie. La raison en est simple : la plupart du temps, le regard, comme dans lexpérience de Brunelleschi, demeure extérieur au spectacle. De manière exemplaire, Psychose commence par un plan général avec sa vue sur la ville et ses immeubles, ninterroge pas sur lappartenance de ce regard surplombant. On ne se demande pas « qui regarde ». On regarde lhistoire mais le regardeur ny est pas inclus. Au contraire, dans le cas dune captation en 360°, le corps du regardeur se trouve immédiatement inclus dans son environnement. Il devient le lieu de lénonciation. En un sens, le dispositif fenestral dispense de la question : qui regarde ? Cela paraît tout à fait paradoxal dans la mesure où, précisément, le point de fuite et la vision fenestrale fonctionnent à partir dun point de vue. Cela signifie en tous cas que le simple positionnement du regardeur et la projection de sa commensurabilité ne suffisent pas à insérer ce quon pourrait considérer comme « la présence du regardeur ». Lécriture subjective des Confessions permettait à chaque lecteur de réactualiser le mouvement la conversion augustinienne. De la même manière, lécriture subjective de 73Descartes dans les Méditations métaphysiques permet à chaque lecteur de réactualiser lexpérience du cogito. En un sens analogue, la perspective permet de réitérer la vue et non point le regard. Ce que montre le tableau de Boccioni nest pas seulement un empilement de vues mais un regard qui permet à « la rue dentrer dans la maison ».

Au contraire, dans le cas de la captation 360°, la question est inévitable : qui regarde ? Labsence de bord renvoie infailliblement à une instance corporelle. Et si ce corps ne se voit pas et ne trouve pas de substitut comme par exemple un support, il se présente comme « corps manquant », immatériel. Pourquoi une telle expression de « corps manquant » ? Parce quil construit, par cette seule présence du regard, un environnement et se produit comme environné.

Larticulation de la perspective à limmersion peut toutefois être plus complexe. On le voit dans le dispositif de la salle des perspectives de la Farnesina à Rome : sur chaque mur de la pièce sont peints, derrière lencadrement fenestral de piliers qui font eux-mêmes partie de la fresque, les paysages de Rome tels quils étaient entre 1508 et 1511. La pièce est agrémentée de fenêtres qui à la fois éclairent lintérieur et offrent une vue sur lextérieur. Ceci produit un effet différentiel entre la fenestralité peinte et celle réellement ouverte sur lextérieur. Dune certaine façon, il faut sy trouver pour comprendre et pouvoir aller des fresques de la Rome du xvie siècle au spectacle de la Rome daujourdhui quon voit par les fenêtres. Le cas de la Farnesina est intéressant en ceci quil se situe de manière intermédiaire entre les perspectives quil représente et une situation dimmersion, un peu comme nous le notions au sujet du Teatro Olimpico de Vicence. Les fresques présentent des perspectives comme lindique le nom de la salle, mais elles entrent en interférence avec lenvironnement, étant entendu que toute la puissance de ce dispositif est conditionnée à la présence du visiteur. Leffet immersif naît de cette superposition et du décalage qui introduit la possibilité dun switch entre deux niveaux de réalité qui soffrent au promeneur par le décalage historique entre le dehors et le dedans. Larrêt du temps que suppose lœuvre, sans doute invisible au moment de la réalisation des fresques où on pouvait comparer le modèle à sa copie, étire indéfiniment la différence du temps. Ensuite, le dedans tourné vers le dehors séclaire grâce àlirruption de léclairage du dehors vers le dedans. La fenêtre fonctionne en effet dans les deux sens : comme ouverture vers lextérieur qui permet de cadrer le paysage à partir 74du sommet de la pyramide visuelle, mais aussi comme ce qui autorise lentrant cest-à-dire lafflux de lumière qui éclaire la pièce et les fresques un peu comme le faisaient les fenêtres dalbâtre du mausolée de Galla Placidia. De cette rencontre surgit la présence.

Ceci implique que la différence entre représentation et immersion nest pas dordre technologique mais plutôt sémiologique ou, pour reprendre, lexpression de Panofsky, quelle peut être appréhendée comme une « forme symbolique » dans la mesure où elle est liée à la forme de lénonciation et au mode culturel qui le produit. On peut ainsi envisager plusieurs strates de lillusion en rapport avec la « naturalité ». La phusis des Grecs se donne à voir spontanément et comme dans le cas bien connu des oiseaux de Zeuxis qui viennent picorer son tableau, il nexiste pas de privilège spécifique du regard humain sur celui des oiseaux qui volettent. Il ny a pas de point de vue des oiseaux ni des hommes mais une simple ouverture au visible. En prolongement de ce constat, on ne peut dire que le tableau de Zeuxis imite la nature mais quil se regarde comme la nature. Cest toute la différence de cette situation avec le dispositif de Brunelleschi, lequel privilégiant un regard monofocal à partir dun point, pour englober le spectacle, autorisant ainsi la possible substitution du tableau peint à la réalité. Ce faisant, le regard demeure extérieur au spectacle. Le mécanisme de la re-présentation sépare loriginal de la copie par un processus de mise à distance du spectateur qui nest pas inclus dans le spectacle. En situation de représentation, la visée est séparée du viseur parce que tous deux, sujet de la visée et objet visé, paraissent, comme chez Descartes, relever de deux natures différentes. Descartes les renvoie, pour lun à la res extensa et pour lautre à la res cogitans, réintroduisant ainsi la différence entre lesprit et le corps. Husserl au contraire, considèrant que viseur et visée sont indissociables, permet de penser limmersion. Pour autant, le recours cartésien aux catégories de la substance nest pas, en lespèce, forcément le plus déterminant, Plus radicalement encore, la séparation instaurée par le christianisme entre Dieu et sa création rend possible la mise en place dun dispositif représentatif dès que la « présence » sacrée se trouve évacuée, ce qui se produit avec le refus du culte des reliques mais aussi de la « présence réelle » par exemple chez Calvin. Ne reste par conséquent quune représentation40. En un sens, le dispositif immersif annule cette scission représentative 75en réintroduisant le corps du regardeur dans le processus illusionniste. Cest ce qua compris Rousseau quand il propose à dAlembert, dans sa Lettre sur les spectacles, dabolir la césure représentative en réinstaurant41 une manière dhabiter : la « scène » est désormais la place du village où chacun est à la fois acteur et spectateur.

Le casque de VR procède dune tout autre manière bien entendu. Mais il suffit de voir à quel point la dimension kinesthésique paraît nécessaire aux dispositifs de VR dans la mesure où ils induisent le mouvement du corps. Ainsi, le pendant nécessaire du casque immersif est-il le fauteuil pivotant, tout aussi nécessaire. Il est intéressant de noter que labolition de la césure représentative qui caractérise les dispositifs de réalité virtuelle et le fait que la VR puisse se substituer totalement à la « réalité », paraissent malgré tout « buter » sur la question de la distance et sur celle du point de vue. Les Ménines de Vélasquez « montrent » la représentation. Peut-on procéder de même avec une immersion qui se désignerait elle-même ? Certes, il nest plus possible de séloigner spatialement pour trouver la « bonne distance » comme le recommandait Alberti, ni dailleurs de « prendre distance avec soi-même ». Parce que lillusion devient invasive comme dans lexpérience dAlypuis relatée par Augustin, ou comme dans le tableau de Boccioni. Là encore on peut sinterroger sur le fait que la femme vue de dos et penchée à son balcon devient elle-même visée et quainsi saccumulent et sempilent différentes visées intentionnelles. Comment « tient » ce regard qui donne à voir indifféremment les variations du spectacle et le regardeur comme son « entrée dans la maison » ?

Dans les dispositifs immersifs, il reste néanmoins toujours la possibilité du switch qui permet, à tout moment, de sortir de lillusion. La question est essentielle dans la mesure où le risque de limmersion sans césure peut être celui du parfait solipsisme : le héros de La stratégie Ender42, champion de jeux vidéo stratégiques, croit réussir une simulation de destruction des ennemis, alors que leffet est bien réel. Il comprend quil vient dexterminer une race extraterrestre entière dont la présence continue ensuite dhanter ses rêve. Le rêve, ici comme ailleurs, 76est souvent la limite, le bord infranchissable mais aussi franchissable, du solipsisme comme le montre le roman dUrsula Le Guin, Lautre côté du rêve43. Ce récit met en scène un homme dont les rêves changent la réalité. Mais alors que dès son réveil, ses songes sont devenus pour tous, le réel, lui seul a conscience de ce changement, du switch entre les deux réalités. Beaucoup de récits et de films de science-fiction utilisent ce dispositif de deux réalités mondaines quon peut commuter. Lexemple dAvatar est particulièrement éclairant. Pour le protagoniste de ce film à succès, il nest pas possible dêtre humain et avatar en même temps de manière consciente. Le passage de lun à lautre état suppose une perte de conscience ou lévanouissement dune des deux formes. La visée, malgré les déchirements de la volonté quexplorait déjà Augustin, demeure une unité en tant que champ intentionnel. Cest le sens de larchéprésence, développée par Husserl dans La terre ne se meut pas : tout regard, même le plus abstrait qui se porte sur les étoiles, se trouve originé dans un monde. Quoi quil advienne, on a « les pieds sur terre », même si on sait bien que la terre tourne sur elle-même et autour de son soleil, même si on sait quil est possible de poser nos pieds sur dautres planètes ou dautres satellites. Cest cette archéprésence qui demeure comme présence charnelle au sein dun environnement. Elle constitue notre pensée et, plus généralement, notre appréhension et notre habitation du monde. En ce sens, léloignement immersif ne peut être que commutatif. Il se tient peut-être dans cette recherche du vertige ou de la sensation forte que proposent les sports extrêmes, les attractions foraines, et plus récemment, les contenus de VR.

Ou encore, comme au début de La recherche, on essaie dhabiter ce moment insaisissable de lendormissement.

Jacques Athanase Gilbert

1 Il sagit de la transcription dune conférence donnée à lENSAN à Nantes le XX suite à une invitation de Thomas Leduc (CRENEAU) et qui fait suite à une collaboration suivie avec Laurent Lescop (ENSAN et CRENEAU). La réflexion est issue dun projet commun poursuivi depuis plusieurs années avec Laurent Lescop.

2 Voir Jacques Athanase Gilbert, Les variations de limitation, Cerf 2013 et Emmanuelle Henin, Ut pictura theatrum, Droz, 2003.

3 Je men suis largement expliqué dans Les variations de limitation, Cerf, 2013.

4 Maïmonide, Guide des égarés, Verdier, 1979.

5 Lévitique, 16,2, traduction Louis Second.

6 Tertullien, De spectaculis, XXIX.

7 Tertulien, De spectaculis, XXX.

8 Marc Descola, Par-delà nature et culture, Gallimard, 2005.

9 Athénagore dAthènes, Supplique au sujet des chrétiens et Sur la résurrection des morts, Cerf, 1992.

10 Tertullien, De Baptismo.

11 Aristote, Physique III. 206b, 207a.

12 Erwin Panofsky, La perspective comme forme symbolique, Minuit, 1975.

13 Peter Brown, Le culte des saints.

14 Saint Augustin, Confessions, VI, VIII, 13, traduction Guastalla Lescale.

15 Ibid.

16 Ibid.

17 Ibid.

18 Thomas F. Mathews, Les origines païennes des icônes, Cerf, 2017.

19 André Grabar, Les voies de la création en iconographie chrétienne, 1979, 1994, Champs Flammarion, p. 260.

20 Pline, Histoire naturelle, XXXV, 12.

21 Ibid., p. 321.

22 Ibid., p. 321-333.

23 Daniel Arasse, Histoires de peintures, Folio essai, 2004.

24 Thomas F. Mathews, Les origines païennes des icônes, Cerf 2016.

25 Erwin Panofsky, La perspective comme forme symbolique, Minuit, 1975, p. 158.

26 Ibid., p. 159.

27 Ibid., p. 125-126.

28 Ibid., pp.

29 Daniel Arasse, Histoires de peintures, Folio essai, 2004, p. 65.

30 Ibid., p. 66-67.

31 Ibid., p. 78-79.

32 Ibid., p. 137.

33 Ibid., p. 65.

34 Ibid., p. 84-85.

35 Hans Belting, Florence et bagdad, Gallimard 2012.

36 Alberti, De pictura, Allia, 2007, p. 25.

37 Ibid., p. 29.

38 Ibid., p. 30.

39 Aristote, Péripsuchê.

40 Jean Calvin, Traité des reliques et Épitre à Sadolet, Œuvres, Pléiade, 2009.

41 Jécris ré-instaurant plutôt quunstaurant dans la mesure où linspiration de Rousseau paraît réitérer celle de Tertullien.

42 La Stratégie Ender (Enders Game) est un film américain de science-fiction écrit et réalisé par Gavin Hood, sorti en 2013. Il sagit dune adaptation du roman La Stratégie Ender dOrson Scott Card. Source Wikipédia.

43 Ursula Le Guin, Lautre côté du rêve, Livre de poche, 2002.