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Classiques Garnier

Yves Stourdzé, pionnier du numérique

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Études digitales
    2017 – 1, n° 3
    . Variations digitales et transformation du milieu
  • Author: Chopplet (Marc)
  • Pages: 141 to 160
  • Journal: Digital Studies
  • CLIL theme: 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
  • EAN: 9782406085317
  • ISBN: 978-2-406-08531-7
  • ISSN: 2497-1650
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-08531-7.p.0141
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 11-05-2018
  • Periodicity: Biannual
  • Language: French
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Yves Stourdzé,
pionnier du numérique

Lélectronisation est la forme modernisée de lépidémie qui ravage, du désastre qui submerge : elle a pour fonction dimposer une “nouvelle donne” qui, par nombre daspects, dépassera en importance la révolution industrielle. Car non seulement elle bouleversera les modes de production, les formes de concentration humaine, les organisations de décision et dapplication, non seulement elle va remodeler les systèmes dacquisition et de formation, mais elle ira plus loin encore, elle va reposer tout simplement le statut même de lopérateur humain face aux intelligences artificielles.

Yves Stourdzé, Le statut de lopérateur humain dans les systèmes de communication (1980) in Pour une poignée délectrons, Sens & Tonka, 2016, p. 329.

Fred Turner, journaliste puis professeur à luniversité de Stanford, publiait en 2006 un ouvrage qui paru en France en 2012 sous le titre accrocheur « Aux sources de lutopie numérique ; de la contre-culture à la cyberculture, Steward Brand, un homme dinfluence ». Il mettait en scène, dans un environnement intellectuel uniquement et strictement américain, la figure de Steward Brand considéré à la fois comme un visionnaire et un « passeur ». Ce livre a enthousiasmé par la richesse de sa documentation scientifique et journalistique, son analyse critique et par les aventures humaines, scientifiques et technologiques quil racontait avec cet art 142consommé de nous faire retrouver les mythes américains des pionniers et des franchisseurs de nouvelles frontières.

Dans un monde où le discours de linnovation tend à faire croire que ce qui se dit, se pense, se crée aujourdhui est absolument neuf, fruit de ruptures et dune créativité sans mémoire, il est effectivement urgent de revisiter ce passé. Un passé pas si lointain où des hommes et femmes avec leurs élans, leurs refus, leurs désirs et leurs actions analysaient les changements de leur monde, en identifiaient les signaux faibles et mettaient en œuvre les moyens de le transformer. Par un regard rétrospectif croiser celui de ces éclaireurs et explorateurs des mondes à venir1 est étonnant. Il y a en effet dans ce regard, étranger à notre présent, une inquiétante étrangeté. Il nous est familier et lointain, proche et décalé, savant de savoirs oubliés et ignorant de nos réalités. Il nous interpelle dans nos interrogations et nos croyances et éclaire des pistes oubliées que lherbe a envahies ou quon a voulu marginaliser en considérant, finalement, quelles étaient sans importance et que lhistoire ne sécrivait pas là.

En France, Yves Stourdzé (1948 – 1986) a joué ce rôle pionnier, mais son histoire brisée à trente-neuf ans semble aujourdhui un peu lointaine et nous préférons souvent regarder de lautre côté de lAtlantique. La réédition de ses ouvrages et articles aux éditions Sens & Tonka, ainsi quun livre de témoignage et danalyses suite à un colloque, sont loccasion de se replonger dans cette période. La citation, que nous donnons en exergue, date de 1980. Remplacez simplement « électronisation » par « numérique » ou « digitale ». Presque quarante ans après il y a urgence à écouter, à lire et relire cette pensée toujours en prise sur laction et lactualité.

Nous rappellerons brièvement la trajectoire dYves Stourdzé et ses motivations avant dexaminer les fondements de ses analyses et les conséquences quil en tirait pour lavenir. Nous tenterons ensuite den dégager la philosophie du numérique sous-jacente. Afin dêtre au plus près de sa pensée et de faire entendre sa voix, nous nous appuierons largement sur des citations issues de ses publications.

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inventer sa propre démarche

Stourdzé écrit en 1976 un livre de prospective visionnaire au titre qui sonne comme un cri : les ruines du futur2. Ce livre commence par un avertissement : « nous nous promenons aujourdhui dans les ruines de notre avenir… Nous déambulons mélancoliquement. Parmi les usages rouillés et les myriades de signes décomposés. Partout traînent de grands cadavres théoriques, et des corps grotesques parce que sans limites, ni frontières…. Ce monde de signes, doù lénergie progressivement sest enfuie, connaît bien dextravagantes pulsations…. Au cœur de cet espace, qui se dévoile sans perspective ni fin, les boussoles saffolent, les gyroscopes se détraquent et les compas ne servent plus à rien. Les cartes manquent de ce territoire qui senfuit et nul repère, nulle référence ne se laisse appréhender… Il ne nous reste plus quà inventer la simulation de notre propre démarche3 ».

Tout est dit ou presque. Du second principe de la thermodynamique à la carte et au territoire, de la perte des repères pratiques et théoriques à la nécessité désormais dinventer son futur à travers la « simulation » de sa propre démarche ; cest-à-dire dune démarche individuelle puisque les grandes formes, les grands récits comme dira Lyotard4 en 1979, ont failli.

Il y a dans cet incipit une forme de poésie un peu nostalgique et désespérée en même temps que terriblement libératrice car elle fait le constat, contrairement à son travail de thèse5, que des issues sont possibles et quà lenfermement totalitaire et liberticide des organisations, reproduisant les modèles titulaires de Taylor pour lindustrie, de Lénine pour le Parti et de Clausewitz pour larmée, il est possible dopposer le souffle nouveau des recherches scientifiques et technologiques. Celles qui conduiront « à linsurrection dissidente des microprocesseurs6 » quil faut désormais prendre dans toute son expansion puisquils constituent 144le petit élément de base implanté dans la plus grande majorité de nos machines, outils, biens déquipement et de consommation. Par cette certitude quil ne sagit là, déjà, que de ruines et quaucun déterminisme nest à lœuvre imposant un quelconque avenir, il fait entrer dès cette période le grand souffle de lhistoire dans lanalyse que nous devons faire de ces nouveaux phénomènes.

Le parcours dYves Stourdzé est dabord celui dun acteur très engagé politiquement en même temps quintéressé par de nouvelles formes de socialité en rupture (quil expérimentera en vivant en communauté) et dorganisations humaines cellulaires et vivantes. Puis dun enseignant et dun chercheur en sciences sociales utilisant une démarche généalogique originale pour repérer les interactions entre pouvoir et communication autour des choix technologiques du dix-neuvième et du début du vingtième siècle qui permettent didentifier les priorités, les imaginaires, les alliances sociopolitiques et de les soumettre aux jugements de lhistoire, comme le fit Marc Bloch en analysant « létrange défaite » de 19407, pour forger les outils dune analyse critique. Cest enfin un homme engagé dans laction au cours dune période de reconstruction, de volonté de changement dans un nouvel espace-temps national et international8 mettant la recherche et la technologie aux avants postes dune action politique denvergure.

Ces lignes ne présentent quun curriculum vitae. Elles estompent lhomme dans ses aspirations, sa culture savante et hétérogène, nourrie des textes de Marx et Engels, de la psychanalyse comme des anarchistes et utopistes du dix-neuvième siècle, des ingénieurs, des hommes politiques, des militaires, des rapports dadministrations publiques, dhistoriens et de sociologues, des littératures françaises, américaines ou juives … comme des fanzines, bandes dessinées, ouvrages de science-fiction, œuvres 145dart et films des années soixante et soixante-dix, dans cet effort pour penser et repenser, en dehors des sentiers battus, une société. « Dabord, dit-il, il y a le Petit Poucet, ensuite il y aura Moïse, enfin Freud, Marx, Watson dIBM et les autres9 » ou encore Bécassine comme dans ce compte rendu de réunion du 20 mars 1979 intitulé « nous causâmes donc10 » qui constitue, par ses méandres et ses références tronquées, une sorte de rêve éveillé, de magie hallucinatoire dune liberté complète dassociations qui ouvrent grandes les portes et permettent de « jouer un instant encore au jeu impie des métaphores11 ».

Un blocage historique
dans le domaine des TIC

Yves Stourdzé nest pas un prophète : cest un bâtisseur et même, pourrait-on dire, un bâtisseur du temps. Il se méfie des utopies quil considère comme des illusions doucereuses et somnifères renvoyant à dautres lieux et à des temps futurs et lointains la mise en œuvre dénergies qui pourraient se mobiliser ici et maintenant. Son approche, sa démarche pour reprendre ses termes, sont stratégiques12. Elles reposent, avant tout, sur une analyse généalogique lucide et en profondeur des discours de la technique qui dessinent les traits du possible, de lacceptable, de lutile ou, au contraire, de ce qui doit être écarté car puéril, non exploitable, pas sérieux ou dangereux13. Elles portent en particulier sur les technologies et les politiques en matière de communication (depuis le télégraphe Chappe), de télécommunication et de « téléinformatique », mais aussi sur les grandes inventions dans le domaine de limage ou du son qui jalonnent la période. Elles se focalisent sur les choix militaires 146en matière darmement qui peuvent avoir des conséquences dramatiques et mortelles en cas derreur lors dun conflit. Ce regard généalogique est la condition dune prospective. Il vise à en repérer, par avance, les blocages possibles, les mécanismes à lœuvre (quils soient sociaux ou politiques ou quils relèvent simplement dune image trop étroitement associée à lobjet ou à la technologie), et à en déterminer les effets.

Ce travail pionnier, comme le souligne Pierre Musso14, débouche sur une critique forte du « monologue15 » français où, entre le centre et le reste du territoire, ne circulent que des échanges conventionnels et des jeux de pouvoir bien rôdés reposant sur des équilibres soigneusement entretenus16. Ce paradoxe de la communication à la française a conduit à des situations proprement invraisemblables en termes de stratégie et de développement économique dans les domaines de la téléphonie, de la radio ou de la télévision17. Pour des raisons de sécurité intérieure et de crainte des mouvements sociaux, de solidité, de stabilité, defficacité même, les solutions techniques passant par le développement de réseaux furent largement évitées, puis encadrées, contrôlées, limitées. Toute communication instantanée est danger et relève des prérogatives exclusives de lÉtat.

Pour Stourdzé, cette situation monopolistique a engendré un « Yalta de la technologie18 » . Héritage, dit-il, « légué par une France rurale, quelque peu inquiète face à un dynamisme technologique déstabilisateur » (et) qui fait confiance à lÉtat « afin dempêcher lalliance fatale : celle qui unirait lunivers des scientifiques et des techniciens au monde industriel et à la demande sociale ». Ce Yalta « verrouille progressivement notre avenir ». Il privilégie systématiquement certains modèles de 147décision et daction ; jusquy compris dans lappréciation de la société de consommation en considérant quil sagit de besoins « secondaires » cest-à-dire peu sérieux et ne nécessitant pas dinvestissements19. Doù un cercle vicieux dimportation de biens de consommation et un déficit de la balance commerciale que les ventes darmes et de technologies lourdes ne parviennent pas à compenser. Situation structurelle.

Or, cest cette manière descendante daborder la société de consommation, sans saviser des réactions et des imaginaires, sera encore à lœuvre à travers la notion d« usager » lorsque viendra lheure de la télématique. Sur ce terrain, Stourdzé voit se former de nouveaux groupes humains, émerger de nouvelles initiatives qui ne se confondent pas avec les « usagers » passifs que la télématique avec le Minitel, ancêtre dinternet, voulait cantonner à la réception toujours descendante dun « service » diffusant les informations soigneusement empaquetées provenant précisément des institutions du service public. Ne nous y trompons pas, dit-il, « lusage est le masque souriant par lequel se travestissent les traits de la dégradation et du bombardement20 ». Il pressent, alors même quinternet ne verra le jour que dans les années quatre-vingt-dix, ce travail souterrain des individus ou des groupes sociaux essayant moins de briser le monopole que de le déborder, de le dépasser en semparant des marges de liberté offertes par la technologie. Dans un climat français assez technophobe il sinscrit, à sa manière, dans lapproche de Murray Bookchin et les anarchistes américains considérant comme possible lutilisation des technologies à leur profit21.

En fait, au-delà de cette critique, ce quil dénonce ce sont les erreurs de jugements stratégiques22 qui risquent de se retourner contre les 148notions et les institutions mêmes quils défendent. Ce sont des pans entiers de relations et toute une économie qui se trouvent brusquement fragilisés : « Les notions de service public, de monopole, darbitrage de la puissance publique, de partage entre public et privé, entre intérêt général et particulier, devront être révisées, ou bien elles perdront toute pertinence, tant lémergence de nouveaux problèmes brouille déjà les règles classiques du jeu23 ».

Le regard que porte Stourdzé, en termes de stratégie sociale, dacquisition de nouvelles libertés et de sortie des modèles mortifères des sociétés militaro-industrielles qui ont dominé les périodes de la guerre froide, est avant tout créatif. Il sagit de tracer un chemin neuf, mais aussi un chemin stable et durable, en prenant en compte les éléments les plus déterminants des changements possibles dans un monde dincertitudes et de bouleversements. Il sagit de se doter des moyens critiques et analytiques permettant danticiper et, par un regard sur le passé, dimaginer des pistes davenir permettant de mobiliser, au profit de conceptions politiques en rupture, les technologies nouvelles qui se présentent. Sortir ainsi de ce leurre techniciste de relations tronquées et univoques entre émetteur et récepteur pour aborder une société ouverte. Sortir aussi dune conception inhibante et perverse consistant à penser ces changements en termes de crise ! La crise, loin de permettre des ouvertures va au contraire, en son nom, autoriser un durcissement et faire peser des contraintes nouvelles. Il y a une « liaison fondamentale entre pouvoir et crise — le pouvoir sécartelant entre la double tension de la crise et de limpuissance ?… les crises devenant les instruments qui permettent de briser les résistances ». Doù selon Stourdzé, « le contresens, par ailleurs tragique, qui voit dans la crise lamorce dun processus de dégénérescence du pouvoir. Au contraire, la crise constitue un révélateur privilégié des affinités qui se tissent entre pouvoir et démembrement. Le pouvoir, cest aussi le pouvoir en miettes24 ». Évacuons donc la crise de nos esprits. Formidable défi.

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Un basculement civilisationnel déjà là

Lordinateur est un élément déterminant de ces changements. Mais pas uniquement. Pour Stourdzé, les développements technologiques et industriels font lobjet de cycles où senchaînent des périodes où dominent lénergie et celles placées sous celui des signes. Or le bouleversement majeur qui nous atteint, après celui des transports terrestres et aériens, des puissances de feu et la dépense énergétique de la guerre, est celui de lenvahissement et du débordement des signes. Lordinateur nest quun élément de cette nébuleuse nouvelle. Ce nest pas seulement dinformation dont il sagit mais de données, de signes, signaux, appels, sens partagés et symboles. Ce nest pas seulement une question de stockage ou de quantité mais à proprement parler dun nouvel espace-temps de langage. Une nouvelle langue et une nouvelle culture quil faut apprendre pour la maîtriser. Peu importent alors les états dâme quon peut avoir : il ny a dissue que dans laction, dans la saisie de loccasion au passage avec sagacité et détermination pour tenter déviter que dautres ne gèrent votre temps25.

Pour lui, dès 1980 dans le texte cité en exergue sur le « statut de lopérateur humain » il est temps de se poser des questions en termes sociaux, politiques et éthiques. Et dabord en termes de communauté et de socialité : « quest-ce donc quune communauté où lintelligence se trouve totalement ventilée ? Une telle communauté est-elle viable comme ensemble ? Quelle solidarité sy noue, ou sy dénoue ? Quel assemblage sy forme ? Quelle coalition sy réalise ? Quelle guerre de religions, cest-à-dire quelle guerre des langages sy prépare ?… La commutation et lamplification intimement nouées deviennent univers de déploiement du jeu. Le casino électronique (et biologique) remplace le laboratoire électro-mécanique. Le défi se substitue au travail, 150et laléatoire des chances se substitue au discours policé des logiques rationalistes26 ». Citation un peu longue qui fait entendre les questions alors posées y compris sur une guerre des religions. La première interrogation sur lunivers informatique qui se déploie et sur le numérique quil anticipe est avant tout en termes de communauté, de devenir de cette communauté et des liens qui sy nouent et qui la maintiendront. En effet, comme le dira plus tard NetWar, ce changement nintervient que lorsque les signes de cet univers sont captés, appropriés, réinvestis ; cest-à-dire lorsque le réseau à son tour, pour des raisons qui lui sont propres et qui sont celles de communautés qui linvestissent, en fait usage27. Auto-référencement. Coévolution des informations et des représentations. Cest sur elle désormais quil faut pouvoir peser en faisant jouer des interactions nouvelles entre réseaux, projets individuels ou collectifs et mobilisation des informations et des données.

Ces complexités nouvelles ne sont pas suffisamment pensées en tant que telles, notamment dans les sciences humaines et sociales et par le politique. Terrible lacune qui laisse les décisions dans ces domaines se faire sur la base de modèles obsolètes, de « bon sens » politique sans véritable maîtrise de la durée. Or, « la complexité est aujourdhui laffaire, sinon de tous, du moins de beaucoup. Cest en cela que lélectronisation est bien une chance et un désastre : elle liquide les formes de perception et de raisonnement attachées aux certitudes et aux valeurs antérieures, parce quelle déconstruit les solidarités qui sétaient peu à peu stabilisées. La révolution “technétronique” est bien une révolution de fond. Elle se propose de substituer des classes de langage aux classes sociales qui ne seraient plus définies par leur maîtrise en termes de production et de distribution des richesses, mais par leur position dans le processus sémiotique28 ». Formidable enjeu déducation et de formation.

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Alors que le téléphone définissait un cheminement particulier entre deux opérateurs humains, les nouvelles technologies depuis la radio ou la télévision sont des véhicules daccès à un univers démultiplié de signes. Ils proposent, dit-il, « lentrée dans un labyrinthe fabuleux où les signes sentrecroisent, se répondent, se dissolvent, disparaissent. Bref, à lidée de cheminement se substitue celle détourdissement… qui se traduit par la production dun vaste champ de rencontres stochastiques, de télescopages aléatoires, répond à des caractéristiques originales quil convient de déchiffrer comme des énigmes, et dabord à travers lidée de profondeur29 ». Et il faut entendre cette énigme comme celle du sphinx à Œdipe. Qui es-tu ? Qui es-tu dans cet univers de signes, dans cette profondeur. Creusement multidimensionnel des existences, restauration dune épaisseur, recherche de soi au cœur du labyrinthe et risque de son évanouissement.

Car cette sémiotique nouvelle est autant à craindre que celle des dépenses énergétiques. Signe de chance, elle peut devenir signe de mort. Et dabord mort potentielle des corps. Disparition des corps dans les profondeurs du labyrinthe. Dématérialisation et dévoration. Devenir bits, nombres, données : « ce qui avance au-delà même de lindustrialisation, cest lirrésistible digitalisation des corps ; lavertissement est clair ; lavènement du numérique ne peut sentendre que sur le fond dextermination corporelle30 ». Les questions posées dans le domaine de la santé avec les Big data, les algorithmes de traitement et les convergences anticipées entre Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique et Sciences cognitives, sont dores et déjà subsumées comme le soulignait à juste titre Franck Cormerais31. En même temps elles ouvrent un abîme : celle du devenir des corps digitalisés, de leur mode dexistence ou encore celle de leur être même.

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Les signaux de « laccouchement
dun nouveau monde32 »

Ce nouveau monde nest pas uniquement profondeur et labyrinthe. Il est organisé et structuré en nouveaux continents. Des champs nouveaux apparaissent, négligés par les politiques publiques car ne relevant pas de lexcellence française dans les technologies lourdes dont Yves Stourdzé fait la critique. De nouvelles opportunités peuvent être explorées. Celles des technologies légères faisant dores et déjà lobjet des marchés de masse. Mais aussi les domaines de la formation et de léducation ; que ce soit par de nouvelles méthodes pédagogiques ou par une diversification des contenus en fonction de lâge, des connaissances acquises ou des difficultés personnelles33.

Au nombre de ces secteurs émergeants il en désigne notamment trois qui sinscrivent directement dans cette ère sémiotique. Ils préfiguraient lespace-temps du numérique et se révèlent aujourdhui encore porteurs. Il sagit de limage, des jeux électroniques et de la simulation informatique.

Concernant limage, il sinterroge dans une note en avril 1986 sur « létrange premier commandement : tu ne feras point dimage de ton Dieu. Comme si lessence du pouvoir passait par la manipulation des icônes » tout comme le monopole des Télécommunications par celui de la parole. Il y a, pour lui, dans cet interdit un véritable carcan imposé à limagination et au développement. Demain, comme hier, passe par les images. « Toute grande mutation sociale scientifique et culturelle, dit-il, saccompagne dune métamorphose des images » et il cite « léblouissant moment » de lintroduction de la perspective à la Renaissance34. Cest en ce sens quen 1982 il proposait dans le rapport « Recherche image », 153rédigé avec Henri False à la demande du ministère de la culture35, la création dun « Institut de lImage » pour développer lensemble des compétences scientifiques, technologiques, artistiques pour une exploration de ce champ dont les précurseurs en France furent notamment Louis Daguerre, Étienne-Jules Marey et les frères Lumières.

Significatifs sont aussi les deux colloques « Images » organisées en 1984 et 1986 à Biarritz et Nice par le Cesta36 quil dirige et qui sont comme lexploration dune constellation images qui émerge en France et quil voudrait bien voir prendre le chemin des rendez-vous annuel aux États-Unis du Siggraph qui, depuis les années soixante-dix contribuent à faire de lAmérique une usine à rêves ; des studios dHollywood aux jeux électroniques, de linfographie et de la publicité aux créations multimédias (dont un groupe au Cesta soccupa tout particulièrement). Par la petite phrase de la note de 1986 cité ci-dessus, il sinterroge indirectement sur la prégnance des interactions entre image et « essence » du pouvoir. Il est remarquable de constater de ce point de vue qualors que limage possède des affinités indéniables avec le rêve, limaginaire, la séduction, elle se trouve rabattue sur ce qui doit rester de lordre de la reproduction du réel. Benoît Mandelbrot dans le premier colloque Image à Biarritz en 1984 montre ainsi comment la préoccupation était bien de reproduire des montagnes de manière réaliste grâce aux fractales : « Dans mon œuvre, la théorie scientifique et les mathématiques se trouvent avoir un puissant aspect graphique, et cest cet aspect qui est largement perçu comme étant plastiquement beau. Comme tout art pour lamour de la science, lart fractal est à la fois tout à fait utilitaire et très pur. Tandis que lart utilitaire usuel a le droit duser de tous les trucs pour décorer, éduquer, flatter, amuser, impressionner ou convaincre, lart scientifique se doit dimiter le donné de la nature avec un minimum dintervention de la part du réalisateur37 ». Limage doit-être sérieuse ! 154Pour Stourdzé sa détermination première est dêtre électronique « car ces territoires nouveaux ne se découvrent quà condition dy accéder par des formes neuves de représentation38 ». Ce qui est essentiel cest moins la représentation fidèle que le pas de côté, le décentrement de limage électronique.

La place des jeux électroniques dans ce nouveau monde est aussi un constat fort qui anticipe largement sur les capacités des machines et les possibilités de jeux sur ce quon appelait alors des « réseaux câblés large bande39 » nécessitant des moyens de communication haut débits. Laffirmation de Stourdzé est péremptoire : « Il faut sen convaincre : les problèmes à venir ne se limiteront pas aux questions réglementaires et tarifaires soulevées par lapparition de la poste électronique ou de linformation dans la salle à manger. Ces problèmes seront par bien des aspects tout à fait originaux. La question du jeu, par exemple, risque de prendre à revers toutes les anticipations naïves de la société dinformation. Car le jeu est bien en passe denvahir, grâce à lélectronique, lensemble du champ social…. Gestion ludique dindividus ou de groupes, ou bien contrôle de mafias nouvelles ? Liberté dusage ou réglementations répressives plus ou moins efficaces ? Gouvernement centralisé du jeu ou autogestion ? Ici aussi, tout est à revoir et à inventer. Quelles solutions ? Pour qui ? Pour quoi40 ? » . Or, avec le jeu, jusqualors limité à certains lieux et à certaines heures, cest désormais un univers ludique et en partie irrationnel qui sintègre au quotidien, le distrait, comme il sintègre à lunivers du travail puisque ce sont les mêmes machines qui sont concernées. Il ne sagit pas de la « société du spectacle » ou des loisirs, mais de la connexion instantanée de temporalités multiples et de leur imbrication étroite dans un jeu systémique dont il faut repenser les interactions.

Le troisième élément : celui de la simulation. Proche de lunivers des images il pousse la logique qui cherchait soit à reproduire le réel, soit à le capter en poursuivant les voies ouvertes par la photographie et le cinéma, vers la conception dunivers virtuels cest-à-dire de nouveaux 155lieux de culture. La simulation est à proprement parler la prise en compte des capacités de lordinateur, de toutes ses capacités, pour instaurer une relation nouvelle, un dialogue nouveau et fécond avec la machine et la société. Cest sortir de lidée absurde de lordinateur fait uniquement pour remplacer la machine à écrire et faciliter la comptabilité, pour imaginer un autre monde possible. La simulation est un prolongement de lintelligence ; une manière de regarder dun œil neuf ce qui nous entoure ; non, là encore pour le détruire mais pour se lapproprier et le démultiplier. Une « French touch » dirions-nous aujourdhui.

Une archéologie du pouvoir

Pour ne pas se laisser piéger par des représentations trop simplistes, pour échapper aux leurres, simulacres et faux-semblants qui conduisent à des impasses il faut se livrer à une véritable archéologie du pouvoir. Dans une conférence donnée Grenoble en 1977, Stourdzé prend pour parler du pouvoir un détour qui repasse par les ruines. Celles, cette fois, des cités antiques de Troie, Mycènes et Cnossos. Pour lui « le destin de Schliemann ou dEvans rencontre celui de Marx ou de Freud. Gratter lécorce, dit-il, fouiller, enfin descendre pour mettre à jour. Lâge de la stratigraphie commence41 ». Evans, à Cnossos, imagine et reconstruit une cité « néo-fonctionnaliste » ; une sorte de cité moderne – antique42 si convaincante quil faudra du temps pour sapercevoir de lerreur. Cette ville est le reflet de lidée quil se fait du pouvoir ; clean, fonctionnaliste, transparent majestueux.

Or, ces villes ensevelies et brusquement dégagées, comme les ruines sur lesquelles nous marchons, sont, à lévidence, plus complexes et révèlent les jeux de pouvoir dont elles sont le siège. Le dégagement de la terre accumulée au cours des siècles est propice à un nouveau référencement, à létablissement dune cartographie prenant les aspects dun mille feuilles : carte géologique, celle des premiers habitats, des réseaux souterrains, des rues et de lenchevêtrement de lhabitat, des 156palais et des places publiques. Cartes infiniment réticulées des pouvoirs et des territoires qui peuvent révéler à une lecture attentive les lieux réels du pouvoir et de la mémoire. Non plus les palais richement décorés de fresques quon trouve maintenant au Musée dHéraklion, mais le système dévacuation. Réseaux là encore, mais réseaux chargés de sens qui donne à voir le social et le politique imbriqués comme le Minotaure dans son labyrinthe souterrain et larchitecture dabsorption qui lentoure. Il sagit alors de revoir, relire avec de nouvelles lunettes, et de nouveaux instruments en trois dimensions, les plans secrets des villes et des monuments qui dévoilent et délivrent des idées toutes faites, des a priori et des représentations dominantes qui masquent et occultent, comme ces amas de ruines, des réalités enfouies et secrètes. « Exhumer des structures ensevelies », demande Stourdzé, « Pourquoi ? Pour dessiner à partir des ruines les schèmes despotiques qui détermineront lavenir. Et ainsi établir une syntaxe universelle ; exactement : fonder le futur. Fouiller et planifier43 ». Au labyrinthe enfoui de Cnossos fait écho le labyrinthe des signes de cette ère sémiotique en plein essor et pour se retrouver dans ces labyrinthes, fil dAriane, il nous faut les outils permettant de ne pas ségarer. Or ils relèvent dune archéologie des pouvoirs. Les ruines du passé des villes enfouies rejoignent les ruines du futur. Conflagration temporelle pour comprendre le présent et le piloter en tenant compte des strates temporelles des communautés émergentes.

Le temps, la mémoire, laction

En effet, « ces technologies ont été pensées et produites dans une optique de stockage où le temps était considéré comme un produit neutre. Or, le temps sest brusquement chargé dautres significations. Il est devenu un enjeu pour des groupes rivaux. De temps neutre il sest converti en une multitude de temps contradictoires. Par exemple : a. le temps dégénéré, b. le temps catastrophique, c. le temps salvateur, d. le temps sans histoire, e. le temps sans futur, f. le temps stérile44… »

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Les temps des citoyens ne peut dès lors plus être « lamplification… grossière de quelques manipulations politiques ou sociales, mais lamplification de linfime qui ouvre lintériorité des corps et des signes opaques comme découverte, comme enjeu et comme jubilation ». Tout désormais peut se jouer aussi autour « de ce temps électronique démembré, effondré, géré en termes de micro-, de nano-, de picosecondes, où les temps de réponse sont infinitésimaux et déterminent néanmoins des identités fondamentales ?… Les potentialités dattraction dun tel dispositif sont déjà par elles-mêmes formidables, mais létape suivante consiste à métamorphoser la séduction plane en environnement total, pour permettre dentrer directement dans les signes : scanner et holographie ».

Lère du numérique cest cet environnement global de signes et de données mobilisables qui définit « de nouvelles limites, de nouveaux sas, de nouvelles bascules et donc assigner de nouvelles positions, définir de nouvelles identités, bref, prétendre à rien moins quà remodeler “lhumain45” ».

Cette leçon doit être entendue pour ce qui concerne aussi le temps de linnovation qui na rien de cette linéarité benoite de la reproduction du même augmenté revisitant indéfiniment les mêmes objets de lautomobile au smartphone. Elle est bien plutôt un « enfant capricieux, pour ne pas dire vicieux46 ». Avec cette conscience « que linnovation, dès lors quelle se développe à lombre dorganisations géantes, publiques ou privées, non seulement risque dêtre orientée en vue de renforcer les positions acquises et les rentes de situation, mais paradoxalement, tue à son tour linnovation47 ». Cest ici quil nous faut nous interroger, à notre tour, sur laprès Google, Amazon ou Facebook en reprenant une généalogie récente des technologies comme il le fit dans les années soixante-dix.

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Une philosophie du numérique

Une philosophie du numérique peut sentendre de multiples manières. Dans la ligne dune philosophie de la technique, dans la poursuite dune réflexion sur lhomme ou dans le cadre dune éthique. Si ces éléments sont présents à la fois dans ses écrits et ses travaux, (notamment au Cesta qui a organisé la seconde conférence internationale de Bioéthique en 1985), cest sur un autre point que je voudrais insister et qui me semble se dégager des travaux dYves Stourdzé. À savoir, limpossible programmation dun monde dominé par la programmation et la massivité des moyens technologiques connectés pour atteindre les individus en tant quêtres vivants émotionnels et pas uniquement rationnels. Il sinscrivait par avance aux antipodes de conceptions déterministes dingénieurs comme Raymond Kurzweil, par exemple, un des théoriciens du mouvement transhumaniste.

La réflexion philosophique qui se dégage est celle dune présence au monde incompressible, dune chance à saisir porteuse didentité dans un temps qui peut être désormais celui de la picoseconde où cest « lévènement » qui est déterminant. « Lobjet local » peut-être désormais la voiture, comme il le montre dans les Ruines du futur, ou le smartphone, cest moins essentiel que ce qui se joue dans linstant de la connexion comme bifurquation, potentialité, choix et liberté. Les figures que proposent Stourdzé sont celles du jeu, de laction, de la pointe du temps où sinscrit le choix stratégique qui doit être celui de la liberté. Il peut alors emprunter les images dun nouveau monde, celle de la plage où lexplorateur de ces continents nouveaux va mettre le pied, mais cest qui est essentiel cest le temps de cette rencontre chaque fois différente et chaque fois nouvelle. Ici « les temps se troublent et les trajectoires se dissocient. Les pouvoirs sémiettent. Alors débutent dextravagants recoupements, se fixent détonnantes relations transversales48 ».

Deux images, placées dans des univers temporels différents mais interreliés, font sens :

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La première interroge lindividu. Cest celle de lavion de chasse. À très grande vitesse, la perception du pilote et son « rapport au réel » ne sont plus fiables et des dispositifs techniques doivent prendre le relais envoyant des signaux sur une console de visualisation. Naturellement souligne Stourdzé, que « le rapport au réel soit problématique, cest classiquement un problème théorique et philosophique » mais à très grande vitesse « sa résolution est tout à fait fondamentale, urgente, quoique particulièrement difficile49 ».

Nous sommes, avec le numérique, dans la même situation : celle du temps infime de la décision (pensez à la console de jeu, au temps réel des valeurs boursières ou à la visualisation 3 D dune opération chirurgicale non-invasive) dans un avion supersonique hyper connecté et hyper programmé. Lespace-temps où se joue lavenir est celui dun temps compressé où lextrême quantité de données transmises par les machines à lopérateur dans ce temps hyper condensé doit compenser linfime disponibilité temporelle de la décision. Alors que la programmation est possible et constitue lenvironnement intelligent de lopérateur humain, tout se joue sur ce seuil, dans ce temps limite de la décision stratégique, dans cette faille temporelle. Les choix, même dans cet univers de programmes, de données et dalgorithmes, restent ouverts et les nouveaux défis se situent au niveau de la maîtrise de ce temps. Que cette faille temporelle où se joue la liberté ne se referme pas ! Que « lopérateur humain » nabdique pas sa responsabilité.

La seconde image interpelle linnovation et linstitution. Cest celle de la tête parlante que Roger Bacon50 au treizième siècle, raconte la légende, un jour fabriqua pour prédire lavenir. Laissée sous la garde des moines dun monastère, elle resta longtemps muette avant de murmurer une nuit « il est temps », puis une demi-heure plus tard « il était temps » et enfin quelque temps après « le temps est passé » avant de sécrouler en miettes sans que les moines présents plongés dans un sommeil profond ne sen rendent compte ni ne 160recueillent linformation transmise par elle. Occasion manquée, pesanteur des habitudes, sommeil de la raison. Lerreur impardonnable est de laisser passer le temps dans un monde hyper-connecté. Il ne reviendra pas et il faudra attendre dautres occasions aléatoires.

Marc Chopplet

IEA Nantes

1 Titre du colloque sur Yves Stourdzé organisé en novembre 2015 au ministère de la recherche en partenariat avec lIHEST (Institut Hautes Études Sciences et Technologies).

2 Y. Stourdzé, Les ruines du futur, Cahiers dUtopie, six, À limprimerie quotidienne, 1979. Réédition Sens&Tonka, 1995.

3 Y. Stourdzé, Les ruines du futur, p. 16-18.

4 Jean-François Lyotard, La condition postmoderne, rapport sur le savoir, Ed. de minuit, 1979.

5 Y. Stourdzé, Organisation Anti-Organisation, [1973] Sens&Tonka, 2015. Citation ci-dessous p. 10.

6 Y. Stourdzé, Les ruines du futur, p. 87. Il dira en 1985 : « un organisme moderne peut se comparer à un microprocesseur. En lieu et place de ces organigrammes traditionnels coulés dans lairain, fonctionne un réseau dinteraction et dinformation ». Y. Stourdzé, À la découverte des forêts vierges de silicium in Corinne Hermant, Enseigner, apprendre avec lOrdinateur, Cedic/Nathan, 1985.

7 Marc Bloch, Létrange défaite, témoignage écrit en 1940, Gallimard, Folio histoire, 2014.

8 Le Cesta (Centre dÉtude des Systèmes et des Technologies Avancées) quil dirigea de 1982 à 1986, assura le secrétariat général, en lien direct avec la présidence de la République, des programmes « Technologie, Croissance Emploi » issus du Sommet de Versailles des Chefs dÉtat et de Gouvernement en 1982 et du lancement dEUREKA en 1984 qui préfigurait les programmes de R&D européens. Sur le Cesta voir notamment « Yves Stourdzé par », Sens&Tonka, 2016 et Penser lavenir : le CESTA, un think tank atypique, Quaderni no 89, Maison des sciences de lhomme (dir. : M. Chopplet, A. Rodionoff), Hiver 2015-2016.

9 Y. Stourdzé, Les ruines du futur, p. 136.

10 Y. Stourdzé, Nous causâmes donc in Les esprits et les choses, Sens&Tonka, 2016.

11 Y. Stourdzé, Fin dartifice in Pour une poignée délectrons, Sens&Tonka, 2016, p. 490.

12 M. Chopplet, Transformer le monde. Yves Stourdzé, le stratège et le tacticien in Yves Stourdzé par, p. 129-144.

13 Comme il le dira : « Crier haro sur la centralité est une chose, analyser en détail le jeu déquilibre entre centre et périphérie, détecter les compromis multiformes où senracinent les stratégies de développement technique à la française en sont une autre. » Y. Stourdzé, Autopsie dune machine à laver in Pour une poignée délectrons, p. 276.

14 P. Musso, « La révolution réticulée », techno-imaginaire et technopolitique in Yves Stourdzé par, p. 145-162.

15 Y. Stourdzé, J. Attali, The slow death of monologue in French society in I. de Sola Pool (ed.), The Social Impact of the Telephone. Cambridge/Mass. MIT Press, 1977.

16 Voir notamment sur la téléphonie un texte de 1982. Y. Stourdzé, Supervice et Superscience, in Pour une poignée délectrons, p. 175-178.

17 « Les politiques dissuasives qui bloquèrent le développement du téléphone comme celles qui freinèrent la télévision sont le fruit dun pacte tacite entre France des notables, France des ingénieurs et France des technocrates…Les états-majors industriels baignent, dans le même état desprit, participent des mêmes modèles, développent les mêmes illusions et partagent la même panoplie de convictions sécurisantes qui conduisirent leurs collègues militaires à senferrer dans des attitudes absurdes ». Y. Stourdzé, Autopsie dune machine à laver in Pour une poignée délectrons, p. 276.

18 Y. Stourdzé, La technologie déchirée in Pour une poignée délectrons, p. 200-201.

19 Y. Stourdzé, Autopsie dune machine à laver in Pour une poignée délectrons, p. 299.

20 Y. Stourdzé, Les ruines du futur, p. 94.

21 Voir par exemple Murray Bookchin, The Ecology of Freedom – The emergence and dissolution of hierarchy, Cheshire Books, Palo Alto, California, 1982. Voir aussi Jean-François Blondeau-Patissier, Présentation subjective dun itinéraire singulier in Yves Stourdzé par, p. 28-29.

22 Rappelons le projet Cyclade porté par Louis Pouzin à lIRIA en 1971 visant à construire un réseau à commutation de paquets. Trois ans après son lancement, le projet sest heurté au monopole des Postes et Télécommunication et à lÉtat qui jugèrent plus fiable et plus intéressant financièrement la commutation de circuits. Des choix politiques et économiques immédiats ont prévalu préférant le Minitel, tandis que se profilait lordinateur personnel qui rendait possible des échanges entre machines. Vint (Vinton) Cerf et Robert Elliot Kahn, qui travaillaient sur le projet militaire ARPANET aux États-Unis se sont largement inspirés de ces travaux pour la mise au point de lInternet et du protocole TCP/IP. Maurice Allègre, délégué à linformatique du Plan Calcul, soulignait en 1999 : « Nous aurions pu être parmi les pionniers du monde Internet. Nous nen sommes que des utilisateurs, fort distants des lieux où sélabore lavenir ». Cité par Stéphane Foucart, Louis Pouzin : lhomme qui na pas inventé Internet, Le Monde, 04.08.2006.

23 Y. Stourdzé, Les États-Unis et la guerre des communications, in Pour une poignée délectrons, p. 261.

24 Y. Stourdzé, Le pouvoir en miettes in Pour une poignée délectrons, p. 231-233.

25 « Je ne dis pas du tout que je me sens en phase ou non avec ce qui se passe. Je dirais plutôt que je constate des situations qui sont en train de se structurer et que, même si cela me prend à la gorge, je vois se concrétiser de pures hypothèses théoriques. Je suis obligé den tenir compte. Je constate ainsi la capacité que détient un petit nombre de groupes très minoritaires de gérer le temps à travers des grilles et des critères échappant à de vastes et grands collectifs. » Y. Stourdzé, Rhapsodie pour les médias : des classes sociales aux classes de langage in Pour une poignée délectrons, p. 85.

26 Y. Stourdzé, Le statut de lopérateur humain dans les systèmes de communication, in Pour une poignée délectrons, p. 327.

27 « une épidémie de signes se propage au sein de lespace virtuel et développe un abécédaire chaotique doù émerge çà et là le sens dune parole qui se découvre, dune œuvre singulière qui se donne à voir… à lintersection de limaginaire et de lexpérience, “all over the media”, elle signifie sa propre existence à linstant où le système est opératoire, cest-à-dire dès que le network en fait usage ». Christian Vanderborght, Eric Ouzounian, NetWar, un lien inactif est un neurone mort, Sens&Tonka, 2003, p. 29.

28 Y. Stourdzé, Le statut de lopérateur humain dans les systèmes de communication in Pour une poignée délectrons, p. 330.

29 Idem, p. 313.

30 Y. Stourdzé, Les ruines du futur, p. 142.

31 Franck Cormerais, Les Ruines du futur ou la présentation par anticipation de notre avenir in Yves Stourdzé par, p. 175. Voir aussi M. Chopplet, Les Nanotechnologies entre utopie et contre-utopie in La fabrique des nanotechnologies, Quaderni, No 61, automne 2006.

32 Pour reprendre les derniers mots dune note datant du 4 juin 1986. Y. Stourdzé, MARI ou laccouchement dun nouveau monde in les esprits et les choses, p. 49-51.

33 Le Cesta sétait doté dune « didacthèque » ou bibliothèque des logiciels alimentés par les éditeurs, lÉducation nationale, les entreprises. Voir plus particulièrement C. Hermant, Enseigner, apprendre avec lOrdinateur, opus cité. Stourdzé dira de cette didacthèque quelle constitue une « aventure exceptionnelle » et le « seul laboratoire européen » de cette nature. Voir aussi Babel électronique in Les esprits et les choses, p. 31.

34 Y. Stourdzé, le futur des images in les esprits et les choses, p. 45.

35 « La Recherche Image. Enjeux et propositions de développement », 1982. Ministère de la Recherche et de lIndustrie, Cesta ; Ministère de la Communication, Ina, août 1982.

36 « Traitement, Synthèse, Technologies et Applications ». Premier colloque Image, organisé par le Gretsi (Groupe de recherche et détude de traitement du signal) et le Cesta. Biarritz du 21 au 25 mai 1984. Actes en 2 tomes, 1061 pages. – « Traitement, Synthèse, Technologies et Applications ». Second colloque Image, organisé par le Cesta et ACM-Siggraph/France (Special Interest Group in Computer Graphics). Semaine Internationale de limage électronique, Nice 21/25 avril 1986. Actes en 2 tomes, 848 pages.

37 Benoît Mandelbrot, Les fractales : objets mathématiques, modèles physiques et création artistiques in Premier colloque image, opus cité, tome 1, p. 2.

38 Y. Stourdzé Y., MARI ou laccouchement dun nouveau monde in Les esprits et les choses. p. 50.

39 M. Chopplet, C. Hermant, T. Reggazola, Prospective des jeux électroniques dans les réseaux câblés large bande in Revue Réseaux, no 1, 1983.

40 Y. Stourdzé, Les États-Unis et la guerre des communications, in Pour une poignée délectrons, p. 263.

41 Y. Stourdzé, Les ruines du futur, p. 49.

42 Y. Stourdzé, Sphères et labyrinthe in Pour une poignée délectrons, p. 47.

43 Y. Stourdzé, Les ruines du futur, p. 141.

44 Y. Stourdzé, Insécurité et prospective, in Pour une poignée délectrons, p. 241.

45 Y. Stourdzé, Le statut de lopérateur humain dans les systèmes de communication, in Pour une poignée délectrons, p. 316-318.

46 Y. Stourdzé, Supervice et Superscience, Pour une poignée délectrons, p. 177.

47 Y. Stourdzé, Les États-Unis et la guerre des communications, Pour une poignée délectrons, p. 262.

48 Y. Stourdzé, Les ruines du futur, p. 17.

49 Y. Stourdzé, Rhapsodie pour les médias : des classes sociales aux classes de langage in Pour une poignée délectrons, p. 75.

50 Y. Stourdzé, Lenregistrement automatique et la métamorphose des supports, in Pour une poignée délectrons, p. 24.